Raisons pour lesquelles nous avons rédigé ce rapport

Le Canada se doit d’être l’un des protagonistes de l’agriculture carboneutre. Ses organisations souhaitent jouer un rôle constructif dans l’atteinte de cet objectif.

Pour favoriser cette réalisation, nous avons entrepris un projet de recherche à long terme en nous appuyant sur notre rapport général, La prochaine révolution verte. Nous poursuivons ce travail par une série de courts rapports qui examinent les possibilités en matière de politique, de capital humain, de capital financier et de technologie. Bien qu’aucun de ces éléments ne constitue la solution miracle à eux seuls, l’ensemble des thèmes et des recherches en ce sens contribuera à l’atteinte de notre objectif commun d’un système alimentaire plus durable.

Le présent rapport est axé sur l’agriculture et la technologie. Il présente les occasions qu’offrent un éventail de technologies au Canada, ainsi que la nécessité que le pays adopte une approche stratégique. Notre équipe a analysé les données sur les placements, les voies de transition sectorielles et l’incidence des politiques publiques, tant au Canada que dans d’autres pays. Nous avons également travaillé avec l’équipe du programme de technologie agricole du Creative Destruction Lab, basé à Calgary (en anglais), afin de mieux comprendre l’expérience des entrepreneurs.

Le Canada est à l’avant-garde de la recherche et du développement. Il bénéficie d’un excellent vivier d’entreprises en démarrage et d’un bassin de talents incluant des agriculteurs férus de technologie, des scientifiques de renommée mondiale et des entrepreneurs agricoles créatifs. De plus, nous comprenons qu’il est impératif de faire avancer une transition juste par le biais de la technologie plutôt que de choisir des technologies pour ce qu’elles sont.

L’innovation sera la clé du succès pour créer le système alimentaire durable et carboneutre de demain. C’est le moment pour le Canada d’entrer en jeu.

John Stackhouse,

    • premier vice-président, Services économiques et leadership avisé RBC

Keith Halliday,

    • directeur général principal, Centre pour l’avenir du Canada du BCG

Evan Fraser,

    directeur, Arrell Food Institute, Université de Guelph

Points importants

Grâce à une nouvelle génération de technologies agricoles, les émissions attendues en 2050 dans le secteur agricole canadien1 pourraient baisser de 40 %.

Sept technologies en particulier pourraient transformer le pays en un producteur agricole à faibles émissions de carbone : les technologies de précision, les systèmes de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, les digesteurs anaérobies, l’agriculture en environnement contrôlé, les additifs alimentaires pour le bétail, la biotechnologie agricole et l’agriculture cellulaire.


Cependant, la part du Canada dans les investissements mondiaux consacrés à ces technologies reste insuffisante. La plupart des financements destinés à la recherche et au développement (R-D) agricoles sont d’ailleurs d’origine publique.

Les producteurs, en particulier les propriétaires de petites et moyennes entreprises, se heurtent à des obstacles, tels que les coûts et les infrastructures, dans l’adoption de ces technologies. Les entrepreneurs auront aussi besoin de soutien pour déployer leurs innovations.

En s’appuyant sur ses forces existantes, le Canada pourrait s’imposer comme un chef de file dans le développement des technologies agricoles qui forgeront l’avenir des systèmes alimentaires mondiaux.

Le Canada peut devenir chef de file dans le nouveau Monde de la technologie agricole

Imaginez une récolte exceptionnelle de blé produite entièrement sans engrais chimiques et selon des pratiques de régénération du sol. Ou un essaim de drones qui utilise l’intelligence artificielle pour identifier toutes les plantes d’un champ, et qui pulvérise seulement les mauvaises herbes à l’aide d’une buse de précision. Ou encore une tranche de sashimi de saumon frais cultivé dans un bioréacteur, et non pêché en mer.

Ce sont là des technologies qui changent la donne et qui ouvrent la voie à la prochaine révolution verte de l’agriculture. Tout comme les innovations qui les ont précédées, ces technologies visent à accélérer la productivité afin de répondre aux besoins d’une population en croissance dans le monde. En outre, elles jouent un rôle nouveau et crucial : réduire les émissions du secteur agricole et faciliter l’absorption des émissions de gaz à effet de serre dans le sol.

Alors que l’agriculture produit 10 % des émissions canadiennes de gaz à effet de serre chaque année, les principales matières utilisées par ce secteur – le sol, les plantes et les animaux – détiennent un pouvoir presque inégalé pour retirer les émissions de l’atmosphère où elles sont responsables des changements climatiques.

Pour que ces ressources aident à réduire les émissions, certaines conditions doivent être réunies. Des politiques de soutien, du personnel formé adéquatement et des financements sont notamment nécessaires. La technologie sera la clé du succès de cette transformation, y compris de notre capacité à la développer et à la mettre au profit de l’économie, de l’environnement et des exploitants agricoles individuels. À l’issue de nos recherches antérieures, nous avons conclu que les solutions technologiques pouvaient jouer un rôle majeur pour réduire de 40 % les émissions attendues en 2050 dans le secteur agricole canadien .

En tant que premier exportateur de cultures essentielles, avec un large accès aux marchés et une longue tradition d’innovation agricole, le Canada est extrêmement bien placé pour devenir chef de file mondial à la fois dans l’adoption de ces technologies agricoles et dans leur développement. En mobilisant divers acteurs du système alimentaire canadien, nous pouvons mettre au point des technologies responsables, créatives et efficaces. Compte tenu de nos atouts, c’est une occasion qui s’offre à nous.

Nous avons cerné sept innovations ou « technologies agricoles » que nous jugeons importantes pour réduire fortement les émissions, et qui offrent au Canada l’occasion de prendre la tête de l’innovation. Certaines de ces technologies comme les digesteurs anaérobies, le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC) et la technologie de précision commencent déjà à être déployées. D’autres, comme les fermes verticales et la science végétale, constitueront des solutions clés à moyen terme. D’autres encore, comme l’agriculture cellulaire et la fermentation de précision, pourraient transformer les systèmes alimentaires de demain.

Dans tous les cas, la pleine exploitation du potentiel de ces innovations exigera de mettre en place des dispositifs de collaboration non seulement pour les agriculteurs et les entrepreneurs, mais aussi pour les collectivités, les investisseurs, les sociétés, les entreprises sociales et les gouvernements. Il faudra démontrer aux agriculteurs de tous les horizons la pertinence de réaliser des investissements initiaux importants dans les technologies agricoles qui ont déjà fait leurs preuves, tout en atténuant les risques associés à une immersion dans les technologies émergentes. Il sera également important de veiller à ce que ces instruments, dont bon nombre demandent beaucoup de capitaux, ne nuisent pas aux petites et moyennes entreprises et aux producteurs. Par ailleurs, il conviendra de s’assurer que leur déploiement vise véritablement à contribuer à l’atteinte des cibles d’émissions du Canada et à favoriser la transition économique verte.

Il sera donc nécessaire d’accélérer les investissements dans la recherche et le développement, en particulier de la part des acteurs privés, et d’orienter les investissements vers les technologies capables de réduire les émissions dès aujourd’hui. À l’heure actuelle, au Canada, la plupart des investissements dans les technologies agricoles sont axés sur l’amélioration de la productivité, la numérisation et l’automatisation, utiles pour accroître les rendements et améliorer l’exploitation des fermes. Nous avons besoin de plus d’investissements dans l’innovation pour faire progresser l’agriculture durable et régénérative.

Le Canada détient une part minimale dans le financement mondial de la plupart des technologies importantes
Investissements mondiaux en capital-risque et en capital-investissement dans les technologies agricoles depuis 2017

Prêtes à être déployées : Ces technologies sont déjà intégrées à nos efforts pour réduire les émissions de l’agriculture. Elles sont développées et disponibles sur le marché, mais nécessitent la mise en place de mesures incitatives, financières et politiques à grande échelle.

En bonne voie : Ces technologies sont encore considérées comme naissantes, bien qu’elles soient disponibles sur le marché. Elles offrent au Canada un potentiel intéressant pour s’adapter aux effets des changements climatiques et réduire les émissions, mais leur développement et leur croissance restent insuffisants.

Moins prêtes : La plupart de ces technologies sont au stade de la R-D. De manière générale, elles ne sont pas encore commercialisées (du moins au Canada). Elles offrent un immense potentiel pour transformer le secteur et mettre à profit les forces et les ressources existantes du Canada.

La mobilisation des investissements privés est essentielle pour faire face à la concurrence mondiale

Les innovations agricoles canadiennes peuvent être observées dans les champs du monde entier, des semences de canola développées par les scientifiques des Prairies aux vis à grain conçues au Manitoba. Pourtant, alors que nous sommes en train de migrer vers une agriculture à faibles émissions, une grande partie de nos atouts demeure inexploitée, par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la science des données.

Les investissements dans l’agriculture ont surpassé les investissements consacrés aux autres secteurs canadiens au cours des dernières années. Cela indique un renforcement de la productivité, ainsi qu’une augmentation de la demande intérieure en machines et équipements intégrant davantage de technologie. Cela dit, des investissements supplémentaires sont nécessaires, notamment de la part du secteur privé, si nous voulons devenir chefs de file mondiaux dans ce domaine. Depuis plusieurs générations, l’effort de recherche et de développement mené dans le secteur agricole canadien dépend trop largement du secteur public. Au cours de la dernière décennie, le secteur public a financé 90 % de la R-D agricole du Canada, contre 30 % aux États-Unis .2

Dans le même temps, les entreprises en démarrage et les sociétés privées du secteur agricole canadien ont eu moins de succès que leurs homologues internationales pour attirer des investissements privés. Sur les quelque 36 milliards de dollars d’investissement en capital-risque et en capital-investissement déployés dans les technologies agricoles depuis 2017 à l’échelle mondiale, le Canada a seulement reçu 3 % de ces fonds, soit 1 milliard de dollars américains. Les États-Unis ont bénéficié de 20 milliards de dollars, soit 55 %.

Les sociétés agricoles canadiennes ont considérablement augmenté leurs budgets de R-D, qui sont au moins passés du simple au double ces dernières années par rapport à 2015. Ces montants restent cependant très inférieurs aux financements publics déployés par le Canada en matière de R-D. Or, ces derniers déclinent constamment depuis les années 1980 sur la base du pourcentage du PIB. Alors que les gouvernements de pays comparables tels que les États-Unis et l’Europe accélèrent les dépenses publiques dans l’agriculture durable (par exemple dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation et du Pacte vert pour l’Europe), le Canada risque de prendre encore plus de retard. Il est impératif que le Canada continue de mettre en place des mesures incitatives au même rythme afin de ne pas désavantager nos producteurs et nos sociétés ou d’éviter l’exode des cerveaux. Pour rester dans la course, nous aurons besoin que les gouvernements renforcent leur soutien à la mise en œuvre sur le terrain, et qu’ils encouragent les pratiques agricoles régénératrices basées sur les technologies agricoles.

De plus, il faudra que les sociétés déploient davantage d’investissements, notamment en faveur des technologies les plus prometteuses, pour atténuer l’effet des changements climatiques.

Les investissements dans l’agroalimentaire ont surpassé ceux consacrés aux autres secteurs au Canada

La course mondiale vers la prochaine génération de technologies agricoles


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Israël

Israël, un petit pays possédant peu de terres arables, est déjà le chef de file mondial de la fertirrigation numérique, un arrosage ciblé d’eau enrichie d’engrais effectué directement sur les racines des plantes et déterminé au moyen de capteurs et d’analyses de données en nuage. Plus récemment, le pays a intensifié ses efforts dans le secteur agricole en développant des centres d’agriculture verticale et de protéines alternatives. Les sociétés israéliennes sont en tête du classement mondial en ce qui concerne les investissements dans les protéines végétales. Elles ont ainsi mobilisé 160 millions de dollars au cours du premier semestre de 2022, ce qui représente 22 % de tous les fonds accumulés dans le monde. L’investissement dans les nouvelles protéines en sens large occupe le deuxième rang mondial, y compris dans le domaine de la viande cultivée en laboratoire (320 millions de dollars américains au premier semestre de 2022) .3 Le secteur a connu une croissance de 160 % au premier semestre de 2022 et compte une centaine de sociétés israéliennes spécialisées en nouvelles protéines, dont 11 ont été créées entre 2021 et 2022. Israël consacre 17 % de son budget agricole à la recherche et au développement.


Singapour

Moins de 1 % de la superficie de Singapour est composée de terres arables, mais cela n’a pas empêché le pays de se fixer des objectifs ambitieux en matière d’agriculture. Son plan « 30 by 30 » vise à réduire sa dépendance aux importations alimentaires, en augmentant sa production de nourriture à 30 % de la demande nationale d’ici 2030. Dans cette optique, le gouvernement octroie des financements pour aider les agriculteurs à mettre à niveau leurs équipements et à tester de nouvelles technologies dans leurs exploitations, tout en soutenant l’innovation et le développement des technologies agricoles. Singapour dispose de grands atouts dans le secteur de l’agriculture urbaine et en environnement contrôlé (par exemple les fermes verticales, la pisciculture en circuit fermé, et les fermes en intérieur qui optimisent leur efficacité grâce à l’IA et aux mégadonnées). Récemment, le pays s’est démarqué en tant que centre de développement et de réglementation pour les protéines alternatives .4 En 2019, Singapour a annoncé une réglementation relative à la certification des produits alimentaires. De plus, le pays travaille aux côtés d’organisations publiques et privées afin de stimuler la croissance des nouvelles entreprises d’agriculture cellulaire. Singapour a été le premier pays à approuver la viande cultivée à partir de cellules animales destinée à la consommation humaine, en décembre 2020, et a donné naissance à une vingtaine de producteurs de viande cellulaire.


Japon

Les crises obligent à innover. À la suite du tsunami de 2011 et de la catastrophe nucléaire de Fukushima qui a détruit une grande partie des terres agricoles situées à proximité du site, le gouvernement japonais a lancé un programme en faveur des fermes verticales afin de remplacer la production perdue. Aujourd’hui, le Japon compte plus de 300 fermes verticales qui ont recours à l’automatisation robotique et à la technologie intelligente. L’objectif du pays est de maintenir son approvisionnement en nourriture, d’autant plus que la production souffre du vieillissement de la population et de la migration vers les villes qui causent un abandon des terres agricoles .5 La Stratégie d’innovation environnementale 2020 du gouvernement vise à mettre au point des technologies respectueuses du climat, particulièrement en créant de nouvelles espèces animales permettant de réduire les émissions de CH4 et de N2O.


Pays-Bas

Malgré leur petite taille, les Pays-Bas sont au deuxième rang mondial des exportateurs de produits alimentaires, en valeur, derrière les États-Unis. Véritable puissance agroalimentaire, le pays se distingue par la numérisation de ses serres et de ses champs et par l’intégration de technologies intelligentes. Les serres néerlandaises, qui représentent 80 % des terres cultivées aux Pays-Bas, figurent parmi les plus sophistiquées du monde. Récemment, les Pays-Bas se sont imposés en tant que précurseurs dans le domaine des aliments végétaux, principalement grâce aux innovations de l’Université et du centre de recherche de Wageningen. Cette université constitue le principal centre de recherche de l’industrie alimentaire néerlandaise, et elle est souvent appelée la « Food Valley » ou « Silicon Valley of Food ». L’Université de Wageningen, qui compte un centre d’innovation en production alimentaire végétale estimé à 94 millions de dollars américains, travaille avec des entreprises en démarrage et des chercheurs afin de créer de nouveaux aliments végétaliens. Près de 200 sociétés agroalimentaires sont présentes dans un rayon de 10 kilomètres de l’université, ce qui constitue un puissant réseau de collaboration entre les secteurs public et privé. Plus de 60 sociétés et établissements de recherche dédiés aux protéines végétales sont installés dans le pays .6


Les sept technologies transformatrices

Bâtir un secteur agricole à faibles émissions de carbone représente un défi inédit à ce jour. La bonne nouvelle est que nous avons une technologie puissante à notre disposition. Nous avons cerné sept innovations les plus prometteuses pour réduire les émissions et les stocker ou séquestrer dans le sol, à condition qu’elles soient adoptées de façon équitable et bénéficient du soutien des producteurs et des collectivités.

Le débat est loin d’être clos. Aucune technologie, quel que soit son potentiel, ne constitue de solution miracle. Elle doit être adoptée par les producteurs, acceptée par les consommateurs et soutenue par des politiques. Malheureusement, les innovations technologiques prometteuses ont trop souvent nui aux collectivités dans le passé. De ce fait, notre objectif est de présenter le potentiel de ces innovations à réduire les émissions au Canada et de mettre à profit cette analyse pour mener à bien les étapes de ce projet de collaboration. Nous mettrons alors ces idées à l’essai sur le terrain avec divers groupes et différentes collectivités aux quatre coins du Canada.

Il sera essentiel de mobiliser des investissements dans les technologies cernées pour exploiter leur plein potentiel. En collaboration, RBC, le Center for Growth and Innovation Analytics de BCG et l’Arrell Food Institute ont rassemblé les meilleures statistiques disponibles sur les investissements actuels. Pourtant, la plupart de ces données demeurent insuffisantes, ou elles ne sont pas divulguées. Nous aurons absolument besoin d’une meilleure transparence dans ce domaine pour pouvoir suivre nos progrès.







Le problème

Lorsqu’ils sont appliqués dans les champs, les engrais azotés constituent une importante source d’émissions. De plus, le labour provoque un dégagement du carbone stocké dans le sol, et le libère dans l’atmosphère où il contribue au changement climatique.

La solution

Les technologies de précision comme les tracteurs intelligents recueillent des données sur la productivité agricole et l’utilisation des engrais, afin de prendre des décisions plus précises sur les endroits où appliquer les intrants et sur les doses à utiliser. D’autres outils comme les semoirs pneumatiques et les capteurs de sols aident les agriculteurs à semer et à fertiliser avec plus de précision, et facilitent les pratiques agricoles régénératrices, telles que la réduction du travail des sols, qui protègent la biodiversité et la qualité des sols. À l’heure actuelle, 13 mégatonnes de carbone sont stockées dans le sol canadien. Nos recherches révèlent que l’adoption de cette technologie, combinée à des pratiques agricoles régénératrices, aiderait à stocker une quantité supplémentaire de 21 mégatonnes de carbone dans les sols d’ici 2050.

Les agriculteurs canadiens ont fait de grandes avancées pour adopter certaines technologies de précision. En Saskatchewan, par exemple, la technologie de précision a aidé 80 % des agriculteurs à mettre en place des techniques sans labour ou un labour de conservation. Et les systèmes de guidage automatique pour tracteurs sont utilisés depuis des décennies dans les fermes. Cependant, l’agriculture de précision prendrait une tout autre dimension si les outils de nouvelle génération, intégrant des technologies de pointe comme l’intelligence artificielle et la robotique automatisée basées sur des données, étaient adoptés de manière plus large.

Les défis

Le Canada accuse un retard par rapport à la moyenne mondiale en matière d’investissement dans la technologie agricole de précision. Les producteurs sont d’ailleurs confrontés à plusieurs obstacles à son adoption. Pour pallier à cet écart, il est vital de convaincre les agriculteurs de l’efficacité de ces outils de nouvelle génération sur leurs fermes. Les secteurs privé et public peuvent participer à la démonstration des avantages en organisant des essais sur le terrain en partenariat avec d’autres entités, en mettant en place des marchés pour la négociation du carbone et en fournissant des données et des preuves attestant de l’utilité de ces technologies pour les agriculteurs. La protection de ces données agricoles constituera également un facteur essentiel. Compte tenu des disparités de qualité et de composition des sols dans l’ensemble du pays, les agriculteurs se fieront plutôt aux démonstrations faites à proximité de leurs exploitations.

Pleins feux sur le Canada

Precision AI (en anglais) produit des drones alimentés par l’intelligence artificielle et dotés d’une vision informatique embarquée qui leur permettent de prendre des décisions détaillées concernant une exploitation agricole. Ce type de drone peut identifier toutes les espèces de plantes qu’ils détectent dans un champ et cibler les mauvaises herbes à l’aide d’une pulvérisation de précision, ce qui permet d’économiser jusqu’à 95 % de produits chimiques. Fondée à Regina, en Saskatchewan, en 2017, la société compte à présent plus de 40 employés à temps plein dans le monde et a amassé 20 millions de dollars lors d’un financement de démarrage en 2021.

Le problème

La production d’engrais azoté, qui a stimulé les rendements au cours des dernières décennies, implique la combustion de gaz naturel et sa conversion en hydrogène. Ces deux processus produisent de grandes quantités de dioxyde de carbone qui sont rejetées dans l’atmosphère où elles contribuent aux changements climatiques. Selon nos estimations, la production d’engrais émet 12 mégatonnes d’émissions chaque année. Si nous ne changeons rien, les émissions atteindront 35 mégatonnes avant 2050.

La solution

Les systèmes de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) emprisonnent les émissions de dioxyde de carbone avant qu’elles ne pénètrent dans l’atmosphère, les réutilisent, ou les compressent sous une forme liquide qui est ensuite expédiée par pipeline vers un centre de stockage. La technologie de CUSC a le potentiel de recueillir et stocker 7 mégatonnes d’émissions d’ici 2050.

Depuis 2019, la société Nutrien, établie à Saskatoon, utilise la technologie de CUSC pour capter le dioxyde de carbone de son usine de Redwater. Ce CO2 liquide est alors acheminé par le pipeline Alberta Carbon Trunk Line vers le centre de l’Alberta, où sont situées des installations de récupération assistée du pétrole. Nutrien a expédié environ 139 000 tonnes de CO2 par cette voie en 2021.7(en anglais) Néanmoins, la technologie de CUSC n’est pas adoptée de façon significative dans le secteur canadien des engrais. Et dans le monde, seulement six usines d’engrais utilisent cette technologie .8

Les défisAfin de permettre l’adoption généralisée de la technologie de CUSC dans la production d’engrais, il est essentiel de développer les infrastructures. Il s’agit notamment des centres de séquestration du carbone et de l’extension des pipelines existants, afin de réduire les obstacles économiques auxquels se heurtent les producteurs. Pour y parvenir, nous aurons besoin d’une meilleure coordination entre les gouvernements, les organismes de réglementation et les secteurs d’activité. Nous avons besoin d’un cadre réglementaire cohérent en ce qui concerne l’accès à l’espace géologique pour stocker le carbone, la délivrance de permis pour les grands projets, la responsabilité civile et d’autres aspects techniques complexes liés aux projets, si nous voulons accroître le déploiement de capitaux dans le captage du carbone

Pleins feux sur le Canada

La technologie offerte par la société Svante, dont le siège social est situé à Vancouver, en Colombie-Britannique, permet de purifier et de concentrer le CO2 en 60 secondes. Cette méthode consiste à séparer le CO2 de l’azote. Les effluents gazeux (dégagés lors de la production de l’acier ou dans le secteur pétrolier et gazier) sont dilués et réacheminés vers une plate-forme à rotation continue où le CO2 est piégé dans des filtres exclusifs, fabriqués à partir de nanomatériaux offrant une haute capacité de captage du CO2. Ils sont ensuite purifiés et prêts à être stockés. La première usine pilote de la société, établie en Saskatchewan en partenariat avec Husky Energy (maintenant Cenovus Energy), est en mesure de capter plus de 10 000 tonnes de CO2 par an. Cette technologie présente des coûts en capital moins élevés que ceux des autres solutions, et rend le captage du carbone commercialement accessible à grande échelle.

Le problème

Les aliments absorbés par le bétail doivent également en sortir, un processus qui dégage chaque année des émissions d’environ 8 mégatonnes de méthane au Canada selon nos recherches. Si nous ne changeons rien, ces émissions provenant des fumiers atteindront 10 mégatonnes avant 2050.

La solution

Les systèmes de digestion anaérobie utilisent le méthane extrait du fumier (vaches, porcs, poulets et divers ruminants) ainsi que les résidus organiques externes comme les résidus de récolte, les déchets alimentaires ou l’ensilage, pour le transformer en gaz naturel renouvelable, en biogaz ou en électricité. Le digestat, sous-produit de ce processus, peut être utilisé comme engrais organique ou dans les literies des bovins. Les systèmes de digestion anaérobie ont le potentiel de réduire les émissions de 2 mégatonnes d’ici 2050.

Le Canada compte 279 projets de biogaz qui transforment le méthane en 196 MW d’électricité propre et 6 millions de GJ de gaz naturel renouvelable (GNR), soit l’équivalent d’au moins neuf grands barrages hydroélectriques. Et avec seulement 45 digesteurs opérationnels dans le secteur agricole canadien en 2020, le potentiel de croissance le plus important de cette technologie réside dans les exploitations agricoles9 (en anglais). En outre, les systèmes de digestion anaérobie implantés dans les fermes constituent une source de revenus supplémentaires pour les agriculteurs désireux et capables d’entreprendre un projet sur leurs terres.

Au Canada, le développement du biogaz (y compris les systèmes de digestion anaérobie) est dicté par les politiques provinciales en matière d’énergie et de gestion des déchets. D’énormes possibilités de croissance se présentent, surtout dans l’agriculture, où les résidus de récolte et les fumiers représentent les deux tiers des ressources de biogaz facilement accessibles au Canada. Au-delà des systèmes implantés dans les fermes, les digesteurs communautaires offrent un potentiel de croissance, étant donné que leur utilisation et leurs coûts peuvent être partagés entre plusieurs fermes et éventuellement avec les municipalités locales.

Les défis

Cependant, l’investissement et le développement sont anémiques à ce jour, avec seulement 29 projets en cours. (Il existe peu de données sur les investissements dans le développement des systèmes de digestion anaérobie.) Le coût élevé lié à la construction de ces installations (quelques dizaines de millions par installation, selon la taille) représente un obstacle. Bien que des mesures soient déjà en place en faveur de ce secteur, notamment les politiques gouvernementales telles que la réglementation sur les carburants propres et les marchés compensatoires, nous aurons besoin d’une plus forte demande en biocarburants. De plus, nous devrons élaborer des structures destinées à atténuer les risques, par exemple des conventions d’achat d’énergie.

Pleins feux sur le Canada

DLS Biogas (en anglais) construit des usines de biogaz avec surveillance à distance. Les usines de biogaz recueillent les déchets organiques (y compris les fumiers), capturent le méthane et le transforment en gaz naturel renouvelable, en électricité et en digestat. Dans le cadre de son offre de services, DLS Biogas propose aux agriculteurs des études de faisabilité, des analyses financières, des services de planification et de gestion de la construction, et un soutien opérationnel complet. La société ontarienne fait partie des sociétés de Dairy Lane Systems, qui fournit des équipements et des services aux producteurs laitiers depuis plus de 30 ans.

Le problème

L’agriculture traditionnelle produit des émissions lors de l’épandage d’engrais. Des émissions sont également créées lorsque les sols sont convertis en terres agricoles et lorsque les aliments sont transportés du champ à l’épicerie. L’agriculture en environnement contrôlé a le potentiel de renverser la dynamique des changements d’utilisation des sols. Si rien n’est fait dans ce domaine, les émissions augmenteront de 4 mégatonnes à 24 mégatonnes d’ici 2050.

La solution

Les serres et les fermes verticales sont les exemples les plus connus d’agriculture en environnement contrôlé, c’est-à-dire la production de nourriture dans un milieu fermé. Les fermes verticales produisent de la nourriture à l’intérieur de bâtiments, en couches empilées.

L’agriculture verticale exploite seulement 10 % des terres et consomme jusqu’à 90 % moins d’eau que l’agriculture traditionnelle .10 De plus, cette technologie peut offrir un approvisionnement en fruits et légumes à la fois stable et local, réduire les besoins en transport à forte intensité carbonique, et renforcer la sécurité alimentaire nationale. Lorsqu’elles sont alimentées et chauffées à l’aide de combustibles fossiles comme le propane, comme c’est souvent le cas actuellement, les serres peuvent accroître notre empreinte carbone. À plus long terme, cependant, l’utilisation d’énergies renouvelables ou à faibles émissions de carbone pourrait permettre de cultiver des aliments en produisant peu d’émissions de carbone. L’agriculture en environnement contrôlé permet aussi de produire plus de nourriture sur moins de terres. Si elle fait l’objet de politiques appropriées pour inciter à protéger les terres, elle générera de nouvelles occasions de création d’habitats fauniques et de captage du carbone dans le sol. Toutefois, bien que cette technologie soit viable pour ce qui est des micropousses et d’autres fruits et légumes, à l’heure actuelle, elle ne représente pas une solution réalisable pour les autres grandes cultures, comme les baies.

Selon nos estimations, nous pouvons éviter 20 mégatonnes d’émissions si nous freinons les changements d’utilisation des sols dès aujourd’hui et jusqu’en 2050.

Selon le dernier Recensement de l’agriculture, le Canada compte environ 5 000 serres et pépinières. Des investissements importants sont également réalisés pour développer l’agriculture verticale, notamment quelques programmes gouvernementaux et un investissement de 65 millions de dollars de McCain Foods.

Les défis

Les coûts demeurent un obstacle. En plus des coûts en capital comme les terrains et les bâtiments, les coûts d’électricité pour l’éclairage à DEL, qui remplace l’ensoleillement naturel pendant le cycle de croissance, occupe souvent la plus grande partie du budget pour les fermes verticales. Les fermes verticales ne peuvent pas encore concurrencer l’agriculture traditionnelle, et les exploitants ont du mal à appliquer les règlements de zonage qui ne reconnaissent pas l’agriculture en intérieur comme une activité agricole.

Pleins feux sur le Canada

Fondée en 2011, GoodLeaf Farms (en anglais) s’est inspirée de l’agriculture hydroponique en intérieur développée au Japon. Sa ferme pilote a été construite près de Truro, en Nouvelle-Écosse, en 2015, et la société a lancé sa première ferme commerciale à grande échelle à Guelph, en Ontario, en 2019. GoodLeaf cultive des micropousses et jeunes pousses tout au long de l’année à l’aide d’un système hydroponique qui inclut des lampes à DEL et un contrôle de la chaleur et de l’humidité. Ses produits comprennent des micropousses de roquette, de laitue, d’épinards et d’autres variétés destinées au marché de l’Ontario.

Le problème

En une seule année, chaque vache éructe près de 220 livres (en anglais) de méthane .11 Le méthane émanant du bétail a une durée de vie plus courte que le dioxyde de carbone, mais son effet de réchauffement est 28 fois plus élevé (en anglais). Au Canada, la fermentation entérique (c’est-à-dire le processus digestif du bétail) émet environ 24 mégatonnes de GES.

La solution

Les scientifiques ont découvert une façon de réduire les émissions dégagées par le microbiote intestinal des bovins. Des additifs pour l’alimentation animale comme le 3-NOP (3-nitrooxypropanol) et certains suppléments à base d’algues détruisent l’enzyme qui déclenche la production de méthane. Ces produits peuvent aussi aider les vaches à digérer la nourriture plus efficacement. Les additifs et les suppléments pourraient réduire les émissions de 16 mégatonnes d’ici 2050.

Il a été démontré que le 3-NOP réduit les émissions de 45 %, tandis que l’ajout d’algues à l’alimentation des vaches laitières peut réduire les émissions de 82 %. Les scientifiques cherchent également à s’assurer que cela peut être fait sans perte de rendement du bétail, voire avec une amélioration du rendement (c’est-à-dire une meilleure croissance des animaux à partir d’une moindre quantité de nourriture) .12

Les défis

L’approbation réglementaire constitue le plus grand défi pour produire des additifs alimentaires à grande échelle. Le 3-NOP a été approuvé au Brésil et dans l’Union européenne, où il a été classé dans la catégorie des additifs alimentaires qui présentent des avantages pour l’environnement (ce qui simplifie la voie vers la commercialisation). Au Canada, cet additif est cependant classifié comme un médicament vétérinaire. Il est donc peu probable qu’il soit approuvé avant plusieurs années.

Le coût représente aussi un obstacle de taille. Étant donné qu’il n’existe pas de tarification des gaz à effet de serre. (par exemple une taxe carbone), les agriculteurs ne sont pas motivés pour adopter les additifs visant à réduire le méthane, car ils n’en voient pas les avantages économiques, mais seulement les avantages pour l’environnement. Bien qu’un système de crédit carbone puisse être utile, une lourde charge pèserait encore sur les agriculteurs, du fait que ces derniers seraient tenus de recueillir toutes les données requises pour obtenir le crédit.

Pleins feux sur le Canada

Fondée en 2007 à l’Île-du-Prince-Édouard, la société North Atlantic Organics (NAO) (en anglais) produit des suppléments minéraux destinés aux animaux et aux végétaux à partir de plantes marines biologiques (algues). Le cofondateur Joe Dorgan a eu l’idée de cette entreprise lorsqu’il a voulu convertir son cheptel laitier en élevage biologique, mais n’a pas trouvé de source naturelle de suppléments minéraux. Une percée a été réalisée en 2014 lorsque Rob Kinley, un agronome travaillant pour l’entreprise, a découvert que son mélange d’algues destiné au bétail pouvait réduire de 20 % les émissions de méthane provenant de la digestion des vaches . La société est en train de développer des suppléments minéraux pour les végétaux, et espère augmenter sa production. »>North Atlantic Organics (NAO) produit des suppléments minéraux destinés aux animaux et aux végétaux à partir de plantes marines biologiques (algues). Le cofondateur Joe Dorgan a eu l’idée de cette entreprise lorsqu’il a voulu convertir son cheptel laitier en élevage biologique, mais n’a pas trouvé de source naturelle de suppléments minéraux. Une percée a été réalisée en 2014 lorsque Rob Kinley, un agronome travaillant pour l’entreprise, a découvert que son mélange d’algues destiné au bétail pouvait réduire de 20 % les émissions de méthane provenant de la digestion des vaches . La société est en train de développer des suppléments minéraux pour les végétaux, et espère augmenter sa production.

Le problème

Les changements climatiques se traduisent par des phénomènes météorologiques extrêmes qui peuvent décimer les cultures. La surconsommation d’engrais, comme nous l’avons vu plus haut, génère des émissions d’oxyde nitreux.

La solution

La biotechnologie agricole vise à accélérer et à compléter les approches traditionnelles de production de cultures et de bétail présentant des caractéristiques souhaitables, comme une meilleure résistance aux maladies et à la sécheresse (entre autres), au moyen de l’élevage sélectif, du génie génétique, de l’édition génomique et de la culture tissulaire. Cette innovation trouve son origine dans la reproduction des plantes et des animaux, méthode utilisée depuis des millénaires pour créer de nouvelles variétés de cultures et rehausser les rendements. Le canola, inventé en Saskatchewan dans les années 1960, en est un exemple. En plus de la reproduction, les approches génomiques qui visent à améliorer les microbiomes, notamment ceux des sols et des intestins du bétail, peuvent favoriser la séquestration du carbone et prévenir les maladies. L’utilisation de la biotechnologie agricole aux fins de réduire les émissions de carbone est une approche relativement nouvelle, encore en phase de R-D.

La biotechnologie agricole peut créer des cultures qui améliorent l’absorption de l’azote et des autres nutriments dans le sol (réduisant ainsi la consommation d’engrais). Elle permet aussi de développer des plantes plus résistantes aux maladies et aux phénomènes météorologiques extrêmes (comme les inondations et les sécheresses) et d’optimiser le microbiome des sols afin de rehausser leur fertilité et stimuler la croissance des végétaux.
Parmi les recherches agricoles les plus passionnantes, certaines se déroulent sous la surface du sol, alors que les scientifiques étudient la puissance des microbiomes et des systèmes racinaires pour contrer les changements climatiques. Certains analysent la possibilité de contrôler la photosynthèse afin d’accélérer la séquestration du carbone. D’autres sont en train de développer des microbiomes inoculés à partir de maladies. Des biofertilisants sont également mis au point, afin de procurer l’azote atmosphérique nécessaire à la croissance des plantes.

Les défis

La réglementation des végétaux à caractères nouveaux fait partie des principaux obstacles à l’investissement au Canada, car elle est plus stricte que celle des pays concurrents. Un sondage mené par CropLife Canada auprès des phytogénéticiens révèle qu’un quart des recherches sur la culture sélective ont été interrompues au motif que les projets étaient jugés « novateurs », donc soumis aux évaluations et aux approbations prévues pour les végétaux à caractère nouveau (VCN), dont le coût peut s’élever à des millions de dollars avant que le produit puisse être commercialisé. Parmi les répondants, 77 % ont indiqué que le cadre réglementaire des VCN devait être mis à jour afin de prendre en compte l’état actuel des connaissances. De plus, 27 % ont déclaré avoir mené des essais sur le terrain en dehors du Canada afin de contourner les exigences relatives aux variétés de VCN.

Pleins feux sur le Canada

Okanagan Specialty Fruits (en anglais), établie à Summerland (C.-B.), cultive de nouvelles variétés de fruits issues de la bio-ingénierie. Son produit phare est la pomme « Arctic » qui ne brunit pas après avoir été mordue, tranchée ou abîmée (mais qui brunit quand elle commence à pourrir). La société détient des droits de propriété intellectuelle mondiaux au regard des compositions et des méthodes appliquées pour réguler l’expression génique du polyphénol oxydase (PPO) et contrôler le brunissement enzymatique des fruits provenant des arbres.

Le problème

Le bétail dégage des émissions par le biais de la fermentation entérique et des fumiers, comme nous l’avons vu plus haut. Les changements d’utilisation des sols génèrent également des émissions.

La solution

L’agriculture cellulaire est une discipline qui peut transformer les levures, bactéries, échantillons de cellules et champignons en nouvelles formes de protéines pouvant servir de substituts de produits laitiers ou en viandes et poissons cultivés en laboratoire. Cette technologie a le potentiel de produire des substituts de viande et de produits laitiers qui nécessitent moins de terres et d’intrants.

La culture en laboratoire est considérée comme plus durable, car ce procédé utilise moins d’eau et de terres pour produire des aliments, et émet moins de gaz à effet de serre qu’un troupeau de bovins dans un champ ou une grange pleine de volaille.

De plus, le Canada dispose d’une abondante réserve de matières premières, en particulier de glucides, d’amidons et de sucres, qui peuvent être utilisées pour produire des aliments à base de cellules .14 (Nous jetons actuellement les restes d’amidon issu des pois, dont les protéines sont utilisées pour fabriquer des substituts de viande à base de plantes. Ces résidus pourraient nourrir des micro-organismes spécialement cultivés, comme de la levure, qui pourraient ensuite être utilisés pour fabriquer les protéines normalement présentes dans les produits laitiers.)

Les défis

L’investissement initial élevé constitue un obstacle à la création des sociétés d’agriculture cellulaire. Un autre obstacle est le manque de connaissance des investisseurs. Outre quelques sociétés d’investissement spécialisées, les entrepreneurs affirment que la plupart des investisseurs ne comprennent pas suffisamment les nuances des sciences alimentaires pour pouvoir évaluer le potentiel de la culture verticale. Les financements octroyés tendent à être faibles, et à courte échéance. Les entrepreneurs ont besoin d’un capital patient plus important pour faire croître leur société.

Pleins feux sur le Canada

Cell Ag Tech (en anglais) est une jeune entreprise d’agriculture cellulaire implantée en Ontario, qui cultive des produits de la mer à partir de cellules et se concentre actuellement sur le poisson blanc maigre. La société Cell Ag Tech a été primée lors du récent concours régional d’agriculture cellulaire du Canada, AcCELLerate-ON, pour son travail de représentation des cellules souches musculaires du poisson en 2 D et en 3 D. Au début de l’année, Cell Ag Tech a également conclu une entente de collaboration avec le Centre pour la commercialisation de la médecine régénératrice afin de mettre au point un processus visant à cultiver des cellules de poisson en bioréacteur.

Recommandations : Le temps est venu pour le Canada de prendre la tête de la révolution

La prochaine révolution verte dépend à la fois de l’adoption des technologies prêtes à être déployées et du développement responsable de technologies innovatrices qui façonneront l’avenir. Bien que d’autres pays mobilisent rapidement leurs propres ressources pour atteindre ces objectifs, peu d’entre eux sont aussi bien placés que le Canada pour diriger la révolution.

Les actions suivantes seront essentielles pour mobiliser les investissements nécessaires au déploiement des sept technologies transformatrices, tout en éliminant les principaux obstacles à leur adoption. Au cours des prochaines phases de notre série de rapports, nous comprendrons mieux comment la technologie (avec le soutien des politiques publiques) peut être utilisée pour soutenir les producteurs (en particulier les petites et moyennes exploitations agricoles), favoriser l’acceptation des consommateurs et inclure toutes les parties prenantes.

Créer un organisme de financement central pour la recherche et le développement. Bon nombre des domaines les plus prometteurs et les plus avancés de la recherche agricole canadienne n’entrent pas dans les catégories de financement actuelles. La mise en place d’un système centralisé semblable à celui du département de l’Agriculture des États-Unis, en étroite collaboration avec le milieu universitaire et le secteur privé, pourrait donner une vision plus complète, à l’échelle canadienne, des domaines où le soutien et l’innovation sont nécessaires. L’esprit d’initiative dont fait preuve le gouvernement fédéral pour créer de grands pôles d’innovation illustre à quel point le Canada pourrait soutenir la recherche et l’innovation agroalimentaires.

Favoriser la commercialisation de la recherche existante. Cela implique d’augmenter les financements consacrés aux programmes et organismes de transfert de technologie universitaire. Afin d’exploiter les forces intrinsèques du Canada dans le domaine de la recherche et du développement, nous devons faciliter l’accès des chercheurs aux marchés commerciaux. À cet égard, nous devrons simplifier les règlements relatifs aux sciences des cultures qui imposent actuellement des essais exhaustifs (et coûteux), ce qui décourage certains chercheurs de poursuivre leur développement au Canada.


Mettre sur pied des programmes d’agriculture et de technologie dans les établissements postsecondaires. Le système alimentaire du futur a besoin d’experts en science des données, programmation et intelligence artificielle. Or, bon nombre de ces talents sont actuellement attirés par l’industrie du logiciel. Des efforts doivent être entrepris au plus tôt pour attirer davantage de ces talents. Afin de repositionner l’agriculture en tant que carrière attrayante, les gouvernements locaux et les sociétés devront rehausser la réputation des collectivités rurales en tant que lieux de vie agréables, en particulier auprès des immigrants qui possèdent des compétences en STIM. La collaboration avec les spécialistes en sciences sociales permettra de s’assurer que les innovations sont adaptées aux besoins des agriculteurs, acceptées par les consommateurs et mises au point de façon responsable.

Fonder une Silicon Valley canadienne de technologie agricole. Ce projet de percée dans les technologies agricoles doit permettre une collaboration intersectorielle entre les entrepreneurs, les investisseurs, les chercheurs, les collectivités, les sociétés et les gouvernements en vue d’insuffler des idées novatrices et de soutenir la croissance des entreprises en démarrage ou en croissance. Il s’agira de rassembler les acteurs des secteurs public et privé autour d’une ambition commune en matière d’innovation, axée sur des priorités précises (comme les sept technologies transformatrices décrites ci-dessus). Un exemple de cette démarche est l’initiative Foodbytes! lancée par Rabobank. Elle inclut un programme qui offre aux entreprises en démarrage du secteur alimentaire et des technologies agricoles des occasions de mentorat, de partenariat commercial et d’investissement.

Mettre en place des incitations fiscales et financières innovantes pour encourager l’investissement privé. Stimuler l’investissement privé dans les technologies agricoles canadiennes amène à réfléchir de façon plus créative aux incitations fiscales et financières dont nous disposons. Nous devons privilégier l’automatisation, qui est la clé de notre productivité agricole et de notre compétitivité internationale. Cela attirera plus de capitaux dans les technologies destinées à façonner l’agriculture à faibles émissions de demain. L’une des possibilités serait d’incorporer l’intelligence artificielle et les technologies agricoles dans les règles d’accélération de l’amortissement, en plus des actifs corporels actuellement pris en compte.

Offrir une vision globale, transparente et accessible des investissements dans les technologies agricoles. Cette vision doit inclure le cycle de vie complet des innovations. La plupart des renseignements sur les investissements privés (capital-risque et capital-investissement) dans les entreprises en démarrage sont disponibles, à l’exception des informations sur les rondes de financement qui ne sont pas toujours divulguées. En revanche, il est difficile, voire impossible d’obtenir des données exhaustives sur les investissements dans la R-D agricole. Il en va de même pour la R-D dédiée aux technologies agricoles dans l’enseignement supérieur. Combler ces lacunes en matière d’information nous donnerait une vue d’ensemble du paysage technologique, et nous aiderait à cerner les domaines qui nécessitent des investissements plus importants.

Créer des communautés de précurseurs parmi les agriculteurs. Les agriculteurs font foi aux agriculteurs. Le simple fait de voir le succès des autres a incité de nombreux agriculteurs à adopter des pratiques agricoles régénératrices – en particulier ceux qui travaillent dans des conditions comparables. De tels exemples apaisent les inquiétudes des agriculteurs à propos des technologies, car ils constatent qu’elles peuvent être utilisées sans risque pour leur exploitation. Des lieux de démonstration indépendants constituent un excellent moyen de prouver l’efficacité des innovations émergentes. Une grande partie de ce transfert de connaissances était auparavant réalisé dans le cadre de programmes de vulgarisation agricole indépendants et financés par des ressources publiques. Plus récemment, des sociétés du secteur privé ont massivement investi dans des programmes de recherche appliquée afin d’aider les agriculteurs à obtenir les meilleurs résultats possibles à partir de leurs produits.

Faire payer. Forcer les agriculteurs à payer pour les émissions qu’ils produisent actuellement pourrait augmenter les prix déjà élevés des denrées alimentaires. Il serait plus opportun de rémunérer les agriculteurs pour leur effort de réduction des émissions. Les modèles existants tels que les crédits de carbone sont toutefois insuffisants, et ils font peser un poids mal réparti entre les agriculteurs. L’une des solutions serait de mettre en place une norme canadienne visant à mesurer l’impact des activités destinées à réduire les émissions. Il s’agirait de créer un système de mesure, de notification et de vérification (MNV) du carbone stocké dans les sols, afin de pouvoir rémunérer les agriculteurs et aider les décideurs et les institutions financières à mobiliser des financements. Cette norme, qui est également essentielle pour attirer les investissements, devra être conçue et réglementée à l’échelle nationale, et harmonisée à l’échelle internationale avec nos principaux partenaires commerciaux.

Partager les risques. Pour les agriculteurs, les technologies de réduction des émissions ajoutent de l’incertitude à des activités déjà soumises à de nombreux risques. Les gouvernements et les autres entreprises de la chaîne de valeur agricole ont un rôle important à jouer dans le partage des risques. Cela implique des assurances contre les pertes de rendement pour les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables. À l’heure actuelle, les régimes d’assurance récolte ne comportent pas d’incitations aux pratiques agricoles durables, bien que ces pratiques aient fait leurs preuves pour atténuer l’incidence des inondations et des sécheresses. Les compagnies d’assurance récolte devraient envisager un ajustement des primes afin de tenir compte de ces évolutions dans les risques.

Pour en savoir plus, visitez rbc.com/climat.

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Contributeurs :

RBC
Trinh Theresa Do, première directrice, Stratégie de leadership avisé
Naomi Powell, directrice de rédaction, Services économiques et Leadership avisé
John Stackhouse, premier vice-président
Colin Guldimann, économiste
Ben Richardson, associé, Recherche
Farah Huq, première directrice, Contenu stratégique
Darren Chow, premier directeur, Médias numériques
Zeba Khan, directrice, Publication numérique
Aidan Smith-Edgell, chargé de recherche associé
Kitty Wu, stagiaire
Gwen Paddock, directrice, Durabilité et climat, Agriculture et agroentreprise
Brenda Bouw, rédactrice indépendante

 

Boston Consulting Group
Keith Halliday, directeur général principal, Centre pour l’avenir du Canada
Chris Fletcher, directeur général et associé
Sonya Hoo, directrice générale et associée
Wendi Backler, associée et directrice, Center for Growth and Innovation Analytics, BCG
Youssef Aroub, chef de projet
Pilar Pedrinelli, conseillère
Rachit Sharma, premier analyste de recherche, Center for Growth and Innovation Analytics, BCG

 

Arrell Food Institute, University of Guelph
Evan Fraser, directeur
Deus Mugabe, candidat au doctorat, Agriculture végétale
Dr Jesus Pulido-Castanon, associé en recherche postdoctorale
Emily Duncan, candidate au doctorat, Géographie, environnement et géomatique

En complément des noms cités dans le présent rapport, nous remercions les personnes et les organismes suivants pour leurs contributions :

    • Alice Reimer, conseillère stratégique, CDL
    • Alison Sunstrum, fondatrice et chef de la direction, CNSRVX-Inc
    • Jim Baker, chef de la direction, Cultura Technologies (Volaris Group)
    • Simon Barber, ancien directeur, Asia Pacific Regulatory and Stewardship, Syngenta Seeds, Singapour
    • Wilf Keller, vice-président, Sensibilisation, Conseil de l’innovation agroalimentaire
    • Ray Price, chef de la direction, SunTerra Group
    • Gary Haley, président, Haley Family Investment Trust
    • Jay Cross, président, Académie canadienne des sciences de la santé ; professeur, Université de Calgary
    • Lenore Newman, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité alimentaire et environnement, professeure de géographie, Université Simon Fraser
    • Mark Thompson, vice-président exécutif, chef, Développement et stratégie d’entreprise, Nutrien Ltd.
    • Michelle Nutting, directrice, Agriculture et environnement durable, Nutrien Ltd.
    • Dan Heaney, chargé de recherche associé, Plant Nutrition Canada
    • Tom Steve, directeur général, Commission albertaine du blé
    • Jason Lenz, vice-président, Commission albertaine du blé
    • Dan McCann, chef de la direction, Precision AI
    • Juanita Moore, vice-présidente, Expansion des affaires, GoodLeaf Farms
    • Janay Meisser, directrice de l’innovation, United Farmers of Alberta
    • Mauricio Alanís, directeur, Stratégie et partenariats en matière de durabilité, Aliments Maple Leaf
    • Ryan Phillippe, directeur, Développement de l’entreprise, Génome Canada
    • Josh Bourassa, chargé de recherche associé, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy
    • Elena Vinco, chercheuse et analyste politique, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy
    • Guillaume Lhermie, directeur, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy
    • Lejjy Gafour, présidente, Cult Food Science Corp.
    • Francis Rowe, chef des finances, Cult Food Science Corp.
    • Jane Church, directrice, Engagement de l’entreprise, Nature United
    • Tony Ward, professeur émérite, Département d’économie, Université de Brock
    • Dave MacMillan, chef de la direction, Deveron UAS
    • Derek Eaton, directeur, Recherche et sensibilisation en matière de politique publique, Smart Prosperity Institute
    • David Hughes, président et chef de la direction, The Natural Step Canada
    • Stuart Smyth, professeur agrégé, College of Agriculture and Bioresresources, Université de la Saskatchewan
    • Kristjan Hebert, associé gestionnaire, Hebert Grain Ventures
    • John Van Logtenstein, vice-président, Dairy Lane Systems et DLS Biogas
    • John Walker, Walker Farms
    • Scott Walker, Walker Farms
    • Clyde Graham, vice-président exécutif, Fertilisants Canada
    • Josh Pollack, cofondateur, CELL AG TECH
    • Valentin Fulga, cofondateur, CELL AG TECH

    • 1. À part de marché égale et si nous ne changeons pas nos pratiques, nous

estimons

    • que les émissions de l’agriculture canadienne atteindront 137 mégatonnes en 2050
    • 2. Institut agricole du Canada, « An Overview of the Canadian Agricultural Innovation System. » 2017.

https://www.aic.ca/wp-content/uploads/2021/04/AIC-An-Overview-of-the-Canadian-Agricultural-Innovation-System-2017.pdf(en anglais)

    • 3. The Times of Israel, “Israeli companies lead world in plant-based food tech investments — report,” August 2022.

https://www.timesofisrael.com/israeli-companies-lead-world-in-plant-based-food-tech-investments/

    • 4. Eco-Business, “Is Singapore poised to become Asia’s hub for alternative protein?,” August 2021.

https://www.eco-business.com/opinion/is-singapore-poised-to-become-asias-hub-for-alternative-protein/

    • 5. BBC Storyworks, “How technology is transforming Japan’s agriculture”

https://www.bbc.com/storyworks/future/the-technology-transforming-agriculture/how-technology-is-transforming-japans-agriculture

    • 6. Fast Company, “How the Netherlands became a plant-based protein powerhouse,” November 2020.

https://www.fastcompany.com/90573547/how-the-netherlands-became-a-plant-based-protein-powerhouse

    • 7. Nutrien, “2022 Environmental, Social ESG And Governance (« ESG ») Report,” 2022.

https://nutrien-prod-asset.s3.us-east-2.amazonaws.com/s3fs-public/uploads/2022-03/Nutrien_ESG%20Report%202022.pdf

    • 8. Global CCS Institute. “Facilities Database,”

https://co2re.co/FacilityData

    • 9. Canadian Biogas Association, “Canadian 2020 Biogas Market Report.” April 2021.

https://www.biogasassociation.ca/images/uploads/documents/membersOnly/2021/Canadian_2020_Biogas_Market_Full_Report.pdf

    • 10. Columbia Climate School: State of the Planet, “How Sustainable is Vertical Farming? Students Try to Answer the Question,” December 2015.

https://news.climate.columbia.edu/2015/12/10/how-sustainable-is-vertical-farming-students-try-to-answer-the-question/

    • 11. UC Davis, “Cows and climate change: making cattle more sustainable,” June 2019.

https://www.ucdavis.edu/food/news/making-cattle-more-sustainable

    • 12. Breanna M. Roque, Marielena Venegas, Robert D. Kinley, Rocky de Nys, Toni L. Duarte, Xiang Yang, Ermias Kebreab, “Red seaweed (Asparagopsis taxiformis) supplementation reduces enteric methane by over 80 percent in beef steers,” March 2021.

https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0247820

    • 13. CBC News, “How feeding cows seaweed could help P.E.I. meet emission targets and boost this business
    • Social Sharing,” November 2021.

https://www.cbc.ca/news/canada/prince-edward-island/pei-seaweed-feed-methane-emissions-climate-change-1.6228982

    14. Ontario Genomics, “Cellular Agriculture Canada’s $12.5 Billion Opportunity In Food Innovation,” November 2021.

 

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.