Les obstacles à la croissance économique du Canada devraient s’atténuer, alors que la Banque du Canada (BdC) continue de réduire les taux d’intérêt de façon plus prononcée et plus rapide que les autres banques centrales des pays avancés. Toutefois, l’amélioration ne sera pas immédiate, et des défis à long terme demeurent.

Le bon côté de la faiblesse de l’économie canadienne (le produit intérieur brut par habitant a diminué pour un sixième trimestre d’affilée au troisième trimestre et le taux de chômage a augmenté d’un point de pourcentage par rapport à l’an dernier) est que les tensions inflationnistes ont fléchi de façon plus manifeste que dans d’autres régions du monde.

En effet, si l’on exclut la hausse des charges d’intérêts hypothécaires (une conséquence directe des relèvements antérieurs des taux d’intérêt), la croissance des prix à la consommation a été essentiellement égale ou inférieure à la cible d’inflation de 2 % de la BdC pour l’année 2024 complète, et s’est établie à 1,4 % en octobre.

Ce contexte a permis à la banque centrale d’assouplir la politique monétaire à un rythme plus rapide que celui à l’étranger. Depuis juin, les taux d’intérêt ont été abaissés de 175 points de base.

L’écart de taux par rapport à la Fed ne devrait pas attiser l’inflation intérieure

Nous nous attendons à ce que la BdC continue de réduire les taux d’intérêt de façon plus énergique que la Réserve fédérale américaine. Ces prévisions s’expliquent par la faiblesse record (inédite depuis les années 1960) de la croissance du PIB par habitant au cours des cinq dernières années, et par un ralentissement plus important du marché du travail.

La situation est très différente aux États-Unis. L’économie américaine tient le coup principalement en raison d’un déficit budgétaire public exceptionnellement élevé à ce stade du cycle économique (cliquez ici pour en savoir plus), d’une sensibilité moindre aux taux d’intérêt et d’un fort soutien de la productivité qui alimente la croissance économique, mais également l’inflation. Ces facteurs sont importants sur le plan absolu, mais encore plus en comparaison de la situation au Canada, où la sensibilité aux taux d’intérêt est considérablement plus élevée et où la productivité a constamment déçu.

Cette divergence en matière d’économie et de politique, alliée au risque de protectionnisme des États-Unis, devrait peser sur la valeur du dollar canadien. Toutefois, nous avons soutenu plus tôt cette année qu’une monnaie plus faible n’entraîne pas nécessairement une hausse de l’inflation générale, ni n’empêche un écart significatif entre les taux directeurs des banques centrales lorsque les perspectives de croissance économique divergent.

Il s’avère que la plupart des produits consommés par les ménages ne sont pas importés. Les importations de biens de consommation (hors automobiles) représentent moins de 10 % des dépenses totales des ménages. De plus, les pressions désinflationnistes attribuables à une économie canadienne généralement plus maussade l’emportent sur les poussées inflationnistes dues à l’incidence d’une monnaie plus faible sur les coûts d’importation.

Un affaiblissement du huard améliore également la compétitivité des exportations du Canada. Nous ne nous attendons pas à ce que cela se traduise par une vague d’investissements des entreprises, mais il s’agit d’un élément légèrement favorable aux exportations canadiennes et aux flux des investissements directs étrangers, qui se sont déjà redressés en 2024.

Les vents favorables liés à la croissance démographique se transforment en vents contraires…

La forte croissance de la population au Canada (en hausse de 10 % depuis 2019) a permis d’éviter une chute pure et simple du PIB canadien, mais la production par habitant a diminué comme elle l’aurait fait dans le passé en période de récession.

Ce soutien apporté par la croissance démographique est sur le point de faire volte-face. Le plan du gouvernement fédéral visant à réduire le nombre de nouveaux arrivants devrait essentiellement annuler toute la croissance démographique auparavant prévue pour les années à venir. On ne sait pas encore quelle sera l’incidence finale sur la population, mais une baisse est attendue. Ainsi, l’évolution démographique, qui était favorable, deviendra défavorable.

… mais le ralentissement du PIB par habitant du Canada semble sur le point de prendre fin

Nous prévoyons que la croissance du PIB par habitant cessera de ralentir d’ici le milieu de 2025.  Les changements de taux d’intérêt se répercutent sur l’économie avec un important décalage, et les paiements de dettes des ménages devraient encore croître au cours de l’année à venir puisque les hypothèques à taux fixe contractées durant la pandémie, alors que les coûts d’emprunt étaient extrêmement bas, continuent d’être renouvelées à des taux plus élevés.

Malgré tout, les secteurs de l’économie sensibles aux taux d’intérêt ont montré des signes de redressement. L’investissement résidentiel a connu une hausse au troisième trimestre, la première en quatre trimestres. La vague de renouvellements hypothécaires sera surmontable, tant que le marché du travail ne faiblit pas trop.

Et même si le ralentissement du marché du travail au Canada n’est probablement pas encore terminé, nous prévoyons que le taux de chômage culminera à 7 % avant de commencer à fléchir plus tard l’an prochain. Dans ce contexte, la longue décélération de la croissance du PIB par habitant au Canada devrait prendre fin d’ici le milieu de 2025.

Nous ne nous attendons pas à ce que le Canada soit la principale cible des nouveaux tarifs douaniers américains

La menace de nouveaux tarifs douaniers brandie par la prochaine administration américaine accroît le risque d’un repli de la croissance en 2025. D’éventuels droits de douane de 25 % imposés sur tous les produits provenant du Canada et du Mexique auraient un impact économique trop grave pour être réalistes. Essentiellement, ces tarifs rendraient l’écosystème manufacturier nord-américain non concurrentiel par rapport aux chaînes logistiques à l’étranger.

Au moment de la rédaction du présent document, nous pensons qu’une forme de résolution négociée visant à apaiser les préoccupations des États-Unis (comme la sécurité frontalière et le trafic de drogues illicites plutôt que des doléances commerciales) constitue un scénario de base plus raisonnable que la mise en œuvre de à grande échelle.

Ce ne sera toutefois pas la dernière fois que des tarifs sont utilisés comme leviers de négociation, et il y a un risque de mesures ciblées visant des produits et des secteurs précis, comme les tarifs de 2018 sur l’acier et l’aluminium canadiens. La première administration Trump a recouru à maintes reprises à des menaces tarifaires pour résoudre des griefs externes. Et bien que ces menaces tarifaires semblent irréalistes, elles ajoutent encore à l’incertitude qui entoure les perspectives et pourraient peser sur les investissements, déjà faibles, des entreprises canadiennes [add link to FMM].

La baisse des taux d’intérêt ne résoudra pas les défis à long terme liés à la démographie et à la productivité

Il y a des raisons d’être optimiste à l’égard des perspectives économiques pour l’année à venir, alors que les banques centrales continuent de réduire les obstacles à l’économie. Toutefois, les problèmes à long terme liés au vieillissement de la population et à la faible croissance de la productivité risquent de s’aggraver avant de s’améliorer.

Le récent changement de cap du gouvernement fédéral en matière de politique d’immigration pourrait contribuer à court terme à ce que l’offre dans certains secteurs, en particulier le logement, rattrape la demande excédentaire. Cependant, ce virage aura également pour effet d’accélérer le vieillissement de la population et de creuser le déficit de financement du gouvernement, alors que la demande de services publics (comme les soins de santé) continue d’augmenter et surpasse l’assiette fiscale relative en proportion de la population.

De plus, comme nous l’avons déjà mentionné, l’économie du Canada a un problème de croissance à long terme qui fait en sorte que notre production par habitant est nettement à la traîne de celle des autres grandes économies. Notre productivité relativement faible, soit la production et les revenus générés par heure travaillée au sein de l’économie, a été freinée par un déficit d’investissement des entreprises.

À l’avenir, le risque est que les faibles niveaux d’investissement des entreprises persistent. La baisse des taux d’intérêt contribuera à réduire les coûts de financement, mais la menace de perturbations commerciales accroît l’incertitude qui entoure les rendements futurs des projets.

Aperçu provincial

L’Ontario (1,1 %) et le Québec (1,2 %) restent au bas de notre classement des taux de croissance provinciaux. Les prévisions de taux de croissance s’améliorent cependant par rapport à 2024, le repli de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt ayant favorisé une reprise dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt.

La Colombie-Britannique devrait progresser plus vigoureusement, sa croissance passant à 1,4 % l’an prochain contre 0,9 %. La baisse des coûts d’emprunt et la reprise de l’activité sur le marché du logement seront des facteurs importants, et les perspectives plus favorables en matière de gaz naturel feront passer la croissance au-dessus de la moyenne nationale.

La croissance dans les Prairies devrait rester stable en 2025. L’utilisation de nouvelles infrastructures et la hausse attendue des prix de la potasse devraient soutenir une croissance stable en Alberta (2,7 %) et en Saskatchewan (1,9 %), et la diversité des industries aider le Manitoba (1,4 %) à faire face aux nouveaux défis. Les Prairies figurent parmi les provinces les mieux placées pour s’adapter au ralentissement de la croissance de la demande aux États-Unis

Dans l’Est, la plupart des économies fléchissent parallèlement à la croissance démographique, et à mesure que les grands projets d’investissement du gouvernement arrivent à leur terme. Mais l’expansion économique restera supérieure à la moyenne nationale dans la majorité de la région. Seul le Nouveau-Brunswick (1 %) échappe à la tendance en raison de la faiblesse des dépenses des ménages et de la forte dépendance à l’égard de la demande américaine qui freinent la croissance.

COLOMBIE-BRITANNIQUE – La croissance s’accélérera, malgré l’émergence de nouveaux risques

L’économie de la Colombie-Britannique devrait rebondir en 2025, malgré de nouveaux défis à relever. La confiance des consommateurs a commencé à se rétablir après avoir atteint des creux historiques, les baisses de taux d’intérêt stimulant l’activité. Les perspectives s’améliorent également pour les principales marchandises de la province, comme le gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui est de bon augure pour les exportations au cours des prochains trimestres.

Après une année relativement difficile, le produit intérieur brut réel de la Colombie-Britannique devrait croître de 1,5 % en 2025, dépassant la moyenne canadienne de 1,2 %. La réduction des cibles d’immigration et les tarifs douaniers proposés par le futur gouvernement américain font toutefois peser d’importants risques de baisse sur les perspectives.

La baisse des taux d’intérêt a une incidence positive sur la confiance des consommateurs, comme en témoigne la reprise de l’activité sur le marché du logement et le ralentissement du repli des dépenses par habitant. Bien que les dépenses d’une année sur l’autre demeurent en recul, ces tendances laissent entrevoir une amélioration graduelle qui, à notre avis, se renforcera à mesure que les taux d’intérêt diminueront. Cette évolution compensera les tensions financières accrues auxquelles seront soumis certains ménages qui renouvelleront leurs prêts hypothécaires à des taux plus élevés.

Nous anticipons également un resserrement des marchés du travail au cours de l’année à venir, ce qui maintiendra une pression à la hausse sur les salaires. Cette situation, conjuguée à une inflation maîtrisée, devrait contribuer à restaurer la parité des pouvoirs d’achat, favorisant ainsi une accélération des dépenses par habitant l’an prochain.

Les exportations devraient constituer une autre source de croissance pour la province. La perspective de chocs d’offre et l’utilisation de nouvelles infrastructures, comme l’oléoduc Trans Mountain récemment agrandi et l’installation d’exportation de GNL qui sera bientôt achevée (phase 1), devraient donner un coup de fouet aux exportations d’énergie et à la production de gaz naturel en 2025. Nous prévoyons que les prix du gaz naturel augmenteront de près de 50 % l’an prochain, ce qui augure bien pour le secteur des ressources naturelles.

La réduction des cibles d’immigration représente un risque de baisse notable, qui pourrait avoir des répercussions particulièrement fortes sur l’économie de la Colombie-Britannique. La province est l’une des rares à afficher un taux de natalité négatif et un déficit migratoire interprovincial, ce qui signifie que l’accroissement de la population dépend entièrement des immigrants internationaux. Un exode plus important que prévu des immigrants internationaux pourrait entraîner une croissance démographique négative l’année prochaine. Bien que cela semble improbable, nous sommes conscients qu’une stagnation de la population pèserait sur la croissance globale de la Colombie-Britannique.

ALBERTA – Le secteur énergétique propulse la croissance provinciale

L’Alberta devrait maintenir une croissance économique relativement stable de 2,8 %, se classant en tête des provinces canadiennes en 2025. Nous nous attendons à ce que le secteur énergétique continue d’alimenter la croissance, puisque l’oléoduc Trans Mountain agrandi a dépassé les attentes et avait déjà presque atteint sa capacité maximale à la fin de l’année.

L’année 2025 sera la première année complète d’activité du pipeline Trans Mountain agrandi, ce qui favorisera une hausse continue de la production pétrolière. Le transport plus rapide du pétrole de l’Alberta vers les ports encouragera la création de nouveaux partenariats d’exportation, tandis que l’affaiblissement du dollar canadien par rapport au dollar américain renforcera la demande de pétrole albertain.

Depuis la pandémie, l’économie de l’Alberta a toujours été l’une des plus solides au Canada. Grâce à la robustesse des marchés des marchandises et à la forte croissance démographique, la demande et la production ont maintenu un rythme soutenu. Il en a découlé un marché de l’emploi relativement florissant et une confiance à l’égard des investissements des entreprises.

En 2025, bon nombre de ces vents arrière s’estomperont, mais ils ne disparaîtront pas. L’utilisation de nouvelles infrastructures et la baisse des taux d’intérêt devraient aussi compenser les pressions exercées par le ralentissement de la croissance démographique et l’incertitude grandissante à l’égard du commerce.

La croissance démographique ne ralentit pas aussi fortement que dans d’autres provinces, mais il ne fait aucun doute qu’elle décrochera de son sommet de 43 ans. L’expansion démographique devrait demeurer la plus forte au pays l’an prochain, car l’avantage de la province sur le plan de l’accessibilité et le dynamisme des entreprises continuent d’attirer les migrants interprovinciaux, ce qui soutient la demande.

La baisse des taux d’intérêt devrait aussi aider le secteur des ménages, alors que la dette de certains Albertains s’allège. À notre avis, ce facteur dynamisera les dépenses par habitant, favorisant une augmentation de 2.1 % des ventes au détail après une année particulièrement faible au chapitre des dépenses.

La vigueur des marchés des marchandises est également de bon augure pour les entreprises de la province. L’achèvement du projet d’expansion de Trans Mountain ce printemps, dont les flux de pétrole approchent déjà de leur capacité maximale, stimule la production et favorise une forte progression des exportations (6,1 % en cumul annuel).

Le transport plus rapide des produits énergétiques de l’Alberta vers les ports de chargement devrait encourager la création de nouveaux partenariats d’exportation. Le risque lié aux tarifs douaniers potentiels des États-Unis s’en trouvera donc réduit, tout comme l’écart de prix entre le Western Canadian Select et le West Texas Intermediate.

SASKATCHEWAN – En bonne position dans un contexte d’incertitude accrue

La croissance économique de la Saskatchewan est sur le point de s’accélérer. Nous prévoyons une hausse de 1,9 % du PIB réel en 2025, par rapport à notre estimation précédente de 1,5 %.

Une modeste remontée des prix des engrais et d’importants projets de construction en cours augurent bien pour les entreprises. Les réductions de taux d’intérêt plus marquées que prévu et l’inflation maîtrisée devraient également favoriser les dépenses des ménages, ce qui maintiendra la croissance de la Saskatchewan au-dessus de la moyenne canadienne pour une quatrième année consécutive.

Les perspectives économiques de la Saskatchewan demeurent favorables malgré l’incertitude accrue au Canada. Grâce à la construction en cours de projets importants, comme la phase 1 de la mine de potasse Jansen (10,6 G$), le secteur de la construction demeurera vigoureux, générant des milliards de dollars d’investissement l’an prochain.

Les prix de la potasse devraient également connaître une légère hausse en 2025, vu l’amélioration de la stabilité du marché mondial des engrais. Une relation commerciale plus tumultueuse avec les États-Unis risque d’assombrir en partie ces perspectives, mais les marchés d’exportation de la Saskatchewan comptent parmi les plus diversifiés, ce qui positionne l’économie favorablement dans un contexte d’incertitude commerciale croissante.

Les entreprises de la Saskatchewan sont parmi les plus optimistes et seulement 10 % d’entre elles ont dit prévoir une demande insuffisante de biens et de services au prochain trimestre. Ce résultat est bien inférieur à celui de 17 % à l’échelle nationale, selon l’enquête de Statistique Canada sur les obstacles commerciaux. Une reprise de l’activité des entreprises ouvre la voie à un resserrement des marchés du travail et à une plus forte croissance des salaires au cours de l’année à venir.

Cette évolution, ainsi que la baisse des taux d’intérêt, devrait entraîner une plus grande utilisation des cartes de crédit, ce qui soutiendra la croissance des dépenses des ménages en 2025.

MANITOBA – Vigueur au sein d’une économie diversifiée

Nous prévoyons que l’économie du Manitoba progressera un peu plus vite en 2025, passant d’un taux de 1,2 % à 1,4 %. Les investissements publics dans le secteur de la construction demeurent un facteur essentiel, stimulés par d’ambitieux plans de dépenses en immobilisations.

De nouvelles baisses des taux d’intérêt seront également favorables, améliorant les conditions d’investissement pour les entreprises privées et les ménages plus tard dans l’année.

Ces gains pourraient être atténués en partie par des négociations commerciales imminentes et l’affaiblissement de la demande des États-Unis. Toutefois, la diversité des secteurs d’activité et des partenariats d’exportation procurera une protection contre les nouveaux défis.

Le secteur manufacturier du Manitoba devrait s’améliorer l’an prochain, car une baisse de l’inflation entraîne une plus grande stabilité des prix des intrants et une modeste reprise économique au pays stimule la demande. Grâce à sa large gamme de destinations d’exportation, la province est bien placée pour résister aux pressions externes. La lenteur de la reprise en Ontario, qui constitue une source essentielle de la demande de biens fabriqués au Manitoba, pourrait toutefois empêcher une amélioration plus significative de la croissance.

La construction demeurera un pilier de la performance économique du Manitoba. La poursuite de projets gouvernementaux de grande envergure, présentés dans le budget 2024, constituera une importante source de création d’emplois. Cela favorisera une modeste reprise de l’emploi l’an prochain et empêchera probablement un ralentissement marqué du marché.

La province pourrait aussi bénéficier d’un léger bond de son secteur minier. Ses principales exportations de métaux, l’or et le cuivre, devraient connaître une hausse des prix en 2025, alors que la demande de la Chine se redresse et que la faiblesse de l’offre soutient la tendance haussière des prix. Les perspectives plus instables du secteur canadien de l’automobile pourraient toutefois atténuer les gains, car la demande de certains intrants clés des batteries est liée à la performance du secteur.

ONTARIO – Des pressions externes pèseront sur la croissance

L’économie de l’Ontario devrait connaître une légère amélioration en 2025. On s’attend à ce que la baisse des taux d’intérêt allège les pressions financières pour certains Ontariens, appuyant ainsi une modeste accélération des dépenses de consommation après une longue période d’austérité. Le marché du logement, qui a déjà pris un tournant, devrait aussi regagner plus de terrain.

Néanmoins, les défis structurels et les risques externes limiteront le rythme de la reprise en Ontario. Les objectifs d’immigration plus stricts que prévu et les investissements décevants des entreprises pèseront davantage sur le dynamisme économique global que ce à quoi nous nous attendions. Par conséquent, nous avons abaissé de 50 points de base notre prévision de croissance pour 2025, qui passe à 1,2 %.

La réduction des taux d’intérêt libère enfin de l’espace dans le budget de certains ménages, ce qui permet à la demande accumulée des consommateurs de refaire surface. Selon nos données sur l’activité des titulaires de cartes de crédit, les ventes au détail ont atteint un point d’inflexion à la fin de 2024. Les dépenses d’une année sur l’autre sont revenues en territoire positif après deux trimestres consécutifs de baisse annuelle.

Le marché ontarien du logement a aussi connu une reprise de l’activité et une stabilisation des prix, alors que les coûts d’emprunt chutent. Cette évolution ouvre la voie à une modeste hausse des prix au cours de l’année à venir. Les chèques d’aide des gouvernements fédéral et provincial donneront également un coup de pouce, injectant près de 4 milliards de dollars dans l’économie l’an prochain.

Cependant, les ménages ne bénéficieront pas tous d’une atténuation des pressions financières. Le rajustement des taux hypothécaires continuera de nuire à de nombreux ménages de l’Ontario qui renouvelleront leurs hypothèques à des taux plus élevés. Nous croyons que ce facteur annulera en partie les gains liés à l’assouplissement de la politique monétaire, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous prévoyons que la croissance restera limitée au cours de l’année à venir.

La reprise en Ontario sera probablement plus lente du côté des entreprises. Les ventes manufacturières ont été durement touchées et demeuraient orientées à la baisse au troisième trimestre (-5,8 % en cumul annuel). Le regain de confiance des consommateurs au pays contribuera à limiter de nouvelles baisses de la demande de produits fabriqués en Ontario, mais il ne suffira pas à éclipser entièrement les défis externes.

Dans le passé, les marchés étrangers ont représenté la majeure partie de la demande de produits ontariens, dont 80 % environ étaient destinés aux États-Unis. Par conséquent, le ralentissement de l’activité économique aux États-Unis et la menace d’imposition de nouveaux tarifs douaniers risquent de plomber les exportations l’an prochain et de freiner encore davantage les investissements léthargiques dans la province.

Québec : La prochaine étape de la reprise pourrait être difficile

L’économie québécoise bénéficie des retombées de la reconstruction amorcée en 2024, alors que la reconstruction du Canadien de Montréal reste laborieuse.

En raison de l’amélioration de la demande interne et de la stabilité de la demande externe, la croissance a presque doublé par rapport à la maigre progression de 0,6 % enregistrée en 2023. L’étape suivante sera toutefois plus difficile à atteindre. Nous nous attendons à ce que les obstacles liés à l’incertitude entourant les échanges commerciaux et à la réduction de l’immigration retardent la reprise en 2025. Nous prévoyons que la croissance n’augmentera que légèrement, passant de 1,1 % en 2024 à 1,2 % en 2025.

Certes, l’économie repose sur des bases plus solides à l’aube de 2025 qu’à la fin de 2023. La croissance démographique la plus forte depuis la fin des années 1950 a dynamisé les dépenses des ménages, tandis qu’une série de réductions des taux d’intérêt a placé le marché du logement sur une trajectoire de reprise durable. La baisse du dollar canadien vient en aide aux exportateurs québécois, en particulier ceux des secteurs des produits industriels (y compris l’aérospatiale) et des biens de consommation (y compris l’alimentation). Il y a un an, des grèves de grande ampleur dans les secteurs de l’éducation et de la fonction publique ont constitué des tensions importantes qui ont entravé l’activité dans l’ensemble de l’économie.

La campagne de réduction des taux de la Banque du Canada stimulera davantage les secteurs sensibles aux taux d’intérêt au cours de la prochaine année. Nous prévoyons que les ventes de véhicules automobiles et d’autres articles coûteux augmenteront, que les reventes de logements dépasseront les solides niveaux d’avant la pandémie et que la construction domiciliaire prolongera le rebond de 2024.

La faiblesse persistante du huard devrait normalement maintenir un cadre favorable aux exportateurs provinciaux. Toutefois, la menace d’imposition de tarifs douaniers américains rendra le climat encore plus incertain et le parcours cahoteux.

Les perspectives d’investissement en capital se sont assombries. La construction d’une usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques d’une valeur de sept milliards de dollars, dont le lancement était prévu pour 2025, est retardée. Nous nous attendons à ce que les dépenses d’investissement non résidentiel perdent de leur vigueur après quatre années de fortes hausses.

Un autre changement de tendance potentiellement plus important sera le ralentissement de la croissance démographique. Les réductions substantielles des cibles d’immigration pourraient paralyser la croissance démographique du Québec en 2025, ce qui freinerait considérablement l’un des principaux moteurs de l’activité économique.

NOUVEAU-BRUNSWICK – Défis liés à la dépendance aux É.-U.

La croissance au Nouveau-Brunswick devrait ralentir légèrement pour s’établir à 1 % l’an prochain, par rapport à un niveau déjà modeste de 1,1 % en 2024. Elle demeurera ainsi au bas de notre classement des taux de croissance provinciaux.

La forte dépendance à l’égard de la demande américaine, le ralentissement de la croissance démographique et la faiblesse des dépenses des ménages sont d’importants facteurs qui assombrissent les perspectives pour 2025.

Le Nouveau-Brunswick entretient des liens commerciaux étroits avec les États-Unis, qui représentent son plus vaste et plus important marché d’exportation international. Cette relation alimente depuis longtemps le moteur économique de la province, mais elle pourrait exposer le Nouveau-Brunswick à d’éventuelles turbulences. À mesure que l’économie américaine s’essouffle, la demande de certaines exportations diminuera vraisemblablement , exerçant des pressions additionnelles sur ses principaux secteurs liés aux ressources.

Une dépréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain pourrait également ne pas être très utile à la croissance provinciale. Bien qu’elle puisse réduire les coûts des intrants pour les importateurs américains, le ralentissement de la croissance aux États-Unis risque de contrebalancer ce gain, ce qui se traduira par un faible apport à la croissance globale.

On ne s’attend pas à ce que la construction résidentielle au Canada prenne le relais. Nous prévoyons que les mises en chantier demeureront relativement inchangées à 48,800 au cours de l’année à venir, ce qui limitera la demande de produits forestiers du Nouveau-Brunswick.

Les dépenses des ménages, un autre moteur essentiel de la croissance, devraient également rester atones. Les ménages du Nouveau-Brunswick sont les moins endettés au pays, ce qui a protégé la demande des consommateurs pendant la période de taux d’intérêt élevés. Toutefois, cette caractéristique laisse supposer une moins grande demande refoulée susceptible d’entraîner un solide rebond dans le secteur des ménages. Nous croyons que la consommation demeurera relativement modérée, même si l’inflation s’apaise et que les taux d’intérêt continuent de baisser. Le ralentissement de la croissance démographique pourrait exacerber encore cette situation.

NOUVELLE-ÉCOSSE : La croissance continuera de ralentir

La Nouvelle-Écosse devrait rester en milieu de peloton dans notre classement de la croissance en 2025. Elle connaîtra une expansion relativement stable de 1,5 %, dépassant ainsi la moyenne nationale pour une autre année.

Alors que la croissance démographique ralentit, la vigueur du secteur de la construction et l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages continueront à soutenir la dynamique économique.

L’économie de la Nouvelle-Écosse a maintenu un rythme de croissance modérée en 2024, et nous estimons qu’en 2025, la tendance à la décélération observée depuis 2021 se poursuivra. La forte expansion démographique, facteur essentiel de la vigueur économique récente, est en train de s’atténuer après avoir atteint des sommets records. Ce ralentissement, associé à la disparition des effets de la reprise post-pandémique, devrait modérer les gains économiques liés à l’activité de construction, ce qui entraînera une croissance globale en deçà de son niveau maximal.

Les investissements en capital des secteurs public et privé, dont une grande partie a été provoquée par l’essor démographique, continueront de soutenir la croissance, mais probablement à un rythme plus lent qu’en 2024. Les contraintes liées à l’offre dans le secteur de la construction limiteront les gains supplémentaires dans le domaine de la construction résidentielle. Pendant ce temps, les dépenses en immobilisations du gouvernement pourraient diminuer après avoir atteint des niveaux records, à mesure que et que le retard d’exécution des projets d’infrastructure est rattrapé.

Le nombre élevé de projets de construction a également eu une incidence positive sur le marché du travail de la province en faisant augmenter les emplois dans le secteur de la construction et en limitant la hausse générale du chômage. Le taux de chômage de la Nouvelle-Écosse est resté inférieur à celui de l’Ontario pendant la majeure partie de 2024. Il s’agit d’un phénomène rare qui ne s’était pas produit depuis des décennies (exception faite de la pandémie).

La forte croissance des salaires réels, la plus rapide au Canada, accroîtra le pouvoir d’achat des ménages. Cette situation, conjuguée à la baisse des taux d’intérêt, devrait permettre d’amortir le ralentissement de la croissance démographique et de soutenir les dépenses de consommation.

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD : La dynamique économique s’essouffle

Nous avons abaissé nos prévisions de croissance pour l’Île-du-Prince-Édouard en 2024, qui sont passées de 2,1 % à 1,8 %, reflétant des recettes agricoles plus faibles que prévu et une diminution plus marquée des ventes au détail.

Nous prévoyons que l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard continuera de ralentir en 2025 et que la croissance du PIB réel sera de 1,6 %. Le ralentissement de la croissance démographique devrait avoir des effets d’entraînement se traduisant par une réduction des dépenses des ménages. La faiblesse des gains des principaux partenaires commerciaux – comme l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et les États-Unis – freinera la croissance des exportations et du tourisme.

Au cours des dernières années, l’Île-du-Prince-Édouard a prospéré grâce à une croissance démographique en plein essor et à une sensibilité relativement faible aux variations de taux d’intérêt. Ces facteurs ont alimenté la demande dans l’ensemble de l’économie, tant pour le logement que pour les projets d’infrastructure. Nous prévoyons que ces segments continueront de soutenir l’économie en 2025, mais la dynamique devrait s’atténuer.

La croissance des recettes provenant des cultures et du bétail, qui s’est accélérée considérablement ces dernières années, est en passe de connaître une baisse modérée cette année. Cette évolution s’explique en partie par la baisse de l’inflation. Nous estimons qu’une tendance similaire prédominera jusqu’en 2025, alors que les versements des fonds de rétablissement de l’ouragan Fiona continueront à diminuer.

Les perspectives commerciales contrastées entraînent également une modération des attentes en matière d’exportations. La vigueur du dollar américain pourrait profiter au commerce de l’Île-du-Prince-Édouard, mais l’affaiblissement de la demande des États-Unis risque d’entraver les principales exportations, y compris l’agroalimentaire, étant donné qu’un ralentissement cyclique aux États-Unis pèse sur les dépenses de restauration.

La faiblesse du marché de l’emploi en Ontario, où réside près d’un tiers des visiteurs de l’Île-du-Prince-Édouard, n’apportera pas non plus d’amélioration spectaculaire à l’industrie du tourisme l’an prochain.

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR – Toujours en train de rattraper le terrain perdu

Nous revoyons à la hausse nos prévisions de croissance pour Terre-Neuve-et-Labrador en 2024 et les faisons passer de 1,5 % à 2,2 %, car l’économie montre des signes réjouissants de vigueur après deux années consécutives de croissance négative du PIB réel.

Les consommateurs ont été étonnamment actifs cette année et la reprise des activités des plateformes pétrolières en mer a stimulé la production de pétrole. Cependant, d’autres segments de l’économie, comme la construction et le secteur minier, ont connu des faiblesses, empêchant l’annulation totale de deux années de croissance négative.

En 2025, nous anticipons un ralentissement de la croissance à 1,7 %, en raison de l’achèvement des grands projets de construction, ce qui devrait peser sur le marché du travail. La baisse des prix des principaux produits de base, comme le pétrole et certains minéraux, constituera également un frein.

La production de pétrole devrait légèrement croître cette année, interrompant ainsi trois années consécutives de baisse, puisque l’unité flottante de Terra Nova continue d’augmenter sa production après que des travaux d’entretien ont été effectués. Cette tendance devait se poursuivre jusqu’en 2025. Mais la baisse des prix pétroliers pourrait freiner la production malgré l’augmentation de la capacité.

Le secteur minier de la province n’ajoutera peut-être pas grand-chose au PIB non plus. Les prix des principales exportations de minerais, à savoir le fer et le nickel, devraient baisser en 2025 en raison de l’augmentation de l’offre mondiale. Nous pensons que cette situation pèsera sur la production des principaux minéraux, malgré les modestes augmentations de capacité résultant de l’expansion de la mine de Voisey’s Bay en 2025.

L’achèvement de grands projets de construction minière devrait faire grimper le taux de chômage au cours des prochains trimestres. Nous pensons que cela freinera les dépenses des ménages après une année particulièrement faste.

Tableaux détaillés des prévisions:

Détail des prévisions économiques
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Tableaux des prévisions provinciales
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À propos des auteurs

Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

Abbey Xu est économiste à RBC. Elle travaille sur les modèles macroéconomiques utilisés dans les processus de provision pour prêts douteux et de simulation de crise de la Banque. Elle est titulaire d’une maîtrise en économie d’entreprise et d’un baccalauréat en économie de l’Université Wilfrid Laurier.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.