L'heure à la modernisation a sonné plus tôt que prévu pour les gouvernements provinciaux.
Du jour au lendemain, des milliers de fonctionnaires se sont retrouvés en télétravail à traiter des millions de demandes de soutien financier. Ils distribuent des milliards de dollars aux Canadiens touchés par la pandémie de COVID-19, et cette distribution s’effectue presque entièrement par voie numérique, une première pour le gouvernement.
Hillary Hartley, directrice du numérique de l’Ontario, et son équipe décentralisée étaient particulièrement aptes à se mettre immédiatement et facilement au travail de la maison sans perdre pied. Quand l’Alberta a lancé le premier outil d’auto-évaluation des symptômes COVID-19 du Canada, l’équipe de Mme Hartley a obtenu le code et mis la version ontarienne en ligne en trois jours.
Bien que la priorité soit actuellement aux interventions d’urgence, les gouvernements évaluent comment tirer parti à plus long terme de la crise pour opérer une révolution numérique afin de mieux servir les Canadiens. Dans le dernier balado Les innovateurs RBC, Mme Hartley et M. Alex Benay, ancien dirigeant principal de l’information (DPI) du Canada et associé, Solutions numériques pour le secteur public, à KPMG, parlent de la façon dont la pandémie a favorisé une numérisation accrue des services gouvernementaux.
Selon M. Benay, il est intéressant de voir balayés les prétextes jusqu’ici invoqués pour expliquer l’inertie des gouvernements en matière de numérique. De nouveaux programmes comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) sont mis en ligne plus rapidement, en partie grâce à des règles sous-jacentes plus simples.
« L’assurance emploi est assujettie à des dizaines de milliers de règles, tandis que la PCU n’en a qu’une poignée, souligne-t-il. Les gouvernements voient bien que le numérique est la voie de l’avenir, qu’il s’agisse de conception de programmes ou de mise en place de technologies. »
Bien entendu, cela suppose que l’on arrive à se défaire des modèles opérationnels dépassés.
M. Benay soutient que la conception que se fait le gouvernement d’Internet n’a pas évolué depuis 20 ans. Les fonctionnaires sont axés, pour la prestation des services, sur le personnel plutôt que sur l’exploitation des données. De plus, les renseignements recueillis par les divers groupes et ministères ne sont pas mis en commun.
Cette situation est, en partie, le fait des restrictions touchant la protection des renseignements personnels. En Ontario, par exemple, les données recueillies dans le cadre d’un programme gouvernemental doivent uniquement être utilisées pour ce programme. Même au sein d’un même ministère, les différentes équipes doivent convenir d’une entente afin de pouvoir partager les données. Mme Hartley estime que l’Ontario est peut-être allé trop loin en matière de protection des renseignements au détriment de l’interopérabilité et du partage de renseignements.
« Les attitudes changent, dit-elle. La situation actuelle nous oblige à examiner nos façons de faire et à demander au public ce qu’il en pense. »
En fait, cela se résume à deux grands piliers.
L’un consiste à adapter rapidement les politiques et les règlements afin de permettre le partage de renseignements.
L’autre vise l’établissement de l’infrastructure numérique appropriée pour soutenir un nouveau modèle de prestation de services. Il s’agit ensuite de trouver l’équilibre entre le numérique en priorité et la protection des renseignements personnels.
L’Estonie constitue un excellent exemple de gouvernement axé sur le numérique en priorité. Et Mme Hartley comme M. Benay mentionnent deux innovations dont pourrait profiter le Canada.
Il y a tout d’abord, X-Road, que M. Benay décrit comme l’« autoroute de l’ère numérique » de l’Estonie. Il s’agit d’un serveur décentralisé permettant à des milliers d’entreprises, de gouvernements et d’individus d’échanger des données. Il y a aussi le système d’identification électronique des citoyens, qui assure probablement une meilleure protection de la confidentialité que la solution utilisée au Canada à l’heure actuelle.
Alors, comment le Canada peut-il bâtir le gouvernement numérique de demain ? Voici quelques réponses :
- Des équipes décentralisées. Elles sont la clé des solutions novatrices. Afin de résoudre des problèmes complexes, les gouvernements devront collaborer avec des personnes et des réseaux des quatre coins du monde.
- Une culture numérique. Les transformations numériques exigent une nouvelle mentalité axée sur la rapidité et sur l’utilisateur. Et l’établissement de cette nouvelle mentalité incombe aux dirigeants, qui doivent promouvoir le numérique avant tout et rechercher la diversité des points de vue.
- Les données sont la clé. Pour être en mesure de relever les défis et de profiter des occasions qui se présentent, les gouvernements doivent adopter une nouvelle approche relativement aux données et à la confidentialité. Pour résoudre une crise comme celle de la COVID, les citoyens doivent être plus souples quant à la confidentialité de leurs données et les gouvernements doivent faire preuve de plus de transparence quant à leur utilisation.
- Une approche utilisateur. Les gouvernements fonctionnent de moins en moins en monopoles et de plus en plus comme des entreprises en démarrage qui ne craignent pas de procéder par essais et erreurs avec leurs clients. C’est le fondement d’une organisation axée sur le numérique.
- L’audace n’est pas une affaire d’échelle. Prenons par exemple la mise en œuvre de la PCU, dont le succès repose sur des règles simples. Ce genre de mise en œuvre à grande échelle n’exige pas la réalisation de gigantesques projets. Un gouvernement peut financer de plus petits projets, se concentrant sur la demi-douzaine d’éléments qui peuvent fournir des résultats percutants et veillant à ce que ces résultats ne soient pas entravés par la complexité.
Le gouvernement continuera de jouer un rôle de premier plan pour soutenir l’économie canadienne pendant cette crise à l’aide de modes de prestation numériques. L’élan ne devra toutefois pas s’essouffler une fois le danger écarté. La maîtrise des défis à venir exigera de la part des gouvernements plus d’agilité et de vision à long terme. Si la crise de la COVID-19 peut les pousser à adopter des outils et des plateformes numériques, nous pourrons envisager un avenir où chaque citoyen disposera des moyens numériques de recevoir les services dont il a besoin dès qu’il en a besoin.
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