Le contexte mondial de la croissance économique montre des signes d’amélioration, mais l’économie canadienne reste à la traîne. Après s’être contracté au cours du second semestre de 2023, le PIB de la zone euro et du Royaume-Uni s’est redressé au début de l’année 2024, et les premiers sondages auprès des entreprises laissent entendre que la croissance s’est poursuivie au deuxième trimestre. À l’échelle mondiale, le secteur manufacturier est resté léthargique, mais se porte mieux, et le secteur des services continue de croître dans la plupart des régions.
L’économie américaine montre des signes de ralentissement, la croissance du PIB ayant été inférieure à 2 % au cours du premier semestre 2024, pour la première fois depuis 2022. Néanmoins, le marché du travail aux États-Unis est resté solide et la hausse des prix a donné des signes de reprise plus tôt cette année, ce qui augmente les chances que la Réserve fédérale ne soit pas en mesure de commencer à réduire les taux d’intérêt avant la fin de l’année.
L’économie canadienne continue d’être à la traîne
Au Canada, le PIB par habitant a continué à diminuer, car l’économie croît plus lentement que la population. La production par habitant est inférieure de 3 % aux niveaux de 2019 et n’a guère changé par rapport à la décennie précédente. Le point positif est que les pressions inflationnistes ont suffisamment diminué pour que la Banque du Canada (BdC) réduise son taux directeur en juin, pour la première fois en quatre ans.
La croissance économique nettement inférieure du Canada laisse entrevoir de nouvelles baisses graduelles des taux d’intérêt cette année par la BdC, même si la Réserve fédérale américaine adopte pour le moment une position d’attente. Cependant, cela ne signifie pas que l’ajustement des ménages et des entreprises à la hausse des taux d’intérêt est terminé, car les augmentations passées des taux d’intérêt continuent à se répercuter avec un certain décalage sur le paiement des dettes.
De plus, une grande partie du défi de la croissance économique au Canada est liée à des décennies de sous-performance qui découlent davantage d’un cadre réglementaire inefficace et d’autres obstacles à l’investissement des entreprises que de l’orientation à court terme de la politique monétaire. Ces questions sont abordées plus en détail dans le cadre de notre nouveau projet Croissance.
Les baisses de taux de la BdC réduisent les obstacles à l’économie
La baisse des taux d’intérêt de la BdC en juin a fait suite à des réductions antérieures des banques centrales en Suisse et en Suède. La BCE a emboîté le pas en procédant à sa propre réduction de 25 points de base des taux d’intérêt le lendemain de la décision de la BdC.
Néanmoins, bien que la réduction des taux d’intérêt au Canada soit une bonne nouvelle pour les ménages très endettés, le taux clé du financement à un jour de la BdC reste à 4,75 % et se situe bien au-dessus de la fourchette de 2,25 % à 3,25 % qui, selon les estimations de la banque centrale, auraient un impact neutre (n’accélérant ni ne ralentissant la croissance économique) sur l’économie. Nous supposons que la BdC réduira encore ses taux de 75 points de base cette année, mais les taux d’intérêt resteraient alors au-dessus de ces niveaux neutres, ce qui pèserait encore sur la croissance économique, mais dans une moindre mesure qu’aujourd’hui.
Nous nous attendons à ce que l’économie canadienne continue à ralentir à court terme, selon la croissance par habitant. Elle devrait renouer avec une croissance positive en 2025, sous l’effet d’un raffermissement des dépenses de consommation l’année prochaine, à mesure que les obstacles liés aux taux d’intérêt s’atténueront. Les investissements des entreprises sont en passe de diminuer carrément pour la deuxième année consécutive en 2024.
Le coût du service de la dette des ménages continuera d’augmenter
D’après nos calculs, environ 200 milliards de dollars d’hypothèques à taux fixe de 4 et 5 ans devraient être renouvelés cette année (soit environ un cinquième de l’encours de ces hypothèques), et 275 milliards de dollars supplémentaires en 2025. La quasi-totalité de ces hypothèques sera renouvelée à des taux d’intérêt plus élevés, même si la BdC diminue ses taux d’intérêt.
L’augmentation des versements hypothécaires semble supportable si l’on se fonde sur les revenus des ménages, qui ont également beaucoup augmenté par rapport au niveau d’avant la pandémie. Selon nos calculs, le choc de versement prévu cette année représente environ 0,2 % du revenu disponible des ménages. Cependant, les paiements des dettes continueront de s’accroître à court terme, même si les taux d’intérêt commencent à baisser.
L’essor de l’économie américaine a eu moins de retombées que d’habitude sur le Canada
La longue et impressionnante période de résilience économique des États-Unis s’est globalement poursuivie, mais les retombées sur le Canada sont limitées. Le secteur manufacturier américain, où les liens avec l’économie canadienne sont les plus étroits, a été moins dynamique, comme en témoignent les baisses de la production manufacturière au cours de trois trimestres consécutifs jusqu’au premier trimestre. La croissance de l’économie américaine a plutôt découlé des achats de services par les consommateurs et des dépenses publiques, soit deux facteurs qui n’ont pas beaucoup d’incidence sur la demande d’exportations canadiennes.
La vigueur du contexte économique américain ne se maintiendra pas : les déficits publics importants continueront d’être un grand facteur de soutien, mais les ménages ont largement épuisé l’épargne accumulée pendant la pandémie. Les taux de défaillance sont en hausse et la croissance du PIB a ralenti pour atteindre un taux inférieur à 2 % au premier semestre de 2024. Le taux de chômage reste bas, mais il est en hausse de 0,5 % par rapport aux creux de l’après-pandémie. De plus, la résurgence des tensions inflationnistes plus tôt cette année signifie que la Réserve fédérale américaine devra attendre plus longtemps avant de commencer à réduire les taux d’intérêt. Nous ne prévoyons pas que la Fed réduira ses taux d’intérêt avant décembre.
La baisse des taux d’intérêt ne résoudra pas tous les problèmes de l’économie
Certains des défis les plus importants auxquels est confrontée l’économie canadienne sont le résultat de problèmes de croissance qui durent depuis des décennies et qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’orientation à court terme de la politique monétaire. Les baisses de taux d’intérêt contribueront à améliorer l’accessibilité à la propriété pour les nouveaux acheteurs à court terme, mais l’insuffisance structurelle de l’offre de logements maintiendra les prix à un niveau plancher. Le ralentissement de la croissance démographique après le plafonnement des arrivées de résidents non permanents prévu par le gouvernement fédéral l’an prochain fera diminuer à la fois l’offre et la demande dans l’économie. De plus, les baisses de taux d’intérêt qui auront lieu à court terme ne contribueront guère à résoudre les problèmes de productivité auxquels le Canada est confronté depuis longtemps.
Aperçu provincial
L’Ontario (0,5 %) et la Colombie-Britannique (0,7 %) restent positionnés à la fin du classement de notre palmarès provincial de 2024. Des signes plus évidents d’un ralentissement économique se dessinent pour les ménages les plus endettés du Canada, en raison de l’effet différé des taux d’intérêt élevés qui freine les dépenses. L’économie du Québec (0,8 %), par contre, semble amorcer un tournant étant donné que des dépenses en immobilisations record sont prévues cette année. Cette modeste reprise interviendra après une année de croissance économique presque nulle, les plus grandes économies provinciales du Canada progressant moins vite que les autres.
La reprise des marchés des engrais et l’achèvement du projet d’expansion du pipeline Trans Mountain devraient permettre aux économies des Prairies de se maintenir au centre du classement, les trois provinces dépassant la moyenne nationale de 1 %.
Dans l’Est, la reprise de la production de ressources naturelles devrait ramener la croissance économique à Terre-Neuve-et-Labrador (+2,0 %) en territoire positif après deux années consécutives de croissance négative. La vigueur des dépenses des ménages et des investissements publics devrait stimuler la croissance de l’Île-du-Prince-Édouard (+2,1 %) et de la Nouvelle-Écosse (+1,6 %) en 2024. À l’inverse, on s’attend à ce que la baisse des dépenses en immobilisations nuise à la croissance du PIB réel au Nouveau-Brunswick (1,1 %).
COLOMBIE-BRITANNIQUE – La résilience des consommateurs s’épuise
L’économie de la Colombie-Britannique a crû plus que prévu en 2023, progressant de 1,6% par rapport à l’année précédente, mais le dynamisme s’essouffle. Nous nous attendons à ce que la baisse marquée des intentions de dépenses en immobilisations freine grandement la croissance cette année. La réduction des taux d’intérêt procurera un certain répit aux ménages et aux entreprises, mais elle ne calmera guère les fortes tensions liées à l’accessibilité dans la province. La piètre accessibilité devrait, selon nous, continuer d’exercer des pressions sur les résidents lourdement endettés au cours de l’année à venir. Certains vents arrière de 2023 nous ont incités à revoir à la hausse notre prévision pour 2024, qui passe de 0,3 % à 0,7 %.
Les bonnes surprises dans les secteurs de l’extraction des ressources naturelles (surtout le gaz naturel), des travaux d’ingénierie et du transport ont mis l’économie à l’abri d’un ralentissement plus prononcé en 2023. L’explosion démographique a aussi permis de maintenir à flot les dépenses des ménages et d’accroître la population active et l’emploi, même si le nombre d’entreprises exploitées activement n’a pratiquement pas changé et que les grands projets de construction ont ralenti. Par ailleurs, de solides gains salariaux et l’épargne accumulée précédemment ont dopé l’activité et amorti la correction continue du marché du logement.
En 2024, les dépenses en immobilisations devraient chuter de 5,3 %, interrompant trois années consécutives de hausses considérables. Le déclin est entièrement attribuable à une réduction de 5 milliards de dollars (27 %) des dépenses dans le secteur du transport et de l’entreposage, qui comprend le transport par pipeline, après l’achèvement du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.
La situation ne s’annonce pas beaucoup mieux du côté des ménages. Bien que les consommateurs de la Colombie-Britannique soient les plus lourdement endettés au pays, ce qui les rend particulièrement sensibles aux hausses des taux d’intérêt, nous ne sommes pas convaincus que les baisses de taux stimuleront beaucoup l’économie provinciale cette année. Nous pensons qu’en raison des fortes tensions liées à l’accessibilité, l’activité économique demeurera ténue dans certains secteurs importants, comme l’immobilier et la construction. Comme ces secteurs représentent habituellement le quart du PIB réel de la Colombie-Britannique, une activité atténuée risque de peser lourdement sur la croissance du PIB réel en 2024.
La croissance démographique modérée est également moins susceptible d’avoir un effet positif aussi marqué sur la consommation et le marché du travail qu’au cours des dernières années. Non seulement la province enregistre encore un déficit migratoire interprovincial (bon nombre de migrants passent en Alberta, qui est en plein essor et qui jouit d’un avantage important sur le plan de l’accessibilité par rapport à la Colombie-Britannique), mais le nouveau plafonnement du nombre d’étudiants étrangers et les nouvelles cibles d’embauche de travailleurs étrangers temporaires devraient ralentir la croissance démographique dans la province (et en Ontario) plus que dans toute autre province.
ALBERTA – Des perspectives économiques plus favorables
L’économie de l’Alberta a connu une croissance légèrement inférieure aux prévisions l’an dernier. Cette faiblesse étant toutefois en grande partie derrière nous, l’économie de la province devrait prendre de la vitesse en 2024 (1,7 %). Les ménages et les entreprises, qui n’ont pas été décontenancés par les dernières hausses de taux d’intérêt, ont déjà intensifié leurs activités en prévision de baisses de taux. Ce dynamisme s’accentuera, selon nous, alors que la Banque du Canada continuera d’assouplir la politique monétaire au second semestre de 2024. Une légère remontée des prix du pétrole devrait aussi être bénéfique.
Malgré l’effet positif largement anticipé de l’essor démographique en Alberta et la stabilité relative des perspectives du marché du pétrole, les secteurs des ressources naturelles et de la construction n’ont pas récolté les fruits attendus, limitant la croissance à seulement 1,5 % en 2023. Nous croyons toutefois que la situation s’améliorera cette année.
Les signes de reprise économique dans certains marchés asiatiques importants sont de bon augure pour l’industrie pétrolière de la province, et le vent tourne au moment où le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain prend fin. La première cargaison de pétrole provenant de l’oléoduc TMX, entré en service en mai, est en route vers la Chine. L’oléoduc devrait aider l’Alberta à créer de nouveaux partenariats d’exportation au cours de l’année à venir, ce qui stimulera le PIB.
Des conditions de sécheresse à l’approche du printemps et de l’été ont entraîné l’évacuation de la principale ville pétrolière de l’Alberta en mai. En raison d’un autre début de saison chaud et sec, la menace de feux de forêt potentiellement plus importants que l’an dernier persiste.
Les perspectives relativement encourageantes pour les marchandises et l’accroissement de la population ont donné lieu à de nombreuses possibilités d’emploi. L’activité économique semble être passée à la vitesse supérieure, comme en témoignent la hausse considérable du nombre d’entreprises exploitées activement au cours des derniers trimestres et la croissance soutenue des affaires ces deux dernières années.
Le secteur des ménages fait également preuve de vigueur. Les perspectives économiques prometteuses et l’avantage de l’Alberta sur le plan de l’accessibilité à la propriété attirent les résidents de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ainsi que de l’étranger, ce qui favorise une reprise rapide du marché du logement. Les prix des propriétés augmentent actuellement au rythme le plus rapide au Canada. Les mises en chantier ont également été nombreuses cette année, et nous prévoyons que cette tendance se maintiendra d’ici la fin de 2024.
SASKATCHEWAN – Apparition de signes plus manifestes de reprise économique
Les chiffres du PIB réel de la Saskatchewan pour 2023 n’ont pas vraiment surpris. La croissance a diminué de trois quarts l’an dernier, s’établissant à 1,6 % après un résultat robuste de 6 % en 2022. Et comme prévu, nous constatons des signes plus manifestes d’une reprise à venir.
Selon nous, des perspectives plus favorables aux marchandises assureront une croissance continue des investissements dans la construction non résidentielle, ce qui devrait avoir des retombées positives sur le marché du travail. En raison du rebond plus marqué que prévu du marché du logement et de l’amélioration des perspectives de récolte, nous avons revu à la hausse notre prévision de croissance pour 2024, qui passe de 1,6 % à 1,7 %.
La baisse des prix de la potasse depuis les sommets durant la pandémie devrait mener à un redressement graduel de la demande mondiale. La production de potasse a connu un bon début d’année jusqu’à maintenant en Saskatchewan, augmentant de 17 % par rapport au premier trimestre l’an dernier.
On s’attend généralement à ce que la production agricole se rétablisse en 2024, après avoir été entravée par la sécheresse l’an dernier. Le dernier rapport sur l’état des cultures indique que leur développement se situait dans la fourchette normale attendue pour cette période de l’année. Nous demeurons prudents à l’égard d’un autre faible rendement des cultures cet été, compte tenu du temps exceptionnellement chaud et sec attribuable au phénomène météorologique El Niño, qui a déjà provoqué d’importants feux de forêt au centre de la province. Pour l’instant, nous ne prévoyons pas que ce facteur neutralisera complètement la vigueur d’autres secteurs de l’économie.
Nous nous attendons toujours à ce que la situation s’améliore du côté des ménages, malgré un début d’année difficile en 2024. Compte tenu de la baisse des taux d’intérêt et de la diminution du ratio dette-revenu disponible des ménages, une hausse des dépenses et des investissements pourrait se profiler à l’horizon. Les marchés de la Saskatchewan ont déjà figuré parmi les plus vigoureux au chapitre de l’activité immobilière au cours des derniers mois. Les ventes au détail ont aussi connu une légère hausse, ce qui devrait favoriser une demande accrue de travailleurs dans le commerce de détail et de gros, la catégorie d’emploi la plus importante de la province.
MANITOBA – Maintien du cap
Le taux de croissance du Manitoba ne devrait pas beaucoup changer en 2024 (1,2 %), après avoir considérablement fléchi en 2023. La croissance du PIB réel a chuté de près de moitié l’an dernier (1,3 %) en raison des effets néfastes de la sécheresse sur le secteur agricole. La production des services publics a aussi fortement diminué au second semestre de l’année, ce qui a obligé la province à importer de l’énergie d’autres territoires. La vigueur des intentions de dépenses en immobilisations (+8,2 %), notamment dans les secteurs des ressources naturelles et de la fabrication, sera le principal facteur du maintien de la croissance au-dessus de la moyenne nationale en 2024.
Bien que la sécheresse semble moins intense que l’an dernier, les conditions météorologiques représentent toujours une menace pour certains secteurs clés. Les conditions actuelles et prévues sont plus susceptibles de favoriser un retour à des niveaux de production normaux qu’une forte hausse des rendements agricoles ou de la production d’énergie hydroélectrique cette année.
Il apparaît également peu probable que l’économie de la province profite d’un essor important du secteur des ménages. La croissance de l’emploi n’a pas vraiment varié au cours des 18 derniers mois, de sorte qu’il n’y a eu aucun changement au taux de chômage par rapport au printemps dernier. Les consommateurs se montrent prudents et attendent toujours sur la touche, malgré la faiblesse du taux d’inflation, qui est actuellement le plus bas au Canada (0,4 %). Nous pensons que les dépenses augmenteront graduellement au courant de l’année, mais pas assez pour assurer une croissance plus rapide en 2024. Cela dit, le secteur des ménages semble surpasser légèrement la moyenne canadienne, ce qui devrait maintenir le PIB réel du Manitoba au milieu du peloton.
D’importants investissements dans le secteur manufacturier devraient toutefois mettre la province à l’abri d’un ralentissement plus prononcé cette année. Les intentions de dépenses en immobilisations dans ce secteur devraient augmenter de 162 millions de dollars en 2024, après deux années consécutives de déclin. À notre avis, cette augmentation est de bon augure pour la croissance de la province en 2025, et offre également un important potentiel de hausse pour cette année.
ONTARIO – La hausse des taux d’intérêt rattrape les entreprises et les consommateurs
La première estimation du PIB de l’Ontario établie par Statistique Canada pour 2023 a été dans une large mesure conforme à notre prévision, s’établissant à 1,6 %. Le PIB réel n’a toutefois pratiquement pas changé d’un trimestre à l’autre depuis le milieu de l’année, et des signes indiquent que la stagnation s’est poursuivie cette année.
Les entreprises et les consommateurs sont toujours aux prises avec des coûts d’emprunt élevés, de sorte que les investissements résidentiels demeurent faibles. L’effet retardé de la hausse des taux d’intérêt a finalement rattrapé les entreprises et les consommateurs, malgré de nouvelles baisses de taux à venir cette année. Le ralentissement des dépenses et des investissements devrait réduire de plus de moitié le taux de croissance de l’Ontario, à 0,5 % en 2024.
Les coûts élevés du service de la dette et de graves problèmes d’accessibilité plombent le secteur de la construction résidentielle. Les mises en chantier ont connu un lent début d’année, reculant de 6 % d’une année sur l’autre au premier trimestre, après avoir chuté de 21 % d’une année sur l’autre au troisième trimestre. Le niveau peu élevé des ventes sur plan est susceptible de peser davantage sur les mises en chantier à l’avenir. Malgré les attentes de nouvelles baisses de taux, nous ne croyons pas que ce segment de l’économie se redressera rapidement, et cette faiblesse risque de nuire considérablement à la croissance du PIB réel cette année.
Les taux d’intérêt élevés et l’effritement de la confiance des consommateurs ont également une incidence importante sur le marché du travail. Le taux de chômage a augmenté plus que dans toute autre province au cours de la dernière année (0,3 point de pourcentage), car les entreprises ralentissent le rythme d’embauches. La lente absorption des nouveaux arrivants sur le marché du travail vient aussi accentuer la pression à la hausse qui s’exerce sur le taux de chômage, alors que l’afflux de migrants en âge de travailler se poursuit.
Malgré tout, le secteur de l’automobile de l’Ontario a continué d’attirer des investissements. Un montant supplémentaire de 15 milliards de dollars pour la nouvelle usine de fabrication de véhicules électriques de Honda à Alliston a ainsi porté à plus de 40 milliards de dollars le total des investissements liés à l’automobile depuis trois ans et demi. Ces investissements sont toutefois plus susceptibles de stimuler la croissance l’an prochain, lorsque les travaux liés aux projets de plus grande envergure (méga-usine de batteries de Volkswagen, usine de fabrication d’Umicore, usine de batteries pour véhicules électriques de Stellantis-LG) atteindront leur sommet.
QUÉBEC – Regain de vie
L’année dernière, l’économie provinciale a basculé dans une récession modérée après un ralentissement des activités de construction et de fabrication, ainsi qu’une baisse importante de la production d’électricité. Une grève générale des enseignants des écoles publiques a également freiné l’activité au cours des derniers mois de 2023. La fin de ce conflit de travail en janvier et les signes plus récents de reprise dans les secteurs de la fabrication et de la construction ont laissé entrevoir un redressement au début de l’année. Nous nous attendons à ce que les baisses des taux d’intérêt et les dépenses en immobilisations record prévues dans la province permettent à l’économie de progresser plus rapidement au fil de l’année 2024. Nous prévoyons une accélération de la croissance, qui devrait passer d’un taux estimatif de 0,2 % en 2023 à 0,8 % en 2024.
Cette accélération reflète en partie notre opinion selon laquelle le fléchissement de l’année dernière a été exagéré. Par exemple, la construction d’habitations est tombée à son niveau le plus bas en huit ans, alors que la population et la demande de logements ont crû comme jamais (2,3 %) depuis le début des années 1960. En outre, les feux de forêt historiques survenus au printemps dernier ont considérablement perturbé la production dans le secteur des ressources.
Les perspectives sont plus prometteuses depuis le début de l’année. Les mises en chantier remontent après avoir atteint un creux, augmentant fortement de plus de 17 % d’une année sur l’autre en avril. La production de bois d’œuvre a grimpé de près de 10 % pendant le premier trimestre. La production d’aluminium a quant à elle progressé de 15 % durant la même période.
Même s’ils restent très sélectifs et soucieux de leur budget, les consommateurs québécois sont de plus en plus nombreux à revenir chez les concessionnaires automobiles. Les ventes de véhicules neufs ont augmenté de 20 % d’une année sur l’autre au premier trimestre, dépassant légèrement les niveaux d’avant la pandémie.
Selon nous, une série de réductions des taux d’intérêt devrait renforcer la confiance des consommateurs et stimuler les dépenses pour un plus grand éventail d’articles. Elle favorisera également une reprise graduelle du marché immobilier provincial, qui a commencé à se redresser au début de 2024.
Le rééquilibrage du marché du travail se poursuivra à court terme, notamment en raison de la forte croissance de la population active, mais la nouvelle hausse du taux de chômage au Québec que nous prévoyons ne causera pas de problèmes aux travailleurs.
En fait, l’accélération des grands projets d’investissement (notamment dans l’industrie des batteries pour VE et le secteur de l’énergie verte) devrait créer de nombreuses possibilités d’emploi dans la province. À notre avis, les intentions de dépenses en immobilisations record cette année (en hausse de 8,8 % comparativement à 2023) donneront un coup de pouce bienvenu à la croissance plus tard cette année et en 2025.
NOUVEAU-BRUNSWICK – La morosité de l’activité des entreprises éclipsera la résilience des consommateurs
Le Nouveau-Brunswick comptera parmi les rares économies qui ralentiront en 2024. À notre avis, le niveau peu élevé des investissements des entreprises sera le principal obstacle auquel la province fera face cette année. La faible sensibilité de la province aux taux d’intérêt ne lui permettra pas non plus de connaître un rebond important, car les Néo-Brunswickois sont les moins susceptibles de modifier leurs habitudes de dépenses en réaction aux variations des taux d’intérêt.
La récente reprise de l’expansion démographique a toutefois entraîné une légère révision à la hausse de notre prévision de croissance pour 2024, qui passe de 0,9 % à 1,1 %, soit un peu au-dessus de la moyenne canadienne. Cela représente néanmoins une légère décélération de l’économie par rapport à 2023.
Le secteur des ménages du Nouveau-Brunswick a été l’un des plus solides au pays. Le faible niveau d’endettement et la croissance rapide de la population, qui ont été les principaux facteurs favorisant la vigueur des dépenses de consommation, sont restés un atout cette année. Grâce à sa situation démographique, la province a enregistré des forts gains d’emploi (2,8 % lors des cinq premiers mois de l’année par rapport à la même période l’an dernier) et une croissance des ventes au détail (5,8 % sur 12 mois, moyenne mobile sur trois mois) parmi les plus robustes au pays.
Toutefois, des fissures commencent à apparaître dans d’autres secteurs de l’économie. Les dépenses en immobilisations globales devraient diminuer en 2024 (-1,7 %) malgré les intentions de dépenses d’investissement élevées de la province. Les livraisons manufacturières ont aussi été modérées dans un contexte de ralentissement de la demande extérieure. Cette faiblesse a été particulièrement prononcée dans le secteur de la fabrication de produits du bois, étant donné l’enlisement récent des mises en chantier au Canada et aux États-Unis. Compte tenu du lent rebond de la demande et de la stagnation des mises en chantier dans la majeure partie du pays cette année, cette tendance est appelée à se poursuivre au cours des prochains trimestres.
La faiblesse des investissements privés et la hausse des fermetures d’entreprises sont également de mauvais augure pour la province. La hausse sur 12 mois des fermetures d’entreprises (3,4 %) est près de trois fois supérieure au taux national et la troisième plus élevée au pays. Nous pensons que ce facteur continuera d’exercer des pressions à la baisse sur les nouvelles offres d’emploi, ce qui entraînera une hausse du taux de chômage plus marquée (+1 point de pourcentage) que dans la plupart des autres provinces.
NOUVELLE-ÉCOSSE – D’importantes dépenses budgétaires et un secteur des ménages robuste soutiennent une reprise modeste
L’économie de la Nouvelle-Écosse n’a pas ralenti autant que prévu l’an dernier, progressant de 1,5 % en 2023. Une injection importante de fonds publics a favorisé de solides investissements dans la construction non résidentielle. Par ailleurs, la forte croissance démographique et l’augmentation des dépenses opérationnelles du gouvernement ont continué de fournir de l’emploi, en particulier dans la fonction publique. Un autre grand budget devrait permettre à ces tendances de se poursuivre en 2024, entraînant une légère accélération de la croissance. Ce facteur, conjugué à des signes de reprise dans d’autres segments de l’économie, nous a incités à revoir à la hausse notre prévision de croissance pour la Nouvelle-Écosse en 2024, qui passe de 1,2 % à 1,6 %.
La province a annoncé d’importants programmes de dépenses dans ses deux derniers budgets pour répondre aux besoins de sa population en croissance rapide. L’affectation de sommes importantes à l’expansion des infrastructures est de bon augure pour les investissements dans la construction non résidentielle. Ceux-ci augmentent actuellement à un rythme plus rapide que dans toute autre province (30 % d’une année sur l’autre au premier trimestre), grâce presque exclusivement à des projets institutionnels et gouvernementaux.
L’amélioration de la capacité des services gouvernementaux a également favorisé une forte croissance de l’emploi dans les secteurs qui comptent une forte concentration d’emplois financés par l’État, notamment l’administration publique, la santé et l’éducation. À notre avis, cet élément est de bon augure pour la croissance globale de l’emploi cette année (3,9 %), puisque ces secteurs ont historiquement représenté une part importante (environ 30 %) des employés en Nouvelle-Écosse.
Les dépenses de consommation ont également repris légèrement au premier trimestre, probablement en prévision d’autres baisses de taux d’intérêt et de nouvelles réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers. En fait, les dépenses globales d’une année sur l’autre ont augmenté plus que dans toute autre province (à l’exception du Nouveau-Brunswick) et les dépenses par habitant ont déjà montré des signes de reprise.
Les mises en chantier ont également été très nombreuses ces derniers temps. Atteignant un sommet record en Nouvelle-Écosse au dernier trimestre de 2023 (10 300, en données désaisonnalisées), elles se sont concentrées pour l’essentiel à Halifax. Cet élan s’est poursuivi cette année, alors que les mises en chantier ont plus que doublé par rapport à l’an dernier.
ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD – Croissance parmi les plus rapides
Grâce à un taux de croissance prévu de 2,1 %, l’Île-du-Prince-Édouard devrait demeurer au sommet de notre palmarès des provinces. Ce résultat est semblable à celui de l’an dernier (2,2 %) et bien au-dessus de la moyenne nationale.
La population insulaire continue de croître plus rapidement que dans presque toutes les autres provinces canadiennes. De concert avec l’assouplissement des tensions inflationnistes, ce facteur favorise une vigueur soutenue des dépenses des ménages et de l’emploi sur l’île. De fait, l’emploi a augmenté de 7,1 % sur 12 mois au premier trimestre de 2024. Cette progression de l’emploi pour un quatrième trimestre consécutif surpasse celle de toute autre province.
En outre, la stabilisation des prix des intrants agricoles, en particulier les engrais, devrait profiter au secteur agricole de la province cette saison, après deux années difficiles pour cette industrie. Un démarrage tardif de la saison du homard cette année fait toutefois peser un risque sur l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard, qui repose sur les ressources.
La saison touristique semble également avoir bien commencé. La province a lancé au printemps une nouvelle stratégie touristique quinquennale qui comprend un certain nombre d’initiatives visant à développer davantage ce secteur de la province, dont une expansion de la capacité touristique. La demande accrue de vols intérieurs a aussi entraîné la réintroduction de vols directs entre l’Île-du-Prince-Édouard et trois villes canadiennes, ce qui permet de se rendre plus facilement sur l’île.
TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR – Reprise économique en vue
L’économie de Terre-Neuve-et-Labrador a de nouveau reculé considérablement l’année dernière. Comme prévu, le produit intérieur brut s’est contracté de 2,5 %, selon les estimations préliminaires de Statistique Canada. La forte baisse de la production pétrolière et la faible demande des principaux minéraux ont grandement freiné la croissance économique, et les secteurs des services ont continué d’éprouver des difficultés.
Les signes de reprise sont toutefois déjà visibles. Le marché du travail a connu une amélioration notable et l’on s’attend à un surcroît d’activité dans les secteurs des ressources naturelles essentielles cette année. À notre avis, Terre-Neuve devrait ainsi se retrouver parmi les meneurs au classement de la croissance par province, et son PIB réel devrait croître de 2 % en 2024. Cette hausse devrait compenser la majeure partie du repli de l’année dernière, mais le PIB réel resterait bien en deçà des niveaux d’avant la pandémie.
Malgré un début difficile au premier trimestre, le secteur pétrolier et gazier de la province devrait se redresser cette année. Une augmentation graduelle de la production du champ Terra Nova est attendue et la remise en production du navire SeaRose cet été devrait stimuler l’ensemble du secteur. La production ne devrait pas revenir aux niveaux de 2020, mais nous prévoyons une hausse par rapport à 2023, puisque l’activité reprendra dans tous les champs pétroliers extracôtiers d’ici le troisième trimestre.
Le secteur minier devrait lui aussi bénéficier d’une légère amélioration cette année. La production de minerai de fer est appelée à croître alors que le projet d’expansion de la mine de Voisey’s Bay propulsera la production de nickel. Une reprise générale de la demande mondiale devrait être de bon augure pour le secteur. En revanche, le prix du nickel devrait diminuer considérablement en raison d’une offre excédentaire à l’échelle mondiale, ce qui pourrait peser sur la valeur des exportations.
D’autres segments de l’économie connaissent également un regain de dynamisme. Les marchés du travail se sont nettement resserrés depuis l’année dernière et les dépenses de consommation ont progressé. La création de 6 000 postes depuis le premier trimestre de 2023 (en données désaisonnalisées) a amené l’emploi à un sommet historique, les gains étant plus marqués dans le secteur des services. Nous considérons qu’il s’agit pour la province d’un signe général de renouveau allant au-delà des piliers que sont les ressources naturelles.
Tableaux détaillés des prévisions:
Détail des prévisions économiques
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Tableaux des prévisions provinciales
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À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.
Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.
Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.
Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
Abbey Xu est économiste à RBC. Elle travaille sur les modèles macroéconomiques utilisés dans les processus de provision pour prêts douteux et de simulation de crise de la Banque. Elle est titulaire d’une maîtrise en économie d’entreprise et d’un baccalauréat en économie de l’Université Wilfrid Laurier.
Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.