Issue #06

Comment le Canada peut-il se prémunir contre des États-Unis prompts à dégainer des barrières tarifaires ?
barrières douanières de M. Trump

Sujets chauds

Oubliez les blogues moralisateurs sur le climat pour Noël. Les moyens ne manquent pas pour réduire votre sentiment de culpabilité quant à votre empreinte carbone des Fêtes. Vous est-il possible de limiter vos déplacements pendant la course d’avant Noël, de prendre plus souvent les transports en commun, de vous abstenir du traditionnel voyage en avion, de cesser d’acheter du papier-cadeau – et même d’envoyer moins de cartes (Postes Canada est en grève, de toute façon) ? Et d’attaquer votre rôti de Noël sans vous sentir coupable ?

L’environnement et l’économie s’affrontent dans deux villes canadiennes : Crowsnest Pass (Alberta), veut redevenir une ville du charbon. La collectivité de 6 000 âmes a récemment voté en faveur de la réalisation du projet de charbon métallurgique de Grassy Mountain – et même par une large majorité : 72 % des citoyens, qui se sont exprimés en grand nombre, se sont prononcés en faveur de la proposition, dans l’espoir de générer de nouveaux revenus économiques. Même si le référendum municipal n’est que consultatif, il souligne combien le développement économique l’emporte sur les préoccupations environnementales dans certaines collectivités. Plus à l’ouest, Vancouver a réitéré son interdiction de chauffer les nouveaux logements au gaz naturel – mais de justesse. Les partisans de la suppression de l’interdiction, dont le maire Ken Sims, avançaient que cela rendrait les logements plus abordables dans une Colombie-Britannique hors de prix. Mais cela a aussi déclenché une large opposition. L’interdiction est restée en vigueur à la suite d’un vote du Conseil municipal à cinq voix contre cinq.

Opposition à l’opposition au plastique. L’année épouvantable des défenseurs du climat mondial semble s’être achevée sur une autre catastrophe cette semaine, en Corée du Sud, où il a été impossible de s’entendre sur la pollution plastique. Plus de 100 pays militaient en faveur d’une réduction progressive de la production de plastique, mais les producteurs de pétrole ont fait valoir que cela pourrait avoir des répercussions sur le développement économique. Les négociations reprendront l’an prochain. Cette dernière impasse s’inscrit dans un contexte plus large de maigres progrès sur les questions climatiques et environnementales, notamment lors de la COP29.

La Barbade troque une partie de sa dette contre des engagements climatiques. Un échange de dettes contre des engagements en faveur du climat permet à la Barbade de restructurer sa dette à taux d’intérêt élevé et de réaliser des économies budgétaires de 125 millions de dollars. En contrepartie, l’État des Antilles promet d’utiliser ces fonds pour améliorer la gestion des ressources en eau et améliorer la disponibilité de l’eau et la sécurité alimentaire. Cette pratique apparaît comme un moyen populaire pour les pays en développement d’alléger leurs fardeaux financiers, en échange d’une amélioration de leur gérance de l’environnement. Le Forum économique mondial estime que les échanges « dette-nature » pourraient permettre d’affecter 100 milliards de dollars US à la restauration de l’environnement et aider les pays à s’adapter aux changements climatiques.

Le prix bimensuel de l’action climatique est décerné à Omar Yaghi, chimiste à l’Université de Californie à Berkeley, pour avoir mis au point une poudre capable de capturer le carbone. Les premiers tests montrent qu’une livre à peine de cette matière pourrait absorber autant de dioxyde de carbone qu’un arbre.

Le prix bimensuel du flop climatique est décerné à la Norvège pour avoir autorisé l’exploitation minière en eaux profondes à titre commercial – une première mondiale. Le gouvernement a depuis lors suspendu sa décision, sous la pression d’un parti membre de sa coalition. Trente-deux pays, dont le Canada, ont appelé à un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales.

Cinq atouts énergétiques dans les manches du Canada

Le président désigné Donald Trump a reçu le premier ministre Justin Trudeau à souper à Mar-a-Lago la semaine dernière, après avoir menacé d’imposer des droits de douane généralisés de 25 % sur les importations canadiennes. M. Trump a qualifié la rencontre dînatoire de « productive », mais le Canada est loin d’être tiré d’affaire. Ottawa a pourtant de bonnes cartes en main et pourrait tirer parti de ses ressources en énergie pour détourner les États-Unis d’une inflation réciproque assurée dans les deux pays.

Les chiffres ne concordent pas pour le brut : le pétrole lourd canadien se négocie encore moyennant un escompte d’environ 10 $ par rapport au prix de référence nord-américain. L’imposition d’une surtaxe de 25 % au plus gros fournisseur de pétrole des États-Unis pourrait propulser les prix de l’essence largement au-dessus du prix moyen actuel à l’échelle du pays de 3 $ US le gallon. Cela pourrait faire échouer le mandat confié au tsar de l’énergie Doug Burgum de ramener le prix du carburant à 2 $ US le gallon. Accessoirement, M. Burgum se trouvait à la table de MM. Trump et Trudeau lors du souper.

Il ne peut y avoir de domination énergétique américaine sans le Canada : le Canada est le principal fournisseur de gaz naturel par gazoduc des États-Unis. Si la nouvelle administration souhaite établir une « domination énergétique » américaine, elle devra s’appuyer sur le gaz canadien. Une production soutenue des sites de Montney et de Duvernay donnerait au législateur américain la souplesse nécessaire pour accroître les exportations américaines de gaz naturel vers l’Europe et l’Asie sans augmenter les prix au pays.

Il y a de l’uranium aux portes des États-Unis : selon toute vraisemblance, la nouvelle administration donnera suite au projet du gouvernement de Joe Biden de tripler la capacité nucléaire des États-Unis. Le cadre de travail de M. Biden prévoit de collaborer étroitement avec le Canada, entre autres, pour mettre en place « une chaîne d’approvisionnement en combustible nucléaire mondiale sûre et résiliente », y compris pour l’uranium. Le Canada est le deuxième producteur d’uranium le plus important au monde, avec une production dépassant de loin celle des États-Unis.

Nous sommes essentiels pour bâtir une solution de rechange aux chaînes d’approvisionnement chinoises : le Canada dispose de réserves de cobalt et de nickel, deux métaux cruciaux pour la transition énergétique, respectivement presque cinq et six fois plus importantes que celles que des États-Unis. Nous sommes aussi un plus gros producteur que nos voisins d’aluminium, de graphite (pour les batteries aux ions de lithium), d’indium (pour la fabrication de puces), de minerai de fer et de lithium, selon le U.S. Geological Survey. Les États-Unis ont besoin de nous pour desserrer l’emprise de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Nous alimentons vos villes en électricité. Il faut reconnaître que l’argument porte moins ces temps-ci (voir graphique). Il reste qu’Hydro-Québec a construit de nouvelles lignes de transport et conclu des contrats à long terme avec des clients du Massachusetts et de l’État de New York. Les sécheresses nuisent aux exportations canadiennes d’électricité, mais notre énergie reste une importante monnaie d’échange.

Miser sur l’IA ou la réduction des émissions ?

Le Canada peut faire les deux : prendre pied dans le secteur en pleine expansion des centres de données animés par l’intelligence artificielle (IA) en Amérique du Nord, tout en conservant ses ambitions climatiques. Il doit, pour ce faire, adopter une approche souple, harmoniser sa stratégie avec celle des États-Unis – et réduire notablement ses niveaux de gaz naturel.

Le récent rapport Enjeu énergétique : perturbation du réseau électrique du Canada par l’IA du responsable de la politique énergétique, Shaz Merwat, analyse la façon dont le Canada peut s’adapter à la surcharge que les centres de données pourraient éventuellement faire peser sur le réseau électrique du pays :

Où est l’occasion à saisir ?

Les organismes de réglementation canadiens étudient actuellement des demandes de centres de données représentant une capacité combinée estimée de 15 gigawatts – ce qui suffirait à alimenter 70 % des habitations au pays. L’IA étant le premier facteur de cette montée en puissance, les centres de données créent une occasion de 100 milliards de dollars pour la construction de centres de données et de l’infrastructure de TI connexe (songeons au prix des puces Nvidia).

Quelle est la marche à suivre ?

La réponse idéale semble être : « Apportez votre propre électricité ». C’est le modèle choisi par l’Alberta, qui permet un déploiement accéléré et soutient les prix du gaz naturel local, ce qui est bénéfique pour l’économie de la province.

Quels sont les coûts climatiques ?

Si le gaz naturel est utilisé pour générer six gigawatts supplémentaires pour les centres de données, les émissions annuelles pourraient augmenter de 16 millions de tonnes d’équivalents CO2 – soit une hausse de 3 % des émissions totales du Canada, selon les estimations de M. Shaz. Cependant, la capture et le stockage du carbone pourraient atténuer la hausse des émissions.

Lisez l’intégralité du rapport ici.

L’institut à l’œuvre

L’Institut d’action climatique RBC a coorganisé avec la British High Commission une séance spéciale en novembre à Ottawa, au cours de laquelle le chef de l’Institut John Stackhouse et le haut-commissaire adjoint David Prodger ont formulé huit messages clés pour le Canada.

M. Stackhouse s’est aussi exprimé devant le National Electricity Roundtable, à Ottawa, au sujet de l’occasion qu’a le Canada d’accroître sa production d’électricité pour alimenter l’IA, les batteries des véhicules électriques et divers autres pans de l’économie.

Le voyage trépidant de M. Stackhouse à Ottawa s’est conclu par une intervention au Forum sur la finance durable, quant à l’occasion pour le Canada de produire plus d’aliments en émettant moins – cela pourrait être notre meilleur investissement pour la décennie de rupture à venir.

Nos lectures préférées du moment : M. Stackhouse s’est plongé dans deux ouvrages publiés par d’anciens conseillers du président désigné pour approfondir sa compréhension de l’économie à la Donald Trump. Également dans notre liste de lecture : The New Cold War: How the Contest Between the U.S. and China Will Shape Our Century, de Robin Niblett, et The War Below: Lithium, Copper, and the Global Battle to Power Our Lives, d’Ernest Scheyder.

Créé par Yadullah Hussain, Directeur de rédaction, RBC Institut d’action climatique.

le bulletin Bouleversements climatiques ne pourrait pas exister sans la collaboration de John Stackhouse, Myha Truong-Regan, Sarah Pendrith, Farhad Panahov, Lisa Ashton, Shaz Merwat, Vivan Sorab, Caprice Biasoni et Frances Dawson.

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