• L’incertitude liée à la pandémie, la vigueur des marchés du travail et la flambée de l’inflation ont accéléré la tendance à la baisse du taux de travailleurs autonomes au cours des dernières décennies.
  • La majeure partie du recul du travail autonome est attribuable aux entreprises bénéficiant d’une aide rémunérée. Ce phénomène semble indiquer une tendance problématique en ce qui concerne la création de petites entreprises au Canada.
  • Le travail autonome (avec aide rémunérée) est devenu moins attrayant aux yeux des jeunes travailleurs canadiens, ce qui ne devrait pas changer de sitôt.
  • Conclusion : l’entrepreneuriat est de moins en moins intéressant pour les Canadiens. Étant donné le vieillissement de la population canadienne, plus les propriétaires de petites entreprises se retirent, moins il y aura de nouvelles entreprises pour les remplacer.

La régression du travail autonome ne s’est pas manifestée seulement après la pandémie

La pandémie a accéléré une baisse du taux de travailleurs autonomes en cours depuis des décennies. Les reculs antérieurs à la pandémie étaient dus à des facteurs sectoriels, et concentrés dans le secteur des biens. Par contre, depuis la pandémie, la diminution de la proportion de travailleurs autonomes s’est généralisée.

La vigueur des marchés du travail et l’augmentation des salaires horaires des employés sont probablement à l’origine de cette évolution. Par exemple, un employé des services professionnels, scientifiques et techniques gagne 20 % de plus par heure (en moyenne) qu’un travailleur autonome dans le même secteur. Les employeurs offrent également des horaires de travail plus souples dont seuls les travailleurs autonomes bénéficiaient auparavant.

La réduction du nombre de Canadiens à la tête d’une entreprise pourrait être néfaste à l’entrepreneuriat

Le travail autonome permet aux employés de se mettre en valeur grâce à un modèle d’affaires à fort potentiel. Il peut aussi constituer une solution de rechange pour ceux qui ne trouvent pas de poste salarié approprié. Les projets de travail autonome à fort potentiel sont ceux qui emploient au moins un (autre) travailleur et qui, à ce titre, sont considérés comme des entreprises. 13 % des travailleurs canadiens sont autonomes, mais seulement 4 % comptaient des employés en 2022.

Malheureusement, la baisse du taux de travailleurs autonomes au Canada touche surtout ceux qui pourraient contribuer le plus à l’entrepreneuriat. Les entreprises ayant recours à une aide rémunérée sont responsables de la moitié de la diminution de 6 % du nombre de travailleurs autonomes depuis la pandémie. Avant la pandémie, alors que le taux de travailleurs autonomes chutait, le nombre absolu de travailleurs autonomes continuait à croître modestement, mais le nombre de ceux qui bénéficiaient d’une aide rémunérée diminuait légèrement. Résultat : la part des travailleurs autonomes bénéficiant d’une aide rémunérée est passée de 33 % en 1998 à 27 % aujourd’hui.

Sommes-nous sur le point de sortir de l’ère du travail autonome à cause du vieillissement ?

Compte tenu du vieillissement de la population canadienne et du départ à la retraite des baby-boomers, on prévoit une hausse des fermetures de petites entreprises au Canada. Étant donné que seulement 9 % des propriétaires d’entreprise disposent d’un plan de relève écrit, on peut se demander s’il y aura suffisamment de nouvelles entreprises pour les remplacer.

Probablement pas. Certes, les immigrants du Canada, qui sont en forte hausse, sont un peu plus portés sur le travail autonome, mais il est peu probable que cette propension compense le manque d’attrait de ce type d’activité pour les jeunes travailleurs. La diminution du taux de travailleurs autonomes chez les propriétaires d’entreprise ayant des employés rémunérés s’observe dans tous les groupes d’âge. Le taux de travailleurs autonomes a toujours été plus faible chez les jeunes Canadiens, mais la proportion de ces derniers qui souhaitent « être leur propre patron » est passée de 3,3 % (pour les Canadiens âgés de 35 à 44 ans) en 1998 à 2 % aujourd’hui.

Il ne faut pas s’attendre à un revirement de situation dans un avenir rapproché. Nous nous attendons à un ralentissement de la demande d’employés au cours de l’année à venir, car les taux d’intérêt continuent à réduire la croissance économique, ce qui pourrait signifier que l’emploi principal d’un nombre accru de travailleurs deviendra une forme ou une autre d’activité à leur compte. Toutefois, le coût de la vie s’alourdit encore et l’accessibilité à la propriété continue de se dégrader. De plus, les pénuries structurelles de main-d’œuvre devraient soutenir la croissance des salaires et des avantages sociaux des employés rémunérés dans la prochaine décennie, faisant ainsi du travail rémunéré une option relativement plus attrayante. Par ailleurs, à court terme, la hausse des taux d’intérêt freinera l’activité des consommateurs, ce qui compliquera la vie des petites entreprises. Celles-ci sont confrontées à une augmentation des loyers et des coûts en capital, et doivent payer des salaires plus élevés alors que l’activité de consommation s’essouffle.


Cynthia Leach est économiste en chef adjointe, Leadership avise à RBC. Elle dirige l’analyse économique et politique prospective de l’équipe, couvrant des sujets tels que le capital humain, l’innovation et le commerce. Elle s’est jointe à l’équipe en 2020.

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