Point clé : La forte croissance démographique du Canada, attribuable à l’immigration, a atténué l’impact des coûts importants du vieillissement de la population, même si elle a créé d’autres défis économiques.
- Les plafonds fixés par le Canada pour les résidents temporaires devraient freiner la croissance démographique galopante. En 2027, la population sera inférieure d’au moins 2,5 % à ce qu’elle aurait été sans ces restrictions.
- Toutefois, malgré les plafonds, la population du Canada continuera de croître. Le taux d’immigration est presque le double de celui des États-Unis.
- L’immigration est considérée depuis longtemps comme une stratégie visant à ralentir le rythme du vieillissement de la population, puisque les immigrants sont en moyenne plus jeunes que la population existante.
- En 2018, l’Institut C.D. Howe a évalué la dette non provisionnée du Canada liée à l’âge à 70 000 $ par personne, soit nettement moins qu’aux États-Unis (236 000 $ par habitant).
- Même si l’immigration est plafonnée, l’impact du vieillissement de la population sur les finances canadiennes sera beaucoup moins important que dans d’autres pays, grâce aux immigrants.
Le récent plafonnement du nombre de résidents temporaires et de permis d’études est révélateur du changement important de l’attitude du public à l’égard de l’immigration. Les récentes mesures politiques visent à répondre aux préoccupations au sujet de l’explosion démographique au Canada, y compris son incidence sur l’accessibilité à la propriété.
Cependant, la réduction de l’immigration a également des coûts économiques à plus long terme. La population canadienne vieillit, comme celle de nombreuses économies développées. La part de la population âgée de plus de 65 ans augmente rapidement à mesure que l’imposante génération du baby-boom prend sa retraite. Une population vieillissante signifie que la part de la population retraitée augmente, même si les gens travaillent plus longtemps qu’auparavant.
Cela signifie également qu’une part importante et grandissante ne travaille plus, mais continue de consommer. La quantité de biens et de services que l’économie peut produire ne suffit donc pas pour répondre à la demande des consommateurs. Cette forte demande s’ajoutera aux pénuries de main-d’œuvre structurelles, aux pressions croissantes sur les prix et aux taux d’intérêt structurellement plus élevés au sein de l’économie. En outre, le vieillissement de la population entraîne un important déficit de financement des pouvoirs publics, car la croissance des recettes de l’impôt sur le revenu ralentit alors que la demande de services, en particulier dans le domaine des soins de santé, s’accélère.
L’immigration rajeunit la population
L’immigration contribue à infléchir la courbe d’âge de la population, car les nouveaux immigrants sont en moyenne plus jeunes que la population canadienne existante. L’âge moyen est de 42 ans au Canada et de 28 ans pour les nouveaux arrivants (résidents permanents ou temporaires) soit un écart de plus de dix ans. Après la pandémie, un afflux de nouveaux arrivants a fait chuter l’âge médian au Canada pendant deux années consécutives, en 2022 et 2023, le faisant tomber à 40,6 ans pour la première fois de l’histoire.
Le nouveau plafonnement du nombre de résidents temporaires freinera la croissance démographique, sans y mettre fin, et accélérera le vieillissement de la population, même si ce n’est que dans une faible mesure. Il était prévu que la croissance démographique du Canada ralentisse à 1,6 % entre 2025 et 2027, après avoir dépassé 3 % au cours des dernières années. Le plafonnement du nombre de résidents temporaires ralentira encore davantage la croissance, qui s’établira en moyenne à 0,8 % au cours de cette période. La différence semble faible, mais cela représente près de 1,1 million de personnes en moins au Canada d’ici 2027. Il s’agit là d’une réduction de 2,5 % par rapport aux prévisions formulées avant l’introduction des plafonds. Le plafonnement se traduira par une baisse de 0,9 % de la population en âge de travailler au Canada et par une augmentation du ratio de dépendance à 58,9 % d’ici 2027. Le ratio, soit le nombre de personnes à charge (âgées de 0 à 14 ans ou de 65 ans et plus) pour 100 personnes en âge de travailler (de 15 à 64 ans), est en hausse de 0,5 % par rapport aux projections établies avant la mise en place des plafonds.
Sans mesures adéquates, le vieillissement de la population peut s’avérer très coûteux
La croissance de l’immigration au Canada a été plus rapide que dans la plupart des économies développées. Toutefois, l’immigration n’est pas le seul moyen de faire face au vieillissement de la population. Dans les années 1990, le Canada a pris l’initiative d’augmenter à titre préventif les cotisations au Régime de pensions du Canada et de créer l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC), afin que le régime national de pensions soit, au moins, entièrement capitalisé.
Le vieillissement de la population entraîne des coûts considérables pour l’économie, qu’il faudra payer à un moment ou à un autre. Si aucune mesure n’est prise pour s’y préparer, on ne fait que répercuter les coûts aux futurs contribuables. Les États-Unis n’ont rien fait pour combler le déficit prévu de longue date de leur programme de sécurité sociale. Ils sont également confrontés à une hausse spectaculaire des coûts des soins de santé en raison du vieillissement de la population. Il s’agit de programmes obligatoires du gouvernement fédéral américain, qui, dans les faits, constitue une dette que le public américain a contractée et devra payer.
Le coût est énorme. La valeur actuelle de la future dette non provisionnée des États-Unis s’élève à un peu moins de 80 000 milliards de dollars américains, soit 236 000 dollars américains par personne. Cela représente près de trois fois le montant actuel de la dette publique des États-Unis (26 000 milliards de dollars américains) et presque trois fois la taille de l’économie.
Selon un rapport de l’Institut C.D. Howe publié en 2028, on estime que la dette non provisionnée du Canada est beaucoup plus faible, soit 70 000 $ par personne pour les soins de santé et l’aide sociale. La dette non provisionnée du Canada est moins élevée pour deux raisons. Premièrement, le RPC est entièrement capitalisé grâce à la création de l’OIRPC en 1997. Deuxièmement, le Canada a relevé ses cibles d’immigration, sachant qu’un plus grand nombre de nouveaux arrivants permettrait de contrer la diminution de la main-d’œuvre et ses conséquences.
Au cours des prochaines années, le Canada pourra continuer de compter sur l’immigration pour compenser en partie les effets du vieillissement de la population, y compris une hausse du déficit de financement lié au déclin de la main-d’œuvre. Les pays qui n’ont pas activement misé sur l’immigration pour relever ces défis en subiront les conséquences dans les décennies à venir.
Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle produit des analyses sur le marché du travail et est membre du groupe d’Analyse régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.