Points importants

  • Les programmes d’aide devraient être maintenus afin que l’économie continue de fonctionner jusqu’à la fin de la pandémie.
  • L’amélioration substantielle des perspectives économiques fait paraître excessives les dépenses de 70 à 100 milliards de dollars consacrées à la relance.
  • Les dépenses consacrées à la relance devraient viser principalement la garde d’enfants, la formation, ainsi que les infrastructures numériques et vertes.
  • Avant d’engager de nouvelles dépenses, il faut tenir compte de la viabilité de la dette ; les investisseurs et les agences de notation surveilleront cela de près.
  • Le gouvernement ne devrait pas adopter des hausses d’impôts susceptibles de freiner la reprise.

Soutenir la reprise après avoir comblé l’écart…

L’exercice en cours (2021-2022) sera un exercice de transition. Il s’est amorcé alors que de nombreuses provinces étaient aux prises avec une troisième vague de cas de COVID-19 et devaient resserrer leurs mesures de confinement. Le gouvernement ne s’est pas restreint dans les dépenses pour tenter de contrebalancer les conséquences négatives des restrictions, et certains des programmes d’aide qu’il a mis en place viendront à échéance avant le redémarrage complet de l’économie. Il ne serait donc pas étonnant que le budget de 2021 prévoie une reconduction des subventions salariales et pour le loyer (SSUC et SUCL), ainsi que de l’aide financière aux travailleurs indépendants (PCRE).

Ces programmes seront probablement réduits peu à peu au cours de l’exercice, mais l’arrêt définitif de ceux-ci semble peu probable à ce stade. La facture du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 pour l’exercice 2021-2022 devrait dépasser les 51 milliards de dollars annoncés dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020 (l’« Énoncé économique de 2020 »), mais elle reste relativement petite en comparaison des 275 milliards de dollars prévus pour l’exercice 2020-2021.

Le retrait graduel des programmes d’aide onéreux, mais nécessaires, destinés aux ménages et aux entreprises ne signifie pas que les dépenses sont finies pour le gouvernement. Au contraire, pendant l’exercice 2021-2022, il réorientera vraisemblablement son plan d’intervention de manière à stimuler la reprise, en mettant en œuvre des mesures de relance ciblées de l’ordre de 70 à 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Ces dépenses avaient été annoncées, mais n’avaient pas été attribuées dans l’Énoncé économique de 2020.

L’amélioration des perspectives économiques a battu en brèche l’argument en faveur de mesures de relance d’une valeur de 3 à 4 % du PIB ; la propension du gouvernement à dépenser n’a toutefois probablement pas changé. Même si les revenus pourraient dépasser les attentes (dans la mesure où l’économie se redresse), ils ne suffiront pas à financer les dépenses. Le gouvernement devrait plutôt envisager de réaffecter les fonds d’autres programmes pour éviter d’alourdir considérablement sa dette. Il serait également bon de privilégier des programmes susceptibles de stimuler l’économie à long terme et de générer des revenus supplémentaires au fil du temps. Quoi qu’il en soit, il sera nécessaire d’adopter une approche prudente et ciblée, étant donné les risques inhérents à la manière dont les initiatives visant à améliorer la croissance fonctionnent en réalité.

Ainsi, nous nous attendons à ce que les services de garde d’enfants et l’apprentissage précoce soient une priorité clé dans le budget de 2021. La compétence des provinces en la matière limite la capacité du gouvernement fédéral de mettre en œuvre une stratégie nationale, de sorte que l’accroissement du financement actuel (qui est inférieur à 1 milliard de dollars par année) accordé aux provinces, aux territoires et aux groupes autochtones devient probablement la façon la plus simple d’améliorer l’accès à des services de garde abordables. Des politiques bien pensées en matière de garde d’enfants pourraient favoriser la participation des femmes au marché du travail et, du même coup, stimuler la croissance et accroître les recettes fiscales.

D’autres initiatives visant à soutenir la reprise pourraient inclure un financement temporaire pour combler les manques de compétences, d’investissements et d’infrastructures qui ont été mis en évidence ou exacerbés par la pandémie. Par exemple, des investissements ayant pour but de dispenser une formation pour lutter contre le chômage de longue durée et l’inadéquation des compétences (en particulier pour les secteurs des services durement touchés), d’améliorer l’accès à Internet et d’encourager l’adoption des technologies au sein des entreprises pourraient très bien contribuer à accroître le potentiel de production de l’économie. Des fonds supplémentaires pourraient par ailleurs être affectés aux infrastructures énergétiques et aux technologies propres, dans la foulée du Plan de croissance de 10 milliards de dollars de la Banque de l’infrastructure du Canada annoncé en octobre.

Ces mesures viendraient en fait s’ajouter au financement de 7,2 milliards de dollars récemment annoncé par la ministre des Finances, Mme Freeland, à l’intention des provinces, des territoires et des municipalités pour les dépenses liées aux soins de santé, à la vaccination et aux infrastructures locales. Elles pourrait ajouter des milliards de dollars à un déficit budgétaire qui devait déjà dépasser 5 % du PIB au cours de l’exercice 2021-2022.

… tout en surveillant la viabilité de la dette et en évitant les hausses d’impôts

L’exercice en cours sera marqué par une amélioration considérable de l’économie canadienne. La croissance a étonnamment bien tenu le coup pendant la deuxième vague de la COVID-19, et bien qu’une troisième vague assombrisse les perspectives à court terme, nous croyons que l’accélération des campagnes de vaccination redonnera de l’élan à l’économie au cours de l’été. Les prévisions de RBC relatives à la croissance du PIB nominal en 2021 sont de 9,5 %, comparativement à 6,9 % dans l’Énoncé économique de 2020. Même si les taux d’intérêt sont légèrement plus élevés, l’amélioration de la conjoncture économique devrait entraîner une hausse du résultat net du gouvernement de 12 à 15 milliards de dollars.

Selon nos prévisions, l’économie fonctionnera près de sa pleine capacité à cette période-ci l’an prochain, soit beaucoup plus tôt que le laissait entrevoir l’Énoncé économique de 2020. La résorption de l’écart de production est le signe qu’attend la Banque du Canada pour savoir quand commencer à réduire la relance monétaire. Nous pensons que le gouvernement adoptera une approche similaire pour évaluer le montant et l’échéancier de la relance budgétaire. Les « glissières de sécurité » du gouvernement sur le plan budgétaire (emploi, chômage et heures travaillées) sont des indicateurs subséquents et laissent beaucoup de place à l’interprétation. Au moins, en clarifiant la façon dont elles fonctionneront, on saura mieux si des dépenses supplémentaires sont réellement nécessaires.



Cette question est d’autant plus importante du fait que des dépenses de relance excessives pourraient intensifier les tensions inflationnistes, exercer une pression à la hausse sur les taux d’intérêt, évincer l’investissement privé et mettre en péril la viabilité de la dette. Quant à ce dernier point, selon les projections présentées par le gouvernement dans l’Énoncé économique de 2020, des dépenses de relance de l’ordre de 100 milliards de dollars pourraient faire augmenter le ratio dette/PIB à pas moins de 58,5 % au cours des prochaines années, soit à peu près aux mêmes niveaux qu’en 1991. Rappelons que cette époque n’a pas vraiment été glorieuse pour le gouvernement fédéral au chapitre des finances. Encore une fois, des initiatives comme celles liées à la garde d’enfants, qui stimulent la production économique à long terme et qui pourraient finir par ne rien coûter au fil du temps, devraient constituer une priorité.

Bien que le contexte de faiblesse des taux d’intérêt, même en tenant compte d’une possible augmentation cyclique au cours des prochaines années, rende le niveau actuel d’endettement supportable, on ne saurait faire preuve de complaisance à l’égard du déficit. Le Canada devrait envisager d’établir une nouvelle cible budgétaire pour éviter de perdre la confiance des investisseurs et des agences de notation, et le plus tôt sera le mieux.

L’ampleur des dépenses de relance temporaires ou des nouveaux programmes permanents devrait être fixée de façon à éviter de devoir augmenter les impôts, ce qui compromettrait la relance économique et annulerait sans doute les retombées positives de l’augmentation des dépenses publiques. Les taux d’imposition au Canada sont déjà supérieurs à la moyenne parmi les pays de l’OCDE, surtout en ce qui a trait aux impôts des particuliers. Le gouvernement pourrait rehausser la TPS de façon à générer des revenus en entraînant moins de distorsions, mais une telle décision serait très impopulaire. Nous ne croyons pas que le gouvernement devrait emboîter le pas à l’administration Biden en augmentant l’impôt des sociétés, car cette stratégie comporte un coût économique élevé par dollar reçu et risquerait d’affaiblir la compétitivité du Canada à l’échelle internationale.


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