Principales constatations

  • Dans le secteur des minéraux, le Canada représente le plus grand partenaire commercial des États-Unis et vice-versa. Le commerce bilatéral1 représente 146 milliards de dollars.
  • Sur une liste de 50 minéraux critiques identifiés, les États-Unis dépendent intégralement des importations en ce qui concerne 12 de ceux-ci et ont un solde importateur (plus de 50 %) pour 29 de ceux-ci2.
  • La Chine représente la principale source étrangère d’approvisionnement des États-Unis (un quart des minéraux critiques)3.
  • L’économie américaine pourrait fortement pâtir des perturbations de l’approvisionnement en minéraux critiques. Voici un exemple : une restriction de 30 % de l’offre de gallium pourrait entraîner une baisse de 600 milliards de dollars américains du PIB américain4.
  • L’approvisionnement de la défense représente une source de financement sous-utilisée pour les principaux minéraux critiques, en particulier le graphite, le tungstène, le scandium et le gallium.

Les soubassements d’une quatrième révolution industrielle

Les minéraux constituent le soubassement de toute économie industrielle. Acier, cuivre, aluminium… Ils posent les fondations des infrastructures économiques, civiles et de la défense. Par ailleurs, une catégorie de minéraux toujours plus nombreux est à la base des éléments indispensables de ladite « quatrième révolution industrielle » – une époque où des forces technologiques perturbatrices, mues par l’interaction personne-machine, animent la recherche, la fabrication et une économie des données en constante expansion.

Dans cette nouvelle ère, la demande pour cette catégorie de « minéraux critiques » sera stimulée par l’utilisation croissante des semi-conducteurs et des machines de traitement des données, l’adoption accrue de technologies de batteries et de nouvelles sources d’énergie, ainsi que les progrès des technologies aérospatiales et de défense. Pour le Canada, la course à la mise en valeur et à la transformation de ces minéraux ne s’arrête pas au secteur minier ; elle met en évidence un nouveau paradigme de sécurité visant à protéger et à renforcer nos intérêts économiques et nationaux dans un ordre mondial en constante évolution. Voici une partie des enjeux :

Semi-conducteurs

Les débuts de l’IA générative nous montrent à quel point nous aurons besoin d’une puissance informatique accrue. Les ventes mondiales de semi-conducteurs devraient atteindre un billion de dollars américains d’ici 2030. Les puces d’intelligence artificielle (IA) de grande puissance représenteront probablement la majorité des ventes5. À ce jour, le silicium constitue le matériau de choix, même si l’IA met ses limites thermiques à l’épreuve. Grâce à sa conductivité exceptionnelle, le nitrure de gallium (GaN) offre une amélioration de plus de 30 % du rendement énergétique des plaquettes6. Le palladium, l’arsenic, le cuivre et le cobalt interviennent également dans la fabrication de puces (placage, câblage).

Batteries

Qu’il s’agisse des véhicules électriques (VE) sur la route, de l’efficacité énergétique à domicile ou de l’entreposage de longue durée dans les sites de production d’énergie, la technologie des batteries devra s’intensifier fortement au cours des prochaines années. Une batterie de VE exige en moyenne 205 kilogrammes de lithium, de composés de cobalt, de nickel, de graphite et de manganèse7 (soit six fois celle d’un moteur à combustion interne). Selon le scénario de transition économique de Bloomberg New Energy Finance, nous estimons que la demande nord-américaine en minéraux pour batteries (transport et entreposage aux fins des services publics) quadruplera ou quintuplera probablement d’ici 2040, par rapport à aujourd’hui8.

Énergie de la région pionnière

Il est probable que la consommation de pétrole et de gaz augmentera au cours des dix prochaines années en Amérique du Nord. Nous assisterons toutefois également à une croissance beaucoup plus importante de nouvelles sources d’énergie, notamment les petits réacteurs nucléaires modulaires, la géothermie, l’énergie éolienne et l’énergie solaire. La rapide croissance de l’énergie renouvelable, qui représente maintenant environ 15 % de l’énergie mondiale9, renforce la demande de plusieurs minéraux critiques. Le silicium, l’argent et l’aluminium sont nécessaires pour les panneaux solaires, et le cobalt, le tellure et les métaux du groupe de terres rares, pour l’énergie éolienne. D’après le scénario de transition économique de Bloomberg New Energy Finance, nous estimons que la production d’électricité issue des énergies renouvelables (tant solaire qu’éolienne) en Amérique du Nord triplera au moins d’ici 2040 par rapport à celle de 2024 en raison de l’augmentation de la demande d’électricité10.

Défense

L’augmentation des dépenses de défense et de sécurité dans l’Occident, y compris au Canada, exigera beaucoup plus d’équipements lourds et de matériel ainsi que de minéraux entrant dans leur fabrication. Un char d’artillerie type nécessite plus de vingt minéraux critiques dans les systèmes11 de navigation, de communication et de combat, tandis qu’un avion à réaction F-35 compte près de 1 000 livres de métaux du groupe de terres rares12. Les batteries et les semi-conducteurs sont aussi de plus en plus importants pour les opérations militaires, tout comme les besoins plus traditionnels pour renforcer l’artillerie, la marine et l’aérospatiale (l’antimoine, le béryllium, le titane, etc.). Ensuite vient la sécurité aux frontières : le tungstène intervient dans les techniques à rayons X du secteur automobile et le germanium dans l’imagerie thermique et les lunettes de vision nocturne.

Un nouveau grand jeu

La lutte pour la suprématie technologique mondiale entre la Chine et les États-Unis prend les tournures d’une guerre des ressources minérales critiques. Il s’agit pour le 21siècle, d’un grand jeu géopolitique qui pourra bientôt rivaliser avec la course aux champs pétrolifères issue de la Seconde Guerre mondiale ou avec la lutte pour les routes commerciales qui a façonné le 19e siècle.

Pour les États-Unis et leurs alliés occidentaux, cette guerre risque d’être remportée par la Chine. Dans les domaines des VE, de l’énergie renouvelable et des technologies avancées de défense et de la protection civile, la Chine s’avère aussi innovante que l’Amérique. Dans le monde entier, les automobiles reposent sur la technologie des batteries chinoises. Jim Farley, chef de la direction de Ford, estime que la Chine a dix ans d’avance dans la technologie des batteries, et continue d’innover13. Dans le secteur de la défense, la Chine est en mesure de mettre en place de nouveaux systèmes d’armement cinq fois plus vite que les États-Unis14.

Fait encore plus préoccupant : les États-Unis sont peu ou pas présents dans la chaîne de valeur des minéraux critiques. Le pays dépend entièrement des importations pour près d’un quart de ses 50 minéraux critiques identifiés, et à plus de 50 % des importations pour 29 minéraux15. Dans bien des cas, cette dépendance concerne la Chine. Le pays est la principale source d’importation pour un quart des minéraux critiques des États-Unis et le principal producteur mondial de seize des minéraux critiques figurant sur la liste des États-Unis16.

Comme le montre la figure 1, la Chine occupe une position dominante dans la production ou l’affinage des six minéraux critiques « de base » : le lithium, le graphite, le cobalt, le nickel, le cuivre et les métaux du groupe de terres rares. Au degré extrême, la Chine détient au moins 75 % des parts du marché mondial du graphite produit et affiné, des métaux raffinés du groupe de terres rares et du cobalt affiné17. La Chine contrôle en moyenne les deux tiers de la transformation ou de l’affinage de l’ensemble des six minéraux dans le monde18.

La production de minéraux critiques se caractérise par un risque de concentration important.

Trois principaux fournisseurs en pourcentage de l’offre mondiale, 2023

Source: OCDE et Leadership avisé RBC

Et encore davantage pour l’affinage de minéraux critiques, dominé par la Chine

Trois principaux fournisseurs en pourcentage de l’offre mondiale, 2023

Sources : OCDE et Leadership avisé RBC

Sur les marchés étrangers, les sociétés minières d’État chinoises sont fortement implantées au Pérou, en République démocratique du Congo et en Indonésie (les sociétés chinoises contrôlant près de 75 % de la capacité de nickel de l’Indonésie)19. Le pays a également établi des liens d’investissement et est le plus important partenaire commercial des producteurs et affineurs de minéraux dans pratiquement chaque pays d’Amérique du Sud, d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et d’Océanie (Australie).

Il sera difficile de rattraper le retard dans cette ruée vers les minéraux critiques, et beaucoup plus compliqué que lors de la ruée vers le pétrole de l’Occident, pour plusieurs raisons :

  • 1.
    Les minéraux rares. Les minéraux critiques sont un ensemble varié et diversifié de minéraux traditionnels et rares, avec leurs propres processus uniques de production et d’affinage. Le processus est beaucoup plus complexe que le raffinage du pétrole brut ou le traitement du gaz naturel, dont les molécules se cantonnent dans une zone plus étroite : les composés d’hydrogène et de carbone.
  • 2.
    L’utilisation finale a beaucoup d’importance. Dans le cas des minéraux critiques, l’utilisation finale prédit le type de production et le degré d’affinage requis. Par exemple, le gallium primaire est récupéré sous forme de sous-produit de la transformation, et même de l’affinage, de la bauxite, le gallium de haute pureté étant affiné jusqu’à une pureté de 99,9999 %.
  • 3.
    La technologie. Grâce à l’expérience qu’elle a accumulée pendant des dizaines d’années, la Chine a pu innover dans le domaine des techniques d’affinage, comme le perfectionnement du processus d’extraction par solvant pour affiner les métaux du groupe de terres rares.
  • 4.
    Des ressources nationales limitées. Les États-Unis disposent de ressources nationales limitées de minéraux critiques, représentant moins de 1 % des réserves mondiales de cobalt, de nickel et de graphite et moins de 2 % de manganèse et de métaux du groupe de terres rares20.
  • 5.
    L’absence de champions régionaux. Les Sept Sœurs, ancêtres du trio d’origine britannique et américaine BP, Chevron et ExxonMobil ont créé l’industrie pétrolière. Les sept d’entre elles ont reçu d’immenses garanties politiques (et militaires) pour traverser des terres étrangères en vue de constituer des réserves. En revanche, la plupart des principales sociétés minières nord-américaines sont moins implantées à l’échelle mondiale par rapport aux grandes sociétés pétrolières américaines, surtout en aval (à l’exception peut-être de Société aurifère Barrick, de Teck Resources et de First Quantum Minerals).

Les États-Unis auront pour défi de rattraper la domination chinoise, du moins par eux-mêmes. Par conséquent, ils créent de nouvelles sphères stratégiques pour obtenir les minéraux dont ils ont absolument besoin pour assurer leur leadership technologique mondial, en ciblant des marchés sur les ressources – voire en approfondissant des relations – en Ukraine, au Groenland et au Canada. Les États-Unis pourraient même réintégrer des marchandises russes non soumises à des restrictions sur les marchés mondiaux, s’ils poursuivaient leurs propres ambitions concernant la sécurité des ressources.

Le Canada doit être au cœur de cette sphère. Le pays peut réduire le risque lié aux chaînes logistiques des minéraux critiques – en diminuant la dépendance à l’égard de la Chine, mais aussi en fournissant une capacité supplémentaire aux marchés dominés par une poignée de fournisseurs. Le Canada est un pays minier responsable et riche sur le plan géologique. Il possède un important potentiel de minéraux, notamment le nickel, le cobalt, le zinc, l’aluminium, la potasse et d’autres minéraux spécialisés comme l’indium, le graphite, le germanium et le gallium. Nous sommes aussi un pays commerçant, le seul membre du G7 ayant conclu des accords de libre-échange avec les autres membres du G7, auxquels s’ajoute une solide relation sur le plan de la sécurité avec les États-Unis.

Un grand déséquilibre : le leadership de la Chine

L’administration Trump a fait des minéraux critiques une priorité stratégique. Dans l’ensemble, le regain d’intérêt pour la défense, complété par une approche enhardie face à la loi CHIPS and Science Act de l’administration Biden, est considéré comme un investissement positif. Le décret-loi de la nouvelle administration qui interrompt sur-le-champ le décaissement des fonds par l’entremise de la loi Inflation Reduction Act pourrait être plus problématique, car il menace de paralyser certains programmes d’investissements cruciaux alors que Pékin ne ralentit pas la cadence. Tout simplement, il faut peut-être que les États-Unis adoptent tous les facteurs de la demande de minéraux critiques, à l’instar de la Chine : les batteries, l’énergie renouvelable, les VE, la défense et l’IA.

Dans cette section, nous déterminons quatre facteurs clés qui ont entraîné la domination de la Chine dans les minéraux critiques. Il se peut que l’Occident soit forcé d’adopter des approches politiques industrielles et étrangères pour déstabiliser ce grand déséquilibre.

Intervention politique

La politique industrielle axée sur l’acier, l’aluminium et le cuivre (première industrialisation) a été suivie de politiques visant à promouvoir l’adoption des VE et des énergies renouvelables. Sur le plan de l’offre, les États ont fourni une assistance concourant à créer des champions nationaux afin de rivaliser avec les grands acteurs mondiaux. Ces objectifs ont été complétés par des objectifs de politique étrangère, comme l’initiative One Belt, One Road (la nouvelle route de la soie), qui s’est traduite par l’investissement d’un billion de dollars américains dans des pays étrangers – souvent dans des pays riches en ressources21. L’Amérique a réagi en adoptant une politique industrielle, la loi Inflation Reduction Act. Bien qu’elle ait ainsi réussi à stimuler le capital consacré à la recherche, au développement et à la fabrication, peu d’efforts ont été consacrés à l’extraction ou à l’affinage des minéraux.

Marché

Aujourd’hui, la Chine représente 70 % de la valeur de la fabrication de technologies propres à l’échelle mondiale22 dans un écosystème souvent intégré verticalement ; les minéraux sont extraits et affinés en fonction de la spécificité des éléments finaux. La demande stimule l’offre, qui provient de sociétés minières publiques exerçant leurs activités dans des territoires à moindres coûts, tout en bénéficiant d’un soutien de l’État. En revanche, les mineurs occidentaux sont soumis à des normes plus élevées provenant des investisseurs publics et du manque de subventions publiques. Par ailleurs, ils sont souvent soumis à des permis d’exploitation sociaux plus chers dans la mise en valeur des ressources étrangères, étant donné le manque de soutien politique (différend entre États et investisseurs au lieu d’un différend entre États).

Technologies

Le soutien public ciblé à la fois pour l’offre et la demande a favorisé des percées technologiques et abaissé la courbe des coûts – en particulier dans les énergies renouvelables et les batteries. Sur le plan de l’offre, l’innovation technologique dans la production et l’affinage chinois a permis à la Chine de perfectionner le processus d’extraction des solvants pour affiner les métaux du groupe de terres rares.

Tournure d’esprit

La Chine adopte une tournure d’esprit guerrière dans sa répartition de capitaux et d’autres ressources afin d’assurer la sécurité de l’offre et celle de la demande grâce à une approche de la chaîne de valeur complète. En revanche, une telle urgence fait défaut aux États-Unis. Ils délaissent même des réserves minérales stratégiques, soit par défaut de réapprovisionnement des réserves par rapport aux niveaux passés, soit par vente pure et simple des réserves (cas du lithium). Cette approche est très différente de celle adoptée pour le pétrole brut, qui impose le maintien d’une réserve stratégique et comportait une interdiction d’exportation continentale jusqu’en 2015.

Les cinq grands minéraux critiques non combustibles du Canada

Les importations américaines de tous les minéraux et métaux non combustibles ont atteint 167 milliards de dollars américains en 202423. Le Canada demeure la source la plus importante d’importations pour les États-Unis (40 milliards de dollars américains, soit 24 %) et est le premier fournisseur d’acier, d’aluminium, de potasse, de nickel et de zinc aux États-Unis (deuxième fournisseur pour le cuivre)24. Dans les 50 minéraux critiques des États-Unis, le Canada représente aussi la plus importante source d’importations (4,5 milliards de dollars américains, soit 20 %)25.

Cela étant dit, les États-Unis continuent de dépendre de la Chine pour de nombreux minéraux critiques spécialisés ayant une moindre importance commerciale, quoique fondamentaux sur le plan stratégique. Qui plus est, la Chine a mis en place des contrôles à l’exportation sur plusieurs de ces minéraux, p. ex., le gallium. Ce risque d’approvisionnement revêt une grande importance sur le plan économique ; U.S. Geological Survey estime qu’une réduction de l’offre de gallium de 30 % (la Chine constitue le fournisseur mondial à 90 %) pourrait à elle seule entraîner une baisse de 600 milliards de dollars américains du PIB américain26.

À court et à moyen terme, le Canada a l’occasion de supplanter progressivement l’offre chinoise, tout en poursuivant une stratégie canado-américaine visant à assurer la production pour plusieurs technologies ou applications essentielles pour la sécurité continentale et la quatrième révolution industrielle. Voici les cinq principaux minéraux critiques qui peuvent avant tout bénéficier de cette occasion.

Le gallium est un métal qui possède une des conductivités thermiques les plus hautes. Il intervient dans la production de circuits intégrés et de semi-conducteurs très spécialisés pour l’IA et l’informatique de pointe. Les semi-conducteurs au gallium sont également essentiels à la protection antimissile, aux systèmes radars et aux communications électroniques de prochaine génération des États-Unis.

Les États-Unis demeurent tributaires à 100 % des importations pour leur approvisionnement en gallium27. En 2024, le Canada était le premier fournisseur de gallium aux États-Unis, et représentait plus de 50 % des importations (supplantant ainsi l’approvisionnement chinois28). L’approvisionnement actuel provient du gallium recyclé sur le site de Neo Performance Materials à Peterborough (Ontario). Il se peut que le projet de démonstration de Rio Tinto à Saguenay renforce la production mondiale totale de gallium primaire de 5 à 10 % s’il peut atteindre la viabilité commerciale29. Un projet d’expansion de Teck Resource à Trail (Colombie-Britannique) pourrait également accroître la production de germanium et créer une production de gallium et d’antimoine.

Une conductivité électrique, une résistance à la température, une inertie chimique et un pouvoir lubrifiant élevés caractérisent ce métal intervenant dans les batteries dont l’intérêt grandit dans les applications de défense. Les propriétés uniques du graphite rendent difficile, voire impossible, la substitution dans de nombreuses applications, par exemple lorsque la résistance thermique est essentielle au rendement de l’équipement et à sa durabilité.

La demande mondiale de graphite devrait presque doubler d’ici 203530. Le Canada a une occasion unique de développer une chaîne de valeur complète de graphite, une proposition fort précieuse puisque la Chine représente 82 % et 91 % de la production et de l’affinage mondiaux de graphite, respectivement31. Le Québec est le plus avancé avec la mine en exploitation de Northern Graphite au Lac-des-Îles, au nord-ouest de Mont-Tremblant, et les projets de développement en cours de Nouveau Monde Graphite pour l’exploitation minière dans la Matawinie au nord de Montréal et l’affinage à Bécancour en périphérie de Trois-Rivières. L’Ontario offre une autre mine de graphite potentielle, Bissett Creek de Northern Graphite, en phase d’autorisation, près de la rivière des Outaouais au nord du parc Algonquin.

Le nickel possède une ductilité (flexible), une robustesse et une résistance élevées. Le minéral intervient dans les batteries lithium-ion et dans la production d’acier inoxydable. La demande mondiale devrait croître de 70 % d’ici 2035, principalement en raison de la demande de batteries, tant dans le secteur des transports que dans celui de postes fixes (services publics)32.

Le projet Dumont Nickel (Nion Nickel) dans la région de l’Abitibi au Québec, intégré verticalement, est en cours de construction. La mine Crawford de Canada Nickel (la deuxième réserve nickélifère au monde) au nord de Timmins, en Ontario, est en phase d’examen de permis. Le nickel canadien offre une diversification bien nécessaire, l’Indonésie et les Philippines représentant à eux seuls les deux tiers de la production mondiale33. Le nickel canadien parviendra peut-être à dépasser 100 % des besoins en importations américaines si tous les projets sont mis en œuvre34.

Avec la plus haute résistance à la traction (la contrainte maximale qu’un matériau peut supporter sans se casser) et le plus haut point de fusion de tous les métaux présents dans la nature, les alliages à base de tungstène sont des intrants clés pour la défense aérienne, les navires militaires et les munitions perforantes. Le tungstène intervient également dans les appareils à rayons X du secteur automobile, et concourt ainsi à renforcer la sécurité aux frontières avec les États-Unis.

La Chine produit 83 % du tungstène mondial et représente 52 % des réserves mondiales35. Le Canada est un ancien producteur qui possède d’importantes réserves qui comprennent certains des plus importants gisements de tungstène au monde. Le projet Sisson de Northcliff Resources, au nord-ouest de Fredericton, et la mine Mactung de Fireweed Metals, dans l’est du Yukon, sont de remarquables projets de tungstène canadiens. En décembre 2024, le gouvernement du Canada et le ministère de la Défense des États-Unis ont annoncé un investissement conjoint de 35 millions de dollars américains dans le projet Mactung, le plus grand gisement de tungstène à forte teneur au monde36.

Le minéral possède des caractéristiques des semi-conducteurs comparables à celles du silicium, mais des propriétés optiques et thermiques supérieures. Son utilisation est essentielle pour la défense (vision nocturne), l’exploration spatiale, les câbles à fibres optiques et les semi-conducteurs. Ces dernières années, le besoin croissant des centres de données (pour les fibres) a stimulé la demande de ce minéral.

Le Canada a fourni 20 % des importations américaines de germanium (oxyde) en 202337. La société canadienne Teck Resources détient une chaîne logistique intégrée de germanium avec des minerais de zinc extraits en Alaska et affinés à Trail, en Colombie-Britannique. Le site de Trail prévoit accroître la production de germanium, lancée en janvier par le ministre Wilkinson aux États-Unis et à ses alliés cherchant à s’approvisionner au Canada, principalement en raison de l’interdiction de la Chine d’exporter le germanium à la fin de l’année dernière.

Assurer la compétitivité du Canada

Cela fait plus de cent ans que la richesse en ressources naturelles du Canada attire les investisseurs et les exploitants de ressources naturelles, grâce à des infrastructures de qualité, à la primauté du droit, à des normes environnementales et de travail rigoureuses et à de solides relations commerciales. Le Canada peut miser sur ces atouts en prenant les mesures suivantes :

  • Tirer profit des fonds gouvernementaux. Les projets liés aux minéraux critiques connaissent des pénuries de capitaux. Les gouvernements peuvent contribuer à combler cette insuffisance par le biais soit par de placements directs en actions, soit par l’octroi de conventions de vente et d’achat à long terme. L’approvisionnement de la défense est un point de mire où les ministères de la Défense du Canada, des États-Unis et des pays alliés peuvent trouver des réserves de minéraux critiques et de réserves de stocks par l’entremise de « stocks virtuels », essentiellement des engagements d’achat à long terme. En s’engageant à consacrer 2 % du PIB à la défense, le Canada pourrait ainsi débloquer jusqu’à 17 milliards de dollars de capitaux frais chaque année pour la mise en valeur des mines.
  • Restreindre les distorsions de prix issues de la Chine. L’industrie minière exige maintenant une « prime pour la Chine » afin de contrecarrer les distorsions du marché chinois, principalement pour compenser le risque que la Chine inonde les marchés afin de faire chuter les prix mondiaux. Un prix plancher minimal, appuyé par des conventions d’achat gouvernementales et d’autres interventions, renforce la transparence des prix et établit une assurance quant aux revenus pour atténuer les fluctuations des prix. Par ailleurs, les restrictions liées aux produits chinois pourraient soutenir les prix canadiens. Cela comprend la restriction pure et simple de l’offre chinoise, ou l’adoption d’ajustements de prix, p. ex., des droits antidumping, des droits compensateurs ou des ajustements aux frontières (carbone, main-d’œuvre, etc.).
  • Accroître les crédits d’impôt. Le crédit d’impôt à l’investissement (CII) pour les minéraux critiques du Canada exclut les principaux minéraux critiques pour la défense tels que le tungstène, l’indium et le béryllium. L’admissibilité pourrait être élargie à d’autres minéraux que les quinze figurant sur la liste actuelle. Autres solutions : permettre l’accumulation des crédits d’impôt, mettre en place des crédits d’impôt à la production pour soutenir les dépenses d’exploitation (protection contre le dumping chinois) et améliorer divers programmes gouvernementaux visant à appuyer plus explicitement les minéraux critiques, y compris le Fonds stratégique pour l’innovation et le Fonds de croissance du Canada.
  • Garantir l’accès au marché. Les menaces tarifaires et les programmes Buy America entravent les flux de capitaux dans les territoires en dehors des États-Unis. En réduisant au minimum les barrières tarifaires à l’étranger et en investissant dans les capacités nationales d’affinage et de transformation, nous finirons par assurer la demande pour nos produits. Sur le plan de l’offre, il est également crucial de garantir notre propre chaîne logistique. Le gallium connaît une belle réussite au Canada, mais dépend de l’importation d’appareils électroniques de Taïwan (par l’intermédiaire des États-Unis).
  • Investir dans le capital humain. La Bourse de Toronto et la Bourse de croissance TSX abritent plus de mineurs que n’importe quel autre indice mondial développé important. Ceux-ci s’accompagnent d’un vaste bassin de talents du secteur minier. Ce talent risque toutefois de péricliter, car les ingénieurs et une génération technophile se tournent de plus en plus vers les carrières dans les logiciels et l’IA. Fait surprenant : la Chine possède 39 programmes universitaires visant à former des ingénieurs dans les minéraux critiques ; le Canada n’en possède aucun.
  • Réduire les délais d’approbation. Le Canada doit consolider ses processus, dans la mesure du possible. Les minéraux critiques sont aussi stratégiques que le transport, et les projets connexes peuvent être déclarés comme faisant partie de l’intérêt national pour accélérer leur développement. Le même type de pragmatisme peut être appliqué au niveau provincial : la collaboration entre les ministères, avec les collectivités locales et avec Ottawa peut être améliorée. Enfin, et peut-être plus important encore, nous devrons trouver de nouveaux moyens d’accélérer les processus d’approbation des projets, sans nuire à l’obligation de consulter les communautés autochtones. Une plus grande participation des Autochtones dans ces projets, notamment par l’entremise des programmes de garantie de prêt nationaux et provinciaux, permet de débloquer plus de richesses et de capitaux autochtones qui peuvent être réinvesties dans l’infrastructure sociale et des projets liés à de futures ressources.
  • Soutenir les infrastructures. Compte tenu de l’emplacement éloigné de nombreux gisements de minéraux critiques, le manque d’infrastructures existantes est problématique (chemins de fer, routes, ports, transport d’électricité, stations cellulaires, hôpitaux, etc.). Une collaboration accrue de la part des gouvernements fédéral et provinciaux visant à fournir des infrastructures d’appui prévisionnelles qui soutiennent le fonctionnement des projets et raccourcissent les délais de mise en valeur des mines.

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Contributors:

Shaz Merwat, responsable principal, Politique énergétique

John Stackhouse, premier vice-président, Bureau du chef de la direction

Vivan Sorab, premier directeur, Technologie propre

Caprice Biasoni, graphiste spécialisée

Shiplu Talukder, spécialiste, Publication numérique

  1. Ressources naturelles Canada.
  2. Centre for Strategic and International Studies, Critical Minerals and the Future of the U.S. Economy (Les minéraux critiques et l’avenir de l’économie américaine), février 2025 ; Ressources naturelles Canada.
  3. Ressources naturelles Canada.
  4. US Geological Survey.
  5. Deloitte, 2025 Global Semiconductor Industry Outlook (Perspectives mondiales 2025 pour le secteur des semi-conducteurs).
  6. Arrow Electronics, Silicon vs. gallium nitride (GaN) semiconductors: Comparing properties & applications (Comparaison entre les semi-conducteurs de silicium et de nitrure de gallium (GaN) : propriétés et applications), 21 mars 2024.
  7. Agence internationale de l’énergie (AIE), Minerals used in electric cars compared to conventional cars (Comparaison des minéraux utilisés dans les voitures électriques ou les voitures traditionnelles), 5 mai 2021.
  8. Bloomberg New Energy Finance, Leadership avisé RBC.
  9. AIE, Renewables 2024 (Énergies renouvelables 2024), octobre 2024.
  10. Bloomberg New Energy Finance, Leadership avisé RBC.
  11. Ressources naturelles Canada.
  12. Science History Institute, Manufacturers Case Study, Using the Rare Earth Elements (Étude de dossier sur les fabricants, Utilisation des métaux du groupe de terres rares).
  13. Wall Street Journal, What Scared Ford’s CEO in China (Ce que craignait le chef de la direction de Ford en Chine), 14 septembre 2024.
  14. Centre for Strategic and International Studies, Critical Minerals and the Future of the U.S. Economy (Les minéraux critiques et l’avenir de l’économie américaine), février 2025.
  15. Ibid.
  16. Ressources naturelles Canada.
  17. IEA, Global Critical Minerals Outlook 2024 (Perspectives mondiales 2024 des minéraux critiques), mai 2024.
  18. Ibid.
  19. Reuters, Chinese firms control around 75% of Indonesian nickel capacity, report finds (Selon un rapport, les entreprises chinoises contrôlent environ 75 % de la capacité indonésienne de nickel), 5 février 2025.
  20. Centre for Strategic and International Studies, Critical Minerals and the Future of the U.S. Economy (Les minéraux critiques et l’avenir de l’économie américaine), février 2025.
  21. AidData, Power Playbook: Beijing’s Bid to Secure Overseas Transition Minerals (Plan de match sur l’électricité : Offre de Pékin pour garantir les minéraux de transition à l’étranger), 28 janvier 2025
  22. AIE, Energy Technology Perspectives 2024 (Perspectives 2024 sur les technologies énergétiques), 30 octobre 2024.
  23. U.S. International Trade Commission, données consultées au moyen de DataWeb.
  24. Ibid.
  25. U.S. Geological Survey, Mineral Commodities Survey (Sommaires sur les produits minéraux) ; U.S. International Trade Commission, données consultées au moyen de DataWeb ; USA Trade Online, U.S. Census Bureau.
  26. US Geological Survey.
  27. Ibid.
  28. U.S. International Trade Commission, données consultées au moyen de DataWeb ; USA Trade Online, U.S. Census Bureau.
  29. Site Web de l’entreprise.
  30. Ressources naturelles Canada.
  31. IEA, Global Critical Minerals Outlook 2024 (Perspectives mondiales 2024 des minéraux critiques), mai 2024.
  32. Ressources naturelles Canada.
  33. IEA, Global Critical Minerals Outlook 2024 (Perspectives mondiales 2024 des minéraux critiques), mai 2024.
  34. Site Web de l’entreprise.
  35. IEA, Global Critical Minerals Outlook 2024 (Perspectives mondiales 2024 des minéraux critiques), mai 2024.
  36. Ressources naturelles Canada.
  37. U.S. International Trade Commission, données consultées au moyen de DataWeb ; USA Trade Online, U.S. Census Bureau.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.