• L’Ontario doit investir 450 milliards de dollars d’ici à 2050 pour répondre à l’augmentation de la demande et devenir une plaque tournante du réseau vert, attrayante pour les industries qui cherchent à réduire ou à éliminer leurs émissions.
  • La demande croissante d’électricité pourrait mettre à rude épreuve le réseau de la province dès 2026 et même provoquer des pénuries chroniques d’ici à 2030. Pour répondre aux besoins pressants à court terme, l’Ontario envisage d’augmenter la production d’électricité à partir de gaz, ce qui, si rien n’est fait, pourrait entrer en conflit avec le règlement sur l’électricité propre que le gouvernement fédéral s’apprête à mettre en place.
  • La province peut éviter de prendre des décisions coûteuses sur son futur bouquet énergétique en adoptant des mesures politiques et des incitatifs puissants pour économiser l’énergie.
  • Des mesures opportunes de conservation de l’énergie pourraient permettre d’économiser suffisamment d’électricité pour alimenter 3 millions de foyers d’ici le début des années 2040, ce qui représente un peu plus de la moitié de la demande d’électricité résidentielle de la province.
  • Des technologies déjà disponibles, telles que les thermostats et panneaux électriques intelligents ainsi que les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation basés sur l’IA – qui peuvent améliorer considérablement l’efficacité et la durabilité du réseau – donneraient à l’Ontario la marge de manœuvre nécessaire pour gérer les pics de demande sans construire de nouvelles centrales à gaz.
  • Ces mesures pourraient permettre aux contribuables ontariens d’économiser au moins 500 millions de dollars par an en coûts de production évités chaque année pendant cette période.

Les maisons intelligentes peuvent accroître l’efficacité du réseau électrique

Les maisons intelligentes pourraient permettre aux contribuables ontariens d’économiser 500 millions de dollars par an

  • 1
    Thermostats intelligents
  • 2
    Panneaux solaires
  • 3
    Systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation intelligent
  • 4
    Distribution aux véhicules électriques de l’énergie stockée dans des batteries
  • 5
    Ampoules DEL pour la conservation
  • 6
    Isolation et étanchéité pour réduire la consommation d’électricité de la thermopompe
  • 7
    Panneau électrique intelligent
  • 8
    Prises Wi-Fi
  • 9
    Électroménagers éconergétiques
  • 10
    Chauffe-eau à thermopompe

L’Ontario se prépare à affronter un accroissement de la demande d’électricité.

La croissance rapide de la population de la province, l’électrification de l’industrie et le vieillissement des réacteurs nucléaires feront passer le réseau électrique de la province de décennies d’excédents confortables à des pénuries critiques en l’espace de quelques années seulement. D’ici à 2026, le réseau de la province pourrait avoir du mal à répondre à la demande pendant les périodes de pointe ; d’ici à 2030, la montée en flèche de la demande pourrait dépasser la capacité de production.

De toute évidence, la construction de nouvelles centrales électriques sera inévitable dans les années à venir. La Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE), qui gère le marché de l’électricité de la province, prévoit d’importer de l’électricité (principalement du Québec), de développer les énergies renouvelables, de stocker l’électricité dans des batteries et de faire l’essai de nouveaux réacteurs nucléaires pour répondre à la demande. Mais la SIERE lance également un appel d’offres pour de nouvelles centrales électriques au gaz qui sont essentielles pour gérer les pressions sur la capacité à court terme.

Cette stratégie pourrait entrer en conflit avec le Règlement sur l’électricité propre (REP) prévu par Ottawa, qui interdira les centrales électriques au gaz traditionnelles pour garantir un réseau électrique carboneutre d’ici à 2035.

L’électricité génère 7,7 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada, ce qui en fait la sixième source d’émissions du pays.
Le pays s’enorgueillit d’avoir l’un des réseaux les plus propres au monde, mais cette réputation est menacée car des provinces comme l’Ontario, l’Alberta et la Saskatchewan restent fortement dépendantes du gaz naturel et le considèrent comme une source essentielle et fiable pour répondre à la demande future.

Le REP proposé s’appuie sur les réglementations fédérales relatives au charbon qui prévoient l’élimination progressive des unités traditionnelles de production d’électricité à partir de charbon d’ici à 2030, et vise à prévenir les émissions générées par le réseau au fur et à mesure que d’autres secteurs s’électrifient. La demande croissante de véhicules et de thermopompes électriques, de sidérurgie alimentée à l’électricité et de fabrication de batteries, entre autres, entraînera une expansion rapide du réseau au cours des prochaines décennies. Laissées à elles-mêmes, certaines provinces ont prévu d’ajouter de l’électricité produite à partir de gaz naturel, annulant ainsi en partie les réductions d’émissions de ces secteurs.

Le gouvernement fédéral estime que les crédits d’impôt sur l’électricité récemment annoncés devraient compenser le coût de l’élimination du gaz du bouquet énergétique ou de l’installation d’un système de captage du carbone, mais plusieurs provinces affirment qu’il sera difficile de construire suffisamment de centrales électriques non émettrices pour respecter le calendrier d’Ottawa. L’Alberta et la Saskatchewan, qui abandonnent rapidement le charbon comme source d’énergie, hésitent à fermer la porte au gaz naturel sans s’être assurées de la fiabilité des autres sources.

La mise en œuvre du REP dans sa forme et son calendrier actuels pourrait donner lieu à une lutte fédérale-provinciale.

En tant que principal moteur économique du pays et province la plus peuplée, l’Ontario est confrontée au défi le plus immédiat.
Mais il est hasardeux d’investir 450 milliards de dollars dans la production, le transport et la distribution d’ici à 2050 sans connaître l’ampleur de la demande.

Pour assurer une transition accélérée mais ordonnée, l’Ontario devra faire les deux : accroître l’offre, mais aussi trouver d’autres moyens de gérer la demande entre-temps.

Le rapport de RBC sur la transition à 2 billions de dollars estime que des investissements annuels de 5,4 milliards de dollars dans les énergies renouvelables et les batteries sont nécessaires pour économiser environ 11 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, mais le gaz naturel devra jouer un rôle stabilisateur pour assurer une transition énergétique ordonnée.

À mesure que les sources d’énergie fiables de l’Ontario, telles que les centrales nucléaires, sont remises à neuf et que les centrales au charbon sont fermées, la province privilégie la production d’électricité à partir de gaz naturel. Mais cette stratégie est en contradiction avec les objectifs fédéraux de carboneutralité : une estimation récente de la SIERE prévoit le triplement des émissions d’ici à la fin de la décennie, les centrales au gaz devant répondre à la demande croissante et à la baisse de la production nucléaire.

Ne plus dépendre du gaz

Que peut faire la province pour gagner du temps et éviter de se lancer trop tôt dans une production coûteuse de gaz naturel ?

L’une des solutions consiste à utiliser des leviers politiques pour retarder la demande. Les économies d’énergie peuvent donner à la province le temps de construire des sources d’énergie plus propres et à grande échelle, telles que l’hydroélectricité et le nucléaire, au lieu du gaz, ce qui permet d’économiser de l’argent à long terme, comme nous l’écrivions l’année dernière dans Le prix de l’énergie.

Le report d’engagements financiers importants permettra de maintenir l’électricité à un prix abordable et donnera à l’Ontario le temps de se redéfinir en tant que pôle manufacturier à faible émission de carbone, attirant des entreprises actives dans les chaînes d’approvisionnement des voitures électriques, la production de métaux verts et les technologies propres.

La bonne nouvelle : il existe une technologie que l’Ontario peut utiliser pour faire face à l’imminence de la demande et retarder le moment de s’engager pleinement dans la production d’électricité à partir de gaz naturel. Il sera également essentiel de modifier les attitudes et les habitudes des consommateurs pour promouvoir la flexibilité de la demande et l’efficacité énergétique afin de réaliser des économies importantes et d’atténuer les pressions sur le réseau.

D’ici 2040, l’Ontario pourrait répondre à près de 20 % de la croissance de sa demande d’électricité grâce à des mesures de conservation économiquement viables.

La conservation de l’électricité est souvent négligée, car elle n’a guère contribué à réduire les émissions du réseau déjà vert de l’Ontario, mais elle pourrait devenir un levier politique essentiel pour éviter la construction de nouvelles centrales au gaz. D’ici 2040, l’Ontario pourrait répondre à près de 20 % de la croissance prévue de la demande – soit 28 térawattheures (TWh) – grâce à des mesures de conservation économiquement viables. Cela permettrait aux contribuables ontariens d’économiser au moins 500 millions de dollars par an d’ici à 2040.

Cela a déjà fonctionné par le passé. Au cours des deux dernières décennies, malgré un ralentissement de la croissance de la demande, les programmes de conservation de la SIERE ont dépassé la demande. Grâce au financement des travaux de modernisation et de l’éclairage à DEL, entre autres, les économies d’électricité ont doublé entre 2014 et 2021, passant de 11 TWh à près de 22 TWh. La demande n’a augmenté que de 7 TWh en comparaison.

Pour maximiser son potentiel, l’Ontario devra tirer parti de la technologie pour déplacer les pics de consommation afin d’éviter de devoir accroître la capacité de production dès maintenant.

La technologie intelligente à la rescousse du réseau

L’Ontario peut s’appuyer sur sa réputation de chef de file en matière d’innovation dans le domaine des réseaux pour favoriser une utilisation intelligente de l’énergie. C’est l’une des seules juridictions au monde où un compteur intelligent est installé dans presque tous les foyers. Cela a permis à la province de mettre en place une politique de tarification au compteur horaire pour gérer la demande en période de pointe.

La flexibilité de la demande permet aussi de mieux s’adapter aux sources variables à émissions nulles, comme l’énergie éolienne et l’énergie solaire. Si les incitations financières adéquates suscitent un changement comportemental, les consommateurs pourraient être amenés à installer des panneaux solaires, des thermostats intelligents et des panneaux électriques intelligents susceptibles d’améliorer l’efficacité du réseau.

Actuellement, le réseau centralisé de l’Ontario sous-utilise ces technologies. Voici quelques moyens pour la province de tirer parti des nouvelles technologies.

  • Plus payantes : Les propriétaires de VE économisent de l’argent lorsqu’ils rechargent leur voiture pendant la nuit. Mais que se passerait-il s’ils pouvaient consommer eux-mêmes cette énergie lorsqu’ils allument leur cuisinière à induction ou revendre au réseau l’énergie résiduelle de leur voiture ? D’après nos recherches, les propriétaires de VE pourraient gagner jusqu’à 100 dollars par mois. Ces paiements pourraient compenser les coûts d’amélioration de la distribution pour les ménages, même si des améliorations de l’infrastructure seront nécessaires pour faciliter la nouvelle technologie « véhicule-réseau ». Si l’on s’y prend bien, ces paiements pourraient également permettre à la province d’économiser de l’argent, car le stockage de l’énergie dans les VE pourrait être moins coûteux que les batteries à usage unique des services publics. Donner aux consommateurs les bons signaux de prix peut favoriser une demande plus réactive. Une étude menée en Californie, où les prix de l’électricité sont plus élevés qu’en Ontario, a révélé que les consommateurs réduisaient leur demande de 18 % en réponse aux notifications concernant les pics du système lorsqu’ils touchaient une compensation en contrepartie.
  • Plus intelligentes : Les systèmes de surveillance domestique raccordés à des panneaux électriques ou intelligents peuvent être associés à des prises Wi-Fi et à des thermostats intelligents pour contrôler à distance les appareils, les lumières, le chauffage et la climatisation afin d’éviter les pics de consommation d’électricité. À Montréal, le logiciel d’intelligence artificielle de la jeune entreprise Brainbox a permis de réduire de 10 % la consommation d’électricité d’une grande tour de bureaux en éliminant les inefficacités du système.
  • Plus souples : Grâce à la mise en place de systèmes intelligents, les panneaux électriques peuvent avertir les consommateurs que la sécheuse qu’ils viennent de mettre en marche fonctionnera de manière plus économique dans une heure. Ou encore, lorsque le système prévoit de nouveaux pics, les chauffe-eau intelligents pourraient préchauffer et stocker de l’eau chaude pour plus tard dans la journée. Cela pourrait être la clé pour gérer un réseau qui dépend de plus en plus de l’énergie renouvelable variable.
  • Plus accessibles : Les programmes actuels de réponse à la demande de l’Ontario se concentrent sur une compensation versée au secteur industriel et aux grands bâtiments pour qu’ils réduisent la demande pendant les périodes de pointe. En trouvant des moyens d’encourager l’adoption généralisée et décentralisée de ces technologies, on peut aider les consommateurs à profiter des services qu’ils peuvent fournir au réseau (et à être payés en retour), ce qui réduit le coût de l’électrification.
  • Plus rentables : L’efficacité énergétique traditionnelle peut également soulager le réseau électrique de l’Ontario. Pensez à des solutions analogiques comme les ampoules DEL, les appareils électroménagers à faible consommation d’énergie, les pompes de piscine efficaces pour les propriétaires. Les programmes de modernisation devront également être élargis, avec le soutien de la SIERE.

Des mesures en faveur d’un réseau vert et efficace

L’Ontario est dans une position enviable pour amener les consommateurs d’électricité à changer leurs habitudes. Des ajustements de la tarification au compteur horaire sont déjà établis pour déplacer la demande en dehors des périodes de pointe. Mais comme le tarif de nuit est le moins cher, les consommateurs ne seront peut-être pas disposés à modifier leurs habitudes autrement que pour la recharge des véhicules électriques.

Malgré le succès des programmes d’efficacité énergétique, rien ne garantit que les consommateurs investiront dans des améliorations en l’absence de sensibilisation ou d’incitatifs financiers. Le secret sera d’aider les consommateurs à prendre conscience du coût de leurs actions et de les tarifer suffisamment pour qu’ils modifient leurs habitudes. Nous devrons soutenir l’investissement des ménages dans les technologies permettant d’atteindre plus rapidement les objectifs fixés et aider les ménages à faibles revenus à passer à l’étape suivante.

Les pistes d’action ci-dessous devraient idéalement être menées de front afin de maximiser les avantages pour les consommateurs, l’industrie et la province.

Des idées pour aller de l’avant

  • Le ministère de l’Énergie de l’Ontario devrait ordonner à la SIERE d’accélérer et d’élargir les programmes d’efficacité énergétique rentables.
  • Les programmes d’efficacité énergétique devraient financer l’adoption par les ménages à faible revenu de technologies intelligentes appliquées aux panneaux électriques, aux thermostats et aux chauffe-eau, afin qu’ils puissent profiter de la nouvelle structure tarifaire.
  • Les incitatifs économiques de la tarification au compteur horaire actuelle ne sont pas suffisants pour pousser les consommateurs à déplacer leur consommation d’énergie vers les périodes creuses et les périodes médianes. Après avoir soutenu l’adoption des technologies et la rétroaction sur la tarification en temps réel, la Commission de l’énergie de l’Ontario devrait instaurer des tarifs plus élevés pour les périodes de pointe et établir la tarification au compteur horaire comme mesure par défaut, assortie d’une aide financière pour les ménages à faible revenu.
  • Les services publics devraient adopter une approche de la tarification davantage axée sur le consommateur, en informant clairement les contribuables des conséquences tarifaires de leurs habitudes de consommation d’électricité.
  • Par défaut, permettre aux propriétaires et aux exploitants de bâtiments dotés d’une capacité de production d’énergie renouvelable sur site de revendre le surplus d’énergie au réseau électrique pendant les pics de demande.

Pour en savoir plus, allez à Pôle Climat (rbc.com).

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Collaborateurs

Auteur principal : Colin Guldimann, premier économiste, Institut d’action climatique RBC

Institut d’action climatique RBC
Myha Truong-Regan, cheffe, Recherche climatique
Yadullah Hussain, directeur de rédaction
Darren Chow, premier directeur, Médias numériques
Shiplu Talukder, spécialiste, Publication numérique

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.