• Les prix des aliments ont bondi de 18 % au cours des deux dernières années, faisant flamber les coûts d’épicerie des Canadiens qui doivent déjà resserrer leurs budgets dans un contexte de hausse de taux.
  • Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, les conflits géopolitiques et la hausse des prix des intrants qui ont alimenté la hausse rapide des prix ont finalement ralenti.
  • Mais la hausse du coût de la vie incitera probablement les Canadiens, en particulier ceux à plus faible revenu, à réduire leurs achats de denrées plus chers, ce qui ralentira la demande.
  • Ces facteurs freineront la hausse rapide des prix des aliments, mais ne l’inverseront pas.
  • Conclusion : Les prix des aliments ne croîtront pas aussi rapidement qu’au cours de la dernière année. Il est cependant peu probable que les prix baissent de leurs niveaux actuellement élevés en raison des problèmes actuels, comme les événements météorologiques extrêmes et les pénuries de main-d’œuvre.

L’inflation alimentaire découle de nombreux facteurs

Les prix à l’épicerie sont restés obstinément élevés, ce qui fait augmenter le coût de la vie pour tous les Canadiens. La hausse rapide des prix commencée en 2021 a atteint son sommet en janvier dernier. Et les prix des denrées alimentaires étaient encore 8,3 % plus élevés en avril par rapport à il y a un an.

Qu’est-ce qui a fait grimper les prix des denrées alimentaires ? À peu près tout.

Tout d’abord, l’explosion des coûts des principaux intrants ou des matières premières requises pour la production alimentaire (comme le blé, les viandes en gros et les huiles) découle de la convergence des mauvaises conditions météorologiques et des troubles géopolitiques. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser les prix du blé et aussi fait grimper les prix des engrais et du gaz naturel. Par ailleurs, la forte sécheresse qui a sévi dans les provinces des Prairies en 2021 a fait dégringoler la production agricole à l’échelle du pays.

Bien d’autres coûts stimulent aussi les prix des denrées alimentaires. En effet, le coût des produits alimentaires bruts ne représente que 10 % du prix que paient les consommateurs en fin de compte. Le reste provient des coûts de traitement, d’emballage et de transport local, qui ont tous également été stimulés par les perturbations de la chaîne logistique. Ces coûts sont relativement stables en temps normal et ont un effet atténuant sur les prix des produits alimentaires bruts connus pour leur volatilité, mais ont simultanément progressé l’an dernier. Les délais d’expédition par voie maritime ont été plus longs en 2022 et le coût du transport ferroviaire et routier a fortement grimpé au Canada. Les pénuries de main-d’œuvre ont également stimulé les salaires dans tous les secteurs. Les consommateurs avaient, quant à eux, acquis un plus grand pouvoir d’achat grâce à l’épargne accumulée pendant la pandémie, ce qui a permis aux entreprises de leur transférer une plus grande part de ces coûts.

Les prix sont toujours élevés et continuent de progresser, mais leur élan s’estompe

Heureusement, presque chacun de ces facteurs a quelque peu ralenti. Le début de 2022 a marqué un tournant, lorsque les contraintes liées aux goulots d’étranglement mondiaux des chaînes d’approvisionnement mondiales ont commencé à s’atténuer. Les coûts et les délais d’expédition des conteneurs sont redevenus normaux et ont renoué avec les niveaux d’avant la pandémie. Les inquiétudes suscitées par l’impact des événements géopolitiques sur l’offre mondiale des marchandises se sont atténuées, entraînant le repli des prix des produits agricoles et de l’énergie.

L’indice des prix des produits agricoles, qui mesure la variation des prix que reçoivent les agriculteurs pour les produits agricoles qu’ils produisent et qu’ils vendent au Canada, a même baissé de 3 % sous les niveaux d’il y a un an en mars après avoir atteint un sommet l’été dernier. Les coûts du transport ferroviaire et routier qui demeurent relativement élevés au Canada semblent aussi avoir changé de trajectoire au début de l’année. La dernière Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada a révélé des éléments encore plus positifs touchant l’établissement des prix des entreprises. Plusieurs de ces entreprises anticipent une croissance moindre et s’attendent à ajuster moins fréquemment les prix des extrants au cours de la prochaine année.

La croissance des salaires au Canada reste forte dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. C’est un gros défi en particulier pour les entreprises des secteurs de l’hébergement et de la restauration, notamment pour les restaurants et les bars où le nombre des postes vacants (7,6 % en mars) reste le plus élevé. L’on commence néanmoins par relever les premières faiblesses qui laissent entrevoir un ralentissement de la main-d’œuvre. Le nombre des postes vacants a continué de diminuer et l’emploi a régressé au Canada en mai, malgré une hausse record de la population. Le relâchement des tensions du marché du travail ralentirait les gains salariaux et favoriserait le repli continu de l’inflation des prix des denrées alimentaires.

L’inflation des prix des denrées alimentaires ralentira, mais les obstacles structurels demeurent

La croissance des prix des denrées alimentaires devrait continuer de ralentir. L’an dernier, l’expansion des tensions inflationnistes et l’augmentation des remboursements de dettes ont déjà absorbé pratiquement toute la croissance du revenu après impôts des ménages, et il semble que cela se produira de nouveau en 2023. Ces coûts élevés influent déjà grandement sur les ménages à faible revenu qui consacrent une grande part de leurs revenus à des achats alimentaires non discrétionnaires. Les individus qui doivent composer avec des coûts et des remboursements de dettes plus élevés tendent à délaisser les articles plus coûteux ou à les remplacer par des options moins coûteuses.

À première vue, il semble que chaque Canadien dépense un montant record pour la consommation alimentaire. Mais une fois que l’on déduit l’inflation, l’on note un fléchissement de la valeur « réelle » de consommation par personne depuis le début de 2021, ce qui signifie que les Canadiens paient plus cher pour la nourriture, mais en obtiennent moins. La baisse du pouvoir d’achat continue de freiner la demande, ce qui aidera à ralentir de façon plus générale l’inflation et du coup le rythme de hausse des prix des denrées alimentaires.

Plusieurs facteurs laissent toutefois penser que ces prix ne chuteront pas dans l’immédiat. Nous relevons dans différentes régions de fréquents événements météorologiques extrêmes qui pourraient considérablement limiter la production agricole. Cela pourrait avoir des effets d’entraînement sur d’autres aliments et continuer d’exercer des pressions sur l’inflation des prix des denrées alimentaires, dans l’ensemble. Le niveau historiquement bas des troupeaux de bétail annoncé récemment au Canada et aux États-Unis en est un excellent exemple, les précédentes sécheresses ayant fait grimper les prix des aliments et conduit les producteurs à réduire leurs coûts. Le vieillissement de la population accentuera aussi les problèmes structurels de pénurie de main-d’œuvre, ce qui réduira l’offre de la main-d’œuvre au cours des décennies à venir et alimentera la croissance des salaires.
Tout compte fait, nous anticipons une baisse de l’inflation des prix des denrées alimentaires dans le cycle économique actuel, mais ne nous attendons pas à ce que les prix des aliments reviennent à leurs niveaux d’avant la pandémie.

Nathan Janzen est l’économiste en chef adjoint, qui dirige le groupe d’analyse macroéconomique. Il se concentre sur l’analyse et la prévision de l’évolution macroéconomique au Canada et aux États-Unis.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

Naomi Powell, directrice de la rédaction, Services économiques et leadership avisé RBC, dirige la publication de Point clé.

 

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