La menace de tarifs douaniers américains sur les importations canadiennes a mis en lumière la forte dépendance du Canada à l’égard du commerce. Des perturbations ou des restrictions à la circulation des biens et des services à travers la frontière américaine pourraient gravement nuire aux sociétés et aux communautés canadiennes et, en fin de compte, à l’ensemble de l’économie. Malgré l’incertitude considérable quant à l’imposition éventuelle de tarifs douaniers et, dans l’affirmative, quant au taux et aux produits visés, il existe des secteurs et des régions plus exposés à la perte d’accès au marché américain.
Les producteurs canadiens de pétrole et de gaz, les fabricants de métaux de première transformation, de plastiques, de véhicules automobiles et de produits aérospatiaux figurent parmi les secteurs les plus vulnérables à d’éventuels tarifs douaniers américains . Si de tels tarifs douaniers étendus sont mis en œuvre, les communautés de l’Ontario, du Québec, de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick pourraient se trouver confrontées à d’importants défis.
Les secteurs de l’énergie et de la fabrication dépendent fortement des États-Unis
Le Canada est très dépendant du commerce avec les États-Unis. Les exportations de marchandises canadiennes vers les États-Unis ont atteint 548 milliards $ en 2023, ce qui représente près de 77 % des exportations totales du pays. Les exportations d’énergie (166 milliards $) et de véhicules automobiles et leurs pièces (82 milliards $) sont les plus importantes et constituent plus de 40 % des exportations totales du Canada vers les États-Unis.
Ces secteurs exportent une part considérable de leurs marchandises par rapport à leur production totale, ce qui souligne leur forte dépendance à l’égard du marché américain. Parmi ces exportations figurent des matières premières telles que le pétrole et le gaz, dont l’augmentation des tarifs douaniers risquerait davantage d’accroître les coûts pour les consommateurs et les producteurs américains que de réduire les importations en provenance du Canada. L’oléoduc Trans Mountain, récemment agrandi, a donné accès aux marchés extraterritoriaux, mais 88 % des exportations canadiennes d’énergie sont toujours destinées aux États-Unis.
Dans les secteurs manufacturiers hautement intégrés, comme le secteur automobile et celui de la fabrication de produits métalliques, les retombées économiques de hausses tarifaires, même modestes, seraient amplifiées par l’intégration profonde des chaînes de fabrication canadiennes et américaines, où les produits intermédiaires traversent la frontière à de multiples reprises avant de devenir des produits finaux. Cette situation pourrait avoir un effet cumulatif une fois les tarifs douaniers appliqués, ce qui renforcerait les répercussions économiques totales sur les deux pays.
Les principaux exportateurs de ces secteurs (selon la proportion du produit intérieur brut) représentent collectivement près de 7,4 % du PIB du Canada. Ce chiffre est supérieur au pourcentage de l’ensemble du secteur de la finance et de l’assurance du pays.
Par ailleurs, les perturbations du commerce poseraient des problèmes au marché du travail au Canada, en particulier dans les secteurs sensibles au commerce. On estime à 2,4 millions le nombre d’emplois liés aux secteurs qui exportent vers les États-Unis, ce qui correspond à 12 % de la main-d’œuvre totale du Canada.
Provinces les plus touchées par les tarifs douaniers américains
L’exposition aux tarifs douaniers américains variera d’une province canadienne à l’autre. Les provinces axées sur la fabrication, comme l’Ontario et le Québec, devraient faire face à des défis importants dans les secteurs des véhicules automobiles et de leurs pièces, des métaux et de l’aérospatiale. Toute incidence sur les secteurs d’exportation d’énergie serait principalement concentrée en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador. Les exportations de l’Ontario, du Québec, de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick vers les États-Unis comptent pour plus de 70 % de leurs exportations totales, ce qui les rend particulièrement sensibles aux chocs économiques découlant des tarifs douaniers.
Les exportations d’énergie de la Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que le secteur forestier de la Colombie-Britannique, subiraient également des perturbations, mais leur exposition globale est quelque peu atténuée par une moindre part des exportations à destination des États-Unis.
Les retombées économiques des tarifs douaniers s’étendraient au-delà des secteurs tributaires du commerce, ce qui aurait des répercussions plus générales sur l’économie. Les tarifs douaniers offrent rarement des avantages économiques nets durables, en particulier dans des pays étroitement intégrés du type Canada et États-Unis. Alors que de faibles tarifs douaniers peuvent avoir des effets minimes, des tarifs douaniers plus élevés pourraient gravement perturber les chaînes logistiques, accroître l’incertitude économique et déclencher des mesures de représailles, ce qui toucherait les deux pays de manière significative.
Salim Zanzana est économiste pour RBC. Il se concentre sur les questions macroéconomiques émergentes, allant des tendances du marché du travail aux changements dans la croissance structurelle à long terme du Canada et d’autres économies mondiales.
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