Frances Donald, économiste en chef à RBC, explique comment une guerre commerciale prolongée rendra difficile pour toute économie d’échapper à la hausse des coûts.

Q : Quelles sont les conséquences des exemptions de droits de douane accordées par les États-Unis sur les perspectives de croissance économique du Canada ? Les États-Unis appliquent toujours des droits de douane sur les automobiles, l’acier et l’aluminium du Canada.
FD : La situation économique du Canada a changé rapidement. Avant le « jour de la libération », notre plus grande préoccupation était l’incidence des droits de douane généraux sur la croissance du Canada et, en particulier, le fait que le Canada semblait être le plus grand perdant relatif de la politique commerciale des États-Unis. Maintenant, alors que divers droits de douane sectoriels pèseront sur le Canada en 2025, nos préoccupations se tournent vers des risques plus « traditionnels » pour l’économie canadienne : le risque croissant d’une récession aux États-Unis et une baisse des prix du pétrole. Ce dernier risque est peut-être plus « indirect » dans une certaine mesure, mais il dépend aussi davantage des développements mondiaux qui ont beaucoup moins à voir avec les relations politiques entre le Canada et les États-Unis.

Q : Pensez-vous que la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine réévalueront la situation à mesure que les droits de douane américains sont mis en place ?
FD : La Banque du Canada et la Réserve fédérale sont confrontées à des défis différents, tout comme leurs économies luttent contre des risques distincts. Au Canada, l’inflation est d’environ 2 %, en légère hausse en raison des perturbations à venir de la chaîne logistique mondiale. Pourtant, la croissance canadienne reste timide et laisse entrevoir quelques nouvelles baisses de taux. Pour l’instant, nous continuons à nous attendre à d’autres baisses de taux de 50 pb.

La Réserve fédérale est dans une situation bien plus difficile. L’importance et la portée des droits de douane annoncés sont conformes à une inflation plus élevée et à un profil de croissance beaucoup plus faible. Cet ensemble « stagflationniste » va dans des directions opposées des deux aspects du double mandat de la Fed (stabilité des prix et plein emploi). À ce stade, nous prévoyons que les craintes d’une spirale de l’inflation empêcheront la Réserve fédérale d’intervenir, mais la probabilité de baisses des taux a augmenté sur les marchés pour soutenir une économie qui devrait être beaucoup plus faible.

Q : Une guerre de droits de douane plus importante se profile, les États-Unis imposant des droits de douane à la Chine et à l’Union européenne, et faisant l’objet de représailles en retour. Cette situation sera-t-elle inflationniste et préjudiciable à l’économie canadienne et mondiale ?
FD : Le degré de préjudice causé par les droits de douane américains dépendra en grande partie de la durée de leur application, et les économistes ont peu de moyens de le prédire. Toutefois, la plus grande préoccupation en ce moment est que nous assistons à une hausse mondiale des prix alors que les chaînes logistiques s’enchevêtrent et que la nature interconnectée de notre économie mondiale rend difficile pour toute économie d’échapper à la hausse des coûts. Bien sûr, on peut établir des similitudes avec la période de la pandémie, à l’exception d’une différence majeure : nous n’avons pas connu d’inflation due à la pandémie après avoir déjà traversé une telle période d’inflation. En effet, les Canadiens et les Américains ont déjà subi une hausse des prix de plus de 20 % depuis 2020, et les ménages et les entreprises ont peu de chances de pouvoir absorber une deuxième vague d’inflation si tôt après. Le mois dernier, la guerre commerciale semblait se limiter à l’Amérique du Nord. Aujourd’hui, elle est mondiale et sans frontières.

Lectures complémentaires :

Yadullah Hussain est directeur de rédaction, Leadership avisé RBC

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