L’économie s’est montrée plus résiliente que prévu en 2023. Aux États-Unis et au Canada, le PIB a continué de croître au premier trimestre, les dépenses de consommation s’étant maintenues malgré la montée des prix et des taux d’intérêt. La faiblesse des taux de chômage persiste, et l’inflation demeure supérieure aux cibles des banques centrales. Les préoccupations à l’égard des banques régionales des États-Unis se sont calmées, du moins pour l’instant, et le prochain débat sur le plafond de la dette aux États-Unis a été repoussé au lendemain des élections de 2024 .

La guerre en Ukraine se poursuit, mais les coûts de l’énergie ont diminué et les pressions mondiales sur la chaîne logistique se sont atténuées encore davantage. La croissance économique de la Chine ralentit, mais il fallait déjà s’y attendre, car les obstacles démographiques liés au vieillissement de la population gagnent en intensité.

Les conditions tendues sur le marché du travail et l’épargne considérable accumulée par les ménages durant la pandémie au Canada pourraient retarder les effets d’un resserrement de la politique monétaire. L’augmentation des taux d’intérêt dans la dernière année continuera toutefois à se faire sentir. La hausse des prix et des taux d’intérêt a déjà absorbé la totalité de l’augmentation des revenus après impôts des ménages canadiens en 2022. Et la situation semble en bonne voie de se répéter en 2023. Nous persistons à croire que les perspectives de base les plus probables comprennent au moins une récession modérée au Canada et aux États-Unis. Nous prévoyons toutefois que les baisses du PIB commenceront un trimestre plus tard que prévu (T3 et T4 2023).

Des données robustes pourraient retarder, sans toutefois empêcher, un atterrissage tumultueux

Un ralentissement de l’économie reste nécessaire pour ramener l’inflation au taux cible de la banque centrale (2 %). Si l’élan récent continue de surprendre par sa vigueur, la Banque du Canada et d’autres banques centrales devront hausser les taux d’intérêt de façon plus marquée que prévu. Le seul véritable scénario d’« atterrissage en douceur » suppose que les tensions inflationnistes reviennent rapidement à leur niveau cible sans que l’économie se détériore, ce qui semble toujours aussi peu probable.

Ainsi, même une croissance positive surprenante à court terme ne ferait que retarder, et non empêcher, un atterrissage tumultueux. Même si la hausse des prix et des taux d’intérêt pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs canadiens, ceux-ci continuent de dépenser. Le marché du logement semble avoir repris de la vigueur : les reventes de maisons et les prix ont rebondi ce printemps, et le rapport entre l’offre et la demande penche désormais en faveur des vendeurs sur une part croissante du marché. Selon notre propre suivi des données de cartes, les dépenses en produits de première nécessité et biens discrétionnaires affichent une tendance stable. En revanche, les dépenses consacrées au divertissement, comme les repas au restaurant, restent vigoureuses.

Des fissures se forment sous la surface

Pourtant, malgré le taux de chômage exceptionnellement bas, des signes laissent entrevoir un affaiblissement de la demande de main-d’œuvre. Le nombre de postes vacants a diminué de près de 20 % par rapport aux sommets au Canada, et de 16 % aux États-Unis. Les salariés sont de moins en moins nombreux à quitter leur emploi, ce qui indique habituellement une perte de confiance envers le marché du travail.

L’incidence des hausses de taux d’intérêt depuis le début de 2022 ne s’est pas encore pleinement répercutée sur les coûts d’emprunt. Toutefois, les taux de défaillance des consommateurs sont déjà en hausse. Par ailleurs, les frais d’intérêts hypothécaires moyens étant supérieurs de près de 30 % à ceux d’il y a un an au Canada, nous nous attendons à ce qu’un certain relâchement se produise à mesure que ces prêts seront renouvelés à des taux plus élevés. Au Canada, le ratio d’endettement, ou la part du revenu disponible des ménages absorbée par le remboursement de la dette, atteindra probablement des niveaux records durant le deuxième semestre de l’année.

Le resserrement des marchés du crédit vient alourdir les obstacles posés par les taux d’intérêt

Bien que les préoccupations concernant le secteur bancaire régional aux États-Unis se soient atténuées, les banques continuent de faire état d’un resserrement des conditions de crédit. Le marché du crédit canadien a quant à lui été plus stable cette année, bien que les conditions de crédit se soient également resserrées.

La persistance des pénuries de main-d’œuvre obligera les entreprises à renoncer plus lentement qu’à l’accoutumée aux investissements visant à augmenter la productivité. Cependant, nous prévoyons toujours un certain ralentissement dans ce domaine à l’avenir. Aux États-Unis, où les conditions de crédit se sont resserrées de façon plus marquée, la croissance des livraisons manufacturières a ralenti, et les prêts commerciaux et industriels ont commencé à fléchir.

Les tensions sur les prix continueront de se relâcher, mais plus lentement pour les services

La baisse des coûts de l’énergie réduit l’inflation globale au pays et à l’étranger. En mai, le prix de l’essence au Canada restait élevé, bien qu’inférieur de près de 20 % au niveau de l’an dernier. Les frais de chauffage résidentiel ont également fortement chuté (juste à temps pour l’été), le coût du gaz naturel et du mazout ayant également diminué par rapport à l’an dernier, lorsque l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait fait grimper les coûts de l’énergie.

La hausse du prix des aliments reste élevée, mais semble avoir plafonnée. La flambée des prix à l’épicerie dans la dernière année était attribuable à l’étouffement des chaînes logistiques, à la forte augmentation des coûts du transport et de la main-d’œuvre, et à la montée des prix des produits agricoles. Tous ces facteurs se sont maintenant atténués. Les coûts mondiaux des expéditions par conteneurs ont chuté et les coûts du transport local (routier et ferroviaire) augmentent plus lentement. Les prix des produits agricoles ont diminué de 15 % par rapport à leur sommet de 2022, les rapprochant ainsi des niveaux observés pour la dernière fois à l’été 2021.

Bien que les tensions inflationnistes se soient également atténuées, elles restent trop fortes pour que les banques centrales relâchent leur vigilance. Les mesures de base privilégiées par BdC se situent à un taux annualisé d’environ 3,5 %, ce qui reste au-dessus de l’extrémité supérieure de la fourchette cible de 1 % à 3 %.

L’immigration permettra d’éviter un krach, mais pas un déclin

Au Canada, la forte croissance démographique contribue à pourvoir davantage de postes. Le taux de chômage est resté inchangé en 2023 par rapport au niveau exceptionnellement bas de 5,0 % atteint à la fin de l’année 2022. En outre, 250 000 emplois ont été créés au cours des quatre premiers mois de 2023, ce qui contribue à stimuler la production dans l’ensemble de l’économie, permettant ainsi d’augmenter salaires et les revenus pour compenser la hausse de la dette et de l’inflation.

Une croissance démographique structurellement plus élevée réduit le risque de contraction de l’économie en augmentant la consommation globale. C’est particulièrement vrai pour le marché du logement, où il est plus difficile pour les nouvelles offres de répondre rapidement à une demande croissante. Nous nous attendons toujours à ce que l’incidence de la hausse des prix et des taux d’intérêt sur le pouvoir d’achat des ménages fasse baisser le PIB. Cependant, une forte croissance démographique sous-jacente augmente la probabilité d’un repli « modéré »

Perspectives provinciales

Malgré un début d’année relativement solide, nous nous attendons à un ralentissement de la croissance cette année dans toutes les provinces, sauf une (Terre-Neuve-et-Labrador). La baisse des investissements devrait freiner la croissance économique en Colombie-Britannique (+0,6 %) et au Québec (+0,6 %) cette année, alors que le retard du secteur du pétrole et du gaz à Terre-Neuve-et-Labrador (+0,7 %) et la faiblesse des dépenses de consommation en Ontario (+1,1 %) maintiendront l’expansion de ces provinces en deçà de la moyenne canadienne (+1,3 %). Bien que les marchés des marchandises soient en baisse par rapport à leurs sommets de 2022, leur vigueur devrait permettre aux provinces des Prairies de rester en tête du classement de la croissance cette année : l’Alberta mènera le jeu (+2,4 %), suivie de la Saskatchewan (+2,0 %) et du Manitoba (+1,9 %). À l’est, l’expansion démographique supérieure à la tendance continuera à maintenir le dynamisme du marché du travail et la vigueur des dépenses, ce qui assurera cette année à l’Île-du-Prince-Édouard (+1,7 %), à la Nouvelle-Écosse (+1,5 %) et au Nouveau-Brunswick (+1,4 %) une croissance du PIB réel au milieu du peloton.

COLOMBIE-BRITANNIQUE – Une période de fléchissement

Il ne faudra pas seulement une remontée du marché de l’habitation pour éviter un ralentissement important de l’économie de la Colombie-Britannique cette année. Les grands projets d’immobilisations qui ont généré une activité considérable ces dernières années ont dépassé leur pic ou arrivent à leur fin, ce qui aura pour effet de ralentir le secteur de la construction. La hausse des taux d’intérêt sera une pilule difficile à avaler pour de nombreux consommateurs de la Colombie-Britannique, les gens les plus endettés du pays. L’intensification des pressions financières pèse déjà sur les dépenses de consommation depuis l’automne. Nous prévoyons que les difficultés seront plus marquées en Colombie-Britannique que dans la plupart des régions du pays, et que la province sera reléguée au dernier rang de notre classement de la croissance cette année, le taux passant de 3,6 % en 2022 à 0,6 %.

Les consommateurs se serrent de plus en plus la ceinture malgré les fortes hausses de salaire. L’étroitesse du marché du travail en Colombie-Britannique continue de faire progresser les salaires au rythme le plus rapide du pays (+6,3 %) et les taux de postes vacants restent bien au-dessus des niveaux d’avant la pandémie. Il ne fait pas de doute que la hausse des frais de service de la dette et les énormes difficultés d’accès au logement sont les principaux facteurs qui freinent de nombreux habitants de la province. À notre avis, les ventes au détail devraient piétiner cette année.

La hausse des taux d’intérêt réduit également la volonté des entreprises d’investir dans de nouveaux projets. Les grands projets en cours (notamment le projet de GNL Kitimat et l’autoroute 91/17) étant sur le point de se terminer, les dépenses en immobilisations diminueront. Selon la dernière enquête sur les dépenses en immobilisations de Statistique Canada, les sociétés prévoient investir 50 milliards de dollars en 2023 dans la province, soit une baisse de 3,3 % par rapport à 2022. La Colombie-Britannique compte parmi les deux seules provinces où l’on s’attend à une baisse. Le ralentissement du secteur de la construction contribuera à un assouplissement généralisé du marché du travail. Selon nos prévisions, le taux de chômage de la Colombie-Britannique augmentera légèrement, passant de 4,6 % en 2022 à 5,6 % en 2023.

ALBERTA – En tête dans un contexte de ralentissement généralisé

L’économie de l’Alberta tourne à plein régime. L’année dernière, elle a progressé au deuxième rythme le plus rapide (5,1 %) du pays, et la situation ne semble pas différente au début de l’année 2023. Le secteur névralgique de l’énergie de la province poursuit sur une forte lancée (malgré quelques perturbations causées par les incendies de forêt), la création d’emplois demeure robuste, la population est en plein essor et la consommation reste vigoureuse. D’ici la fin de l’année, nous prévoyons une décélération de la croissance sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt, mais pas autant que dans d’autres provinces. Nous nous attendons à ce que l’Alberta soit en tête de notre classement de la croissance pour 2023, grâce à une progression de 2,4 %. Les énormes incendies de forêt du printemps représentent un risque de baisse.

Alimenté par la flambée des marchés des marchandises, le redressement économique de l’Alberta a attiré un nombre record d’immigrants internes, ce qui a favorisé l’une des plus fortes hausses démographiques du Canada l’année dernière (3,7 %). En plus de stimuler les dépenses de consommation (les ventes au détail ont grimpé de 8,8 % par rapport à l’année précédente au premier trimestre de 2023), l’afflux de migrants a permis de remédier à certaines pénuries de main-d’œuvre et de rééquilibrer le marché du travail de la province. L’Alberta enregistre l’une des plus fortes progressions de l’emploi (3,7 %) du pays depuis le début de l’année. Cependant, son taux de chômage remonte légèrement depuis le milieu de l’année 2022, ce qui a limité dans une certaine mesure le rythme des augmentations salariales (+3,1 %).

La consommation soutenue des ménages n’a pas empêché le taux d’inflation de l’Alberta de rester le plus faible du Canada pendant le premier trimestre de l’année. Toutefois, une forte poussée inflationniste en avril (+4,3 % d’une année sur l’autre) l’a ramené au centre du classement. L’Affordability Payment Program (programme de paiements de soutien) du gouvernement de l’Alberta (qui procure jusqu’à 600 $ aux personnes âgées, aux familles comptant des enfants de moins de 18 ans et à d’autres Albertains dans le besoin) devrait compenser en partie l’augmentation du coût de la vie. Nous prévoyons un retour de l’inflation à 2 % en 2024.

SASKATCHEWAN – Le renforcement des investissements contribue à l’essor de l’économie

L’économie de la Saskatchewan reprend son élan. Elle a dépassé toutes les autres provinces en 2022 après un marasme de deux ans, et continue de montrer des signes de vigueur depuis le début de l’année. La robustesse des marchés des marchandises (et leurs perspectives prometteuses à long terme) attire de gros investissements dans le secteur minier, ce qui génère des retombées importantes dans d’autres secteurs. La province ne sera toutefois pas à l’abri du ralentissement général de l’économie au pays et à l’échelle mondiale. Selon nos prévisions, la croissance devrait fortement diminuer, passant de 5,7 % (niveau proche du sommet de la décennie) en 2022 à 2,0 % cette année. Malgré cette baisse, la Saskatchewan se trouverait dans les premiers rangs de notre classement de la croissance pour 2023.

En tant que province productrice de potasse au Canada, la Saskatchewan bénéficie grandement de l’augmentation de la demande mondiale d’engrais. L’invasion de l’Ukraine par la Russie l’année dernière a encore renforcé la position de la province comme principal fournisseur de la marchandise à l’échelle mondiale. Ainsi, une nouvelle phase d’investissements massifs visant à accroître la capacité de production de la province a débuté. Nous pensons que cette situation favorisera la croissance dans les années à venir.

Le coup de pouce n’aurait jamais pu arriver assez tôt. Malgré le rebond de l’année dernière, l’économie de la Saskatchewan ne s’est pas encore totalement rétablie des contractions successives provoquées par les fermetures dues à la pandémie en 2020 et par la sécheresse en 2021. En fait, nous nous attendons à ce que l’activité économique dépasse enfin cette année son niveau de 2018.

Après une forte hausse l’année dernière, les perspectives à court terme de la production minière se sont assombries. Les prix des marchandises sont descendus de leurs sommets cycliques, ce qui a poussé les producteurs de la province à réduire leur production : la production minérale est en baisse de 10 % par rapport aux niveaux de l’année précédente. Nous croyons que la réduction ne sera que temporaire.

MANITOBA – Des vents contraires se profilent à l’horizon

Au Manitoba, la forte reprise des secteurs de l’agriculture et de la fabrication alimente une hausse des exportations. Grâce à l’accumulation de la demande des consommateurs et à la vigueur des activités du secteur de la construction non résidentielle, les secteurs clés axés sur le marché intérieur sont également toujours en effervescence. Jusqu’à maintenant, ces facteurs ont plus que compensé la baisse des investissements dans le secteur résidentiel. Nous croyons toutefois que cette compensation décroîtra en réaction à une diminution des demandes intérieure et extérieure. Nous prévoyons que la croissance économique de la province ralentira cette année pour passer de 3,9 % en 2022 à 1,9 %, dépassant la moyenne nationale, 1,3 %, pour la deuxième année consécutive.

L’an dernier, les Manitobains n’ont pas été décontenancés par les hausses de taux d’intérêt. Leur endettement relativement faible a atténué le choc et ils ont donc continué à s’efforcer de rattraper le temps perdu lorsque la pandémie réduisait les possibilités de dépenses. Cependant, nous nous attendons à ce que cette demande accumulée s’épuise bientôt. Les consommateurs deviendront probablement plus prudents à mesure que des signes de ralentissement économique se manifesteront. Parmi les premiers signes de ce recul, notons la baisse des prix des principaux produits agricoles (comme le canola et le blé) par rapport aux sommets qu’ils ont atteints l’été dernier et le fait que la croissance de l’emploi s’est récemment atténuée (en hausse de seulement 1,0 % en avril par rapport à l’an dernier), surtout dans le secteur agricole, où le nombre de travailleurs a chuté dans une impressionnante proportion de 32 %.

Les perspectives ne paraissent plus sombres pour l’agriculture qu’en comparaison avec la remontée vertigineuse de l’an dernier (le PIB réel du secteur avait bondi de 22 %). Nous croyons néanmoins que les tensions géopolitiques persistantes devraient maintenir la demande de produits d’exportation du Manitoba à un bon niveau l’année prochaine, ce qui contribuera au maintien d’une croissance modeste dans la province.

ONTARIO – L’économie devrait perdre de la vigueur

L’économie de l’Ontario s’est fortement développée au cours des deux dernières années, ce qui a continué de stimuler la croissance lors des premiers mois de l’année. La hausse des taux d’intérêt a considérablement refroidi le marché du logement et freiné les dépenses de consommation, mais son impact global ne s’est pas encore fait sentir. Nous pensons que la situation est sur le point de changer. Nous nous attendons à ce qu’au cours du reste de l’année, l’augmentation des coûts liés au service de la dette fasse baisser la demande de biens et services de l’Ontario, tant au pays qu’à l’étranger. Dans l’ensemble, nous prévoyons que la croissance ralentira considérablement pour passer de 3,6 % en 2022 à 1,1  % en 2023.

Nous avons révisé à la hausse nos prévisions de croissance pour l’année, qui étaient de 0,2 % en mars. Cette révision est en partie due à une amélioration des perspectives d’investissements résidentiels. Comme nous l’avions prévu, les reventes de maisons ont atteint un creux au printemps, mais elles devraient rebondir plus rapidement et plus vigoureusement que nous ne le pensions. De plus, il est possible que la construction et les rénovations domiciliaires se raffermissent.

Les Ontariens, qui sont lourdement endettés, ont été parmi les premiers à réagir aux fortes hausses de taux de la Banque du Canada. Les dépenses de consommation se sont stabilisées au second semestre de 2022. Toutefois, cela n’a pas été le cas de l’endettement des ménages. En fait, l’an dernier, l’endettement hypothécaire a bondi de près de 10 %, ce qui a fait grimper de huit points de pourcentage, à une proportion effarante de 203 %, le ratio dette-revenu disponible des ménages de l’Ontario. Alors que les taux d’intérêt tournent autour d’un sommet en 16 ans, nous prévoyons que les paiements liés au service de la dette représenteront une part croissante du budget des ménages. Nous pensons que de nombreux Ontariens seront donc portés à se serrer la ceinture. Le fait que les ventes au détail ont augmenté à l’un des rythmes les plus bas du pays au premier trimestre (1,7 % par rapport à l’an dernier) corrobore ce point de vue.

À moyen terme, la réalisation de plusieurs projets d’immobilisations à grande échelle alimentera de vigoureuses activités de construction non résidentielle au cours des prochaines années. Bon nombre de ces activités sont liées à la production de véhicules et de batteries électriques (notamment les énormes usines de batteries de véhicules électriques de St Thomas et Windsor), ainsi qu’aux infrastructures de transport. Cette année, les intentions d’investissement en immobilisations ont légèrement augmenté (4,6 %).

QUÉBEC – Période de stagnation

Les perspectives à court terme ne sont ni roses ni sombres au Québec. Nous pensons que l’économie provinciale est entrée dans une période de stagnation et qu’une légère contraction pourrait survenir plus tard cette année. La baisse des investissements résidentiels et le ralentissement de l’activité dans les secteurs de la fabrication et des ressources ont déjà freiné la dynamique depuis le milieu de 2022. Les domaines des services seront les prochains à subir des difficultés. Certains d’entre eux (comme les services professionnels et techniques ainsi que les soins de santé) ont peut-être même plafonné plus tôt cette année. Dans l’ensemble, nous prévoyons une croissance minime de 0,6 % en 2023, soit une forte atténuation par rapport aux gains considérables de 6,0 % et de 2,6 % enregistrés respectivement au cours des deux dernières années.

Le bilan est pour le moins mitigé à ce stade. Malgré la perte de vitesse de certains secteurs, d’autres segments de l’économie du Québec continuent de montrer une vigueur impressionnante. Par exemple, le marché du travail est encore extrêmement tendu (le taux de chômage de 4,1 % se situe à des creux historiques) et les ménages continuent de dépenser considérablement. Parallèlement, les secteurs les plus durement touchés, comme les transports, les arts et le divertissement, l’hébergement et la restauration, continuent de progresser et sont sur la voie d’une reprise complète. Cela dit, les capacités excédentaires de ces domaines diminuent rapidement. De plus, les montants ponctuels versés par le gouvernement provincial pour aider les Québécois vulnérables à faire face à la hausse du coût de la vie ne tarderont pas à s’épuiser. Ces facteurs laissent présager un affaiblissement généralisé au cours du deuxième semestre de l’année actuelle.

La construction non résidentielle est l’un des secteurs qui devraient faire bonne figure au cours de l’année à venir. Les entreprises québécoises prévoient augmenter de plus de 10 % leurs dépenses en immobilisations, qui atteindront un sommet inégalé de 60 milliards de dollars en 2023 et dont près des deux tiers seront consacrés à la construction non résidentielle. Même si les infrastructures publiques (incluant les transports en commun, les routes et les tunnels) continueront de tenir le haut du pavé, les dépenses des manufacturiers et des services publics occuperont également une place importante.

NOUVEAU-BRUNSWICK – Des défis internes et externes

La croissance économique a nettement ralenti l’an dernier, passant de 5,9 % en 2021 à 1,8 %. Cette chute est due aux baisses du secteur manufacturier et des principaux secteurs des services. Nous prévoyons une légère diminution supplémentaire en 2023, car les consommateurs sont de plus en plus sous pression, tant au pays qu’à l’étranger. Nous prévoyons que l’économie provinciale connaîtra une croissance de 1,4 % cette année.

La diminution de la demande extérieure et la volatilité des prix des principaux produits d’exportation provinciaux ont une incidence négative sur les exportations (en valeur nominale) de la province cette année. Au premier trimestre, les exportations de marchandises ont diminué de 0,1 % par rapport à la même période l’an dernier. Ces obstacles commerciaux continuent à leur tour de peser sur les fabricants provinciaux, dont les ventes ont chuté de 3,2 % au premier trimestre. Nous ne nous attendons pas à ce que le secteur connaisse un revirement important au cours du reste de l’année, car les économies américaine et canadienne se dirigent vers une récession.

Le marché du travail du Nouveau-Brunswick demeure toutefois solide pour le moment. La création d’emplois est encore en hausse et le chômage, qui a atteint un nouveau creux sans précédent de 5,8 % en mars, continue de reculer. Une vague de migrants a contribué à la croissance et au rajeunissement du bassin de main-d’œuvre de la province, dont la population active demeure toutefois relativement âgée. L’âge médian au Nouveau-Brunswick (45,7 ans) est le plus élevé de toutes les provinces canadiennes après Terre-Neuve-et-Labrador.

NOUVELLE-ÉCOSSE – La vague de nouveaux arrivants atténuera la pression sur l’économie

Bien que l’économie de la Nouvelle-Écosse ait connu l’an dernier la moitié de sa croissance (effrénée) de 2021, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une performance décevante. Son taux de croissance, qui a atteint 2,6 %, a encore été largement supérieur à la moyenne de 1,9 % obtenue au cours des cinq années qui ont précédé la pandémie. Les niveaux records d’immigration ont eu un effet formidable sur les dépenses de consommation et les investissements résidentiels, tout en améliorant le marché du travail de la province. Toutefois, même si les tendances démographiques favorables continueront de stimuler l’économie provinciale cette année, nous nous attendons à ce que le ralentissement de l’économie mondiale et la hausse des taux d’intérêt compliquent les choses. Nous prévoyons qu’en raison de l’affaiblissement de la demande de produits exportés et de biens et services de la province, la croissance diminuera davantage pour atteindre 1,5 %, tout en restant en dehors de la zone de récession.

Certains signes précurseurs semblent indiquer que le ralentissement de l’économie a un effet négatif sur les conditions du marché du travail. Depuis qu’il a atteint son plus bas niveau des quatre dernières décennies en janvier, le chômage a bondi de 26 % en Nouvelle-Écosse, où le taux de chômage était le troisième plus élevé (6,3 %) parmi les provinces en avril. Il y a aussi moins de postes à combler, car le taux d’emplois vacants a diminué de 15 % par rapport à l’an dernier.

En cas de ralentissement soutenu du marché du travail, nous nous attendons à une boucle de rétroaction négative qui poussera les consommateurs de la Nouvelle-Écosse à limiter leurs dépenses de plus en plus. Les fortes tendances démographiques atténueront néanmoins le choc économique. La vague de nouveaux arrivants a entre autres eu l’avantage de contribuer à diversifier la composition industrielle de la province. Elle a alimenté une croissance considérable dans les secteurs des services (à commencer par les services professionnels, scientifiques et techniques) et réduit la dépendance à l’égard du secteur des ressources, contribuant ainsi à renforcer la résilience économique.

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD  – La croissance démographique se poursuit

Pour la première fois depuis 2018, le taux de croissance de l’Île-du-Prince-Édouard, qui a atteint 2,9 %, a été inférieur à la moyenne nationale l’an dernier. Les reculs dans les secteurs de la construction, de la pêche et de la vente en gros, et le ralentissement de la croissance dans les secteurs de l’agriculture et des soins de santé, ont freiné le rythme de l’économie. Cependant, il ne s’agit en aucun cas d’un résultat médiocre. À la suite de la flambée de 2021, l’Île-du-Prince-Édouard a enfin retrouvé le taux de croissance moyen observé au cours des cinq années qui ont précédé la pandémie. L’immigration record a contribué à une solide création d’emplois, ainsi qu’au maintien de l’envie de dépenser des consommateurs. Cette année, nous prévoyons que la récession nord-américaine ralentira encore davantage la croissance du PIB réel de l’Île-du-Prince-Édouard pour le faire passer à 1,7 %.

Pour le moment, les activités de construction continuent de fléchir par rapport au niveau historiquement élevé atteint en 2021. Ce sont les investissements résidentiels qui subissent la plus importante correction : les mises en chantier ont diminué de 22 % comparativement au premier trimestre de l’an dernier. Le secteur de l’aménagement non résidentiel n’a pas non plus fait preuve d’une grande résilience, les investissements en cumul annuel dans les structures industrielles ayant chuté de plus de 40 % par rapport à la même période l’an dernier. Alors que les taux d’intérêt élevés et les difficultés d’accessibilité persistantes continuent de peser sur le secteur de la construction, nous ne voyons guère de facteurs propices à une reprise d’ici la fin de l’année.

Cette année, la province a été confrontée à un certain nombre de défis. Au printemps, deux baleines en voie de disparition ont été aperçues, ce qui a perturbé la saison de pêche au homard et menacé de réduire le nombre de prises de nombreux équipages. De plus, en avril, la grève des employés fédéraux a bouleversé le secteur de l’administration publique. Les fonctionnaires de l’île ont cessé de travailler pendant plus de deux semaines et cette perturbation du marché du travail pourrait avoir une incidence sur la croissance de l’Île-du-Prince-Édouard cette année.

Nous prévoyons néanmoins que la situation globale de la province dépassera de nouveau la moyenne canadienne cette année. Les perspectives encourageantes en matière de tourisme et d’accroissement de la population compenseront largement le ralentissement d’autres secteurs de l’économie, car l’Île-du-Prince-Édouard est actuellement la province canadienne dont la population croit le plus rapidement (+4,3 % au premier trimestre de 2023).

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR – Nouveaux revers en 2023

Terre-Neuve-et-Labrador est la seule province dont l’économie s’est contractée en 2022, le secteur énergétique ayant reculé pour une deuxième année consécutive. L’évolution récente des industries clés de la province laisse croire que Terre-Neuve-et-Labrador pourrait connaître une année 2023 moins bonne que prévu. L’assombrissement des perspectives de production pétrolière porte particulièrement ombrage à la reprise survenant après la chute de l’activité l’an dernier. Nous avons donc réduit nos prévisions de croissance de 1,6 % à 0,7 % pour cette année.

Le secteur pétrolier de Terre-Neuve-et-Labrador connaît un départ décevant. Au premier trimestre de 2023, la production de pétrole (19 millions de barils) a chuté à son plus bas niveau depuis le milieu de 2017. Les projets de relance de la production du gisement pétrolier extracôtier Terra Nova au deuxième trimestre de 2023 ont été annulés, et aucune date n’est prévue pour la reprise de l’extraction. De plus, comme les projets de West White Rose ne se concrétiseront que dans deux ans, il est peu probable que l’écart de production soit comblé avant la fin de l’année.

Toutefois, les revers du secteur pétrolier ne devraient pas éclipser complètement les meilleures perspectives pour certains autres secteurs. Cette année, 5,3 milliards de dollars seront investis dans des projets d’immobilisations de la province, soit une augmentation de 7,1 % par rapport à 2022. Une forte augmentation des dépenses de l’industrie minière (en hausse de 22 %) contribuera à stimuler l’économie, ce qui favorisera une croissance positive de l’emploi (+1,1 %) malgré l’achèvement attendu depuis longtemps du projet hydroélectrique de Muskrat Falls. Comme les prix des minerais sont encore largement supérieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie, nous prévoyons que le secteur minier sera un point fort de la province au cours de l’année à venir.

Tableaux détaillés des prévisions:

Détail des prévisions économiques — Canada
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Tableaux des prévisions provinciales
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À propos des auteurs

À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.

Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.

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