Savoir composer avec les surprises de la vie, Nazem Kadri sait ce que c’est. Après avoir encaissé deux suspensions en séries éliminatoires, il a été soudainement échangé par les Maple Leafs de Toronto à l’Avalanche du Colorado à l’été 2019. Peu après, il se retrouvait à jouer devant des gradins vides dans des arénas fermés par la pandémie. Puis, alors que le mouvement Black Lives Matter explosait, Nazem Kadri, qui est musulman et dont les parents sont libanais, s’est joint à des joueurs de la LNH issus d’une minorité pour fonder la Hockey Diversity Alliance, qui a pour but d’éradiquer le racisme dans ce sport.

La saison régulière de la LNH ayant été interrompue jusqu’au 19 mai en raison d’une série d’éclosions de COVID-19, Nazem Kadri se prépare maintenant à diriger l’Avalanche vers les séries éliminatoires. Il parle à John Stackhouse d’une saison de hockey plutôt inhabituelle, du mouvement Black Lives Matter et de l’importance de la critique constructive.

 

John Stackhouse : Comme joueur, et comme personne, quel a été le plus grand changement pour vous ?

Nazem Kadri : Juste le côté social, ne pas communiquer constamment. Et les règles, et les restrictions qui sont un peu différentes dans mon domaine.

La relation entre les coéquipiers est-elle différente ?

Les hôtels sont vides. On peut juste flâner dans les salons d’équipe ou faire des jeux de société. Ce qu’on aimerait, c’est aller au restaurant ou quelque chose comme ça. Malheureusement, on ne peut pas.

Quels jeux de société ?

J’ai apporté un jeu de Monopoly. C’est un jeu que j’aimais bien quand j’étais enfant. On peut facilement faire passer le temps en jouant pendant quelques heures. Je ne veux pas me vanter, mais je m’en tire plutôt bien.

Ça doit être bizarre de jouer au hockey dans un aréna vide, alors que vous avez passé une partie de votre vie à jouer devant des foules bruyantes.

Ouais, il n’y a rien comme jouer dans un environnement hostile, à la maison ou sur la route. En ce moment, ils font jouer un bruit de foule dans les gradins. Je suppose que ça donne un effet similaire, mais ce n’est vraiment pas pareil.

Nous avons tous l’impression de faire la même chose semaine après semaine pendant cette crise. Comment composez-vous avec ce stress de la répétition ?

“C'est comme ça dans le sport professionnel et c'est comme ça dans la vie. On franchit les obstacles en temps et lieu et on essaie de pas trop anticiper ce qui va se passer. J'essaie juste de jouer dans le moment, au présent.”

Eh bien, comme on n’a pas le choix, c’est certain que ça aide (rires). C’est comme ça dans le sport professionnel et c’est comme ça dans la vie. On franchit les obstacles en temps et lieu et on essaie de pas trop anticiper ce qui va se passer. J’essaie juste de jouer dans le moment, au présent.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours et sur ce que c’est que de grandir en jouant au hockey quand on est issu d’une minorité ?

J’ai l’impression que les joueurs des minorités n’ont pas les mêmes chances que le joueur de hockey blanc moyen. Il y a des obstacles à surmonter, se faire traiter de tous les noms et devoir comprendre le racisme à un jeune âge… quand j’étais jeune, je ne pense pas qu’il y avait des joueurs de couleur dans mon équipe. Je n’ai jamais vécu ça avec mes coéquipiers, mais les joueurs des équipes qu’on affrontait et les parents de ces joueurs-là allaient parfois trop loin. C’est pourquoi les programmes locaux sont les initiatives les plus importantes [de la Hockey Diversity Alliance], parce que nous voulons protéger ces enfants.

Plusieurs d’entre nous avons des enfants ou entraînons des enfants qui participent à des activités de compétition. Que faut-il savoir ?

Émotions, sentiments. La compétitivité, c’est ce qu’il y a de mieux dans le hockey. Mais parfois, et je le comprends dans une certaine mesure, la compétitivité prend presque le contrôle de votre corps et vous pouvez faire une erreur. Restez à l’écoute des émotions et de l’environnement et faites attention à ce que vous dites.

Je suis sûr que vous êtes un modèle pour beaucoup d’enfants des minorités visibles. Quels conseils leur donnez-vous ?

C’est difficile de donner des conseils quand il s’agit d’un sujet aussi délicat, mais il faut avoir la force mentale d’ignorer et de continuer. Je compte parmi les chanceux qui ne laissaient pas grand-chose les atteindre.

Certaines personnes diraient, « un instant, ça ne peut pas toujours être une question de force. On doit changer et s’aider mutuellement à changer. » Comment aider les gens à équilibrer tout ça ?

C’est difficile à dire. Tout le monde n’a pas vécu ça. En fait, très peu de gens ont vécu ça. Je pense qu’on doit tous se tenir mutuellement responsables. Si vous entendez quelqu’un qui va trop loin, vous pouvez lui en parler.

Le mouvement Black Lives Matter a entraîné de profonds changements dans toutes les ligues. Est-ce suffisant ?

Je pense que c’est un bon début, peut-être même mieux que bon. Mais je pense aussi qu’il y a toujours plus à faire. Ça ne peut pas être juste un coup d’éclat pour faire plaisir au public. Et après avoir maîtrisé la tempête, vous continuez comme si de rien n’était. Il faut apporter de vrais changements.

“Ce n’est pas parce que quelqu’un a l’air de ne pas avoir de difficultés qu’il n’en a pas. Je pense que la maladie mentale est souvent une chose qu’on garde en dedans.”

Votre fondation se concentre en partie sur la santé mentale. Pourquoi est-ce important pour vous ?

Je connais l’importance de la santé mentale, surtout dans ma profession. Et je sais à quel point ça peut être néfaste si vous perdez ça de vue. Évidemment, avec des choses comme les commotions cérébrales, la maladie mentale frappe assez souvent.

Que devons-nous comprendre au sujet de la santé mentale que nous ne saisissons peut-être pas complètement ?

Ce n’est pas parce que quelqu’un a l’air de ne pas avoir de difficultés qu’il n’en a pas. Je pense que la maladie mentale est souvent une chose qu’on garde en dedans.

Vous avez parlé des valeurs compétitives du hockey, tant de façon positive que négative. Que devrions-nous apprendre en tant que collectivité pour développer des forces compétitives sans démolir les enfants ?

La frontière est mince. Si vous ne recevez pas de critique constructive alors que vous êtes tout jeune, vous ne survivrez jamais au sport professionnel parce que c’est une entreprise fondée sur les résultats.

Vous allez parfois entendre des choses que vous ne voulez pas entendre, des choses qui peuvent vous bouleverser. C’est une question de mémoire à court terme, de pouvoir tourner la page et redémarrer la machine. Je crois fermement en la positivité et l’optimisme. Mais en même temps, la critique constructive renforce votre caractère et vous aide à devenir un meilleur joueur.

Selon votre expérience, quelle est la meilleure façon de donner de la rétroaction en ce moment ?

J’ai toujours aimé les entraîneurs et les DG qui commençaient par dire quelque chose de positif, puis enchaînaient avec ce qu’il fallait améliorer.

Le texte de l’entretien a été modifié et condensé pour plus de clarté.

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