Les tensions inflationnistes sont devenues moins préoccupantes à l’échelle mondiale, ce qui a permis aux banques centrales de stabiliser les taux d’intérêt à leur niveau actuel – probablement le plus élevé du cycle. Nous pensons qu’elles maintiendront les taux d’intérêt à ce sommet pendant une durée conforme aux normes historiques. Toutefois, les facteurs influençant la durée de la pause et la fin potentielle du cycle d’assouplissement à venir pourraient être différents cette fois-ci.

Points saillants :

  • Au cours de la dernière série de réunions, la plupart des banques centrales ont laissé entrevoir des baisses de taux cette année, mais elles continuent de repousser l’idée d’une action imminente. Les décideurs estiment que la patience reste de mise tant que l’inflation ne revient pas à son taux cible de façon durable.
  • Nous maintenons notre opinion selon laquelle la Banque du Canada et la Réserve fédérale commenceront à assouplir leurs politiques en juin. Par ailleurs, nous prévoyons maintenant que la Banque centrale européenne réduira elle aussi ses taux en juin, suivie de la Banque d’Angleterre au troisième trimestre et de la Reserve Bank of Australia au quatrième trimestre de cette année.
  • Point saillant : À quoi ressemblera la suite du cycle monétaire de la Banque du Canada, comparativement aux cycles précédents ? En résumé, nous croyons que les choses seront en grande partie différentes.

L’on prévoit que les banques commenceront à baisser les taux vers le milieu de l’année

Au cours de la première série de réunions de 2024, les banques centrales ont réitéré qu’il ne sera (probablement) pas nécessaire de réaliser de nouvelles hausses de taux d’intérêt. En même temps, elles ont souligné qu’il est trop tôt pour passer à des baisses de taux pures et simples. Elles ont toutes choisi de maintenir les taux au même niveau et, pour la première fois depuis 2022, elles l’ont fait sans parler explicitement de hausse. Bien que les chiffres de l’inflation soient généralement à la baisse, nous attendons toujours une certaine patience de la part des banques centrales. Selon nous, la BCE, la Banque du Canada et la Fed procéderont à cette première réduction au deuxième trimestre (en juin), et la Banque d’Angleterre devrait suivre l’exemple au troisième trimestre (en août).

Pour reprendre les mots du président de la Fed, M. Powell, les banques centrales mondiales sont actuellement « en mode de gestion du risque », à la recherche d’un équilibre entre les risques liés à l’inflation et les risques de ralentissement économique. Les risques de ralentissement ont également reculé, ce qui laisse aux banques centrales la possibilité de maintenir les taux directeurs à leur sommet pendant plus longtemps. L’économie américaine continue de surprendre de façon positive, et nous ne constatons pas de réaccélération de l’inflation à ce jour. Et les indices des directeurs d’achats suggèrent que la demande dans la zone euro et au Royaume-Uni pourrait déjà avoir touché le fond. Les marchés boursiers ont atteint de nouveaux sommets en raison de la résilience de l’économie américaine, et le dollar américain est resté solide.

Orientation des banques centrales

Banque centrale

Taux directeur actuel(Dernier changement)

Prochain changement

BdC

5,00 %
+0 pb en janvier 2024

+0 bps
Mars 2024

La Banque du Canada a décidé de maintenir ses taux en pause pour la quatrième fois de suite, lors de sa réunion politique de janvier, et elle a cessé de déclarer qu’elle était prête à hausser les taux au besoin. Il a bien été mentionné que l’inflation ne donne pas de signe de « déclin durable », mais la banque attend un écart de production négatif à la fin de 2023, et cela laisse entendre que l’inflation devrait encore baisser. Nous prévoyons que la Banque du Canada effectuera une première coupe dans le taux du financement à un jour en juin.

Fed

5,25-5,50 %
+0 pb en janvier 2024

+0 bps
Mars 2024

La Réserve fédérale a maintenu la fourchette des fonds fédéraux inchangée lors de sa réunion de janvier, tout en notant que les risques vis-à-vis de ses cibles d’inflation et de ses objectifs d’emploi se rapprochent d’un meilleur équilibre. Le président Powell a confirmé que les membres souhaitent abaisser les taux cette année, mais il s’est fermement opposé à une action en mars, la qualifiant de peu probable. Nous attendons toujours une première baisse en juin.

BdA

5,25 %
+0 pb en février 2024

0 pb
Mars 2024

La Banque d’Angleterre a maintenu son taux d’escompte inchangé en janvier, a elle mis fin à son discours de « taux élevé pour longtemps ». Néanmoins, le ton est plus prudent que celui de la Fed ou de la BCE, et le gouverneur Andrew Bailey a fait remarquer qu’il existait un risque de révision à la hausse des prévisions. Nous prévoyons que la Banque d’Angleterre commencera à réduire les taux en août.

BCE

4,00 %
+0 pb en janvier 2024

0 pb
Mars 2024

La BCE a laissé le taux des dépôts inchangé lors de sa réunion de janvier, tout en adoptant un discours beaucoup plus favorable à l’assouplissement. La présidente Christine Lagarde a souligné le ralentissement de la croissance des salaires, et elle s’en est fermement tenue à ses déclarations antérieures sur une première baisse des taux qui surviendrait avant l’été. Nous prévoyons maintenant une première réduction des taux de la BCE en juin.

BRA

4,35 %
+0 pb en février 2024

0 pb
Mars 2024

La Banque de réserve d’Australie a maintenu ses taux inchangés lors de sa réunion de février. Cette décision a été conforme aux attentes, surtout après la surprise causée par la baisse de l’inflation au quatrième trimestre. Les taux d’inflation sont restés supérieurs à la cible, mais les pressions sur la demande intérieure se sont aussi intensifiées. Nous nous attendons maintenant à ce que la Banque de réserve d’Australie commence à réduire ses taux au quatrième trimestre.

À quoi ressemblera ce cycle de taux, comparativement aux précédents ?

Commençons par les points communs

1. Durée du maintien des taux d’intérêt à leur sommet

Les dernières hausses de taux de la Banque du Canada et de la Fed ont eu lieu en juillet 2023. Si la première baisse est réalisée à l’été, alors les deux banques centrales auront maintenu les taux à leur sommet pendant un peu moins d’un an. Cette estimation s’inscrit dans la fourchette des précédents.

Entre le moment où le Canada a fixé sa cible d’inflation en 1991 et le début de la pandémie en 2020, le taux du financement à un jour a généralement baissé d’un cycle à l’autre. Dans l’ensemble, il a subi moins de changements, et il a été maintenu à des niveaux maximaux pendant des périodes plus longues. Plus récemment, le taux du financement à un jour est resté stable à 1,75 % pendant 17 mois, avant que la pandémie ne cause des réductions en mars 2020. Les tendances historiques sont très similaires pour la Fed, qui a maintenu le niveau maximal des fonds fédéraux pendant des périodes allant de 6 à 18 mois lors de chaque cycle depuis les années 1990.

2. Les politiques monétaires indépendantes de la Banque du Canada et de la Fed prennent des chemins similaires

La Banque du Canada est une banque centrale indépendante qui fonde ses décisions sur les conditions économiques nationales au lieu de refléter les décisions de la Fed. En 2010, la Banque du Canada a relevé ses taux au vu du rebond plus rapide de l’économie canadienne à la suite de la crise financière mondiale, alors que la Réserve fédérale est restée en attente. L’écart entre le taux cible des fonds fédéraux et le taux du financement à un jour de la Banque du Canada s’est creusé jusqu’à 250 points de base au cours des trois dernières décennies.

Toutefois, étant donné que l’économie canadienne est inextricablement liée à celle des États-Unis et que les fluctuations de la monnaie peuvent avoir une incidence sur les tendances de l’inflation, la politique monétaire du Canada ne peut pas diverger plus que cela. Historiquement, l’écart plus important entre les politiques de taux d’intérêt s’explique principalement par le fait que la Banque du Canada est à la traîne de plusieurs mois par rapport aux actions de la Fed.

Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada et la Fed commencent à réduire les taux à peu près à la même période cette année, en raison de deux facteurs. Tout d’abord, les deux pays ont connu des progrès très similaires sur le front de l’inflation au cours de l’année écoulée. Deuxièmement, la Fed a toujours été plus réactive aux changements de cycle, et elle aurait probablement déjà agi si le contexte économique américain était aussi calme que celui du Canada.

Cette politique similaire en matière de taux d’intérêt – malgré une conjoncture très différente sur le plan de la croissance macroéconomique – laisse aussi entrevoir une incidence limitée sur le dollar canadien, lequel devrait généralement rester dans sa fourchette par rapport au dollar américain cette année.

Qu’est-ce qui est différent ?

1. La Banque du Canada a été plus lente à réagir à la faiblesse de l’économie durant ce cycle.

Selon les prévisions actuelles, le taux du financement à un jour commencera à décliner cette année avant de revenir à un niveau « neutre » en 2025. Ce serait la première fois depuis les années 1990 que le taux directeur est maintenu en territoire restrictif pendant si longtemps – près de deux ans depuis qu’il a commencé à augmenter en mars 2022. En général, les banques centrales réagissent rapidement par une baisse des taux d’intérêt lorsque les marchés du travail commencent à ralentir. Toutefois, si la baisse des taux au Canada commence effectivement en juin, conformément à nos prévisions, plus d’une année se sera écoulée depuis que le taux de chômage a commencé à augmenter au printemps 2023.

Le temps de réaction plus long (compte tenu de cette conjoncture de ralentissement) s’explique par plusieurs facteurs. La Banque du Canada ne s’était pas autant inquiétée de l’inflation depuis des décennies, et dans le cadre de son plan pour faire baisser l’inflation elle a choisi d’apaiser la surchauffe des marchés du travail. De plus, l’augmentation du taux de chômage est davantage attribuable à l’allongement de la durée de recherche d’emploi qu’aux mises à pied, car la croissance de l’offre de main-d’œuvre dépasse la demande d’embauche.

Pourtant, l’économie canadienne semble assez calme pour justifier une réduction des taux d’intérêt. La question est de savoir combien de temps il faudra aux responsables politiques pour avoir la conviction que les tensions inflationnistes sont maîtrisées.

2. Le point d’équilibre

Contrairement aux cycles précédents, on ne s’attend pas à ce que les banques centrales ramènent les taux d’intérêt aux niveaux extrêmement bas qui prévalaient quand elles ont commencé à les rehausser. L’économie mondiale semble mieux armée pour faire face à taux d’intérêt élevés, par rapport à ce que l’on craignait auparavant, bien que le ralentissement soit plus prononcé dans les régions comme le Canada qui sont plus sensibles aux taux d’intérêt. Dans un mensuel précédent, nous avons souligné que les taux d’intérêt se stabiliseront sans doute à un niveau permanent plus élevé, à la fin du prochain cycle d’assouplissement, afin de contenir les pressions sur les prix. Cela s’explique par la pression haussière sur les perspectives d’inflation à moyen terme liées à la démondialisation, à la décarbonation et au vieillissement de la population.

Un autre élément particulier à ce cycle est le contexte politique. 2024 marque une année électorale cruciale où la moitié de la population mondiale est attendue aux urnes. Il est peu probable que la Fed réponde aux pressions exercées par les candidats aux États-Unis ou qu’elle réagisse d’une façon ou d’une autre pour démontrer son indépendance. Le plus important, ce sont les perspectives budgétaires à moyen terme, surtout aux États-Unis où les déficits importants resteront un facteur favorable à l’économie, quel que soit le résultat des élections. Selon les dernières projections du CBO, le déficit budgétaire du gouvernement américain augmenterait à 6 % du PIB d’ici 2025. L’économie étant déjà en plein essor, des taux d’intérêt plus élevés (que ceux qui seraient appliqués en d’autres circonstances) sont nécessaires pour compenser l’effet inflationniste du déficit budgétaire.

Dans l’ensemble, nous prévoyons que les taux directeurs neutres – c’est-à-dire les taux d’intérêt requis pour maintenir l’inflation à 2 % – augmenteront au Canada et aux États-Unis, et que le taux du financement à un jour sera abaissé à 3 % et que les fonds fédéraux se situeront entre 3,25 % et 3,5 % au cours de 2025.

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