• Une forte pénurie de main-d’œuvre empêche les entreprises canadiennes d’augmenter leur production.
  • Une récession en 2023 pourrait réduire temporairement la pénurie de travailleurs, mais ce manque reviendra avec le vieillissement de la population canadienne.
  • Un afflux d’immigrants instruits pourrait atténuer quelque peu le problème, mais leurs compétences ont toujours été sous-exploitées.
  • Les entreprises canadiennes disposent des ressources financières, qui leur permettent de dépenser davantage pour accroître la productivité de la main-d’œuvre.
  • Conclusion : un flux élevé d’immigrants, une meilleure intégration de leurs compétences et une augmentation des investissements de capitaux sont essentiels pour résoudre les problèmes à long terme qui sont à l’origine de la pénurie de main-d’œuvre au Canada.

Le marché du travail n’a jamais été aussi tendu au cours des dernières décennies

Dans presque tous les secteurs canadiens, une pénurie de main-d’œuvre historique frappe durement les entreprises. En juin 2022, les entreprises affichaient près de 70 % de plus de postes vacants au Canada qu’avant la pandémie. Cependant, ces entreprises rivalisaient pour attirer des chômeurs 13 % moins nombreux qu’en février 2020. Les conséquences sont graves : plus de la moitié des entreprises canadiennes affirment que la pénurie de main-d’œuvre limite leur capacité à augmenter la production, contre 40 % avant la pandémie et 30 % il y a dix ans.

Le problème est encore plus aigu aux États-Unis. En mai, on comptait près de deux emplois vacants pour chaque chômeur. Ce problème s’explique en grande partie par le rebond marqué de l’activité économique après le creux de la pandémie. Les mesures de relance massives destinées aux ménages ces dernières années ont également alimenté une forte hausse de la demande de biens et de services, ainsi que des travailleurs qui les produisent. Les salaires augmentent en conséquence, contribuant ainsi à la persistance et à la hausse de l’inflation.

Une récession l’an prochain ne mettra pas fin à la pénurie de main-d’œuvre

Les banques centrales mondiales tentent de freiner l’augmentation de la demande en élevant les taux d’intérêt de façon agressive au-dessus de la fourchette à long terme jugée « neutre » (ou le niveau estimé nécessaire pour maintenir le plein emploi et une inflation stable). Le 13 juillet, la Banque du Canada a pris sa mesure la plus audacieuse en 25 ans : elle a augmenté ses taux d’un point de pourcentage complet. En octobre, elle devrait encore hausser ses taux pour les porter à 3,25 %. Ce relèvement serait suffisant pour plonger l’économie dans une récession modérée en 2023 et pousser le taux de chômage de 4,9 % en juin à 6,6 %. La pression sur les entreprises qui peinent à pourvoir leurs postes s’en trouvera allégée à court terme.

Toutefois, la pénurie de main-d’œuvre au Canada est née avant la pandémie, et elle survivra à la prochaine récession. Effectivement, le vieillissement de la population continuera d’entraîner des perturbations allant au-delà du cycle économique à court terme. La génération du baby-boom de l’après-guerre est arrivée à l’âge de la retraite il y a plus de dix ans. Ce seul élément a fait baisser considérablement la tranche de la population qui travaille activement ou qui cherche un emploi (personnes de moins de 65 ans). Et le Canada n’est encore qu’à mi-chemin de cette vague de départs de la vie active. D’ici la fin de la décennie, la participation de la population active devrait chuter à des niveaux jamais vus depuis les années 1970. Plus le taux de participation à la population active sera faible, plus les tensions économiques et budgétaires seront graves.

Ce qu’il faut ? Un afflux d’immigrants et un accent sur la correspondance des compétences

Pour préserver la santé de son économie, le Canada devra accueillir davantage d’immigrants. Tel que noté en Une nation d’immigration, en raison du faible taux de natalité depuis des décennies, le nombre de personnes nées au Canada devrait déjà diminuer chaque année d’ici 2030. De plus, les personnes nées au Canada en âge de travailler (15 à 64 ans) sont en déclin depuis près de dix ans. Les entreprises dépendent donc entièrement de l’immigration pour compléter leur personnel.

La politique d’immigration du Canada a activement accueilli des immigrants hautement qualifiés. La proportion de nouveaux arrivants ayant terminé des études postsecondaires (82 %) est supérieure à celle de la population née au Canada (76 %). Cette situation devrait augurer d’une productivité accrue. Or, le Canada ne met pas pleinement en pratique ces compétences. Les immigrants titulaires d’un diplôme universitaire ou supérieur sont 43 % plus susceptibles d’occuper des emplois ne nécessitant pas leur niveau d’études, par rapport à leurs pairs nés au Canada.

Une meilleure intégration de ces talents est essentielle pour stimuler la productivité de la main-d’œuvre canadienne. Cela est d’autant plus vrai que, pendant la pandémie, on s’est tourné vers des secteurs hautement qualifiés.

Un accroissement des investissements peut stimuler la productivité

Pour atténuer la pénurie de main-d’œuvre, nous devrons également accroître la productivité de la population active dont nous disposons. Par exemple, améliorer l’abordabilité des services de garde d’enfants peut aider à combler l’écart de participation au marché du travail entre les hommes et les femmes à moyen et à long terme. Les entreprises canadiennes ont réagi à la pénurie de travailleurs en augmentant leurs dépenses en immobilisations.

À long terme, la poursuite du flux d’immigrants, une meilleure intégration de leurs talents et la hausse des investissements de capitaux joueront un rôle essentiel dans la résolution du problème des pénuries systémiques de main-d’œuvre au Canada.

 


Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

Naomi Powell s’est jointe au groupe Leadership avisé RBC en 2020. Elle est responsable de l’édition et de la rédaction d’articles pour les groupes Services économiques RBC et Leadership avisé RBC. Avant de se joindre à RBC, elle a travaillé comme journaliste économique au Canada et en Europe, et, plus récemment, elle a réalisé des reportages sur le commerce international et l’économie pour le Financial Post.


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