La nourriture est de nouveau à l’avant-plan

La nourriture est en train de remodeler l’économie, car les prix des aliments font grimper l’inflation. La nourriture redéfinit aussi la sécurité nationale, étant donné que les pays doivent prévoir des approvisionnements stratégiques. De plus, la nourriture relance le débat sur le climat. Les producteurs aussi bien que les consommateurs sont confrontés à une contradiction entre l’augmentation des besoins de nourriture et la nécessité de réduire les émissions.

Le monde a besoin d’une nouvelle révolution verte, et le Canada pourrait jouer un rôle majeur dans cette révolution. De fait, nous en avons l’obligation.

D’ici 2050, le Canada doit augmenter sa production alimentaire d’un quart juste pour maintenir sa contribution alors que la population mondiale augmente. Nous devons développer notre production afin d’approvisionner l’humanité, mais avec moins d’impact sur la planète. Cet objectif pourrait être celui du Canada pour 2030 et au-delà, si nous parvenons à tirer parti de l’imagination et de l’esprit d’entreprise des Canadiens dans tous les secteurs et toutes les régions.

L’entrée des systèmes agricoles et alimentaires dans une ère d’innovation a incité RBC, le Centre pour l’avenir du Canada de BCG et Arrell Food Institute de l’Université de Guelph à se lancer dans ce projet, dont l’ambition est de faire prendre conscience de l’urgence des besoins auprès des Canadiens, mais aussi de mettre en avant les occasions grandissantes qui découleront de systèmes alimentaires plus durables.

Ce rapport expose la façon dont nous pouvons édifier ces systèmes. Par exemple :

  • utiliser des technologies de pointe ainsi que des pratiques bien établies ;
  • attirer et former une nouvelle génération d’innovateurs dans le secteur agricole et alimentaire ;
  • investir dans les agriculteurs en vue de développer de nouveaux incitatives économiques qui rémunèrent ce qu’ils produisent et aussi ce qu’ils protègent ;
  • et déclamer haut et fort que l’agriculture canadienne peut aider le monde entier à évoluer plus rapidement vers un monde qui a résolu la crise climatique.

La façon dont nous cultivons, transformons et consommons la nourriture n’est pas la première cause de notre crise climatique. Mais nos pratiques pourraient être une solution. À condition d’investir de manière appropriée, nous pourrions apporter à la planète une solution « fabriqué au Canada, cultivé au Canada ».

    John Stackhouse, premier vice-président, Services économiques et Leadership avisé
    Keith Halliday, directeur, BCG Le Centre pour L’avenir du Canada
    Evan Fraser, directeur, Arrell Food Institute à l’Université de Guelph

Principales constatations

Les systèmes agricoles et alimentaires du Canada produisent 93 mégatonnes, soit un peu plus de 10 % de nos émissions nationales de gaz à effet de serre chaque année.1

Si les agriculteurs canadiens continuaient de travailler comme ils le font actuellement, à part de marché égale, ces émissions atteindraient 137 mégatonnes compte tenu de la croissance démographique de 26 % attendue dans le monde d’ici 2050.2


Les principales technologies et approches permettant de réduire les émissions comprennent le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, les additifs pour l’alimentation animale, les systèmes de digestion anaérobie et la technologie de précision.

Il sera également crucial d’adopter des solutions fondées sur la nature en vue de séquestrer le carbone. Le carbone du sol pourrait constituer l’un de nos outils les plus puissants, augmentant la quantité de carbone stockée dans le sol jusqu’à 35 mégatonnes.

Le Canada pourrait réduire de 40 % ces émissions potentielles avant 2050, à condition d’adopter de nouvelles solutions technologiques et de gestion conjuguées à des financements et des politiques en faveur des agriculteurs.

De nouveaux modèles sont nécessaires pour récompenser l’adoption de ces solutions, les mettre en œuvre à grande échelle et réduire les incertitudes et les risques pour les agriculteurs.

L’une des solutions serait de mettre en place une norme canadienne visant à mesurer l’impact des activités destinées à réduire les émissions. Une telle mesure constituerait un outil essentiel pour rémunérer les agriculteurs, en plus d’aider les décideurs politiques et les institutions financières à soutenir les pratiques favorables à l’environnement.

Pour accroître notre production tout en réduisant les émissions, nous devrons déployer un effort d’envergure nationale, en fonction du contexte de chaque région, en nous appuyant sur la technologie, la finance, les compétences et les politiques publiques.


Mener une révolution agricole à faible émission de carbone

Le secteur agricole canadien se trouve à un tournant décisif de son histoire.

La demande alimentaire mondiale devrait s’intensifier à mesure que la population augmentera à 9,7 milliards de personnes d’ici 2050, ce qui représente un bond de 26 %.3 Dans le même temps, les changements climatiques perturbent les chaînes logistiques et la productivité de nombreux grands producteurs agricoles. Et le bouleversement géopolitique provoqué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déstabilisé les systèmes alimentaires mondiaux.

La tâche de nourrir la planète a rarement été aussi décourageante. Le Canada pourrait prendre la tête de l’effort déployé dans le monde pour relever ce défi.

Nos agriculteurs figurent déjà parmi les plus productifs de la planète, avec 75 milliards de dollars de denrées alimentaires fournies aux marchés internationaux chaque année. Le Canada est l’un des principaux fournisseurs de cultures essentielles comme le blé et le canola, et un chef de file mondial dans l’exportation de bœuf. Nous disposons de vastes stocks de terres arables et d’eau douce, d’un environnement réglementaire relativement stable et d’un statut international en tant que fournisseur d’aliments sûrs et de qualité élevée.

Mais notre réussite a un coût. Chaque acre de nourriture cultivé et chaque animal élevé accroît une empreinte carbone qui est déjà trop élevée, et que nous nous sommes engagés à réduire. Cultiver selon les mêmes méthodes un nombre d’acres beaucoup plus élevé ne fera qu’aggraver le problème, étant donné que la perturbation du sol libère du carbone dans l’atmosphère.

Dans le même temps, les changements climatiques nuisent à la production dans de nombreuses régions du monde, y compris au Canada. Néanmoins, à moyen terme, ces facteurs pourraient permettre au Canada de produire plus de nourriture. Cela nous donne à la fois la responsabilité de soulager la crise alimentaire mondiale et l’occasion d’accroître notre présence sur les marchés internationaux.

Pour ce faire, nous devrons déployer nos efforts en direction d’un nouvel objectif : produire beaucoup plus de nourriture – tout en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

Dans le présent rapport, nous avons défini quatre domaines d’actions qui pourraient nous placer sur la bonne voie. Les domaines en question comprennent les technologies destinées à réduire les émissions issues des engrais, de la digestion des animaux d’élevage et des fumiers, ainsi que les techniques agricoles permettant de stocker le carbone dans le sol. En s’appuyant sur ses propres forces, le Canada pourrait s’imposer comme un chef de file dans le développement des technologies et des sciences végétales qui fomenteront la prochaine révolution verte du secteur agricole.

Les agriculteurs seront en première ligne dans cette transition. Mais ils ne peuvent pas y arriver seuls. En raison du large éventail d’activités dans l’agriculture canadienne, de la diversité des régions dans lesquelles elles sont menées et de la répartition inégale des émissions entre ces régions, une stratégie nationale est nécessaire. Pour y parvenir, nous devrons nous appuyer sur les partenariats intersectoriels, la recherche et l’innovation, la mise en place de politiques et l’investissement privé. Nous devrons amplifier les ports et les voies ferroviaires qui transportent nos marchandises sur le marché. Et nous devrons penser au-delà de nos propres frontières, en déployant tout d’abord nos efforts auprès de nos partenaires commerciaux afin de dynamiser la manière d’aborder les évaluations, les labels et autres mécanismes.

Par le passé, le Canada a déjà mis en place ce type de stratégie nationale en faveur des agriculteurs, non seulement en stimulant les avancées technologiques, mais aussi en adoptant des politiques en matière d’immigration, d’infrastructure et de commerce international, avec un résultat très bénéfique.

En adoptant dès maintenant le même esprit de collaboration, l’agriculture canadienne peut être un chef de file mondial dans la lutte contre les changements climatiques.

Les émissions agricoles sont analysées de diverses façons et nous avons eu recours à différents rapports pour évaluer la question sous plusieurs angles. Selon le Rapport d’inventaire national (RIN) du Canada pour 2019, les émissions agricoles se chiffreraient à 73 mégatonnes. D’après notre analyse complète incluant les engrais, le transport, la transformation, la vente au détail, la consommation et l’élimination, les émissions atteindraient 136 mégatonnes. Cette analyse se base sur le rapport RIN du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) d’Environnement Canada. Des émissions de périmètre 1 à 3 ont été attribuées à l’étape opérationnelle de la chaîne de valeur afin d’éviter que les données soient comptées en double. Les émissions de périmètre 3 de faible ampleur et difficiles à faire diminuer, comme les émissions résultant de la fabrication d’immobilisations utilisées dans le secteur agricole, n’ont pas été prises en compte. Il est également possible d’ajuster ce chiffre pour tenir compte de l’exportation et de l’importation des aliments. En ce qui concerne les émissions agricoles liées aux importations, nous avons attribué des facteurs d’émission par unité importée aux principales marchandises importées en nous fondant sur les bases de données de CONCITO et celles des émissions des partenaires commerciaux. Aux fins du présent document, à moins d’indications contraires, les émissions agricoles s’entendent de la production et de l’utilisation d’engrais, de la fermentation entérique et de la gestion du fumier, de l’utilisation de carburant en milieu agricole, des résidus de cultures, du changement d’affectation des terres et d’autres émissions, le niveau de référence étant de 93 mégatonnes. Nous estimons que la séquestration du carbone dans les sols est une technologie à émissions négatives du secteur agricole. Les estimations ayant trait aux leviers de réduction potentielle des émissions tiennent compte de la préparation technologique, économique et opérationnelle aux coûts actuels. Ces estimations ont été établies en fonction de données tirées de recherches, d’entrevues avec des experts et de tests réels fondés sur des avis d’experts. Les répercussions futures des leviers sont très incertaines en raison de la nature précoce de la technologie et des éléments inconnus entourant la portée de la mise en œuvre. Nous tenons donc compte dans notre analyse des limites de faisabilité et de mise en œuvre, et non de la portée théorique des éventuelles réductions d’émissions.

Nous avons effectué une analyse préliminaire de la compétitivité de l’empreinte carbone des principales cultures du Canada. Cette analyse découle d’une synthèse de résultats de plusieurs études utilisant diverses méthodologies. Les premiers résultats ont démontré que l’agriculture canadienne présente une empreinte carbone concurrentielle par rapport à ses principaux concurrents à l’exportation ; d’autres études de recherche et rapports plus approfondis sur l’intensité des émissions de carbone seront déterminants pour notre analyse.

Défi mondial :

La culture des aliments transformée par les changements

Les changements climatiques redessinent la carte de la production alimentaire mondiale. L’augmentation mondiale des températures amorcée vers la fin du 20e siècle a ralenti les gains de productivité liés à l’adoption généralisée des engrais chimiques, aux variétés de semences plus productives et aux technologies de plus en plus sophistiquées.

Depuis 1961, les changements climatiques causés par les actions humaines ont freiné de 21 % la croissance de la productivité agricole mondiale.4L’histoire est encore plus funeste dans les régions chaudes comme l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes, où la croissance de la productivité s’est avérée inférieure de 26 % à 34 % au niveau qu’elle aurait atteint en l’absence de changements climatiques. Pour de nombreux pays tropicaux, l’agriculture est vouée à se compliquer encore plus : pour chaque degré d’augmentation des températures mondiales, le rendement du maïs chutera de 7,4 % et celui du riz de 3,2 %.

Le Canada n’échappera pas aux ravages des changements climatiques – la canicule, la sécheresse et les tempêtes extrêmes ont déjà frappé la production en 2021–mais les répercussions seront différentes. D’ici 2050, les rendements de certaines régions du Canada pourraient s’améliorer de 50 % (du fait que le réchauffement allongera les saisons des cultures), alors qu’ils déclineront de 20 % à 50 % dans plusieurs parties de la Chine, de l’Inde et des États-Unis.5

Et tandis que les pôles se réchauffent, environ 1,85 million de kilomètres carrés de terres du Nord canadien pourraient devenir propices aux cultures de produits de base d’ici 2080.6 Étant donné que le Canada perd près de 60 000 acres de terres agricoles de grande qualité au profit de l’expansion urbaine chaque année, il pourrait être tentant de les cultiver ou de les développer.7 Cependant, les conséquences d’un déplacement de l’agriculture vers le nord seraient catastrophiques : près de 15 gigatonnes de carbone seraient libérées si les forêts et les zones humides étaient défrichées et labourées.

Pour nourrir le monde, le Canada devra cultiver davantage de denrées alimentaires sans trop augmenter sa superficie de terres agricoles.

La réduction des émissions est essentielle au maintien de notre puissance agricole mondiale

Le Canada est déjà une superpuissance agricole. Les Prairies produisent suffisamment de blé pour nous classer parmi les trois principaux pays exportateurs. Et elles produisent assez de canola pour dominer les marchés mondiaux. Les mines de la Saskatchewan produisent et expédient plus d’engrais potassique que tout autre pays, à savoir un milliard de tonnes par an. Nous sommes parmi les plus grands exportateurs de bœuf au monde et l’un des principaux exportateurs de lentilles.

En tant que cinquième source d’émissions de gaz à effet de serre, le secteur agricole canadien ajoute aussi à l’empreinte carbone du pays.

Le Canada est un important exportateur de produits agricoles clés


Pour déchainer la croissance il faut surmonter des défis uniques

Malgré sa toute-puissance actuelle, le secteur agricole canadien a encore un fort potentiel à exploiter. En 2017, le Conseil consultatif en matière de croissance économique estimait que le Canada pourrait cibler une part de marché mondiale de 8 % des produits agricoles d’ici 2027 (en hausse par rapport à 5,7 % en 2015), ce qui ferait de nous le deuxième exportateur mondial après les États-Unis.8 En tant que l’un des rares pays ayant la capacité d’accroître ses exportations agricoles (en tenant compte des bouleversements climatiques), cet objectif semble de plus en plus à notre portée. En effet, à mesure que de nouveaux marchés et de nouvelles relations commerciales se développeront en réponse aux turbulences géopolitiques et aux changements climatiques, de nouvelles portes s’ouvriront aux grands producteurs. L’Espagne a récemment fait pression sur la Commission européenne pour qu’elle supprime les contrôles à l’importation au regard des aliments pour animaux en provenance de pays tiers, alors que le pays s’efforce de combler la perte de l’Ukraine en tant que principal fournisseur.9 En raison des mêmes pénuries et du désir de réduire la dépendance à l’égard des États-Unis, la Chine cherche à accélérer ses importations de maïs brésilien.10

« Seules quelques régions fournissent des céréales au monde, et lorsque vous avez un problème dans l’une d’entre elles, cette perte doit être compensée. Le Canada fait partie du petit groupe de pays disposant d’une importante capacité de production et d’un excédent exportable. Nous aurons toutes sortes d’occasions. »

Al Mussell, directeur de recherche, Institut canadien des politiques agroalimentaires

Toutefois, si les occasions liées à la transformation verte de l’agriculture sont nombreuses, les défis à relever le sont également. Pour commencer, la nourriture occupe une place unique dans notre vie quotidienne. En plus de nous maintenir en vie, la nourriture joue un rôle central dans nos célébrations, nos rituels quotidiens et nos communautés. Par conséquent, les changements dans sa disponibilité et ses prix sont beaucoup plus visibles, et ils sont directement ressentis par les consommateurs. Cela rend le changement délicat à mettre en place sur le plan politique.

Et bien que l’agriculture partage bon nombre de défis avec les secteurs à fortes émissions engagés dans le commerce international, l’économie agricole rend plus difficile le cheminement de ce secteur vers la réduction des émissions. Les coûts des intrants sont imprévisibles. Les dépenses en engrais, par exemple, se sont hissées de 31,8 % en 2021, tandis que le coût des aliments pour les animaux d’élevage a gagné 23 %.11 Les prix des marchandises agricoles, qui constituent la majeure partie des revenus de l’agriculture, font partie des plus volatils parmi les secteurs engagés dans le commerce international. Et la capacité d’absorber ces fluctuations varie grandement d’un type d’exploitation à l’autre. Les marges bénéficiaires sont ainsi plus élevées pour les producteurs laitiers et avicoles pratiquant la gestion de l’offre, et plus faibles pour les éleveurs de bovins et de porcs sensibles aux brusques mouvements du marché.

Les phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes et fréquents posent de nouveaux défis au secteur agricole, particulièrement tributaire des conditions climatiques. Face à ces pressions, de nombreux agriculteurs sont réticents à adopter de nouvelles pratiques qui ajouteraient de l’incertitude à leurs activités.12

Les secteurs des produits laitiers, des céréales et des oléagineux sont les plus rentables

Revenu net agricole moyen 2009-2019, % des revenus

Au-delà de l’exploitation agricole en elle-même, l’ampleur de la chaîne logistique crée des obstacles supplémentaires. En effet, le secteur agricole canadien est très fragmenté, soumis à la fois aux aléas mondiaux et régionaux et régi par un entrelacs de stratégies provinciales et nationales. Une grande partie du secteur est aussi tributaire d’un réseau d’infrastructures ferroviaires et portuaires qui connaît de plus en plus de difficultés, notamment des pénuries de main-d’œuvre et des perturbations dues aux phénomènes météorologiques extrêmes. « Nous sommes dans la position privilégiée d’avoir toute cette offre que le monde demande, il la veut pour tout de suite », a déclaré Jean-Marc Ruest, premier vice-président, Affaires commerciales et avocat général de Richardson International, le premier exportateur de céréales au Canada. « Mais nous avons beaucoup de mal à faire sortir les céréales du Canada. Il est grand temps d’investir dans notre infrastructure commerciale. »

Le groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement a recommandé un effort d’envergure nationale réunissant les chefs de file du gouvernement et de l’industrie afin de renforcer notre réseau de transport face à l’évolution des modèles d’affaires, aux bouleversements climatiques et aux risques géopolitiques.13 Une stratégie similaire devrait être mise en œuvre pour relever le défi de la réduction des émissions de carbone dans la chaîne logistique agricole.

Nous pouvons commencer par nous pencher sur trois principales sources de gaz à effet de serre dans le secteur : les engrais, la digestion du bétail et le fumier. Dans la prochaine section, nous examinerons les outils qui peuvent aider à réduire ces émissions, notamment les systèmes de digestion anaérobie, le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC) et les additifs pour l’alimentation animale – ainsi que les défis à relever pour utiliser ces outils. Nous examinerons également le potentiel de « l’agriculture régénératrice », qui vise à stocker le carbone dans le sol. Cette approche englobe un ensemble de pratiques agricoles durables, parmi lesquelles la réduction du travail des sols et les cultures de couverture qui peuvent également rendre notre terre plus résiliente face aux effets du changement climatique.

Enfin, nous examinerons comment nos atouts actuels peuvent nous aider à diriger la recherche et le développement de nouvelles technologies qui pourraient être essentielles à l’avenir de l’agriculture. Dans leur ensemble, ces politiques peuvent contribuer à jeter les jalons de la révolution verte au Canada.


Quatre éléments clés pour un système agricole et alimentaire à faibles émissions

Défi majeur : La production et l’utilisation des engrais sont responsables de 28 mégatonnes de GES, soit 30 % de nos émissions agricoles totales (11,9 mégatonnes sont issues de leur production, et 16 mégatonnes de leur utilisation).
Si nous ne changeons rien : les émissions atteindront 35 mégatonnes en 2050.
Ce qui pourrait changer la donne : Utilisation : engrais intelligents, technologie de précision, gérance des nutriments. Production : captage, utilisation et stockage du carbone, intrants énergétiques à faibles émissions de carbone.
Le potentiel : Réduire les émissions de 14 mégatonnes avant 2050.

Peu d’endroits bénéficient de l’ampleur et du potentiel de l’agriculture canadienne, comme en témoigne l’exploitation de 3 000 acres de Rob Stone à Davidson, en Saskatchewan. Dans les années 1960, les terres de M. Stone produisaient 20 boisseaux de blé par acre. Aujourd’hui, ces terres génèrent 50 boisseaux de blé par acre, un effet que M. Stone attribue à l’amélioration génétique des semences, à ses propres pratiques agricoles et aux engrais azotés.

Parmi les intrants, les engrais représentent le coût le plus élevé pour les exploitations canadiennes. Comme beaucoup d’autres agriculteurs, M. Stone a pris des initiatives pour les utiliser avec parcimonie. Les engrais sont aussi l’élément qui augmente le plus l’empreinte carbone agricole du Canada, et ils constituent un bon point de départ dans notre parcours vers une agriculture verte.

L’azote nourrit les plantes, qui les absorbent au moyen de leurs racines. Certaines cultures, comme les légumineuses, n’en ont pas besoin, parce qu’elles puisent l’azote dans l’air. Cependant, pour les principales exportations canadiennes comme le blé et le canola, l’engrais azoté est essentiel, et il appliqué dans presque tous les champs où sont cultivées ces céréales. L’engrais azoté libère du dioxyde de carbone durant son processus de fabrication, et il peut dégager de l’oxyde nitreux (puissant gaz à effet de serre qui a un potentiel de réchauffement planétaire de 265 à 298 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone, sur une période de 100 ans) au moment de son épandage dans les champs.14,15

La bonne nouvelle est que nous avons des outils pour réduire son utilisation. Et le Canada a fait des progrès pour adopter certains de ces outils. Le processus commence par une planification minutieuse de la façon dont l’engrais est appliqué dans l’exploitation agricole. Certaines initiatives sectorielles peuvent aider les agriculteurs à élaborer ces plans. Par exemple, le programme canadien « 4R Nutrient Stewardship » recommande d’appliquer le bon type d’engrais, d’utiliser le bon dosage, et de l’appliquer au bon moment et au bon endroit. Selon les études scientifiques d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’adoption généralisée de certaines pratiques du programme 4R, comme l’utilisation d’engrais plus efficaces et l’épandage séparé, pourrait se traduire par d’importantes réductions des émissions.

Des pratiques plus avancées, soutenues par des données et des technologies de précision, pourraient nous mener encore plus loin. Sur sa ferme de Davidson, à mi-chemin entre Saskatoon et Regina, M. Stone analyse ses sols chaque année, surveille ses rendements, et utilise les informations recueillies pour élaborer ses propres plans d’ensemencement et d’application à taux variable d’éléments nutritifs. Ce changement a porté ses fruits : il utilise de 8 à 10 % moins d’engrais à présent. Le semoir pneumatique qu’il utilise lui a aussi permis de semer ses graines sans labourer le sol. Cette technologie permet de rehausser la qualité des sols et la productivité, tout en limitant le besoin de mettre les terres en jachère en alternance.

En revanche, réduire les émissions liées à la production d’engrais exige des solutions d’une envergure industrielle beaucoup plus large. Les systèmes de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC), qui ont fait leur entrée dans le secteur pétrolier et gazier, visent à capter les émissions avant qu’elles ne pénètrent dans l’atmosphère et à les compresser sous une forme liquide qui est ensuite transportée par pipeline jusqu’à une infrastructure de stockage. La société Nutrien, établie à Saskatoon, utilise maintenant un système de ce type pour capter le dioxyde de carbone de son usine de Redwater et l’expédier par le pipeline Alberta Carbon Trunk Line vers le centre de l’Alberta, où sont situées des installations de récupération assistée du pétrole. Une autre technologie à l’étude est le processus d’électrolyse, qui consiste à produire des engrais en utilisant de l’électricité renouvelable pour extraire l’hydrogène de l’eau.

Les défis : De nombreuses exploitations canadiennes sont de petite taille et dégagent de faibles marges, ce qui rend difficile d’absorber le coût de l’analyse des sols et de la technologie agricole de précision. Un récent sondage de RBC mené auprès de 200 agriculteurs canadiens a révélé que les exploitations générant des revenus annuels peu élevés (de 250 000 $ à 999 000 $) étaient moins susceptibles d’utiliser des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. (Toutefois, la quasi-totalité des exploitations agricoles à faible revenu qui n’ont pas encore adopté de pratiques agricoles vertes prévoit de le faire dans un proche avenir.) Seulement 13 % des agriculteurs canadiens utilisent des techniques d’application à taux variable dans leur exploitation.16 Et bien que ce nombre soit en augmentation, moins d’un tiers des agriculteurs analysent leur sol chaque année pour rechercher les nutriments présents – point de départ pour une utilisation plus efficace des engrais.

Le coût et l’incertitude représentent aussi des obstacles du côté de la production. Hormis l’usine de Nutrien à Redwater, très peu de producteurs d’engrais utilisent des systèmes de CUSC. Bien que les coûts varient d’un site de production à l’autre, le coût en capital estimé pour cette technologie peut atteindre 50 millions de dollars par usine, selon sa taille et son emplacement. En outre, de nombreux obstacles se dressent face à l’investissement, parmi lesquels l’incertitude quant aux approbations réglementaires et à la tarification du carbone.17 Les systèmes de CUSC sont également dépendants d’infrastructures qui nécessitent un développement plus poussé, notamment dans le domaine des pipelines de carbone et des centres de stockage.

« Pour l’heure, la technologie la plus rentable et la plus disponible est celle du captage et du stockage du carbone. Mais elle demande des investissements importants. »

Clyde Graham, vice-président exécutif, Fertilisants Canada

Carbone actuellement séquestré dans le sol : 13 mégatonnes.
Ce qui pourrait changer la donne : Agroforesterie, biochar, culture intercalaire, sylvopastoralisme, pratiques de conservation sans labour, cultures de couverture, prévention du changement d’affectation des terres.
Le potentiel : émissions négatives jusqu’à 35 mégatonnes.

Quand il s’agit de cultiver de la nourriture, le sol est notre ressource la plus précieuse. Environ 95 % des denrées alimentaires mondiales sont cultivées dans la partie supérieure de la couche arable, dont plus de la moitié a disparu au cours des 150 dernières années à cause des pratiques agricoles modernes particulièrement intensives. Si aucun changement n’est apporté, nous continuerons de perdre des sols et les conséquences de cette perte seront de plus en plus graves. Sans une couche arable saine, la terre n’a plus la capacité de faire pousser de la nourriture et d’absorber l’eau, et cela nous rend plus vulnérables aux risques de famine et d’inondation.

Le sol joue un autre rôle vital : il stocke du carbone. De fait, bien que l’agriculture soit à l’origine d’une grande partie de nos émissions, elle détient un énorme pouvoir en tant que « puits de carbone ». Autrement dit, ce secteur retire de l’atmosphère une partie des GES qui contribuent aux changements climatiques. Les pratiques agricoles modernes, comme le labourage, peuvent nuire à cette fonction importante, dans la mesure où elles perturbent le stockage du carbone dans le sol.

Investir dans nos sols est donc un premier pas crucial en direction d’une agriculture plus verte. L’agriculture « régénératrice » aspire à atteindre cet objectif grâce à une approche holistique visant à améliorer la santé des sols, à protéger la biodiversité et à puiser les gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour les incorporer aux sols. Bien que le terme ait été utilisé pour la première fois dans les années 1980, il est monté en puissance en 2014 à la suite d’un article de l’organisme sans but lucratif Rodale Institute décrivant comment certaines techniques agricoles respectueuses peuvent séquestrer le carbone dans le sol. Depuis, cette tendance alimentaire a pris le devant de la scène aux États-Unis où de plus en plus de produits font référence à l’agriculture régénératrice, et où des sociétés comme General Mills, PepsiCo et Nestlé ont fait part de leur engagement à faire progresser cette technologie sur des millions d’acres de terres agricoles. Au Canada, des sociétés telles que McCain Foods, Maple Leaf Foods, Nutrien et McDonald’s Canada ont lancé des initiatives similaires.

De façon générale, l’agriculture régénératrice englobe un ensemble de pratiques, notamment la réduction ou l’élimination du labour, les cultures de couverture (qui préviennent l’érosion et améliorent la fertilité) et le développement des techniques de pâturage (qui donnent à la terre le temps de se régénérer tout en renforçant la capacité des sols à stocker du carbone).

De nombreux agriculteurs canadiens ont déjà adopté ces pratiques d’agriculture régénératrice. Par exemple, environ 60 % des agriculteurs utilisent des techniques sans labour ou des méthodes de conservation des sols. En Saskatchewan, ce chiffre est encore plus élevé, atteignant 80 %. L’adoption d’autres pratiques pourrait nous mener encore plus loin. Les cultures de couverture ont le potentiel d’atténuer les émissions de 9,6 mégatonnes. Et le biochar, qui consiste à transformer les déchets agricoles en un amendement des sols capable de séquestrer le carbone, pourrait les réduire de 6,8 mégatonnes. Toutefois, les pratiques visant à puiser les gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont qu’une partie de l’équation.

Nous devons surtout éviter la génération d’émissions dans le futur. L’une des solutions est la conservation des prairies, lesquelles séquestrent actuellement une énorme quantité de carbone. Prévenir l’élimination des prairies à des fins d’industrialisation ou d’urbanisation pourrait réduire les émissions de carbone de 12,4 mégatonnes au Canada.

Bon nombre de ces pratiques, à présent regroupées sous la bannière de l’agriculture régénératrice, sont appliquées depuis longtemps par les communautés autochtones. Et les communautés autochtones ont d’importantes connaissances à partager à présent que nous étudions le potentiel de ces techniques.

« C’est ce que nous faisons depuis toujours, et c’est tout le contraire d’une technique primitive. Il s’agit de résilience et d’adaptation. Nous pouvons obtenir beaucoup de la terre, mais à condition d’investir, sans la presser comme un citron jusqu’à la dernière goutte. »

Jennifer Grenz, professeure ajointe, l’Université de la Colombie-Britannique

Les défis : L’adoption de l’agriculture régénératrice se heurte aux préoccupations financières des agriculteurs. Le coût par acre de cette technologie varie d’une pratique à une autre. Et l’investissement initial dans les équipements nécessaires comme les semoirs pneumatiques peut être prohibitif. La plupart des producteurs, en particulier ceux dont les marges financières sont faibles, ont besoin de s’assurer que les rendements couvriront les coûts et les risques associés. Mais selon nos recherches, les avantages de certaines de ces pratiques commencent à compenser les coûts quatre ans seulement après leur adoption. Et la rentabilité n’apparaît qu’à la sixième année. Les marchés destinés à rémunérer les agriculteurs pour leur travail de stockage du carbone dans le sol, de même que les méthodes de mesure correspondantes, se trouvent toujours en phase expérimentale, et ils ne permettent pas de compenser financièrement l’investissement de départ.

L’incertitude représente un autre obstacle de taille. L’agriculture régénératrice ne répond pas à une définition juridique ou réglementaire universelle, et aucune supervision n’a été mise en place dans ce domaine. Ce vide juridique l’expose à une utilisation à mauvais escient ou à des affirmations exagérées quant à sa puissance pour stocker le carbone, alors que bon nombre de ses avantages font encore l’objet d’un débat scientifique. En l’absence de tests ou de certifications venant conforter les affirmations en question, les agriculteurs (et les consommateurs) sont livrés à eux-mêmes pour évaluer la crédibilité des méthodes concernées.

Le piégeage du carbone dans les sols est essentiel à la réduction des émissions

Millions de tonnes d’équivalent CO2

Le choix des consommateurs serait plus facile si le terme avait une définition officielle, conjuguée à un système de mesure, de notification et de vérification (MNV) du carbone stocké dans le sol grâce à l’agriculture régénératrice (et aux services écosystémiques fournis par les sols). Un système de MNV aiderait également à établir des prix au regard des pratiques, et à créer un marché pour l’achat et la vente des crédits de carbone. Plusieurs projets pilotes ont été lancés dans l’idée de créer des « fermes de carbone » et des systèmes précis de mesure, de notification et de vérification du stockage de carbone. D’autres projets mettent en application des modèles mathématiques avancés afin d’évaluer la façon dont différentes stratégies de gestion agricole peuvent séquestrer le carbone.

Quel que soit le système mis en place, il faudra tenir compte du fait que les sols présentent une myriade de variations selon les régions du pays, et qu’il existe des limitations liées au type et à la taille des exploitations. La création d’un outil de MNV à l’échelle nationale nécessitera également un système d’analyse des sols beaucoup plus large que celui dont dispose le Canada en ce moment. La technologie sera essentielle pour déployer ces systèmes. Nous devrons notamment perfectionner les capteurs de sols commandés à distance.

Les réponses aux questions se feront attendre, par exemple en ce qui concerne la réglementation des marchés du carbone dans le futur. D’ici là, nous devrons trouver les moyens d’inciter les agriculteurs à utiliser les meilleurs outils dont nous disposons, et à remplacer ces outils par de nouveaux encore plus efficaces au fil de leur apparition.

« Il était devenu impossible de produire sans cultures de couverture. Des tempêtes de folie venaient anéantir nos récoltes. Plus maintenant.»

Gillian Flies, propriétaire, The New Farm

Défi majeur : La digestion des bovins produit 24 mégatonnes d’émissions.
Si nous ne changeons rien : Les émissions atteindront 30 mégatonnes d’ici 2050.
Ce qui pourrait changer la donne : Additifs pour l’alimentation animale, reproduction sélective des bovins aux fins de réduction des GES.
Le potentiel : Réduire de 16 mégatonnes les émissions d’ici 2050.

Les rots et les bouses de vache ne sont pas la première chose qui vient à l’esprit lorsque nous pensons aux changements climatiques. Cependant, les vaches laitières et les races à viande constituent les plus grandes sources d’émissions agricoles après l’engrais au Canada. En raison de leur processus digestif appelé « fermentation entérique », les bovins produisent du méthane, un puissant gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement climatique sur 20 ans est 85 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone.18 Le secteur agricole représente 30 % des émissions nationales de méthane au Canada, et 85 % de ces émissions sont directement attribuées au bétail.19

Le paradoxe est que ce même bétail peut jouer un rôle précieux dans la conservation des terres. Le Canada compte environ 35 millions d’acres de prairies indigènes et 9 millions d’acres de prairies ensemencées qui agissent en tant que puits de carbone. En pâturant sur ces terres, le bétail pousse les plantes à s’enraciner plus profondément, ce qui favorise le stockage du carbone dans le sol. Par ailleurs, l’utilisation des terres aux fins de pâturage constitue une barrière contre tout changement d’affectation qui serait nuisible à la biodiversité et au stockage du carbone dans le sol.

Pour ajouter à cette complexité, le bœuf canadien présente l’une des empreintes carbone les plus limitées du monde, avec des émissions de gaz à effet de serre bien inférieures à la moyenne mondiale. Cela fait de nous un fournisseur de bœuf vital pour la planète, à un moment où le monde entier cherche à réduire ses émissions. De même, nos vaches laitières émettent moins de GES par kilogramme de produit fini que la moyenne mondiale. La contribution démesurée du bétail au changement climatique signifie cependant que nous devons aller plus loin. Les chercheurs tentent de mettre au point des techniques d’élevage produisant des bovins moins générateurs de méthane et dont le processus digestif est plus efficace. À plus court terme, la création d’additifs alimentaires destinés à réduire la quantité de méthane produite lors de la digestion des bovins constituerait une percée pour le secteur. L’un de ces additifs, le 3-NOP, est déjà utilisé dans d’autres pays – il n’a pas encore été approuvé au Canada. Des recherches montrent que cet additif pourrait entraîner jusqu’à 45 % de réduction des émissions.20 L’ajout d’algues à l’alimentation des vaches laitières pourrait également réduire les émissions de 82 % et améliorer le rendement du bétail, c’est-à-dire stimuler la croissance des animaux à partir d’une moindre quantité de nourriture.21

Le défi : Les aliments sont les intrants les plus coûteux et les plus critiques dans un élevage de vaches laitières ou de races à viande, et des questions subsistent quant au coût des additifs dans le contexte de la forte demande internationale. Une question plus pratique est de savoir comment administrer les additifs destinés aux races à viande, car ces bovins passent la majeure partie de leur vie à paître dans des champs à l’air libre (où la plupart des émissions sont libérées).

« Les additifs pour l’alimentation animale sont difficiles à vendre. Comme nous avons appris à travailler avec des vétérinaires et des parcs d’engraissement, il n’y a presque pas d’incitation… En fin de compte, nous dépendons d’un facteur inconnu : si oui ou non les produits seront adoptés par l’agriculteur. »

Elena Vinco, chercheuse, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy

Défi majeur : Les fumiers sont responsables de 8 mégatonnes d’émissions.
Si nous ne changeons rien : Les émissions atteindront 10 mégatonnes avant 2050.
Ce qui pourrait changer la donne : Systèmes de digestion anaérobie.
Le potentiel : Réduction des émissions de 4 mégatonnes d’ici 2050.

Bien qu’ils soient moins nocifs que les rots des vaches, les fumiers contribuent largement à faire grimper les émissions. Aujourd’hui, 8 mégatonnes des émissions agricoles totales proviennent des fumiers. Parmi ces émissions, 55 % sont générées par le bétail.

L’entreprise agricole Walker Farms, implantée à Aylmer, au sud-est de London en Ontario, a trouvé une façon de réduire ces émissions tout en rehaussant ses marges. L’exploitation laitière s’est associée à DLS Biogas, une société ontarienne, afin de fabriquer un digesteur anaérobie d’une valeur de 16 millions de dollars. Il s’agit d’une technologie qui transforme le fumier et les déchets organiques en électricité ou en gaz naturel renouvelable (GNR). Les agriculteurs peuvent utiliser cette énergie dans leur propre exploitation, ce qui diminue leurs coûts, ou encore la vendre aux sociétés de services de gaz naturel comme Fortis, en Colombie-Britannique, dans le cadre de contrats à long terme. Fortis achète le gaz et les crédits de carbone associés.

Le digestat, un sous-produit inodore, peut à son tour être utilisé comme engrais. Le Canada compte actuellement 279 projets de biogaz en exploitation. Et comme à peine 13 % de l’énergie produite par le biogaz est exploitée au Canada, il existe un fort potentiel de croissance, en particulier dans le secteur agricole.22

Les défis : Les systèmes de digestion anaérobie gagnent du terrain, notamment en raison des revenus supplémentaires qu’ils apportent aux fermes. Les Walkers prévoient que leur investissement de départ produira un rendement positif dans huit ans.

Toutefois, le coût initial des digesteurs, qui oscille entre 7 millions et 70 millions de dollars, est prohibitif pour les petits exploitants. Les Walkers et la société DLS Biogas ont soumis diverses demandes de subventions (à l’issue de centaines d’heures de travail), mais il n’y a aucune garantie de succès et aucun programme spécialement conçu pour le biogaz.

Et les digesteurs ne sont pas la panacée pour toutes les exploitations. Au moins 150 vaches sont nécessaires pour produire du fumier en quantité suffisante pour un digesteur, donc la taille des exploitations est un facteur clé. Or, l’Ontario compte en moyenne de 70 à 80 vaches par ferme. Il est également crucial d’avoir accès aux déchets alimentaires enfouis, afin de les ajouter aux digesteurs, et de disposer de pipelines pour expédier le GNR vers le marché. Les grands parcs d’engraissement de bovins en Alberta bénéficient en général d’un meilleur accès à cette infrastructure et de suffisamment de bétail pour rendre la production viable. Cependant, l’argile utilisée à la surface de nombreux enclos peut terminer dans le fumier et endommager le mécanisme des biodigesteurs. De nombreux parcs d’engraissement sont en train de bétonner leurs surfaces au rouleau compresseur, ce qui renforce le rendement du bétail tout en éliminant le problème de l’argile dans le processus du biogaz. Cette transformation coûte aussi très cher.

La mise en place de digesteurs collectifs pourrait permettre aux petites exploitations agricoles de prendre part à la production de biogaz. Pour ce faire, il est essentiel de couvrir les coûts initiaux et de simplifier le processus d’obtention des financements.


Défi majeur : 93 mégatonnes globalement.
Si nous ne changeons rien : 137 mégatonnes.
Ce qui pourrait changer la donne : Une technologie agricole de pointe qui réduit les émissions, permet de stocker plus de carbone dans le sol et plus de production sur une moindre superficie.
Le potentiel : permettant 54 mégatonnes de réductions d’émissions potentielles (ou jusqu’à 76 mégatonnes lorsque la séquestration du sol est ajoutée).

Le Canada a une longue tradition d’innovation agricole. La mise au point du blé Marquis en 1904 a joué un rôle crucial dans l’essor du rendement des cultures des Prairies. Le canola, créé en Saskatchewan dans les années 1960, est devenu l’une des cultures d’oléagineux les plus importantes au monde. La vis à grain a été inventée au Canada. De plus, des semoirs pneumatiques portant le logo de la Seed Hawk, une société de la Saskatchewan, sont à l’œuvre un peu partout entre l’Australie et l’Europe.

Au fil du temps, ces inventions ont rehaussé la productivité de l’agriculture canadienne. En effet, toutes les réductions d’émissions envisagées dans ce document reposeront d’une certaine manière sur la technologie—des innovations telles que le CUSC, les biodigesteurs et les outils de précision. La technologie sera également essentielle pour produire plus de nourriture sur moins de terres et, par extension, éviter la conversion de terres en terres cultivées. Selon nos estimations, nous pourrions réduire les émissions de près de 20 mégatonnes en évitant les changements d’utilisation des sols jusqu’en 2050. Le stockage de plus de carbone dans le sol—produisant des émissions négatives—dépendra également d’appareils de plus en plus sophistiqués comme les capteurs de sol et les drones afin d’accéder à l’innovation nécessaire pour donner un coup de pouce aux nouvelles méthodes comme l’agriculture régénératrice.

Le poids du Canada sur les marchés agricoles mondiaux, sa longue expertise dans les sciences de l’agriculture et sa récente percée dans l’intelligence artificielle et les sciences des données sont autant d’atouts pour prendre la tête de cette course, dans bien des domaines. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’attirer des investissements privés dans l’innovation canadienne, nous nous heurtons à des résistances. Sur les quelque 36 milliards de dollars d’investissement en capital-risque et en capital-investissement déployés dans les technologies agricoles depuis 2017 à l’échelle mondiale, le Canada a seulement reçu 3 % de ces fonds, soit 1 milliard de dollars américains. Les États-Unis ont bénéficié de 20 milliards de dollars, ce qui couvre 55 % de leurs investissements.

Paradoxalement, les investissements en capital–risque et en capital-investissement ont été à la traîne dans plusieurs domaines de l’agriculture canadienne ayant remporté le plus de prix dans le passé. Alors que nous cherchons à diminuer les émissions, la génétique des semences et la science des sols (y compris la recherche sur le microbiome) offrent un grand potentiel pour stimuler la production sur les terres existantes, réduire les émissions de carbone et améliorer la résilience face aux sécheresses et aux inondations. Alors que par le passé, une grande partie de notre recherche s’est concentrée « au-dessus du sol », les scientifiques s’intéressent de plus en plus au potentiel des systèmes racinaires et du microbiome des sols pour réduire les émissions. Jusqu’à présent, les investissements privés n’ont pas afflué dans ces domaines au Canada. Nos projets de génétique des cultures n’ont attiré que 82 millions de dollars américains, sur un total de 10 milliards de dollars d’investissement mondial en capital-investissement et en capital-risque depuis 2017.

De plus, une grande partie de l’investissement capté par le Canada n’est pas destiné aux technologies nécessaires pour améliorer la durabilité de notre secteur agricole et alimentaire. En 2021, dans le monde, plus de la moitié de l’investissement privé dans les technologies agricoles a porté sur les pratiques durables. Au Canada, en revanche, la plupart des investissements sont axés sur la numérisation et l’automatisation, technologies conçues pour renforcer la productivité, et non la durabilité.

À l’heure de déployer ces solutions, nous devrons garder un œil sur l’avenir en investissant au plus tôt dans les technologies capables de nous aider à adapter nos systèmes alimentaires aux changements climatiques. L’« agriculture en environnement contrôlé » a le vent en poupe partout dans le monde. Cette méthode permet de cultiver en intérieur et en couches empilées, par exemple dans des serres ou dans des fermes verticales. Le Canada importe actuellement des produits frais à un coût modique, en provenance de régions beaucoup plus vulnérables aux changements climatiques. Des solutions technologiques comme celles que nous avons citées plus haut nous aideraient à préserver la sécurité alimentaire nationale, dans un monde de plus en plus sensible aux changements climatiques et aux tumultes politiques. Entre-temps, les technologies de l’agriculture cellulaire et de la fermentation de précision, qui progressent rapidement, pourraient offrir aux consommateurs de nouveaux aliments en remplacement de la viande et des produits laitiers.

« Je pense que la culture sélective des plantes serait une excellente solution pour nous. Si nous regardons les avancées réalisées sur le plan des rendements, des maladies, de la résistance, toutes ces qualités, nous voyons que la recherche a été concentrée au-dessus du sol. Sous terre, il existe autant d’occasions de faire toutes sortes de percées significatives. »

Stuart Smyth, professeur agrégé, Université de la Saskatchewan

Les défis : L’intelligence artificielle et la science des données, l’ingénierie, l’Internet des objets, y compris les capteurs et les drones, sans oublier la biotechnologie, sont des outils essentiels au développement des outils essentiels au développement de technologies agricoles modernes. Tout comme les compétences qui les accompagnent. Pourtant, les efforts déployés pour attirer ces talents spécialisés et perfectionner les compétences des jeunes n’ont pas été à la hauteur de nos besoins.

Le soutien à la recherche canadienne provient principalement du financement public, qui a été à l’origine de bon nombre de nos succès. Le blé Marquis, qui a considérablement amélioré les rendements dans les Prairies au début des années 1900, a été élaboré dans les granges de la Ferme expérimentale du Dominion. Ces stations de recherche, exploitées par le gouvernement fédéral, avaient pour but d’analyser les problématiques agricoles et de mettre au point de nouvelles techniques pour venir en aide aux agriculteurs. Les programmes actuels peuvent être onéreux pour les chercheurs, en particulier dans les technologies émergentes qui ne relèvent pas de catégories de financement précises. Et certaines exigences réglementaires, y compris celles qui entourent les végétaux à caractères nouveaux, peuvent faire obstacle à l’approbation et à l’investissement dans les domaines émergents de la science végétale comme l’édition génomique.

Bien que les chercheurs canadiens demeurent tributaires de l’investissement public, d’autres pays, dont les États-Unis, voient la plupart de leurs fonds de recherche provenir du secteur privé. Notre position dans la prochaine ère de l’agriculture dépendra de notre capacité à mobiliser davantage de capitaux.

Lutter contre le gaspillage alimentaire

Les émissions proviennent non seulement de la nourriture que nous cultivons, mais aussi de celle que nous gaspillons. Au Canada, 58 % des aliments produits aux fins de consommation humaine sont gaspillés ou se perdent au long de la chaîne logistique, , dont 18 % pourraient être évités. 23 Le coût économique de ce gaspillage s’élève à 49 milliards de dollars par an, et le chiffre est encore plus haut si l’on tient compte de la perte en main-d’œuvre et en transport, entre autres facteurs.

Bien qu’une grande partie du gaspillage survienne au cours de la production et de la transformation, seulement 14 % de cette perte est évitable. En effet, les progrès technologiques ont déjà beaucoup aidé à éliminer le gaspillage alimentaire à l’étape de la production, un effort en partie motivé par les économies qu’il génère.

Du côté des consommateurs, le problème du gaspillage alimentaire est bien plus profond. Près de la moitié du gaspillage évitable se produit dans les hôtels, les restaurants et les ménages, et les consommateurs des pays riches sont beaucoup plus susceptibles de gaspiller la nourriture que ceux des pays pauvres. Lorsque ces aliments se décomposent dans les décharges, ils libèrent des gaz à effet de serre évalués à 12 mégatonnes – sur une base de mesure de bout en bout.

Résoudre le problème du gaspillage alimentaire des consommateurs implique de s’attaquer à un ensemble de causes. Ces causes comprennent le manque de temps (les consommateurs n’ont pas le temps de planifier leurs repas et d’utiliser la nourriture avant qu’elle ne se détériore), des connaissances insuffisantes sur la façon de prévenir le gaspillage alimentaire à l’aide d’un entreposage plus réfléchi, ou en utilisant les déchets de cuisine comme les épluchures de légumes, et les promotions dans les magasins de détail qui incitent les consommateurs à acheter plus que nécessaire.

En plus de réduire le gaspillage alimentaire, l’industrie a fait de grands efforts pour prolonger la durée de conservation des aliments par l’entremise des emballages et de divers contrôles. Des solutions novatrices sont en cours d’étude pour fabriquer des emballages végétaux et antimicrobiens, dans le même esprit. Des capteurs peuvent indiquer à quel moment la nourriture est effectivement perdue, au lieu de laisser les consommateurs tributaires des dates d’expiration. Et de nouveaux modèles d’affaires peuvent être mis en place, par exemple pour transformer les aliments non conformes aux normes du commerce de détail en aliments pour la volaille et autres usages.

Mais en fin de compte, résoudre le problème du gaspillage alimentaire dépendra de nous-mêmes.


Recommandations : Semer le changement

Réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en assumant notre responsabilité de nourrir le monde est un chemin parsemé d’incertitudes. Étant donné que de nombreuses technologies et pratiques agricoles en sont encore à leurs balbutiements et que leur adoption est loin d’être généralisée, de nombreuses questions restent en suspens.

Cela risque de paralyser nos efforts, alors que nous n’avons pas le luxe de perdre du temps. Les enjeux de la crise alimentaire actuelle sont stupéfiants : les pénuries et les prix élevés dans le secteur des marchandises ont mis en péril les vies et les moyens de subsistance de 345 millions de personnes, à présent menacées d’une insécurité alimentaire aiguë.24 Les pays à faibles revenus, dont la plupart dépendent des importations depuis l’Ukraine et la Russie, figurent parmi les plus vulnérables. C’est par exemple le cas de la Somalie, du Soudan du Sud et du Yémen. En Amérique du Nord et dans les autres pays à revenus élevés, la flambée des prix des denrées alimentaires, due aux pénuries et à l’inflation qui a suivi la pandémie, est également à l’ordre du jour dans les discussions politiques.

L’urgence de la situation nous obligera à agir vigoureusement, en exploitant les meilleurs outils dont nous disposons aujourd’hui. Et nous devrons unir nos forces. Les décideurs politiques, les entreprises privées et les producteurs devront trouver de nouveaux moyens de collaborer afin de mettre en œuvre notre stratégie nationale en faveur des agriculteurs. Tout d’abord, nous devons nous concentrer sur les éléments de base mentionnés ci-dessus, ainsi que sur les piliers que représentent la technologie, les personnes, les politiques, les capitaux et les marchés. En collaboration avec le Centre pour l’avenir du Canada de BCG et l’Arrell Food Institute de l’Université de Guelph, nous analyserons en profondeur chacun de ces piliers au cours des prochains mois.

Bâtir un secteur agricole capable de faire face aux bouleversements climatiques représente un défi inédit à ce jour. Mais peu de pays sont mieux placés que le Canada pour y parvenir.

La menace de l’insécurité alimentaire s’intensifie dans le monde. En parallèle, notre capacité à répondre à une nouvelle ère d’innovation, à la fois pour cultiver nos terres et les conserver, se renforce aussi.

Changement de paradigme : Édifier les quatre piliers d’une stratégie alimentaire visant à réduire les émissions

Politique

Établir un plan national pour bâtir un secteur agricole à faibles émissions. Notre plan de réduction des émissions doit mobiliser toutes les parties prenantes, non seulement les agriculteurs, mais aussi les investisseurs, les entreprises privées et l’ensemble des Canadiens. Produire des aliments de manière plus durable implique de faire des choix difficiles et de soutenir l’investissement dans des technologies importantes telles que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC). Cela signifie également que nous devons améliorer la commercialisation des aliments durables canadiens dans le monde.

Diriger l’effort mondial visant à créer une norme d’émissions pour le secteur alimentaire. Environ 61 % des émissions de notre agriculture sont liées à des marchandises qui finissent par être exportées. Si notre stratégie de réduction des émissions n’était pas harmonisée par rapport à nos principaux marchés d’exportation, cela pourrait provoquer des frictions dans nos relations commerciales. Nous devons rassembler nos partenaires commerciaux autour d’objectifs, d’indicateurs, et de protocoles de mesure, de notification et de vérification communs en matière de GES. Le Canada, partisan de longue date du libre-échange et leader mondial dans les processus multilatéraux, a la capacité de diriger cet effort.

Intégrer les stratégies agricoles aux stratégies énergétiques. Les agriculteurs sont de plus en plus enclins à saisir l’occasion de générer du gaz naturel renouvelable à partir de leurs activités. L’intégration de ces initiatives à une stratégie énergétique nationale pourrait contribuer à accélérer le déploiement de l’énergie propre, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des exploitations agricoles.

Technologie

Créer un organisme de financement central pour la recherche et le développement. Bon nombre des domaines les plus prometteurs et les plus avancés de la recherche agricole canadienne n’entrent pas dans les catégories de financement actuelles. Un système centralisé semblable à celui du département de l’Agriculture des États-Unis pourrait donner une vision plus complète, à l’échelle canadienne, des domaines où le soutien et l’innovation sont nécessaires. L’esprit d’initiative dont fait preuve le gouvernement fédéral pour créer de grands pôles d’innovation illustre à quel point le Canada pourrait soutenir la recherche et l’innovation agroalimentaires.

Mettre l’accent sur les technologies les plus prometteuses pour réduire les émissions. À présent que nous souhaitons orienter les financements vers des solutions innovatrices, nous devons nous intéresser davantage aux technologies permettant de réduire les émissions aux points critiques de la chaîne logistique. C’est le cas par exemple des systèmes de digestion anaérobie, des additifs pour l’alimentation animale et des mécanismes de CUSC. Les financements devraient également cibler les technologies qui contribuent à l’adoption et la rémunération des pratiques durables, parmi lesquelles les capteurs de sols et les technologies de précision.

Mettre en place des incitations fiscales et financières innovantes pour encourager l’investissement privé. Stimuler l’investissement privé dans les technologies agricoles canadiennes amène à réfléchir de façon plus créative aux incitations fiscales et financières dont nous disposons. Nous devons privilégier l’automatisation, qui est la clé de notre productivité agricole et de notre compétitivité internationale. Cela attirera plus de capitaux dans les technologies destinées à façonner l’agriculture à faibles émissions de demain. L’une des possibilités serait d’incorporer l’intelligence artificielle et les technologies agricoles dans les règles d’accélération de l’amortissement, afin d’aller au-delà des actifs corporels.

Économie

Faire payer. Forcer les agriculteurs à payer pour les émissions qu’ils produisent actuellement pourrait augmenter les prix déjà élevés des denrées alimentaires. Il serait plus opportun de rémunérer les agriculteurs pour leur effort de réduction des émissions. Les modèles existants tels que les crédits de carbone sont toutefois insuffisants, et ils font peser un poids mal réparti entre les agriculteurs. Une norme nationale pour mesurer l’impact des activités de réduction des émissions, y compris un mécanisme pour mesurer, notifier et vérifier (MNV) le carbone stocké dans les sols, pourrait être essentielle pour indemniser les agriculteurs et donner aux décideurs politiques et aux institutions financières les moyens de mobiliser un soutien. Ce mécanisme, également essentielle pour attirer les investissements, devra être conçue et réglementée à l’échelle nationale et harmonisée à l’échelle internationale avec nos principaux partenaires commerciaux.

Partager les risques. Pour les agriculteurs, les technologies de réduction des émissions ajoutent de l’incertitude à des activités déjà soumises à de nombreux risques. Les gouvernements et les autres entreprises de la chaîne de valeur agricole ont un rôle important à jouer dans le partage des risques. Cela implique des assurances contre les pertes de rendement pour les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’incitation aux pratiques agricoles durables dans les régimes d’assurance récolte, bien que ces pratiques aient fait leurs preuves pour atténuer l’incidence des inondations et des sécheresses. Les compagnies d’assurance récolte devraient envisager un ajustement des primes afin de tenir compte de ces évolutions dans les risques.

Personnes

Développer les compétences. Tirer parti du Conseil de l’information sur le marché du travail pour déterminer les compétences dont les agriculteurs ont besoin pour adopter un système alimentaire plus résilient. Comme nous l’avons mentionné dans nos recherches antérieures, les compétences numériques sont cruciales pour l’avenir de la production alimentaire.25 Il en va de même pour la façon d’appliquer les outils en vue de réduire les émissions. Au-delà des données et de la technologie, certains agriculteurs auront besoin d’aide pour mettre en pratique les techniques de l’agriculture régénératrice et les autres outils. Les plateformes d’apprentissage expérientiel, notamment le mentorat pratique et les programmes coopératifs, peuvent accélérer cette transition.

Élargir le bassin de talents. Le manque de sensibilisation au potentiel des carrières de l’agriculture a entravé le recrutement de personnes dotées de compétences en codage, en intelligence artificielle et en science des données, alors que ces compétences sont essentielles à l’avenir du secteur alimentaire. Le problème se pose dans tous les secteurs, mais peu d’entre eux offrent un potentiel d’innovation plus important que celui de l’agriculture. Il sera indispensable de faire connaître aux étudiants les occasions offertes par les champs, au moyen de programmes coopératifs, de sensibilisation et de liaison. Cette démarche est en effet critique pour les convaincre de mettre leurs talents au service de ce défi.


Pour en savoir plus, allez à rbc.com/climat.

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Contributeurs

RBC
Naomi Powell, directrice de rédaction, Services économiques et Leadership avisé
John Stackhouse, premier vice-président
Colin Guldimann, économiste
Farah Huq, directrice générale principale, Stratégie de contenu
Darren Chow, premier directeur, Médias numériques
Trinh Theresa Do, Première directrice, Stratégie leadership avisé
Zeba Khan, directrice, Publication numérique
Aidan Smith-Edgell, associé, Recherche
Kitty Wu, stagiaire
Gwen Paddock, directrice, Durabilité et climat, Agriculture et agroentreprise
Ryan Riese, directeur général national, Agriculture

Boston Consulting Group
Keith Halliday, directeur, Centre pour l’avenir du Canada
Kilian Berz, Directeur général et associé principal
Shalini Unnikrishnan, directrice générale et associée
Sonya Hoo, directrice générale et associée
Chris Fletcher, directeur général et associé
Thomas Foucault, directeur général et associé
Wendi Backler, associée et directrice, BCG Center for Growth and Innovation Analytics
Kate Banting, Responsable de marketing et impact social
Simon Beck, directeur
Youssef Aroub, chef de projet
Ilana Hosios, conseillère
Anguel Dimov, conseiller
Pilar Pedrinelli, conseillère
Zahid Gani, conseiller
Rachel Ross, conseillère
Rachit Sharma, Premier analyste de recherche, BCG Center for Growth and Innovation Analytics

Arrell Food Institute, Université de Guelph
Evan Fraser, directeur
Margarita Fontecha, Arrell Food Institute, candidate au doctorat, Conception environnementale et développement rural
Laura Hanley, étudiante en maîtrise, Sciences alimentaires
Ibrahim Mohammed, candidat au doctorat, Sciences environnementales
Deus Mugabe, candidat au doctorat, Agriculture végétale
Brenda Zai, étudiante en maîtrise, Sciences alimentaires
Dr. Krishna KC, chercheur scientifique
Dr. Jesus Pulido-Castanon, associé en recherche postdoctorale
Emily Duncan, candidate au doctorat

    En complément des noms cités dans le présent rapport, nous remercions les personnes et les organismes suivants pour leurs contributions :

    • Katie M. Wood, professeure agrégée, Ruminant Nutrition and Physiology, Université de Guelph
    • Lisa Ashton, candidate au doctorat, Université de Guelph
    • Lenore Newman, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité alimentaire et environnement, professeure de géographie, Université Simon Fraser
    • Dennis Laycraft, vice-président exécutif, Association canadienne des bovins
    • Brenna Grant, vice-présidente exécutive, Canfax Research Services
    • Mark Thompson, vice-président exécutif, chef, Développement et stratégie d’entreprise, Nutrien Ltd.
    • Michelle Nutting, directrice, Agriculture et environnement durable, Nutrien Ltd.
    • Clyde Graham, vice-président exécutif, Fertilisants Canada
    • Dan Heaney, associé de recherche, Plant Nutrition Canada
    • Tom Steve, directeur général, Commission du blé de l’Alberta
    • Jason Lenz, vice-président, Commission albertaine du blé
    • Dan McCann, chef de la direction, Precision AI
    • Daniel Brisebois, Ferme Coopérative Tourne-Sol
    • Juanita Moore, vice-présidente, Expansion des affaires, GoodLeaf Farmsv
    • Janay Meisser, directrice de l’innovation, United Farmers of Alberta
    • Les Wall, chef de la direction, KCL Cattle Company
    • Kate Parizeau, professeure agrégée, Département de géographie, d’environnement et de géomatique, Université de Guelph
    • Tammara Soma, professeure adjointe, School of Resource and Environmental Management (Planning), Université Simon Fraser
    • Mauricio Alanís, directeur, Stratégie et partenariats en matière de durabilité, Aliments Maple Leaf
    • Ryan Phillippe, directeur, Développement de l’entreprise, Génome Canada
    • Josh Bourassa, associé de recherche, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy
    • Guillaume Lhermie, directeur, The Simpson Centre for Food and Agricultural Policy
    • Lejjy Gafour, présidente, Cult Food Science Corp.
    • Jane Church, directrice, Engagement de l’entreprise, Nature United
    • Tony Ward, professeur émérite, Département d’économie, Université de Brock
    • Tyson Kamminga, chef des finances, Kroeker Farms Limited
    • Wayne Rempel, chef de la direction, Kroeker Farms Limited
    • Brian Gilvesy, chef de la direction, ALUS
    • Dave MacMillan, chef de la direction, Deveron UAS

 

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.