• Les provinces canadiennes ont profité d’une manne inattendue de revenus en raison d’une reprise économique forte, de marchés des marchandises robustes et d’une hausse de l’inflation. Ces différents facteurs ont stimulé les rentrées fiscales et les revenus tirés des entreprises publiques.
  • L’Alberta est la province qui affiche la plus forte augmentation de revenus (+58,4 %). Elle est également celle qui présente aujourd’hui le plus gros excédent, soit près de 4 milliards de dollars pour l’exercice 2021-2022. Presque toutes les autres provinces déclarent d’importants excédents budgétaires.
  • Cette hausse des revenus a entraîné une forte révision à la baisse des projections de déficit des provinces. Ces excédents ont surpris tout le monde, étant donné les craintes initiales concernant les gouffres budgétaires que la pandémie engendrerait et que les provinces mettraient des années à combler.
  • Néanmoins, les effets attendus de l’inflation ne se sont pas encore pleinement répercutés sur les bilans des provinces. L’augmentation des prix entraîne une hausse des dépenses et grignotera probablement une partie des gains antérieurs dans les trimestres à venir.
  • Conclusion: Les provinces ont résorbé leurs déficits à une vitesse impressionnante. Bien qu’elles aient pu ainsi éviter les pires scénarios envisagés au début de la pandémie, une route plus ardue les attend. La prudence et des décisions budgétaires judicieuses seront nécessaires pour suivre et maintenir une trajectoire budgétaire durable.

Surprise (agréable) : Les provinces canadiennes bénéficient d’importants revenus inattendus

À la suite d’une année record en matière de dépenses publiques pour lutter contre la pandémie, les craintes concernant les finances des provinces semblent s’être apaisées. Dans tout le pays, la levée des restrictions liées à la COVID-19, le rebond économique plus fort que prévu, la hausse des prix des marchandises et l’inflation galopante ont permis de réparer rapidement les dommages subis au début de la pandémie en provoquant une forte hausse des revenus. Cette manne inattendue a entraîné une énorme révision à la baisse des prévisions d’importants déficits des provinces. En fait, la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario, le Québec (avant les paiements au Fonds des générations), le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard déclarent désormais des excédents pour l’exercice 2021-2022.

Dans le cas de l’Alberta, les revenus tirés des ressources non renouvelables ont progressé de près de 500 % par rapport au montant de 2,9 milliards de dollars prévu dans le budget. Cette explosion des recettes explique un revirement de situation spectaculaire pour cette province. Après avoir annoncé le déficit provincial le plus élevé du Canada pour l’exercice 2020-2021 (soit 17 milliards de dollars et une projection déficitaire de 18 milliards de dollars pour le budget 2021), l’Alberta est devenue la province affichant le plus gros excédent au dernier exercice (soit près de 4 milliards de dollars) et a enregistré la plus forte croissance de revenus (+58,4 %).

Dans les autres provinces canadiennes, la forte reprise de l’activité économique et du marché du travail a généré des recettes d’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers beaucoup plus élevées que prévu. Il est également probable que l’augmentation des salaires et traitements a contribué dans une certaine mesure au glissement d’une tranche d’imposition à l’autre pour certains contribuables. C’est particulièrement le cas en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, où les taux de croissance des salaires et traitements sur 12 mois ont été les plus élevés du pays. Les dépenses de consommation soutenues et la poussée inflationniste ayant stimulé les recettes tirées de la taxe sur les ventes, la plupart des provinces ont constaté une croissance de leurs revenus à un rythme deux fois plus rapide que celui de l’augmentation des dépenses.

Ces excédents diminueront toutefois à mesure que l’inflation gonflera le montant des dépenses

Alors que l’inflation a manifestement stimulé les recettes des pouvoirs publics, ses effets ne se sont pas encore pleinement répercutés du côté des dépenses. Peu de postes de dépense échappant aux pressions sur les coûts dans le contexte économique actuel, ces effets devraient être considérables. L’augmentation du coût de la vie devrait entraîner une hausse des salaires et traitements des employés du secteur public. Dans beaucoup de provinces, ce poste équivaut à plus de 30 % des dépenses provinciales. Une telle hausse pourrait nécessiter des milliards de dollars de dépenses supplémentaires. D’autres charges d’exploitation, telles que les produits et services achetés par les pouvoirs publics pour fournir des services aux Canadiens, augmenteront également. De plus, le relèvement continu des taux d’intérêt de la Banque du Canada visant à juguler l’inflation exercera des pressions à la hausse sur le service de la dette.

D’autres pressions sur les dépenses apparaîtront à mesure que l’économie canadienne ralentira. Par exemple, les versements de certains transferts gouvernementaux augmentent habituellement en période d’incertitude économique. Aussi, nous devrions observer un accroissement de ce poste de dépense au cours de la récession à venir.

Les hausses-surprises des revenus des provinces, qui ont déjoué les attentes initiales, se poursuivront pour une large part. Toutefois, les nouvelles incidences négatives évoquées pèsent de plus en plus lourd.

Une politique budgétaire prudente sera essentielle pour suivre et maintenir une trajectoire financière durable

Le repli économique imminent, l’inflation et l’augmentation des coûts de financement feront bientôt basculer l’équilibre budgétaire des provinces. Tandis que la Banque du Canada tente de ralentir notre économie, les gouvernements provinciaux se trouveront rapidement confrontés à une baisse des revenus et à une augmentation des dépenses.

Dans ce contexte, une politique budgétaire prudente et mûrement réfléchie sera essentielle pour suivre une trajectoire financière durable. Les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Ontario et du Québec, qui affichent les ratios dette/PIB les plus élevés depuis 2019, sont particulièrement sensibles à la hausse des taux d’intérêt. Alors que les ratios dette/PIB de l’Ontario (39,2 %) et du Québec (38 %) se sont améliorés depuis l’an dernier, celui de Terre-Neuve reste le plus haut du pays, atteignant 43,8 %. Il sera particulièrement important de prendre des décisions de dépenses judicieuses dans ces provinces.

 


Robert Hogue fait partie du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale au sein des Services économiques RBC. Il est responsable de la production d’analyses et de prévisions sur le marché canadien du logement et l’économie des provinces. Parmi ses publications, on trouve des titres tels que Perspectives provinciales et Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, ainsi que des commentaires sur les budgets provinciaux.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.

Naomi Powell s’est jointe au groupe Leadership avisé RBC en 2020. Elle est responsable de l’édition et de la rédaction d’articles pour les groupes Services économiques RBC et Leadership avisé RBC. Avant de se joindre à RBC, elle a travaillé comme journaliste économique au Canada et en Europe, et, plus récemment, elle a réalisé des reportages sur le commerce international et l’économie pour le Financial Post.


Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.