• Au Canada, la ruée vers les voyages en période postpandémique se poursuit, malgré la flambée des prix et les perturbations. Pourtant, sous la surface, les Canadiens font de plus en plus de compromis.
  • Les voyages à l’étranger ont repris, mais bon nombre de personnes choisissent de parcourir de plus courtes distances, comme en témoigne la hausse notable des voyages aux États-Unis.
  • Le nombre de voyages à l’intérieur du pays a également augmenté. Les provinces de l’Atlantique sont devenues de nouveaux points chauds, probablement en raison de la vague d’immigration et de migrations interprovinciales.
  • Cette forte demande s’érodera sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt, de l’augmentation du prix des vols et de l’hébergement, et des interruptions continues dues à la pénurie de main-d’œuvre.
  • Conclusion : Nous prévoyons toujours une récession « modérée », au cours de laquelle la demande de voyages résistera mieux que lors des récessions antérieures. Cette demande devrait néanmoins s’affaiblir à mesure que d’autres forces économiques exerceront leurs effets.

Les Canadiens n’arrivent pas à satisfaire leur désir de voyager

Les annulations de vols, les problèmes de bagages et même la flambée des prix n’ont pas réussi à freiner la hausse de la demande de voyages au Canada après la pandémie. Entre janvier et avril 2023, plus de dix millions de Canadiens sont rentrés au pays après un voyage à l’étranger. Ce chiffre est supérieur de 7 % à celui de la même période en 2019.

Malgré d’innombrables interruptions et la pression exercée par la montée des prix et des taux d’intérêt sur les budgets des ménages, les dépenses de voyage (qui se répercutent généralement sur le volume réel) sont demeurées très élevées, dépassant de près de 30 % les niveaux d’avant la pandémie, selon notre propre suivi des données RBC.

Toutefois, cette soif en apparence inapaisable cache de petits changements dans les préférences de voyage.

Même les prix records n’ont pas réussi à faire diminuer la popularité des voyages au Canada

Avec du recul, il s’avère que l’été 2022 préfigurait un chaos touristique. Le nombre d’emplois dans le secteur du tourisme au Canada était encore en baisse de près de 10 % (plus de 130 000 postes) par rapport aux chiffres de 2019. De plus, en raison d’une grave pénurie de main-d’œuvre, le recrutement de travailleurs (comme dans beaucoup d’autres secteurs) y était ardu. La situation était particulièrement désastreuse pour le transport aérien et les agences de voyage, où le nombre d’emplois était en baisse de près de 20 %. Entre-temps, la demande de voyages au Canada a connu une croissance rapide. À la fin de l’année 2022, les voyages nationaux et internationaux avaient tous deux remonté à des niveaux inférieurs de15 % (en dollars constants) à ceux de 2019. En outre, la demande comprimée avait fait grimper en flèche les prix. À l’été 2022, les hôtels et les circuits touristiques au Canada coûtaient environ 20 % de plus qu’à l’été 2019, les vols, plus de 30 % et les voitures de location, plus de 50 %.

Les coûts diminuent depuis lors (les prix du transport aérien en avril étaient inférieurs de 4 % à leur niveau de l’année dernière), mais le bond des taux d’intérêt a poussé le coût de la nourriture et du logement à des niveaux record. Pourtant, les Canadiens n’ont pas abandonné leurs projets de voyage.

En dépit de la hausse des coûts, davantage de Canadiens ont choisi de prendre l’avion en 2023 plutôt que de se déplacer en voiture. En effet, le nombre de Canadiens revenant d’un voyage à l’étranger par voie terrestre a chuté de 21 % au cours des premiers mois de l’année, tandis que le nombre de ceux qui ont pris l’avion a augmenté de 42 %. Les voyageurs continuent de privilégier la qualité au détriment de leur budget. Selon les données de Google Trends, en 2023, les Canadiens ont été plus nombreux à rechercher les « meilleures » options de voyage plutôt que les options « moins chères ». L’écart s’est aussi considérablement creusé par rapport à ce qu’il était avant la pandémie.

Toutefois, le coût nous oblige à réorienter certains de nos projets

Certains signes montrent néanmoins que la hausse des prix a des répercussions. Parmi les Canadiens qui ont pris l’avion, beaucoup plus se sont rendus aux États-Unis au lieu d’aller dans d’autres pays. De janvier à avril cette année, le nombre de résidents canadiens revenus des États-Unis par avion a été supérieur d’environ 134 % à celui de 2019. Cette situation pourrait être attribuable aux frustrations liées aux perturbations dans les aéroports, au retour des conférences aux États-Unis et à une plus grande capacité à travailler de « n’importe où ». Cependant, les voyages à destination de lieux moins éloignés sont également plus abordables. Le fait que les taux d’intérêt et les prix restent relativement élevés (mais en légère baisse par rapport à l’année dernière) a sans doute été déterminant.

Même au niveau national, les préférences de voyage ont évolué. D’après Google Trends, les provinces de l’Atlantique sont devenues un pôle d’attraction en 2023 : Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse ont enregistré, par rapport au semestre précédent, l’augmentation de recherches la plus élevée entre janvier et la mi-mai en 2023.

Il est intéressant de noter que ces mêmes provinces connaissent un essor démographique. Dans l’ensemble, la population des provinces de l’Atlantique a augmenté de 2,5 % en 2022, dépassant la moyenne nationale de 1,8 %. Cette hausse a été alimentée par un accroissement de la migration internationale nette, ainsi que par une migration interprovinciale plus importante. Les nouveaux arrivants ont probablement suscité une plus forte demande de tourisme intérieur, qu’il s’agisse de leurs propres voyages ou des visites de leurs amis et de leur famille.

Les provinces de l’Atlantique deviennent des endroits courus pour les voyages d’été

Sources : Google Analytics, Services économiques RBC

La demande de voyages ralentira, mais ne s’effondrera pas

Les taux de chômage au Canada se situent autour de creux inégalés en dix ans. Cette situation a renforcé le revenu des ménages et favorisé les dépenses de consommation consacrées aux voyages.

Il est toutefois peu probable que cette tendance se maintienne. Des signes précurseurs montrent que les offres d’emploi se stabilisent, ce qui annonce un ralentissement de la demande de main-d’œuvre. Les conditions devraient encore se détériorer en 2024. D’ici là, les obstacles liés au resserrement de la politique monétaire continueront de s’accumuler et freineront les dépenses futures, alors que de plus en plus de personnes devront faire face à l’augmentation des paiements affectés à leur dette.

Néanmoins, les dépenses des ménages plus fortunés devraient toujours alimenter la demande. Ces ménages, qui ont mis de côté une part disproportionnée de l’épargne accumulée pendant la pandémie, ont également tendance à dégager des revenus plus stables en période de ralentissement économique, car ils sont moins susceptibles de perdre leur emploi. Enfin, la croissance de l’immigration devrait encore limiter la baisse de la demande de voyages intérieurs, car les nouveaux arrivants sont de plus en plus nombreux à découvrir leur province ou d’autres horizons. Bref, nous prévoyons une décélération de la demande de voyages, mais pas un effondrement.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

En partenariat avec Google Canada : Alyza Keshavjee, chef des perspectives, et Swathi Sadagopan, responsable des perspectives stratégiques.

Naomi Powell, directrice de la rédaction, Services économiques et leadership avisé RBC, dirige la publication de Point clé.

 

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