Les difficultés liées à la hausse des taux d’intérêt et au ralentissement de l’économie mondiale se sont accentuées. Au Canada, le PIB a perdu 0,2 % au deuxième trimestre de cette année, et les premiers rapports font état d’une nouvelle baisse au troisième trimestre. Certains des facteurs qui ont ralenti la production au deuxième trimestre s’avéreront « transitoires », notamment les perturbations dues aux incendies de forêt et la grève des fonctionnaires fédéraux en avril. Toutefois, d’autres signes indiquent qu’un repli économique « modéré », attendu de longue date, a peut-être déjà commencé. En effet, la croissance économique semble déjà beaucoup plus lente compte tenu de l’essor démographique. Cela fait maintenant quatre trimestres que le PIB canadien par personne décline.

Le taux de chômage canadien a augmenté de 0,5 point de pourcentage au cours des quatre derniers mois, soit la plus forte hausse (en dehors de la pandémie) depuis la récession de 2008-2009. Depuis les années 1970 et jusqu’à cette année, ce taux a connu seulement six augmentations aussi importantes en un laps de temps aussi court, dont quatre sont survenues pendant des récessions. Cette fois-ci, la hausse du taux de chômage est due à un ralentissement des embauches (par rapport à l’essor démographique et à la croissance de l’offre de main-d’œuvre) plutôt qu’à une accélération des licenciements. Bien que la croissance de l’emploi ait ralenti, les embauches ont tout de même atteint 19 000 personnes par mois au cours des quatre derniers mois. Cependant, le nombre de postes vacants diminue, ce qui suggère un affaissement de la demande de main-d’œuvre.

L’épargne excédentaire et la demande de main-d’œuvre se sont épuisées aux États-Unis

L’économie américaine a fait preuve d’une résilience remarquable et devrait afficher une hausse vigoureuse au troisième trimestre, avec un taux de chômage toujours très bas. Néanmoins, les ménages américains ont dépensé l’épargne accumulée pendant la pandémie, aujourd’hui presque épuisée. Les conditions de crédit continuent de se resserrer. Et bien que les taux de défaillance des consommateurs demeurent faibles, ils ont tendance à augmenter malgré la vigueur historique des marchés du travail.

La demande de main-d’œuvre « excédentaire » a aussi diminué. Bien que le taux de chômage n’ait guère changé au cours de la dernière année, le taux de postes vacants a fortement chuté, et maintenant le rapport entre les postes vacants et le chômage (souvent appelé courbe Beveridge) se situe à des niveaux beaucoup plus « normaux ». Les postes vacants continuent de diminuer, et il est de plus en plus probable qu’un nouveau recul de la demande de main-d’œuvre commencera à pousser le taux de chômage vers le haut.

L’économie mondiale ralentit

Les économies du monde entier sont également à bout de souffle. La croissance du PIB en Europe a été lente durant le premier semestre de l’année, et le taux de chômage au Royaume-Uni commence à grimper. Les perspectives du secteur manufacturier se sont assombries à l’échelle mondiale, et les indices des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier dans la plupart des économies pointent vers un ralentissement de l’activité. L’économie de la Chine semble vacillante, même si l’on fait abstraction des obstacles grandissants liés au rapide vieillissement de la population.

Les banques centrales ne comptent pas baisser les taux d’intérêt de sitôt

Les représentants de la Banque du Canada ont réaffirmé leur unique mandat politique : atteindre une cible d’inflation de 2 %. Et les pressions sur les prix s’avèrent persistantes au Canada. Étant donné le ralentissement de la croissance du PIB et du marché du travail, nous prévoyons que la Banque du Canada restera sur la touche et maintiendra ses taux inchangés jusqu’en 2024.

Le contexte de l’inflation et de la croissance aux États-Unis est le contraire de celui du Canada : la croissance économique a fait preuve d’une résilience exceptionnelle, mais les tensions inflationnistes se sont atténuées de manière plus marquée ces derniers mois. À notre avis, cela implique les mêmes mesures de politique monétaire des deux côtés de la frontière : la Fed devrait aussi maintenir les taux d’intérêt à leurs niveaux actuels jusqu’en 2024.

Les risques à court terme qui pèsent sur les projections de taux d’intérêt de la Banque du Canada et de la Fed sont orientés à la hausse plutôt qu’à la baisse. À notre avis, les deux banques centrales ont été tellement effrayées par la flambée d’inflation des deux dernières années qu’elles ne sont pas prêtes à abaisser leurs taux d’intérêt aussi rapidement que par le passé. Nous prévoyons que la Banque du Canada abaissera pour la première fois le taux du financement à un jour au troisième trimestre de l’année prochaine.

Les consommateurs canadiens freinent leurs dépenses

Les dépenses de consommation n’ont guère évolué au deuxième trimestre et nous nous attendons à un nouveau ralentissement au troisième trimestre et au-delà. Les dépenses en biens ont considérablement diminué, comme en témoignent les volumes des ventes au détail qui ont chuté de 3 % en taux annualisé au deuxième trimestre. Bien que les dépenses en services aient été plus résistantes, elles présentent également des signes d’essoufflement.

Les majorations agressives des taux d’intérêt depuis un an et demi devraient se répercuter sur les consommateurs en augmentant les remboursements de la dette des ménages (et les taux de défaillance). Les investissements des sociétés ont aussi montré des signes de ralentissement et les marchés du logement se sont à nouveau apaisés après avoir rebondi au printemps, alors que la Banque du Canada faisait une pause temporaire dans les hausses de taux d’intérêt.

Perspectives provinciales

Cette année, la croissance économique a ralenti dans presque toutes les provinces (sauf Terre-Neuve-et-Labrador). Alors que la montée des taux d’intérêt à des sommets vieux de plusieurs décennies limite déjà les dépenses et les investissements, les catastrophes naturelles et les conditions de culture défavorables posent un défi supplémentaire. Nous prévoyons que certaines de ces difficultés toucheront le Québec (+0,5 %) et la Colombie-Britannique (+0,5 %) plus durement et que ces deux provinces demeureront aux derniers rangs de notre palmarès de croissance provincial pour 2023 et 2024.

Par contre, l’Alberta (+2,2 %) devrait relever ces défis sans problème et dépasser toutes les autres provinces sur le plan de la croissance en 2023. De plus, dans les Prairies, la vigueur du secteur de l’énergie et l’essor démographique devraient compenser en partie les perturbations causées par les incendies de forêt printaniers et la détérioration des perspectives de récolte.
À l’est, une vague d’immigration stimulera grandement les dépenses des ménages et la croissance de l’emploi dans la majeure partie de la région de l’Atlantique. Ce facteur contribuera à la croissance du PIB réel, qui devrait dépasser la moyenne nationale à l’Île-du-Prince-Édouard (+1,7 %), en Nouvelle-Écosse (+1,5 %) et au Nouveau-Brunswick (+1,4 %).
Nous nous attendons à ce que le Manitoba (+1,4 %) soit éprouvé par de mauvaises conditions de culture cette année, mais la résilience du secteur manufacturier maintiendra probablement l’économie de cette province au milieu du peloton. De même, la vitalité du secteur manufacturier de l’Ontario compense partiellement la baisse des dépenses et des investissements, de sorte que la province se dirige vers une croissance de 1,1 % légèrement supérieure à la moyenne du Canada.

Toutefois, l’avenir ne s’annonce pas aussi bien pour la Saskatchewan. Les sombres perspectives dans le secteur agricole, qui représente une part importante du PIB, ont fait baisser nos prévisions de croissance pour la province cette année à seulement 0,8 %. Nous nous attendons maintenant à ce que la croissance du PIB réel de la Saskatchewan soit inférieure à celle de la plupart des provinces en 2023.

Selon les attentes, l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador devrait rebondir après avoir subi une contraction l’an dernier, mais son expansion (+0,7 %) demeurera moindre que la moyenne du Canada. L’optimisme entourant les perspectives du secteur minier et la possibilité d’une reprise du secteur de l’énergie laissent toutefois entrevoir une amélioration de la croissance en 2024 (+1,4 %).

COLOMBIE-BRITANNIQUE – Une année mouvementée

Les incendies de forêt dévastateurs et les grèves de la main-d’œuvre dans 30 ports comptent parmi les événements inattendus qui ont secoué l’économie de la Colombie-Britannique cette année. Étant d’avis que leurs répercussions mineront la croissance globale, nous avons légèrement réduit notre prévision à 0,5 %, contre 0,6 % auparavant. Si cette prévision se matérialise, la croissance du PIB réel de la Colombie-Britannique sera inférieure à celle de la plupart des autres provinces en 2023 (et égalera l’expansion du Québec). Néanmoins, nous attribuons l’essentiel de la décélération comparativement à l’an dernier non pas à ces événements malheureux, mais à l’assombrissement des perspectives pour les dépenses des ménages et les investissements des entreprises. La hausse des taux d’intérêt frappe particulièrement les habitants de cette province, compte tenu de leur niveau élevé d’endettement. Cette pression devrait persister jusqu’en 2024 et continuera de faire fléchir la croissance.

La solide reprise du marché immobilier a constitué une bonne surprise. Les reventes et les prix se sont raffermis plus rapidement que prévu depuis le printemps. Toutefois, cette reprise ne se poursuivra vraisemblablement pas, car les acheteurs potentiels font face à des conditions d’accessibilité extrêmement mauvaises.

À première vue, les dépenses dans les magasins de détail ont tenu le coup jusqu’à présent en 2023. Cependant, cette résilience est due en bonne partie à la hausse du nombre de consommateurs. En fait, la croissance démographique de la Colombie-Britannique est actuellement de 3,1 %, son niveau le plus élevé des 40 dernières années, ce qui soutient la demande globale de biens et de services. Au deuxième trimestre, les ventes au détail par personne ont été de 2,4 % inférieures à leur niveau de l’an dernier. Nous nous attendons à ce que la flambée des coûts du service de la dette force un plus grand nombre de consommateurs à revoir leurs plans d’achat au cours de la période à venir.

Le ralentissement du marché du travail pourrait accélérer ce changement d’humeur. De plus en plus de signes indiquent que les tensions observées auparavant sur ce marché s’atténuent rapidement. Le nombre d’emplois vacants a diminué de 28 % par rapport à l’an dernier, ce qui est la baisse la plus marquée parmi les provinces. Et le taux de chômage de la Colombie-Britannique a augmenté de plus d’un point de pourcentage depuis la fin de l’année dernière.

L’affaiblissement des investissements dans la construction (-15 % au cours des 12 derniers mois) en est en partie responsable. L’emploi dans le secteur de la construction a chuté de 17 % depuis janvier. Les grands projets ayant dépassé leur pic, nous prévoyons que les dépenses en immobilisations continueront de diminuer à court terme.

ALBERTA – De retour en selle

L’Alberta n’est pas à l’abri des nombreux vents contraires qui ralentissent l’économie canadienne, mais elle continue de se démarquer par sa vigueur relative à ce stade du cycle. Nous prévoyons qu’elle se classera au premier rang parmi les provinces cette année en matière de croissance (+2,2 %), une place qu’elle a occupée à de nombreuses reprises dans le passé. Une détérioration des perspectives de récolte dans les Prairies explique ce résultat légèrement inférieur, de 0,2 point de pourcentage, à notre prévision précédente.

Outre les secteurs de la fabrication et de l’immobilier, l’industrie pétrolière et gazière de la province contribue à la reprise économique de l’Alberta. La production pétrolière a connu un bon début d’année. Les feux de forêt ont causé des perturbations au printemps, mais des signes laissent croire qu’elles ont été de courte durée. Le secteur accroît également les investissements dans la province, principalement sous la forme de nouveaux puits forés, dans un contexte de demande soutenue et de prix des marchandises encore favorables. Les investissements pétroliers et gaziers sont désormais supérieurs à ce qu’ils étaient avant la pandémie en valeur nominale.

En plus de l’avantage relatif de l’Alberta sur le plan de l’accessibilité, les perspectives économiques généralement positives ont constitué un attrait important pour les nouveaux arrivants dans la province. L’Alberta a accueilli plus de 45 000 migrants interprovinciaux (en chiffres nets) et près de 100 000 immigrants internationaux (en chiffres nets). Son taux d’accroissement de la population, qui rivalise maintenant avec celui de l’Île-du-Prince-Édouard, montre peu de signes de ralentissement. Nous prévoyons que l’afflux de migrants contribuera à une solide croissance des dépenses de consommation cette année (+6,5 %). Le ralentissement économique général devrait modérer la croissance des ventes au détail en 2024, mais nous restons d’avis que cette dernière s’établira à 3,5 % en Alberta, bien au-dessus de la moyenne canadienne (+2,1 %).

Les prévisions de Statistique Canada pour 2023 concernant les grandes cultures montrent une baisse marquée par rapport à l’an dernier. La chute de 14 % de la production annuelle (en tonnes métriques) ne devrait pas passer inaperçue. Quoi qu’il en soit, la vigueur des autres secteurs devrait empêcher l’économie de la province de trop ralentir, et un rebond du secteur agricole l’an prochain pourrait nous amener à revoir à la hausse notre prévision de croissance pour 2024.

SASKATCHEWAN – Le temps chaud et sec a des conséquences néfastes

Les conditions de croissance défavorables feront baisser la production des principales grandes cultures de la Saskatchewan à leur deuxième niveau le plus faible en plus de dix ans, selon les derniers modèles du gouvernement. Cette tournure des événements est décevante pour une économie provinciale qui se remet encore d’un profond marasme qui a duré trois ans, de 2019 à 2021 (incluant une grande sécheresse en 2021). Nous avons donc sabré notre prévision de croissance pour 2023, qui passe de 2,0 % à seulement 0,8 %. Cette révision a entraîné un fort recul de la Saskatchewan dans notre classement de la croissance par province cette année. En revanche, nous avons haussé notre prévision pour 2024 à 2,2 %, en supposant que l’état des cultures sera plus favorable.

L’assombrissement des perspectives pour certains des principaux minerais de la province est un autre facteur pesant sur la croissance cette année. Déjà affaibli par le ralentissement de la demande mondiale, le secteur minier de la Saskatchewan a connu une autre période difficile ce printemps. Des conflits de travail dans des ports essentiels de la Colombie-Britannique ont perturbé les expéditions à l’étranger pendant des semaines. La production minière (à l’exclusion de l’extraction de pétrole et de gaz) a chuté de 24 % au premier semestre de 2023 comparativement à la même période l’an dernier.

Bien que les prix des minerais aient diminué considérablement par rapport à leurs sommets de 2022, ils demeurent supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie. Le contexte reste donc favorable aux dépenses d’investissement dans la province. D’après les estimations, les dépenses en immobilisations dans la province augmenteront de plus de 3 milliards de dollars (+21 %) par rapport à 2022, dont près d’un milliard de dollars devrait provenir des secteurs des mines et de l’énergie.

MANITOBA – Essoufflement du dynamisme

Les prévisions de baisse de la production agricole et le ralentissement des exportations clés ont assombri les perspectives de l’économie du Manitoba cette année. Nous prévoyons maintenant un recul de la croissance, qui passera d’un taux élevé de 3,9 % en 2022 à 1,4 %, soit 0,5 point de pourcentage de moins que nos estimations en juin. Toutefois, ce chiffre dépasserait encore celui de l’ensemble de l’économie canadienne. À notre avis, la sensibilité relativement faible des Manitobains aux taux d’intérêt (grâce à un endettement des ménages inférieur à la moyenne) et le dynamisme du secteur des services publics empêcheront la croissance de reculer fortement.

La valeur des livraisons manufacturières demeure bien supérieure aux niveaux d’avant la pandémie, mais l’élan portant certains des principaux produits d’exportation de la province, comme les produits de l’agriculture et de la pêche (-4,1 % d’une année sur l’autre) et les biens de consommation (-7,3 % d’une année sur l’autre), semble faiblir.
La faiblesse des investissements dans la construction et le ralentissement des dépenses de consommation ont également eu pour effet de stabiliser la tendance du secteur manufacturier depuis le sommet de 2022. Nous nous attendons à ce que cette trajectoire se maintienne jusqu’à ce que les consommateurs et les entreprises délient les cordons de leur bourse. Ce scénario ne devrait pas se concrétiser avant que la Banque du Canada ne commence à réduire les taux d’intérêt en 2024.

La baisse des prévisions de production agricole a porté ombrage au secteur agricole du Manitoba cette année et a ainsi aggravé l’affaiblissement général de l’économie provinciale. La chute des taux de rendement estimés des cultures s’accompagne d’une forte augmentation (+12 % d’une année sur l’autre) des coûts de production (notamment de la main-d’œuvre) pour des produits essentiels, comme le canola et le maïs-grain.

La transition énergétique, conjuguée à l’essor de la population du Canada, a stimulé la demande d’électricité. La province étant une grande productrice d’hydroélectricité, les augmentations de production ont été importantes au Manitoba. L’achèvement prévu du Complexe de transmission de Saint-Vital cet automne et la poursuite de la restauration et de l’expansion de la région de Portage la Prairie ont déjà contribué à accroître la capacité. Depuis le début de l’année, la production d’énergie a augmenté de 24 % par rapport à la même période en 2022. De plus, la province se prépare à au moins doubler sa capacité de production au cours des deux prochaines décennies. Même si la vigueur de ce secteur ne suffira pas à compenser la tendance générale à l’affaiblissement de l’économie de la province, on s’attend à ce que le Manitoba en profite grandement à l’avenir.

ONTARIO – Perte de vigueur en 2023

Comme prévu, l’élan économique de l’Ontario perd de sa vigueur. Après des hausses de taux d’intérêt de 475 points de base (depuis mars 2022) et l’atteinte d’un niveau d’inflation inégalé depuis des décennies, les dépenses de consommation ont finalement diminué. En raison de l’augmentation des coûts d’emprunt, les investissements résidentiels dans la province ont également chuté à un plancher vieux de quelques décennies. Nous prévoyons que la résilience du secteur manufacturier compensera en partie ce ralentissement. C’est pourquoi nous maintenons notre prévision de croissance pour l’Ontario en 2023 à 1,1 %. Puisqu’elle perd encore de sa vigueur, la croissance économique de l’Ontario devrait être inférieure à celle de toutes les autres provinces en 2024 (+0,2 %).

Tout comme dans la plupart des provinces, l’immigration élevée a été bénéfique pour le marché du travail de l’Ontario. Bien que les salaires continuent de grimper, les entreprises ont (en quelque sorte) bénéficié de l’atténuation de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et de la fluidification des opérations. Le secteur manufacturier de l’Ontario a particulièrement profité de ce phénomène : il a enregistré des gains d’emploi supérieurs à la moyenne (hausse de 4 % du nombre total d’emplois d’une année sur l’autre). Malgré la résilience, nous nous attendons à une baisse de la demande dans ce secteur. Il est à noter que le nombre de fermetures d’entreprises manufacturières est déjà à la hausse (+10 % entre le T1 2022 et le T2 2023) depuis l’année dernière.

Les nouvelles hausses de 25 points de base en juin et en juillet ont freiné la reprise du marché du logement. Dans un contexte marqué par la montée du niveau d’endettement des résidents et par la détérioration de l’accessibilité à la propriété, les investissements résidentiels continuent de chuter, après s’être accélérés plus tôt cette année. En raison de la contraction des marges bénéficiaires, nous prévoyons que le nombre de mises en chantier reculera en 2023 (94 400) avant de monter à 98 800 en 2024. Grâce à la baisse des taux d’intérêt et aux mesures gouvernementales, les mises en chantier prévues pour l’année prochaine devraient atteindre un niveau inégalé depuis le milieu des années 1980.

QUÉBEC – La corde raide

L’économie du Québec a perdu beaucoup de son élan cette année. Au deuxième trimestre, elle s’est probablement un peu contractée en raison des fermetures de mines, du ralentissement marqué de la construction et de la stagnation du secteur manufacturier. À notre avis, la province continuera à se situer à la frontière entre une croissance positive et une croissance négative jusqu’à la fin de l’année et en 2024. La croissance globale s’établira sans doute à seulement 0,5 % en 2023, ce qui est nettement inférieur aux taux de 6,0 % en 2021 et de 2,6 % en 2022, et pourrait diminuer encore pour atteindre 0,4 % en 2024.

L’une des conséquences claires de ce ralentissement réside dans le relâchement des tensions sur le marché du travail. Depuis le début de l’année, le nombre d’emplois vacants et de postes occupés est en baisse (reculs de 36 000 et 22 000, respectivement, depuis janvier). Les pertes d’emploi sont toutes dues aux employés à temps plein. Le taux de chômage a tendance à grimper, passant d’un creux de l’ère moderne de 3,9 % au début de l’année à 4,5 % en juillet.

La détérioration des perspectives d’emploi, conjuguée à la forte hausse du coût de la vie, commence à peser sur les consommateurs. Les Québécois dépensent moins dans les magasins de détail depuis le printemps, en particulier en ce qui concerne les articles de sport, les meubles, les matériaux de construction et le matériel de jardinage. Ils réduisent également un peu leurs dépenses dans les services de restauration et les débits de boissons. Nous entrevoyons un alourdissement du bilan à court terme, alors que les emprunteurs de la province subissent une pression intense en raison des taux d’intérêt élevés.

Les incendies de forêt ayant éclaté en juin ont également dévasté la province. La production a dû être suspendue ou interrompue dans plusieurs mines. Bien que l’activité ait repris dans la plupart d’entre elles, il est peu probable que la province soit en mesure de regagner le terrain perdu au cours du deuxième semestre.
Cette pression est bien visible sur le marché du logement où la demande, même si elle s’éloigne des creux atteints pendant la pandémie, demeure faible. Par conséquent, la construction de logements s’est effondrée. Les investissements dans la construction résidentielle ont chuté de 31 % au premier semestre et les mises en chantier ont diminué de 40 %. Selon nous, la poursuite de la (lente) reprise du marché du logement et les mesures politiques visant à réduire l’écart entre l’offre et la demande permettront de stimuler dans une certaine mesure la construction immobilière l’année prochaine.

NOUVEAU-BRUNSWICK – Maintenir le cap

L’économie du Nouveau-Brunswick progresse à un rythme relativement bon cette année. L’essor démographique et la faiblesse relative de l’endettement des ménages ont soutenu de solides gains d’emploi et de dépenses de consommation. Malgré la baisse de la demande pour les principales exportations, nous prévoyons que les points forts de la province assureront une croissance stable de son économie en 2023, à un taux de 1,4 %. Ce chiffre serait inférieur de seulement 0,4 point de pourcentage à la progression de 1,8 % enregistrée en 2022, et supérieur à notre projection de 1,0 % pour le Canada.

L’afflux de migrants interprovinciaux et internationaux s’est avéré particulièrement avantageux pour le marché du travail de la province. Les nouveaux arrivants ont diversifié le bassin de talents et dynamisé plusieurs secteurs. Par exemple, la croissance de l’emploi dans les services professionnels, scientifiques et techniques est en hausse de 14 % depuis le début de l’année. Par ailleurs, les migrants ont contribué à résorber les pénuries de main-d’œuvre. Les emplois vacants ont diminué de 12 % durant le premier semestre de 2023.

La vague historique d’immigration pose aussi des défis. Elle met à l’épreuve la capacité des infrastructures existantes, y compris le logement, à répondre à la demande. De plus, elle coïncide avec une période où les taux d’intérêt élevés freinent la construction de nouveaux logements privés et où le secteur public limite les dépenses liées aux projets d’investissement.

Bien qu’elle soit relativement régulière cette année, la croissance globale de l’économie connaît un net ralentissement, à l’instar de toutes les autres provinces. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive à l’avenir. À notre avis, la chute du nombre d’emplois vacants laisse présager un fléchissement de la croissance de l’emploi. En outre, les ventes du secteur manufacturier (en valeur nominale) ont chuté de 13 % depuis le début de l’année par rapport à la même période l’an dernier, soit le recul le plus important parmi toutes les provinces. Nous prévoyons que le repli de la demande dans ce secteur clé affaiblira encore davantage la croissance en 2024.

NOUVELLE-ÉCOSSE – En baisse après l’essor post-pandémique

L’économie de la Nouvelle-Écosse se comporte cette année à peu près comme nous l’avions prévu. Les surprises étant peu nombreuses, nous avons laissé notre prévision de croissance pour 2023 à 1,5 %, soit 0,5 point de pourcentage de plus que la moyenne du Canada. Les fortes tendances démographiques et l’endettement relativement faible ont soutenu les dépenses et les investissements, ainsi que la croissance de l’emploi. Toutefois, étant donné que l’essor démographique qui a suivi la pandémie se tasse et que le coût élevé des emprunts se répercute davantage sur les consommateurs, nous prévoyons que le taux de croissance du PIB réel de la Nouvelle-Écosse diminuera considérablement en 2023. Toutefois, les points forts mentionnés ci-dessus devraient empêcher la croissance de se contracter encore plus en 2024 (+1,2 %).

Comme dans la plupart des autres provinces, les taux d’intérêt élevés ont entravé la construction en Nouvelle-Écosse cette année. La Nouvelle-Écosse a connu une baisse relativement modérée des mises en chantier depuis le début de l’année (-5,2 %) par rapport à la même période l’an dernier.

Ce ralentissement s’est accompagné d’une diminution des investissements résidentiels. La légère contraction des investissements, en baisse de 9 % depuis le début de l’année par rapport à la même période en 2022, témoigne d’une sensibilité à la hausse des coûts de propriété d’un logement.

Toutefois, la tendance à la baisse des mises en chantier ne devrait pas durer. En raison de la vigueur de la demande et des investissements gouvernementaux continus dans les initiatives visant à accroître l’offre de logements, le nombre de mises en chantier devrait être de 6 200 cette année, soit 8,5 % de plus que le niveau atteint en 2022.

Des tendances similaires de ralentissement ont également été observées du côté des entreprises. Cependant, on ne s’attend pas à ce que cette situation dure longtemps. Au moment où la province se prépare en vue du lancement du projet d’hydrogène vert EverWind d’un milliard de dollars, il est probable que les investissements et l’emploi (+x %) augmenteront lorsque la construction requise pour ce projet débutera en 2024.

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD – La croissance fléchira parallèlement à la baisse des investissements

L’Île-du-Prince-Édouard a eu son lot de défis à relever cette année, mais son économie a relativement bien tenu le coup. L’accroissement de la population, qui s’est établi à 4,6 % au deuxième trimestre (d’une année sur l’autre) a dépassé celui de toutes les autres provinces, tout en soutenant les dépenses et l’emploi. Toutefois, d’autres pressions se sont exercées dans la province. Les répercussions des hausses de taux d’intérêt ont nui aux secteurs de la construction et du logement. Cette situation, conjuguée à la grève des fonctionnaires fédéraux et aux perturbations vécues pendant la saison de pêche du homard, a provoqué une certaine décélération de l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard cette année. Nous prévoyons que la croissance du PIB réel de l’île ralentira pour atteindre 1,7 % en 2023, avant de remonter légèrement en 2024 (+2,1 %).

La forte croissance démographique et la faiblesse relative de l’endettement des ménages ont maintenu la croissance des ventes au détail à un rythme vigoureux. La croissance des dépenses dans le secteur de détail de l’Île-du-Prince-Édouard au deuxième trimestre, qui s’est établie à 4,5 % d’une année sur l’autre, est l’une des meilleures au pays (après celle de l’Alberta).

Même si les dépenses dans les commerces de détail n’ont pas encore fléchi, l’appétit des consommateurs pour les gros achats a diminué. De plus, les investissements résidentiels dans l’Île-du-Prince-Édouard ne cessent de piquer du nez (chute de 46 % depuis le début de l’année) depuis que la Banque du Canada a commencé à hausser les taux au printemps dernier. En fait, la baisse des investissements résidentiels dans l’île a été la plus forte parmi toutes les provinces. En outre, malgré les modifications apportées à la réglementation cette année pour favoriser l’offre de logements, les mises en chantier ont été anémiques.

Par ailleurs, la saison froide et venteuse du homard au printemps ne devrait pas stimuler la croissance cette année. Toutefois, la demande reste soutenue pour le produit, d’où la possibilité de compenser les prises non réalisées cet automne. La vague actuelle d’immigrants, encore plus forte que dans la plupart des provinces, devrait maintenir la croissance de l’Île-du-Prince-Édouard près du sommet de notre classement provincial en 2024.

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR – La morosité du secteur de l’énergie freine la croissance provinciale

La production de l’industrie pétrolière clé de la province a continué de diminuer au cours du premier semestre de 2023, ce qui augmente la probabilité d’une nouvelle année médiocre pour l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous anticipons une croissance positive après une contraction de 1,7 % en 2022, mais pensons que l’économie progressera probablement à un rythme modeste de 0,7 %. La province resterait ainsi en queue de peloton en 2023. Les prévisions d’une relance de la production du gisement pétrolier extracôtier Terra Nova et de meilleures perspectives pour le secteur minier stimuleront la croissance en 2024. Selon nos prévisions, elle devrait doubler et se situer à 1,4 %.

La morosité du secteur de l’énergie renforce nos prévisions de croissance du PIB réel pour la province. Le gisement de pétrole Terra Nova de Terre-Neuve-et-Labrador est dormant depuis près de quatre ans. Aucun calendrier de remise en production n’a encore été annoncé, mais Suncor a officiellement retiré la plateforme pétrolière Terra Nova de son programme de 2023. Le navire a fait un retour en eaux libres à la mi-août, laissant entrevoir une reprise de la production et de meilleures perspectives de croissance pour Terre-Neuve-et-Labrador en 2024.

Même si nous nous attendons à ce que la province se situe au bas de notre classement de croissance pour une quatrième année consécutive, l’optimisme qui entoure le secteur minier de la province devrait faire basculer la croissance du PIB réel en territoire positif en 2023. Les prix des minerais ont baissé par rapport aux sommets de l’an dernier, mais la transition énergétique en cours et les investissements dans les infrastructures devraient soutenir la demande des principaux minéraux de la province. Ces perspectives ont permis aux intentions d’investissement en immobilisations d’atteindre un sommet de quatre ans.

Tableaux détaillés des prévisions:

Détail des prévisions économiques — Canada
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Tableaux des prévisions provinciales
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À propos des auteurs

À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.

Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.

Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’analyse macroéconomique et est responsable de l’examen des principales tendances économiques, y compris les dépenses de consommation, les marchés du travail, le PIB et l’inflation.

Abbey Xu est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’analyse macroéconomique, se concentrant sur les modèles de prévision macroéconomique et fournissant des analyses et des mises à jour opportunes sur les tendances économiques.

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