Dans le sillage de la COVID-19, la dette et le bouleversement numérique soulèvent des préoccupations.

La majorité des petites entreprises canadiennes ont survécu à la pandémie, mais il leur reste un long chemin à parcourir avant d’être complètement rétablies. Si elles veulent mettre la crise derrière elles, elles devront composer avec ses répercussions : dette alourdie, perturbations de la chaîne logistique, pénurie de main-d’œuvre, sans oublier la menace de nouvelles vagues de COVID-19. Elles devront aussi faire face à la concurrence de nouveaux venus et de rivaux plus grands, et s’adapter aux changements qui touchent à peu près tout ce que nous faisons, du magasinage à l’exercice physique en passant par les réunions professionnelles. Et elles devront faire tout cela au moment où l’aide gouvernementale est progressivement retirée.

Parmi ces défis, les petites entreprises canadiennes trouveront aussi des occasions : des gains d’efficacité et un meilleur accès au marché, grâce à l’envol du commerce électronique pendant la pandémie, et la montée de l’« achat local » dans les préférences des consommateurs. Selon un sondage de RBC, les trois quarts des Canadiens prévoient dépenser davantage auprès d’entreprises locales à mesure que l’économie reprendra. Six sur dix ont recherché ou rechercheront des entreprises dirigées par des propriétaires noirs, autochtones ou de couleur, et la moitié ont déclaré vouloir soutenir les entreprises appartenant à des membres de la communauté 2SLGBTQ+.

Les petites entreprises canadiennes ont déjà démontré leur résilience. Pour saisir les occasions liées à cette crise historique, elles devront de nouveau en faire preuve. Pour faire suite à notre rapport de 2020 intitulé Petite entreprise, grand virage, nous avons relevé quatre grands défis qu’elles devront probablement relever dans les mois à venir. Étant donné que les petites entreprises génèrent plus de 40 % du PIB du secteur privé canadien, leur capacité à surmonter ces difficultés sera déterminante pour la prospérité du pays.

1. Le poids de la dette

La pandémie a tari les flux de liquidités pour bon nombre de petites entreprises, les obligeant à emprunter pour se maintenir à flot. Selon une récente enquête de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), sept petites entreprises sur dix ont augmenté leur dette à cause de la crise. Le montant de ces emprunts additionnels s’établit en moyenne à 170 000 dollars. Le tiers des entreprises estime que le remboursement de leur dette prendra plus de deux ans et 13 % doutent de leur capacité à la rembourser un jour. La moitié des répondants ont déclaré que le remboursement de la dette représentait l’un de leurs plus grands défis.

Les entreprises ayant un contact direct avec les clients et donc les plus touchées par les restrictions sont les plus susceptibles d’avoir emprunté. Ainsi, le montant moyen des emprunts dans le secteur de l’hôtellerie est le double de ceux des autres secteurs. Même en tenant compte de la composante subvention des prêts accordés dans le cadre du CUEC (jusqu’à 20 000 dollars s’ils sont remboursés avant la fin de 2022) et de l’augmentation totale des dépôts, qui indique que certaines entreprises disposent d’un surplus de liquidités, beaucoup restent aux prises d’une dette accablante. Bien que les programmes gouvernementaux et les reports de versement aient fait baisser le taux de défaillance des petites entreprises pendant le second semestre de 2020, certaines rencontreront des difficultés financières lorsque l’aide gouvernementale sera retirée.

Le poids de la dette pénalisera d’autres façons les propriétaires de petites entreprises. Un sondage de la FCEI réalisé en mars 2021 a révélé que la moitié des propriétaires d’entreprise qui avaient emprunté pour traverser la crise devront réduire leurs salaires pour gérer le remboursement, une pilule difficile à avaler pour ceux qui ont puisé dans leurs réserves personnelles afin de soutenir leur entreprise. En outre, cela a probablement nui à leurs plans de croissance. Dans une récente enquête de Statistique Canada, les grandes entreprises étaient près de 50 % plus susceptibles de planifier une expansion ou des acquisitions au cours de la prochaine année.



2. Goulots d’étranglement dans la chaîne logistique et tensions sur le marché du travail

Les perturbations de la chaîne logistique et les pénuries de main-d’œuvre font obstacle à la reprise, et ces deux problèmes pèsent lourdement sur les petites entreprises. Selon l’Enquête sur la situation des entreprises du troisième trimestre de Statistique Canada, la hausse des coûts des intrants figure en tête des entraves à court terme pour les petites sociétés, suivie des pénuries de main-d’œuvre, des défis en matière de recrutement, des coûts de transport et des difficultés d’approvisionnement. Les pénuries de main-d’œuvre et d’intrants ont sans doute contribué à l’augmentation des commandes en attente, celles-ci dépassent la moyenne pour une entreprise sur trois, d’après la FCEI, un niveau record.



L’impact se fait sentir au-delà des carnets de commandes. Les entreprises offrent des salaires plus élevés pour attirer et retenir les travailleurs. Certaines proposent aussi des avantages comme des primes d’embauche, un horaire variable et plus de vacances. Selon une enquête de RBC, la plupart des Canadiens estiment aussi important que les petites entreprises offrent des programmes de bien-être et de santé mentale. Les employeurs plus petits devront se mettre à la hauteur des grandes sociétés. Toutefois, la hausse des salaires et des autres coûts pourrait entamer les bénéfices, en particulier dans les services au contact des clients dans lesquels la main-d’œuvre représente une charge majeure. L’envolée des coûts de transport et du prix des intrants s’ajoute à ces préoccupations.

3. Le saut vers le numérique

Avant la crise, la numérisation était considérée comme l’un des facteurs qui freinaient l’inflation, car la concurrence accrue des détaillants en ligne et des géants numériques (surnommé l’« effet Amazon ») limitait la capacité des entreprises à augmenter les prix. La pandémie n’a fait qu’accroître cette pression. La part du commerce électronique dans les ventes au détail au Canada a doublé, passant de 3,6 % en 2019 à 7,3 % au premier semestre de 2021. Ces chiffres sont même sous-estimés, étant donné qu’ils ne comprennent pas les ventes des détaillants étrangers, qui vendent uniquement en ligne. Une bonne partie de la transition vers le commerce électronique semble définitive. D’après un sondage de RBC, huit Canadiens sur dix souhaitent continuer à faire leurs achats en ligne auprès des petites entreprises ou à communiquer avec elles par voie numérique, même après la réouverture complète des magasins traditionnels.

La transition vers les plateformes virtuelles donne l’occasion d’étendre l’accès au marché, mais les petites entreprises canadiennes auront besoin de surmonter des obstacles de longue date pour en profiter. Les difficultés chroniques vont des coûts d’établissement et de maintenance au manque d’expertise. Ces problèmes seront probablement exacerbés par la forte dette qui effrite les budgets d’investissement et de formation. Bien que les enquêtes montrent un certain progrès, les petites entreprises ont toujours du mal à adopter la technologie.

La numérisation ne se limite pas à rivaliser pour augmenter ses ventes en ligne. Les employés demandent de plus en plus des conditions flexibles, que les petites entreprises ont probablement moins de capacité d’offrir. Pendant la pandémie, les employés des grandes sociétés du secteur privé avaient deux fois plus de chances de télétravailler que ceux des petites entreprises. Bien que la répartition sectorielle explique une partie de cette différence, le télétravail a prédominé dans les grandes entreprises à l’intérieur de la plupart des secteurs. Les petites entreprises devront redéfinir leurs plans pour attirer les travailleurs, sur un marché du travail étroit où la rémunération n’est pas le seul facteur pris en compte. Parallèlement, les clients et les gouvernements attendent de plus en plus que les petites entreprises canadiennes réduisent leur impact sur l’environnement. Ce virage écologique à plus long terme exigera de nouveaux investissements dans la technologie et les personnes.

D’un autre côté, certains concurrents ont définitivement fermé leurs portes et les entreprises qui ont survécu à la crise ont ainsi plus de place pour prendre de l’expansion. Mais une fois de plus, la capacité limitée des sociétés à rembourser leur dette pourrait les empêcher de tirer profit de la situation. De plus, la concurrence est vive, les nouveaux venus ont augmenté de 7 % au premier semestre de 2021 par rapport à la même période en 2019.

4. Après la quatrième vague

Avant même la quatrième vague, bon nombre de petites sociétés se trouvaient dans une position de trésorerie insoutenable. Seulement la moitié des petites entreprises disent pouvoir être en mesure de rester en activité pendant un an aux niveaux actuels de revenus et de dépenses sans licencier du personnel ou envisager une fermeture ou une faillite, d’après l’Enquête sur la situation des entreprises de Statistique Canada. En revanche, les grandes entreprises ont été plus susceptibles de déclarer qu’elles pouvaient supporter les conditions actuelles pendant un an ou plus. De même, selon le dernier tableau de bord des petites entreprises publié par la FCEI, 76 % des entreprises ont repris la totalité de leurs activités, mais seulement 45 % sont entièrement dotées en personnel et 40 % enregistrent des ventes normales, ce qui, encore une fois, semble insoutenable à long terme.

Au Canada, la quatrième vague a retardé les plans de remise en marche de plusieurs provinces, tandis que d’autres renforcent les restrictions, malgré leur réticence. Nous pensons qu’un taux élevé de vaccination et la généralisation des passeports vaccinaux éviteraient aux autorités sanitaires d’avoir recours à de nouveaux confinements généralisés. Si les restrictions se prolongent pendant la quatrième vague et lors de toute future éclosion, les petites entreprises devront faire face à des défis encore plus grands.

Et maintenant ?

Grâce aux mesures de soutien et aux constants efforts de leurs propriétaires, les petites entreprises canadiennes peuvent relever les défis d’aujourd’hui tout en se positionnant pour un avenir plus vert et plus numérique. Des règles claires en matière de passeports vaccinaux pourraient favoriser une plus grande réouverture. Une prolongation ciblée des subventions pour les salaires et les loyers allégerait le fardeau de la plupart des petites entreprises. L’allongement des délais pour rembourser les prêts accordés dans le cadre du CUEC, combiné à une restructuration de la dette pour les sociétés qui reprennent de la vigueur, pourrait aussi avoir des effets positifs à moyen terme. Les efforts du gouvernement pour appuyer la numérisation – en s’attaquant aux problèmes de coûts et d’expertise – et améliorer l’accès à large bande dans les régions rurales sont des étapes dans la bonne direction. Toutefois, un écart subsiste côté personnel. Les petites entreprises sont bien moins outillées pour se préparer et acquérir les compétences professionnelles dont elles auront besoin dans le futur. Enfin, comme l’a souligné le rapport Petite entreprise, grand virage, l’appui du gouvernement ne suffit pas. Les petites entreprises ont besoin de modèles collaboratifs qui regroupent les entreprises, le gouvernement, les organismes professionnels et les établissements d’enseignement, afin d’opérer une mise à niveau en matière de talents, d’innovation et de marché, et ainsi mener la croissance de l’économie canadienne.

 

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