Afin de rabaisser à 440 Mt les émissions canadiennes d’ici à 2030, il faudrait les faire diminuer quatre fois plus que pendant la pandémie.

Le dernier Rapport d’inventaire national du Canada met en relief les progrès réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais insiste également sur le défi que représentera l’atteinte d’ici à 2030 des cibles climatiques élevées du gouvernement fédéral.

En 2021, les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont atteint 670 millions de tonnes (Mt), ce qui représente une baisse de 54 Mt par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, mais une augmentation de 1,8 % par rapport à 2020. Afin de rabaisser à 440 Mt les émissions canadiennes d’ici à 2030, il faudrait les faire diminuer quatre fois plus que pendant la pandémie. En dépit d’une diminution des émissions de 8,5 % par rapport à l’année de référence 2005, il va falloir intensifier les efforts pour atteindre la cible du gouvernement fédéral de réduction de 40 % des émissions d’ici à 2030, tel que prévu dans le Plan de réduction des émissions.

Les politiques existantes ont toutefois fait évoluer la situation de manière encourageante : l’abandon progressif du charbon a permis de réaliser les plus grosses coupes des émissions à l’échelle du pays, tandis que les politiques de réduction du méthane se sont avérées un vecteur efficace de changement sur le long terme. Dans la foulée du Plan de réduction des émissions, d’autres politiques climatiques récemment annoncées devraient contribuer à réduire encore davantage les émissions, notamment les crédits d’impôt à l’investissement pour les combustibles propres, le Règlement sur l’électricité propre et le Plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier. La tarification du carbone demeure la pierre angulaire des efforts du gouvernement, avec sa mise en œuvre continue, essentielle dans l’atteinte des cibles pour 2030.

Voici un aperçu de la manière dont certains des secteurs à plus forte intensité carbonique du Canada gèrent leurs émissions :

Pétrole et gaz

  • Le secteur pétrolier et gazier devra diminuer ses émissions de 39 % pour atteindre 116 Mt. Il s’agit de la plus grande réduction nécessaire, tous secteurs confondus, pour atteindre les cibles que s’est fixées le Canada pour 2030.
  • Les solutions relativement moins coûteuses aux fuites de méthane, conjuguées aux politiques gouvernementales strictes, devraient aider à éliminer 23 Mt supplémentaires.
  • Les capacités de capture, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) devraient atteindre 30 Mt de CO2 par an d’ici à 2030, ce qui correspond aux attentes du Plan de réduction des émissions. Si les technologies en la matière sont développées comme prévu, elles permettront de réaliser la moitié des coupes nécessaires pour atteindre la cible.
  • De nouveaux projets liés au pétrole et au gaz, à une hauteur estimée à 200 milliards de dollars, exigeront d’importants investissements supplémentaires dans des technologies de réduction des émissions telles que les CCUS.
  • Le secteur devra rapidement développer et déployer d’autres technologies de réduction des émissions, et cerner des possibilités de remplacement du gaz ou du pétrole par de l’électricité dans toute la chaîne de valeur.
En route vers 2030 : la proposition de plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier pourrait ralentir et limiter les émissions, tandis que les crédits d’impôt à l’investissement pourraient stimuler le développement des CUSC.

Transports

  • Le parc automobile canadien, responsable de la moitié des émissions dues au transport, a augmenté de 30 % ces 15 dernières années, pour atteindre le chiffre de 24 millions de véhicules. Ainsi, le volume des émissions a encore grimpé, en dépit de l’amélioration du rendement des carburants et des systèmes d’échappement.
  • De plus en plus de véhicules à zéro émission (VZE) sont immatriculés, toutefois, ils ne représentaient encore que 1 % du marché en 2021. Il reste donc de la route à faire avant qu’ils aient un impact sur les émissions.
  • Au rythme actuel, les VZE devraient représenter 40 % des ventes du marché automobile canadien dans son ensemble d’ici à 2030, ce qui reste en dessous de la cible déclarée de 60 %. Les VZE constitueraient 17 % de la totalité du parc automobile canadien.
  • Les mesures de confinement dues à la pandémie avaient fait descendre à 27 Mt les émissions attribuables au transport en 2020. Toutefois, celles-ci semblent parties pour remonter de nouveau, au fur et à mesure que le trafic routier reprend son niveau d’avant la pandémie.
En route vers 2030 : les constructeurs d’automobiles devront accélérer le développement des véhicules électriques et proposer un choix élargi aux consommateurs pour atteindre la cible de 60 % de VZE parmi les ventes totales de voitures d’ici à 2030 et de 100 % d’ici à 2035. L’agrandissement du stock de VZE pourrait faire basculer le volume des émissions vers la fin de la décennie amorcée en 2030.

Électricité

  • L’important abandon progressif du charbon a entraîné une réduction des émissions en Ontario et en Alberta au cours de la dernière décennie. Les émissions de l’Ontario ont chuté rapidement à mesure qu’il développait son infrastructure d’énergie propre, mais le maintien d’un réseau de distribution électrique à faibles émissions est un défi à mesure que son économie et sa population augmentent. Cependant en Alberta, les émissions d’électricité ont diminué en grande partie en raison du passage du charbon au gaz naturel. L’expansion de son infrastructure d’énergies renouvelables sera essentielle pour réduire davantage les émissions.
  • À l’échelle nationale, l’abandon progressif du charbon, s’il se fait en faveur du gaz naturel, devrait jouer pour près de la moitié de la réduction de 38 Mt d’émissions visée.
  • Répondre à la demande en augmentation rapide d’électricité, améliorer les réseaux et dépendre de sources stables constitueront des défis supplémentaires.
  • Si le pari de couvrir la demande entièrement avec du gaz naturel est relevé, cela pourrait réduire d’encore 30 Mt les émissions.
En route vers 2030 : la proposition de Règlement sur l’électricité propre pourrait faciliter le déploiement de sources d’énergie propre pour freiner les émissions dues à la demande croissante, et poser les fondations d’infrastructures à faibles émissions en remplacement des anciennes centrales.

Bâtiments

  • L’accroissement démographique et l’expansion des surfaces habitables entraînent une hausse des émissions des bâtiments plus rapide que ce que l’efficacité énergétique peut compenser. De plus, la demande de logements est peu susceptible de ralentir prochainement.
  • Dans la moitié des provinces, ce secteur produit plus d’émissions qu’en 2005. De nombreuses régions dépendent toujours grandement des combustibles fossiles pour se chauffer. La transition vers des combustibles plus propres nécessite d’importants investissements.
  • Afin d’atteindre les cibles pour 2030, le secteur devra encore réduire de 33 Mt ses émissions, ce qui représente une énorme baisse de 39 % par rapport aux niveaux actuels.
En route vers 2030 : les subventions de rénovation et les programmes de prêts ont connu un taux d’adoption bas. La rénovation de 30 % du parc immobilier actuel, qui représente un défi énorme et coûteux, ne permettrait d’atteindre que la moitié de la cible. Un ensemble de mesures complexes, incluant mais sans s’y limiter des incitatifs et des règlements stricts, pourrait ouvrir la voie jusqu’à 2030 et au-delà.

Conclusion

Dans la moitié des provinces, les émissions dépassent le niveau initial de 2005, ou s’en approchent, pendant que chaque région confronte de défis spécifiques. Bien que les provinces à forte intensité de carbone produisent plus d’émissions, elles les diminueront vraisemblablement à un rythme plus rapide dans un futur proche, à mesure que les politiques actuelles continueront à porter leurs fruits, en particulier grâce à la réduction du méthane. L’Ontario et le Québec ont progressé dans la diminution des émissions au cours des vingt dernières années. Toutefois, ils vont désormais entrer dans une phase de réduction plus lente en s’attaquant aux secteurs épineux du transport et du bâtiment.

Bien que certaines mesures clés aient permis de réduire les émissions ces vingt dernières années, il va falloir redoubler les efforts au niveau provincial et fédéral, et renforcer la coopération, afin de progresser encore davantage. En outre, une hausse des émissions en parallèle à une reprise économique pourrait freiner les avancées. Toutefois, les tendances dernièrement observées de croissance économique à zéro émission et la volonté du Canada de mettre en œuvre des politiques climatiques rigoureuses prêtent à l’optimisme.

Farhad Panahov est économiste à RBC. Il est titulaire d’un baccalauréat en économie de l’Université de la Colombie-Britannique et d’une maîtrise en sciences appliquées des données, de l’économie et de la politique de développement du Massachusetts Institute of Technology.

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