Les nouvelles mesures vertes du budget de 2023 visent principalement à renforcer la chaîne logistique en amont pour favoriser une économie à faibles émissions de carbone, au moyen de nouveaux crédits d’impôt à l’investissement remboursables accordés pour l’électricité propre, la fabrication de technologies propres et l’hydrogène.
Dans la foulée de l’annonce de crédits d’impôt à l’investissement de l’an dernier pour la capture de carbone et l’adoption de technologies propres, le gouvernement fédéral prévoit dépenser environ 80 milliards de dollars sur 10 ans en crédits d’impôt pour les placements verts.
Il s’agit d’une mesure importante faisant écho au programme climatique américain de plus de 369 milliards de dollars US. Nous estimons que le Canada devrait dépenser jusqu’à 120 milliards de dollars pour atteindre les réductions d’émissions estimées à 10 % dans l’IRA, mais que les nouvelles dépenses requises pourraient être moindres compte tenu des dépenses existantes des programmes et des mesures réglementaires incitatives.
Coût de la carboneutralité : crédits d’impôt à l’investissement proposés pour le Canada
Measure | Date de début | Taux du crédit | Coût total sur 10 ans |
---|---|---|---|
Électricité propre | Budget 2024 | 15 % | 25.7 G$ |
Fabrication au moyen de technologies propres | 1er janvier 2024 | 30 % | 11,1 G$ |
Hydrogène propre | Budget de 2023 | 0-40 %, selon l’intensité en carbone | 17,7 G$ |
Adoption de technologies propres* | Budget de 2023 | 30 % | ~ 16 G$ |
Capture de carbone** | 2022 | 37.5 %-60 %, selon l’équipement et le type de projet | ~ 16 G$ |
*Énoncé économique de l’automne 2022 ; ajout de systèmes d’énergie géothermique et prolongation jusqu’en 2034
** Budget de 2022 ; peu de nouvelles améliorations dans le budget de 2023
Les grandes sociétés sont les principaux bénéficiaires directs
Les grandes entreprises profiteront directement des nouvelles mesures étant donné la nature capitalistique des investissements connexes. Les consommateurs et les autres types d’entreprises devraient en bénéficier indirectement, par le coût moindre des énergies propres et des systèmes que les crédits d’impôt fédéraux soutiennent.
D’autres entreprises tireront probablement un avantage direct plus important du crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres annoncé dans la mise à jour de l’automne 2022 (CII dans les technologies propres), qui est entré en vigueur le jour du budget et qui a fait l’objet d’améliorations. Comme le prévoit le budget, la Banque de l’infrastructure du Canada doit se concentrer davantage sur l’électricité propre, accroître le financement des programmes existants pour l’amélioration du réseau et bonifier le financement du Fonds stratégique pour l’innovation, ce qui pourrait également être avantageux pour les moyennes entreprises.
Outre le secteur de l’énergie, ceux du pétrole et du gaz, de l’agriculture et du bâtiment (qui constituent une part importante des émissions de carbone du Canada) n’ont reçu aucun nouveau soutien direct pour la décarbonisation ; seules quelques améliorations mineures ont été apportées au crédit d’impôt existant pour le captage du carbone.
Les nouvelles mesures visent principalement la réduction des émissions futures
Le crédit pour l’électricité propre pourrait encourager certaines réductions d’émissions à court terme. Il est offert aux entités non imposées, comme les services publics, pour aider les planificateurs provinciaux à se tourner progressivement vers les énergies renouvelables et à réduire l’approvisionnement systématique en gaz naturel pour la production d’électricité.
Toutefois, les mesures visent en grande partie à faciliter la réduction des émissions futures. Les subventions fédérales ont pour objectif de réduire les coûts que les consommateurs finaux des ménages et du secteur industriel doivent assumer pour ces dépenses importantes en énergie, ce qui ouvre la voie aux investissements dans des technologies à faibles émissions. De solides arguments soutiennent cette approche, mais il existe aussi des risques. Le budget de 2023 n’offre aucune estimation des réductions d’émissions prévues.
Outre l’électricité et l’hydrogène, les nouvelles mesures couvrent d’autres technologies telles que les véhicules électriques, les batteries, les pompes à chaleur, les électrolyseurs et les équipements électriques qui ne produisent pas d’émissions. Ces mesures de réduction correspondent en grande partie à celles prévues dans les secteurs visés par le plan ambitieux du Canada en matière de réduction des émissions pour 2030, ce qui permet de croire que le budget joue un rôle important dans l’atteinte d’objectifs climatiques ambitieux.
Les provinces doivent coopérer pour l’électricité
Les 25,7 milliards de dollars que le budget prévoit allouer à l’électricité sur 10 ans aideront les provinces à mettre en œuvre la norme sur l’électricité propre (NEP) proposée, mais cette norme exige que celles-ci y adhèrent. La NEP est le principal outil réglementaire d’Ottawa pour implanter un système d’électricité carboneutre d’ici 2035. L’accès au nouveau CII pour l’électricité propre dans chaque province ou territoire dépendra de l’engagement des provinces à rendre le secteur de l’électricité carboneutre d’ici 2035. En retour, ce financement fédéral contribuera à réduire les factures d’électricité.
L’intervention du gouvernement fédéral en matière d’électricité propre ne vise pas seulement l’établissement d’un réseau carboneutre à prix abordable. Il cherche à mettre son pouvoir au profit des corridors de transport interprovinciaux pour réduire les coûts de l’établissement d’un réseau propre et de l’adoption de l’électricité propre, de façon à renforcer la position concurrentielle du Canada dans les segments économiques faibles en carbone et fortement centrés sur l’électricité, comme ceux de la fabrication de batteries ou de l’hydrogène vert.
Les provinces jouent également un rôle clé dans l’atteinte de ces objectifs, mais nous ignorons si les planificateurs de systèmes joueront le jeu de la coopération intergouvernementale ou accepteront d’accroître les capacités de façon préventive. Si les provinces n’augmentent pas les sommes et le rythme de leurs investissements, le nouveau crédit ne servira qu’à transférer les coûts de leur transition au gouvernement fédéral.
À première vue, les crédits d’impôt du Canada se comparent favorablement à ceux de l’IRA
Le Canada n’offre pas de crédits d’impôt pour la production comme ceux que prévoit l’IRA, soit des incitatifs fiscaux pour chaque unité produite, mais préfère miser sur le capital investi en offrant par exemple des crédits d’impôt à l’investissement (CII). Cela dit, les taux de crédit des CII pour l’électricité propre et les technologies propres sont généralement comparables à ceux que prévoit l’IRA. Au Canada, le taux maximal du CII pour l’hydrogène propre est plus élevé puisqu’il se chiffre à 40 % (comparativement à 30 % dans l’IRA).
Comme le prévoit l’IRA, les CII du Canada sont en vigueur jusqu’au début des années 2030, ils sont généralement neutres sur le plan technologique, et ils doivent respecter des exigences en matière de salaire et de formation. Toutefois, contrairement à celles de l’IRA, les mesures du Canada ne sont pas éliminées plus tôt si les objectifs climatiques sont atteints, et la valeur des crédits d’impôt remboursables pourrait, dans certains cas, être supérieure à ce que prévoient les dispositions de l’IRA relatives au paiement direct pour les entreprises non rentables.
Le gouvernement fédéral maintient les CII et la tarification du carbone
Le budget souligne que le soutien fiscal n’est qu’un des quatre outils de la stratégie du Canada pour une économie propre. La tarification et la réglementation en matière de pollution sont au cœur des efforts déployés. De plus, le financement stratégique par l’entremise du nouveau Fonds de croissance du Canada, de la Banque de l’infrastructure du Canada et des dépenses au sein des programmes a permis de mener des interventions plus ciblées.
Par ailleurs, les responsables des finances ont insisté sur leur choix délibéré des CII comme instrument de soutien fiscal, qu’ils ont préféré à l’offre de crédits d’impôt à la production. Les paiements forfaitaires dans les secteurs capitalistiques sont réputés offrir une valeur importante et constituer la meilleure façon de maximiser la contribution des dollars fédéraux à l’amélioration des technologies propres. La taxe sur le carbone évitée ou la vente de crédits de carbone doit en principe fournir des flux de revenus complémentaires nécessaires à la réalisation de projets de décarbonisation.
Pour établir une tarification solide du carbone, les contrats sur différence pour le carbone font partie des outils à disposition du Fonds de croissance du Canada, qui devrait commencer à conclure des ententes ce printemps. Le gouvernement mènera également des consultations sur les contrats sur différence pour le carbone en privilégiant une approche globale. Ce qui est prévu concrètement n’est pas clair, et de nombreux problèmes complexes doivent être résolus. Pour l’instant, ces contrats ne sont disponibles que de façon limitée, de sorte que l’incertitude des prix du carbone (des crédits) peut continuer à miner les décisions d’investissement.
Que manque-t-il dans le budget ?
Le Canada n’a pas précisé de quelle façon il facilitera la réalisation de grands projets liés aux énergies propres, ce qui nuit à l’obtention de nouveaux investissements. Malgré les 1,3 milliard de dollars alloués l’an dernier aux organismes fédéraux pour améliorer leur processus d’approbation de projet, le budget de 2023 ne fait que réaffirmer sa volonté de créer un plan prévoyant des mesures concrètes qui ne seront prises qu’à la fin de l’année. Les questions réglementaires comme l’obtention de permis peuvent être tout aussi importantes que les crédits d’impôt pour la faisabilité d’un projet.
Le budget de 2023 permet à la Banque de l’infrastructure du Canada d’aider les communautés autochtones à acheter des titres de participation dans les grands projets auxquels elle prend part. C’est un pas dans la bonne direction, mais pour accélérer le processus, nous souhaitons l’adoption d’un programme de plus grande portée et plus transparent, qui inclurait par exemple des garanties gouvernementales. De nombreux projets d’énergies propres seront réalisés sur des terres autochtones, et comme les collectivités et les promoteurs de projets s’intéressent de plus en plus à la participation des Autochtones, les défis d’accès au capital de ces collectivités doivent être résolus.
Cynthia Leach est Économiste en chef adjointe et contribue à façonner la description et le programme de recherche liés à l’analyse économique et stratégique prospective de l’équipe Services économiques et leadership avisé RBC. Elle s’est jointe à l’équipe en 2020.
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