Les constats

  • Tous n’ont pas bénéficié de façon égale de l’augmentation de la valeur nette du patrimoine au cours de la pandémie, particulièrement le groupe des minorités visibles déjà désavantagé avant le début de la crise.
  • Les membres des minorités visibles ont moins bénéficié de la hausse record du patrimoine des ménages, en partie parce qu’ils sont moins susceptibles de posséder des maisons, des entreprises et des ressources génératrices de patrimoine.
  • S’ils avaient affiché un taux de propriété similaire à celui des Canadiens blancs au cours de la pandémie, la valeur nette de leur patrimoine collectif atteindrait 100 milliards de dollars de plus.
  • Accroître la propriété d’entreprises et favoriser la prospérité au sein du groupe des minorités visibles ouvrirait la voie à une plus grande innovation et accroîtrait la compétitivité du Canada dans le monde.


Le contexte

Les Canadiens ont engrangé des avoirs records sous forme d’épargne et de patrimoine au cours de la pandémie. Toutefois, les gains ont été moins importants pour les personnes de couleur au sein de la population. Ce n’est pas nouveau. Depuis longtemps, les membres des minorités visibles ont moins de moyens à leur disposition pour bâtir leur patrimoine. Ils sont moins susceptibles de posséder des actifs financiers ou des entreprises et, surtout, des logements. Cela n’est guère surprenant, étant donné qu’ils touchent seulement quelque 85 cents pour chaque dollar gagné par les personnes n’appartenant pas à une minorité visible, même si leur niveau de scolarité est souvent plus élevé.

À mesure que le gouvernement réduira les mesures d’aide d’urgence et de soutien liées à la pandémie, les écarts bien établis de revenus et de richesse sont appelés à refaire surface.



Notre analyse

La valeur nette immobilière représente près de 40 % de la valeur nette totale des ménages canadiens. Principale source d’appréciation du patrimoine au cours de la pandémie, elle a compté pour 55 % de la hausse cumulative du patrimoine des ménages de 2 800 milliards de dollars depuis le quatrième trimestre de 2019. De nombreuses personnes de couleur sont cependant restées en plan en raison du taux de propriété inférieur au sein de ce groupe de la population canadienne. Si le taux de propriété des membres des minorités visibles avait été similaire à celui des Canadiens blancs, la valeur nette de leur patrimoine atteindrait 100 milliards de dollars de plus. De plus, une part moindre des revenus sous forme de salaire et de revenu de placement est attribuable aux membres des minorités visibles, soit à peine 65 cents pour chaque dollar investi au sein de la population n’appartenant pas à une minorité visible. Les membres des minorités visibles ont subi des pertes d’emploi de façon disproportionnée en 2020. Les données d’une récente enquête ont montré qu’en dépit de l’amélioration du marché du travail, le taux de chômage des membres des minorités visibles demeurait, en décembre 2021, 1,8 point de pourcentage au-dessus de celui de leurs pairs, dans le droit fil de la situation observée avant la crise de la COVID-19.



Une valeur nette supérieure du patrimoine améliore les possibilités de financement et d’éducation. Elle facilite également la requalification et permet aux personnes de traverser les périodes de chômage ou de combler la perte de revenus. De plus, les études montrent qu’une valeur insuffisante du patrimoine des ménages est un obstacle important au développement des affaires, surtout au cours de la phase de démarrage. Comme il est alors difficile d’obtenir du financement, les propriétaires comptent davantage sur leurs économies ou celles des membres de leur famille.



Dans ce contexte, il ne faut pas se surprendre de compter peu de membres du groupe des minorités visibles parmi les propriétaires d’entreprise. Au Canada, ce groupe représente un cinquième de la population, mais seulement 13 % des propriétaires de sociétés fermées. Changer la donne serait bénéfique à l’économie dans son ensemble. Par exemple, si les membres des minorités visibles étaient propriétaires d’entreprise dans une proportion comparable à celle qui est enregistrée dans l’ensemble de la population, plus de 100 000 entreprises seraient créées et chacune d’entre elles serait susceptible d’embaucher de 8 à 10 employés.

Les entreprises appartenant à des Canadiens membres des minorités visibles ont déclaré une diminution de leurs revenus attribuable à la pandémie dans une plus forte proportion (plus de 70 %) que leurs homologues non-membres d’une minorité visible. Les mesures gouvernementales de soutien qui ont rapidement été apportées ont contribué à amortir le choc, mais leur réduction progressive est prévue. Par ailleurs, les écarts de financement demeurent : plus de 15 % des entreprises appartenant à des membres des minorités visibles ont du mal à obtenir du financement, soit près du double du taux enregistré pour l’ensemble des entreprises. Comme le financement posait déjà un défi avant la pandémie, on craint que la réduction progressive des mesures gouvernementales de soutien soit durement ressentie par bon nombre de ces entreprises, qui font face à une hausse du coût des intrants et à une pénurie de main-d’œuvre.



L’avenir

Les avantages macroéconomiques à long terme de la lutte contre les inégalités de richesse et de la promotion de l’entrepreneuriat au sein des membres des minorités visibles sont notables. Selon une enquête de Statistique Canada, les propriétaires d’entreprise qui appartiennent à une minorité visible sont plus susceptibles d’innover, ce qui accroît la compétitivité du Canada à l’échelle mondiale. De plus, les auteurs d’une étude ont montré que les entreprises les plus innovatrices affichent un taux de croissance de 16 % supérieur à celui des entreprises les moins innovatrices, ce qui se traduit par l’obtention de revenus supplémentaires de 250 millions de dollars sur trois ans. Donner plus d’occasions aux Canadiens talentueux issus des minorités visibles peut contribuer à réduire les disparités de longue date sur la richesse, tout en favorisant les retombées sur la productivité à long terme.

 


Rannella Billy-Ochieng s’est jointe aux Services économiques RBC en 2017, à titre d’économiste. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès sciences (avec distinction) en économie et en comptabilité de l’Université des Indes occidentales, d’une maîtrise en recherche sur l’argent, les banques et les finances de l’Université de Lancaster, et d’une maîtrise ès arts en économie de l’Université de Guelph.

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