La croissance du Canada s’est arrêtée. Notre économie, sur une base ajustée en fonction de l’inflation et de l’immigration, est de la même taille qu’avant la pandémie et à peu près au même point qu’il y a dix ans. Ce n’est pas le cas aux États-Unis ou dans d’autres économies avancées, et les causes de cette situation ne sont pas vraiment claires ni liées à un facteur unique. Néanmoins, alors que le pays est aux prises avec des années de stagnation économique, il est évident que notre productivité collective est au centre du problème.
Les chiffres sont maussades, surtout si nous tenons compte de la richesse et du potentiel du pays. À l’échelle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous sommes tombés du 5e rang des pays les plus productifs en 1970 au 18e rang en 2022. Au vu de cet historique, l’OCDE a estimé en 2021 que la croissance économique du Canada par habitant serait la pire des pays développés pendant les 40 prochaines années.
L’impact se fait sentir à grande échelle dans les salaires, les recettes publiques, les bénéfices des entreprises et les rendements des placements. Sur le long terme, nous perdons de notre capacité à attirer et maintenir le capital d’investissement et la main-d’œuvre qualifiée, ce qui pourrait compromettre les occasions de croissance futures par rapport aux autres économies avancées. Dans le même ordre d’idées, un changement positif dans notre productivité pourrait constituer le principal catalyseur dont le pays a besoin pour stimuler la croissance économique et la prospérité qui en découle. D’après nos calculs, la réduction de l’écart de revenus entre le Canada et les États-Unis dans l’ensemble de l’économie ajouterait 20 000 $ de PIB par personne et par année, avec une réelle incidence sur les travailleurs dont le salaire moyen est maintenant inférieur de 8 % aux salaires des États-Unis.
Évidemment, il n’est pas facile de stimuler la productivité. Le Canada est un grand pays, géographiquement diversifié, riche en ressources et caractérisé par une dispersion de la population, ce qui crée des difficultés particulières en matière d’infrastructure, d’investissement et de réglementation. Les lourdeurs administratives aux divers échelons gouvernementaux ont créé des inefficacités et des barrières au commerce intérieur. Les goulots d’étranglement liés à l’infrastructure et les lourdeurs administratives rendent le commerce international plus compliqué. La mobilité des travailleurs qualifiés – déjà compliquée à cause de l’étendue de notre territoire – peut aussi être limitée par la façon dont les provinces, les secteurs et les groupes professionnels essaient de contrôler l’offre de main-d’œuvre. Tous ces problèmes peuvent peser sur les investissements des entreprises canadiennes et, par conséquent, ralentir la croissance. En outre, au cours des derniers cycles économiques, une part croissante de l’épargne et de l’investissement a afflué vers l’immobilier et la construction, qui, bien que nécessaires et bénéfiques pour de nombreuses raisons, sont des secteurs relativement inefficaces qui peuvent nuire à la croissance de la productivité dans l’ensemble de l’économie. Il en va de même pour les petites entreprises, dont la part dans l’économie a augmenté au cours des dernières décennies. Ces entreprises sont fondamentales pour le pays et pour les collectivités de nombreux Canadiens, mais si elles ne se développent pas pour devenir plus concurrentielles, elles pourraient limiter le potentiel de l’ensemble de l’économie.
Cela n’a pas toujours été le cas. La croissance de la productivité canadienne s’élevait à 5 % par année en moyenne dans les années 1950, à un moment où les technologies utilisées pendant la guerre étaient adaptées à un usage civil, ce qui a stimulé presque toute la croissance du PIB lors de cette décennie. La croissance de la productivité est restée élevée (3,5 % par année) dans les années 1960, alors que l’automatisation du secteur manufacturier se poursuivait et que le Pacte de l’automobile de 1965 conclu entre le Canada et les États-Unis ouvrait la voie à une libéralisation des échanges. Cette trajectoire a fléchi pendant les turbulences économiques des années 1970 et 1980, bien que quelques innovations comme le transport par conteneurs et l’expansion du commerce mondial aient entraîné de nouveaux gains de croissance et de productivité dans les années 1990.
Bon nombre des tendances positives pour l’économie canadienne ont été des tendances mondiales, notamment en matière de commerce, de technologie et d’éducation. Toutefois, le Canada a aussi tiré parti de ses forces spécifiques, parmi lesquelles la rapide augmentation de la participation des femmes à la population active, l’amélioration des conditions sanitaires pour la grande majorité de la population, et l’amélioration de l’accessibilité et de la qualité de l’éducation à tous les niveaux.
Malgré ces investissements, la croissance de la productivité stagne à moins de 1 % par an en moyenne depuis le début du siècle. Ces défis ne sont pas propres au Canada, mais ils se posent également dans la plupart des économies avancées. Cela dit, le ralentissement a été plus marqué dans notre pays que partout ailleurs. La transformation des secteurs grâce aux technologies numériques, la rapide expansion de la robotique et de la fabrication de pointe, et les gains économiques importants liés aux sciences de la vie sont autant de moteurs qui ont accéléré la croissance économique dans d’autres pays, mais qui n’ont pas eu le même effet au Canada.
Par ailleurs, un autre défi attend le Canada dans le futur, étant donné que le secteur des services est celui qui détient la plus grande part dans l’économie. La productivité du secteur des services est en hausse, mais sa progression n’est pas aussi rapide que ce qui était attendu après les investissements importants réalisés dans l’éducation canadienne. Actuellement, près de 80 % de la main-d’œuvre travaille dans le secteur des services. Cela inclut tous les employés de comptoir et le personnel hôtelier qui offrent une valeur réelle à leurs clients et à leurs employeurs, mais aussi ceux des services professionnels où la productivité et les salaires dépendent davantage des investissements dans le capital humain que de la machinerie et de l’équipement. Autrement dit, les investissements du Canada dans l’éducation et la formation, ainsi que ses efforts pour attirer des immigrants qualifiés ne génèrent pas les rendements économiques escomptés.
Ces défis peuvent sembler intimidants. Mais les solutions sont claires, réalisables, et leur mise en œuvre ne nécessite pas beaucoup de compromis. Les politiques axées sur la croissance peuvent même bénéficier à tous les secteurs de la société, et profiter aux investisseurs aussi bien qu’aux travailleurs.
Parmi les solutions les plus attrayantes pour les gouvernements, les entreprises, les syndicats et les groupes sectoriels, nous pouvons citer :
- La réduction des lourdeurs administratives et des barrières au commerce intérieur. Cela n’implique pas forcément de revoir les normes à la baisse, mais d’améliorer la cohérence et les règlements dans l’ensemble des territoires afin de rendre les coûts et les délais d’approbation des projets plus prévisibles.
- Une meilleure exploitation des compétences des immigrants. Étant donné que la croissance de la population et de la main-d’œuvre sera essentiellement attribuable à l’immigration, nous avons besoin d’améliorer le système pour que les niveaux d’étude et les compétences des nouveaux arrivants correspondent à des emplois.
- Une amélioration de la compétitivité fiscale. La compétitivité fiscale du Canada s’est effritée. Notre niveau d’imposition global est inférieur à celui d’autres économies plus productives, mais des réformes plus larges visant à réduire la complexité et le coût de la conformité fiscale pourraient aider à attirer plus d’investissements.
- L’adoption de nouvelles technologies. Des investissements « plus intelligents », par exemple dans l’IA, peuvent contribuer à améliorer la productivité, mais le taux d’adoption de ces technologies est faible au Canada. Faciliter l’investissement dans les nouvelles technologies est crucial pour maintenir une compétitivité à l’échelle mondiale.
- Tirer profit d’une main-d’œuvre hautement qualifiée. La main-d’œuvre hautement qualifiée du Canada est particulièrement bien placée pour jouer un rôle dans la transition mondiale vers une économie plus axée sur les services. Le Canada doit s’assurer que les investissements dans l’éducation génèrent un résultat.
Au cours du dernier quart de siècle, tous les gouvernements fédéraux et bon nombre de provinces se sont penchés sur les défis de la compétitivité, de la croissance et de la productivité. Et ils ont découvert, parfois avec du recul, qu’il n’existait pas de plan facile à mettre en œuvre. Ce rapport passe en revue certaines des mesures qui pourraient être prises pour stimuler la croissance, mais l’un des outils les plus puissants dont nous disposons n’est pas un outil : c’est notre état d’esprit. Si les Canadiens se concentraient collectivement sur l’économie de l’avenir, c’est-à-dire une économie qui récompense l’innovation, célèbre la compétitivité, investit à la fois dans les personnes et la technologie, et génère des rendements efficaces, alors le casse-tête de la productivité serait plus facile à résoudre. Et en même temps, la croissance ferait son retour.
- Qu’est-ce que la productivité ?
Une économie peut-elle croître sans productivité ?
Oui, c’est possible. Il suffit d’ajouter des heures travaillées, car la productivité n’est pas synonyme d’efficacité. Dans une certaine mesure, les taux d’immigration élevés ont contribué à ce résultat ces dernières années au Canada. Toutefois, une économie ne peut pas devenir plus dynamique et concurrentielle sans une amélioration de la productivité.
Est-ce que plus de productivité signifie moins d’emplois ?
Il ne s’agit pas de remplacer les travailleurs par des machines. Il s’agit de travailler plus efficacement, ce qui est la façon la plus fiable d’augmenter les salaires et les niveaux de vie. Les nouvelles technologies comme l’IA peuvent être perturbatrices, mais elles permettent aussi à plus de personnes de créer plus de valeur à partir de leur travail.
Avons-nous besoin de réduire les impôts pour augmenter la productivité ?
Certains impôts ont une incidence sur la productivité, d’autres non. À l’échelle mondiale, il n’est pas nécessaire de baisser fortement les taux d’imposition des sociétés pour attirer l’investissement du secteur privé. De façon générale, les économies dont la productivité est plus élevée ont des taux d’imposition plus élevés que le Canada, mais la composition de leurs impôts est différente et elles tirent des avantages de leurs régimes fiscaux moins complexes.
Une productivité plus élevée entraîne-t-elle de plus grands écarts de revenus ?
La plupart des pays qui affichent des niveaux de productivité plus élevés que le Canada ont des écarts de revenus plus faibles. Les comparaisons de productivité à l’échelle mondiale sont souvent compliquées, étant donné que les États-Unis surpassent la plupart des autres économies avancées en ce qui a trait à la production totale par heure travaillée, mais que ces gains ne sont pas répartis équitablement dans la population ni entre les travailleurs et les propriétaires d’entreprises.
La productivité fonctionne-t-elle de la même manière dans toutes les économies ?
En raison de grandes différences géographiques et économiques structurelles, les résultats sont différents sur le plan de la productivité. La Norvège dispose de vastes ressources pétrolières et gazières, pour la plupart détenues ou contrôlées par l’État. Au Canada, la grande dispersion de la population et la richesse en ressources posent des défis particuliers. Cependant, certains de ces défis sont d’origine humaine, causés par un manque de coopération et de cohérence dans les règles et les règlements aux différents échelons gouvernementaux.
La productivité fonctionne-t-elle de la même manière dans toutes les économies ?
En raison de grandes différences géographiques et économiques structurelles, les résultats sont différents sur le plan de la productivité. La Norvège dispose de vastes ressources pétrolières et gazières, pour la plupart détenues ou contrôlées par l’État. Au Canada, la grande dispersion de la population et la richesse en ressources posent des défis particuliers. Cependant, certains de ces défis sont d’origine humaine, causés par un manque de coopération et de cohérence dans les règles et les règlements aux différents échelons gouvernementaux.
Comment la productivité du Canada est tombée à un niveau aussi faible
Le ralentissement de la croissance économique canadienne à long terme est lié à plusieurs facteurs, dont certains sont clairs et évidents. Commençons par la lourdeur du système d’approbation réglementaire et administrative à tous les échelons gouvernementaux, qui a eu pour effet indésirable d’entraver le commerce et la croissance à l’intérieur du pays. En outre, les goulots d’étranglement liés à l’infrastructure, combinés aux lourdeurs administratives, rendent le commerce international plus compliqué. Ces facteurs ont contribué à la baisse des investissements des entreprises canadiennes et, parallèlement, à une augmentation du capital consacré aux immeubles et à la construction. Or, bien que ce secteur apporte beaucoup à l’économie, il ne stimule pas autant la croissance que l’automatisation ou la propriété intellectuelle. De plus, de nombreuses politiques ont favorisé les petites entreprises plutôt que les sociétés de croissance et les grandes entreprises, ce qui limite la croissance globale de notre productivité.
Les entreprises canadiennes investissent moins
Les entreprises canadiennes investissent beaucoup moins que celles des États-Unis – au total, environ la moitié par travailleur. Ce retard dans les investissements s’est aggravé à la suite de la crise financière mondiale de 2008-2009 et au moment de la chute des prix du pétrole en 2015, et encore plus dans le sillage de la pandémie où la hausse des taux d’intérêt a frappé l’économie canadienne plus durement que celle des États-Unis. En somme, la contribution des investissements à la croissance de la productivité canadienne depuis la crise financière de 2008-2009 représente à peine la moitié de la contribution de la décennie précédente. En outre, les tendances moroses observées récemment en matière d’investissement laissent entrevoir que l’écart continuera de se creuser au cours de la prochaine décennie.
Bien entendu, le ralentissement des investissements s’explique en partie par le repli des investissements dans le secteur canadien du pétrole et du gaz, qui est davantage lié à la transition énergétique mondiale visant à s’éloigner des combustibles fossiles. Toutefois, la part du PIB investie par les entreprises canadiennes dans le secteur manufacturier a aussi été beaucoup plus faible qu’aux États-Unis pendant la dernière décennie.
Le problème ne semble pas être lié à un manque de capitaux disponibles. Bien que les banques centrales aient fait grimper les taux d’intérêt, les entreprises disposent toujours d’une importante réserve de liquidités qui représente près d’un tiers du PIB. Les entreprises expliquent depuis longtemps que la lourdeur du cadre d’approbation des projets rend relativement coûteux l’investissement au Canada. Le manque d’investissement a également pour effet de maintenir les entreprises canadiennes à une taille relativement réduite (98 % des entreprises canadiennes comptent moins de 100 employés), et il se trouve que les petites entreprises sont généralement moins productives.
La réglementation représente un fardeau financier pour l’investissement et la croissance
L’enchevêtrement des réglementations et des exigences administratives entre les différentes municipalités et provinces a pour effet indésirable de compliquer et de limiter le commerce à l’intérieur du territoire canadien.
Le Fonds monétaire international estime ainsi que les barrières au commerce intérieur (différences de réglementation entre les régions, divergences dans les exigences administratives s’appliquant aux entreprises d’un territoire à un autre, et disparité des exigences de certification qui limite la mobilité de la main-d’œuvre, entre autres) coûtent l’équivalent d’un droit de douane de 20 % qui s’appliquerait entre les provinces. En comparaison, le droit de douane perçu sur les importations internationales qui entrent au Canada est inférieur à 1 %1.
En 2020, le Canada s’est classé au 188e rang des 208 économies suivies par la Banque mondiale en ce qui concerne le nombre de jours passés par les entreprises à rechercher des permis de construction pour les nouveaux projets. Ce délai est trois fois plus long qu’aux États-Unis.
La lourdeur administrative augmente également le coût supporté par les entreprises pour réaliser des opérations transfrontalières. En réalité, les droits de douane appliqués au commerce international sont relativement faibles au Canada, mais le pays se classe mal (au 51e rang mondial) sur le plan de la facilité des échanges transfrontaliers, notamment à cause des coûts administratifs associés à l’importation et à l’exportation.
Notre régime fiscal perd son avantage concurrentiel
Il y a dix ans, à l’échelle du G7, le Canada était au deuxième rang des taux d’imposition les plus bas pour les sociétés. Cet avantage a décliné, surtout après la forte baisse des taux d’imposition des sociétés aux États-Unis en 2018.
Les taux d’imposition des sociétés au Canada sont toujours comparables à ceux des autres économies avancées. Toutefois, en tenant compte de l’impôt sur les dividendes de sociétés appliqué au revenu des particuliers, l’OCDE estime que l’impôt total sur les bénéfices distribués par les sociétés canadiennes est le plus élevé parmi les pays du G7.
En outre, les gouvernements canadiens ont créé des déficits budgétaires plus importants, après des décennies de rigueur budgétaire. Cela augmente le risque de nouvelles augmentations d’impôt à l’avenir, et crée des incertitudes pour les entreprises envisageant de s’installer au Canada et de s’y développer.
En même temps, malgré le maintien de l’investissement direct étranger au Canada, les investissements des Canadiens à l’étranger ont connu une croissance considérable, ce qui s’est traduit par une importante sortie nette de capitaux vers l’étranger. Les investissements à l’étranger sont bénéfiques. L’actif net du Canada détenu à l’étranger a atteint près de 1 700 milliards de dollars (57 % du PIB), mais ces investissements favorisent la croissance de la productivité à l’extérieur du Canada plutôt qu’à l’intérieur.
Défis liés à l’infrastructure – certains sont naturels, d’autres d’origine humaine
Le Canada compte une petite population qui s’étend sur une vaste superficie, et d’abondantes ressources naturelles qui doivent être exportées. Cette situation génère des difficultés uniques par rapport à d’autres pays.
Le point positif, c’est que le Canada bénéficie d’une solide infrastructure qui se classe au premier rang des pays du G7 dans le classement de la Banque mondiale. Le transport et l’entreposage sont les rares secteurs où les investissements des entreprises canadiennes représentent une part du PIB plus importante qu’aux États-Unis, et aussi où la productivité du Canada a le moins de retard par rapport aux États-Unis.
Toutefois, il reste d’importants goulots d’étranglement où l’infrastructure canadienne est nettement à la traîne. Les délais d’exécution dans les ports du pays sont parmi les plus longs au monde, se classant au 103e rang parmi les 113 pays suivis par la Banque mondiale en 2023, avec une médiane de deux jours et demi. Le Canada est également en mauvaise place dans les classements mondiaux de la Banque mondiale en ce qui concerne « la facilité pour exporter », notamment à cause du coût des formalités administratives.
Surpondération de la construction, sous-pondération de la propriété intellectuelle
La productivité canadienne est à la traîne dans la plupart des secteurs par rapport aux États-Unis, mais elle souffre particulièrement d’une surpondération de l’économie dans le secteur de la construction où la croissance de la productivité est plus lente.
Les investissements dans les structures résidentielles représentent une part du PIB deux fois plus élevée au Canada (6 %) qu’aux États-Unis (3 %). Les entreprises canadiennes investissent davantage dans les structures non résidentielles, et moins dans les produits liés à la propriété intellectuelle. Dans l’ensemble, le Canada investit environ 40 % de moins (en part du PIB) dans les produits liés à la propriété intellectuelle – et une part plus importante dans l’exploration minière. Le secteur manufacturier n’investit que le quart de ce que les États-Unis investissent dans les produits liés à la propriété intellectuelle en part du PIB.
Par conséquent, la construction représente environ le double des heures travaillées totales au Canada (8 %), comparativement aux États-Unis (4 %). La construction est l’un des secteurs ayant eu le plus de mal à stimuler la productivité au fil du temps. En effet, si nous regardons les décennies passées, en 2022 la productivité du secteur canadien de la construction était de 54 % supérieure au niveau de 1961, ce qui ne représente qu’un quart de l’augmentation de la production de l’ensemble des entreprises par heure travaillée sur la même période.
La croissance du secteur des services n’a pas d’effet positif sur la productivité
Les raisons qui expliquent le retard de la productivité canadienne observé depuis plusieurs décennies dans la production des biens sont identifiées, et certaines sont faciles à résoudre. Le secteur des services (qui représente 80 % des travailleurs canadiens) doit également être pris en compte dans toute solution aux problèmes de productivité.
Il est inquiétant de constater que les importants investissements réalisés dans le capital humain ne sont pas vraiment fructueux sur le plan de la croissance de la productivité. Le Canada dispose d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et d’un niveau d’éducation élevé, qui devrait être bien placée pour tirer parti de la transition de l’économie mondiale de la production de biens vers les services. Toutefois, la qualité de la main-d’œuvre n’a pas entraîné une accélération de la croissance de la productivité à la hauteur des progrès réalisés dans l’éducation.
La part de la main-d’œuvre canadienne ayant terminé ses études postsecondaires a augmenté de 41 % en 1990 à 70 % en 2023, mais la croissance de la productivité mesurée selon la composition de la main-d’œuvre (amélioration des compétences évaluée d’après l’allongement de l’expérience et la composition de la main-d’œuvre en fonction du niveau d’éducation) ne représente que la moitié de son rythme des années 1990.
Une partie du problème réside probablement dans l’accès au financement. Le Canada est le deuxième plus grand marché de capital-risque du G7 par rapport à la taille de l’économie, mais le pays demeure très en retard par rapport à la somme des liquidités disponibles aux États-Unis.
Un secteur public important et en croissance est moins productif
Les secteurs publics canadiens de l’éducation et des soins de santé sont beaucoup moins « productifs » qu’aux États-Unis, avec des différences respectives de 70 % et 50 %, et ces secteurs représentent un cinquième de l’écart de productivité dans l’économie totale alors qu’ils ne pèsent que 14 % dans l’économie. De plus, la croissance et le vieillissement de la population entraînent une rapide hausse de la demande pour ces services publics. Au Canada, les emplois dans le secteur public ont représenté plus du tiers de la croissance totale de l’emploi au cours de la dernière décennie.
Par ailleurs, il est notoirement difficile de mesurer la productivité dans le secteur public, car la plupart de temps il n’y a pas de transactions négociées sur le marché. L’écart de productivité du Canada dans le secteur des soins de santé et de l’éducation par rapport aux États-Unis disparaît en partie si l’on tient compte des résultats obtenus dans ces systèmes. L’espérance de vie est plus longue et les décès évitables sont plus faibles au Canada. Une plus grande partie de la population âgée de plus de 65 ans est en bonne santé. Et pour atteindre ces résultats, le système canadien coûte un peu moins de la moitié de ce qu’il coûte aux États-Unis par habitant. Dans le domaine de l’éducation, les étudiants canadiens (de 15 ans) sont parmi les meilleurs de l’OCDE (et se classent au-dessus des États-Unis) en mathématiques, en sciences et en lecture.
Mais il y a toujours un potentiel d’amélioration – et le secteur public devra être plus productif pour répondre aux besoins d’une population en croissance rapide. Bien que les résultats du secteur canadien de la santé surpassent la productivité mesurée, la rapidité et la disponibilité des services posent problème depuis longtemps. La satisfaction à l’égard de la couverture a diminué. Le Canada manque de médecins et d’infirmiers, et le pays affiche un piètre bilan en matière d’utilisation des compétences des nouveaux arrivants, particulièrement dans le secteur des soins de santé, à un moment où la demande augmente rapidement en raison de la croissance démographique.
L’agriculture n’est pas la première chose qui vient à l’esprit quand on parle d’innovation technologique. Or, aucun secteur canadien n’a connu de progrès technologiques plus perturbateurs que ceux de la production alimentaire au cours du dernier siècle (voire des deux derniers). Ces progrès ont conduit à des gains de productivité massifs, même au cours des dernières décennies. De nouvelles techniques et de nouveaux produits ont rehaussé le rendement des cultures. Les machines avancées ont considérablement réduit le nombre de personnes nécessaires pour travailler la terre. L’époque des tracteurs et des moissonneuses-batteuses de la génération passée est révolue ; les machines agricoles modernes comportent maintenant des technologies dignes de vaisseaux spatiaux. Selon nos calculs, la production agricole par acre en 2016 était trois fois et demie plus élevée qu’en 1941. La production par travailleur a progressé encore plus rapidement. La production par travailleur agricole est environ 12 fois plus élevée qu’en 1941.
Tous ces gains de productivité ont conduit à des changements structurels spectaculaires. Les fermes sont devenues beaucoup plus grandes. La taille de l’exploitation agricole canadienne moyenne en 2021 était d’environ 800 acres, soit deux fois plus qu’une ferme moyenne il y a 50 ans et quatre fois plus qu’en 1921. Une mécanisation plus grande signifie que moins de travailleurs sont nécessaires. En 1921, environ un tiers des emplois canadiens, ce qui représentait un million de travailleurs, étaient répartis dans le secteur agricole. Aujourd’hui, l’agriculture représente environ 1,5 % des emplois, soit moins de 300 000 travailleurs. Il y a près de 700 000 personnes en moins qui cultivent des terres, ce qui représente environ 12 % de plus qu’il y a un siècle.
Automatisation – ce n’est pas quelque chose de nouveau
Il y a une leçon à tirer de l’agriculture, pour ceux qui craignent que l’automatisation ne rende obsolète une grande partie de la main-d’œuvre actuelle. Les tendances historiques de l’agriculture montrent que la technologie peut être très perturbatrice, mais que d’un autre côté elle améliore le bien-être dans les mêmes proportions. La perspective de perdre près d’un tiers des emplois à cause de l’innovation technologique dans l’agriculture aurait semblé terrifiante en 1921. Il y a eu des conséquences négatives pour les collectivités rurales tributaires de ces emplois agricoles. En même temps, toutes ces améliorations de la productivité agricole ont permis à près d’un tiers de la main-d’œuvre de se concentrer sur autre chose que la production alimentaire. De nouvelles activités se sont développées, et les travailleurs ont trouvé d’autres emplois. Les grandes avancées telles que les progrès dans la recherche médicale, l’élargissement du filet de sécurité sociale ou les innovations favorables à la production dans d’autres secteurs sont en partie attribuables au fait que les agriculteurs sont devenus plus efficaces pour produire de la nourriture.
Mesures à prendre pour améliorer la productivité
La plupart des mesures à prendre pour relever les défis de la productivité au Canada ne suscitent pas de controverse. Ces changements nécessitent des politiques favorables à la croissance, lesquelles profiteraient aux propriétaires d’entreprises aussi bien qu’aux travailleurs même si le Canada avait la meilleure productivité du monde. Cela ne signifie pas qu’ils sont difficiles à mettre en œuvre. Mais si le Canada ne s’attaque pas au problème, le pays abordera les années 2030 avec un défi économique encore plus grand que celui que nous connaissons aujourd’hui.
La suppression des barrières commerciales à l’intérieur du Canada ne passe pas forcément par un allègement des normes. Cela implique d’améliorer la cohérence entre les règles des territoires, afin d’accroître la rapidité et la prévisibilité des approbations de projets et de réduire les coûts potentiels pour les entreprises envisageant de nouveaux investissements au Canada. Dans bon nombre de nos conversations avec les entreprises, le caractère imprévisible des approbations de projets ressort comme un problème qui augmente les coûts au Canada par rapport à d’autres régions comme les États-Unis.
Des tentatives ont été faites au fil des décennies pour harmoniser le cadre réglementaire dans l’ensemble des provinces. La dernière initiative en date a été l’Accord de libre-échange canadien de 2017. Mais les progrès sont lents, pénalisés par de longues listes d’exceptions au libre-échange entre les provinces. Tous les défis ne sont pas interprovinciaux. Les exigences, les règlements et les délais d’approbation des projets varient également d’un gouvernement municipal à l’autre.
D’autres pays ayant supprimé leurs barrières au commerce intérieur ont réussi à accroître leur productivité.
L’Australie, qui était aussi aux prises avec des barrières au commerce intérieur, a réussi à les éliminer dans les années 1990. Parmi les autres facteurs en jeu en Australie, il y a eu l’émergence de la Chine en tant que grande puissance économique mondiale. En résultat, les niveaux de productivité de l’Australie sont passés de 8 % sous ceux du Canada au début des années 1990 à 8 % au-dessus avant la pandémie.
Dans la décennie à venir, la croissance de la population et de la main-d’œuvre sera essentiellement attribuable à l’immigration. Or, le Canada a une piètre feuille de route en ce qui concerne l’utilisation des compétences des nouveaux arrivants. Le Canada se classe en tête du G7 pour ce qui est d’attirer les immigrants, et les nouveaux arrivants sont maintenant le moteur de la croissance démographique.
Ces immigrants sont généralement mieux formés et plus jeunes que la main-d’œuvre nationale, et il est plus probable qu’ils se spécialiseront dans des domaines liés aux STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), comparativement à leurs homologues natifs du Canada. Par ailleurs, ils sont aussi plus susceptibles de travailler dans des emplois où leurs compétences ne sont pas pleinement exploitées.
Le Canada a mieux réussi à utiliser les compétences des nouveaux arrivants dans le groupe des étudiants étrangers choisissant de rester au Canada. La sous-utilisation des compétences des immigrants sur le marché du travail par rapport à la population née au Canada disparaît en grande partie chez les immigrants ayant étudié au Canada. Toutefois, la reconnaissance des qualifications de professionnels formés à l’étranger dans des domaines comme les soins de santé augmenterait la productivité et les revenus de ces travailleurs, tout en aidant à résoudre le problème chronique de la pénurie de ces travailleurs sur le marché du travail.
Le taux d’imposition effectif appliqué à l’économie canadienne ne semble pas poser de problème. Parmi les 17 économies de l’OCDE dont la productivité surpasse celle du Canada, 13 ont des taux d’imposition globaux plus élevés (en comptant tous les impôts, c’est-à-dire les impôts des sociétés et des particuliers).
Mais la manière dont les recettes fiscales sont perçues entre aussi en ligne de compte. Par rapport aux économies plus productives, le Canada perçoit davantage d’impôt sur le revenu et moins de taxes sur la consommation comme la TPS/TVH. Les taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises (y compris les impôts sur les dividendes) sont également élevés.
Par ailleurs, le régime fiscal est exagérément complexe, avec de longues listes d’exceptions, de déductions, de crédits, etc. Ces dispositions augmentent le coût de la conformité, souvent sans résultat apparent pour ce qui est de l’équité fiscale dans la distribution des revenus. Les responsables politiques devraient faire en sorte que les règles fiscales soient plus compréhensibles, afin d’encourager la conformité, en particulier pour les personnes qui ont le plus besoin des avantages visés, c’est-à-dire les nouvelles entreprises et les ménages à faible revenu. Le gouvernement devrait aussi offrir une assistance disponible et accessible à tous, par le biais de la numérisation, pour remplir les déclarations et rassembler les documents requis.
Une meilleure harmonisation des règles fiscales, des assiettes fiscales et des définitions entre le gouvernement fédéral et les provinces pourrait également accroître l’efficacité. Le Canada pourrait aussi envisager la création d’un organisme ou d’un mécanisme indépendant et impartial, responsable de réviser les politiques fiscales et de réduire leur complexité. Le dernier examen approfondi du régime fiscal canadien remonte à 1967.
Des investissements « plus intelligents », par exemple dans l’IA, peuvent contribuer à améliorer la productivité. Cependant, le taux d’adoption des nouvelles technologies est assez faible au Canada. De plus, les technologies innovatrices ne se traduisent pas toujours par des gains de productivité. Par exemple, les gains de productivité ont été plus lents pendant les décennies suivant l’adoption généralisée de l’Internet que dans les années 1990. Toutefois, le fait de prendre du retard par rapport aux tendances émergentes peut avoir des conséquences importantes, et les investissements des entreprises canadiennes dans les nouvelles technologies sont insuffisants.
Le Canada est un chef de file dans la production de nouvelles idées, mais il est plus lent pour adopter les nouvelles technologies à l’échelle des entreprises. Le Canada se classe au cinquième rang de l’OCDE en matière de recherche et de développement dans les universités, et seulement au 22e rang en ce qui concerne ces mêmes investissements dans les entreprises.
Apparemment, le problème n’est pas lié à une pénurie de capitaux. Le marché canadien du capital-risque est beaucoup plus petit que celui des États-Unis, mais il est le deuxième en importance dans le G7.
Il serait important d’améliorer le cadre concurrentiel général et la prévisibilité de l’environnement politique. Selon l’OCDE, le Canada se classe relativement bien en ce qui concerne les subventions à la R-D pour les petites et moyennes entreprises, mais beaucoup moins bien pour les grandes entreprises. Cela dit, les incitatifs fiscaux en faveur de la R-D ne peuvent fonctionner que dans un environnement politique prévisible, et les projets se déroulent souvent sur de longs horizons temporels. Par conséquent, l’amélioration de l’efficience et de la prévisibilité du système canadien d’approbation des projets et la simplification du régime fiscal profiteraient à ces investissements.
L’OCDE a également constaté que les régimes de faillite moins sévères à l’égard des débiteurs peuvent stimuler les investissements et la croissance de la productivité. Le Canada se classe bien selon les mesures de la production d’idées et des occasions perçues, mais les entrepreneurs ont une grande peur de l’échec.
Le Canada est particulièrement bien placé pour tirer parti de la transition mondiale vers une économie plus axée sur les services. L’automatisation réduit la part de la main-d’œuvre nécessaire pour produire des biens à l’échelle mondiale, ce qui implique que le secteur des services est en croissance.
La main-d’œuvre hautement qualifiée du Canada devrait bénéficier de cette transition – le pays a la proportion de diplômés universitaires et collégiaux la plus élevée du G7. Certains des freins naturels à la croissance de la productivité dans la production de biens, comme la dispersion géographique de la population, sont moins problématiques dans le secteur des services où des produits d’une valeur plus élevée peuvent être échangés par voie électronique tout autour du monde et presque instantanément.
En effet, la taille et les effets d’échelle représentent depuis longtemps des défis pour une population canadienne dispersée, avec une plus grande proportion d’entreprises plus petites et moins productives qu’aux États-Unis. Ces défis sont toutefois moins prononcés dans le secteur des services où les niveaux de productivité sont moins liés à la taille des entreprises. Le secteur des services professionnels a connu l’une des croissances les plus rapides des dernières années. Il s’agit d’un secteur productif à salaires élevés, qui repose davantage sur le capital humain que sur les investissements en machines et équipements, et qui est moins dépendant des économies d’échelle. En 2019, l’entreprise moyenne de services professionnels comptait 6 travailleurs au Canada comparativement à 29 dans le secteur manufacturier.
Au Canada, le défi consiste depuis longtemps à convertir le niveau d’éducation en revenus accrus. Nous soutenons depuis longtemps que le fait d’accorder une plus grande importance aux compétences qu’aux diplômes, de mettre l’accent sur l’élaboration du plan de carrière dans les programmes de la maternelle à la 12e année, et de mieux utiliser l’apprentissage intégré au travail (programmes coopératifs et stages) aiderait à mettre en phase le perfectionnement des compétences avec les besoins actuels et futurs du marché du travail.
Élimination des barrières au commerce interprovincial et réduction des lourdeurs administratives
La suppression des barrières commerciales à l’intérieur du Canada ne passe pas forcément par un allègement des normes. Cela implique d’améliorer la cohérence entre les règles des territoires, afin d’accroître la rapidité et la prévisibilité des approbations de projets et de réduire les coûts potentiels pour les entreprises envisageant de nouveaux investissements au Canada. Dans bon nombre de nos conversations avec les entreprises, le caractère imprévisible des approbations de projets ressort comme un problème qui augmente les coûts au Canada par rapport à d’autres régions comme les États-Unis.
Des tentatives ont été faites au fil des décennies pour harmoniser le cadre réglementaire dans l’ensemble des provinces. La dernière initiative en date a été l’Accord de libre-échange canadien de 2017. Mais les progrès sont lents, pénalisés par de longues listes d’exceptions au libre-échange entre les provinces. Tous les défis ne sont pas interprovinciaux. Les exigences, les règlements et les délais d’approbation des projets varient également d’un gouvernement municipal à l’autre.
D’autres pays ayant supprimé leurs barrières au commerce intérieur ont réussi à accroître leur productivité.
L’Australie, qui était aussi aux prises avec des barrières au commerce intérieur, a réussi à les éliminer dans les années 1990. Parmi les autres facteurs en jeu en Australie, il y a eu l’émergence de la Chine en tant que grande puissance économique mondiale. En résultat, les niveaux de productivité de l’Australie sont passés de 8 % sous ceux du Canada au début des années 1990 à 8 % au-dessus avant la pandémie.
Meilleure utilisation des compétences des immigrants
Dans la décennie à venir, la croissance de la population et de la main-d’œuvre sera essentiellement attribuable à l’immigration. Or, le Canada a une piètre feuille de route en ce qui concerne l’utilisation des compétences des nouveaux arrivants. Le Canada se classe en tête du G7 pour ce qui est d’attirer les immigrants, et les nouveaux arrivants sont maintenant le moteur de la croissance démographique.
Ces immigrants sont généralement mieux formés et plus jeunes que la main-d’œuvre nationale, et il est plus probable qu’ils se spécialiseront dans des domaines liés aux STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), comparativement à leurs homologues natifs du Canada. Par ailleurs, ils sont aussi plus susceptibles de travailler dans des emplois où leurs compétences ne sont pas pleinement exploitées.
Le Canada a mieux réussi à utiliser les compétences des nouveaux arrivants dans le groupe des étudiants étrangers choisissant de rester au Canada. La sous-utilisation des compétences des immigrants sur le marché du travail par rapport à la population née au Canada disparaît en grande partie chez les immigrants ayant étudié au Canada. Toutefois, la reconnaissance des qualifications de professionnels formés à l’étranger dans des domaines comme les soins de santé augmenterait la productivité et les revenus de ces travailleurs, tout en aidant à résoudre le problème chronique de la pénurie de ces travailleurs sur le marché du travail.
Se concentrer à nouveau sur la compétitivité fiscale
Le taux d’imposition effectif appliqué à l’économie canadienne ne semble pas poser de problème. Parmi les 17 économies de l’OCDE dont la productivité surpasse celle du Canada, 13 ont des taux d’imposition globaux plus élevés (en comptant tous les impôts, c’est-à-dire les impôts des sociétés et des particuliers).
Mais la manière dont les recettes fiscales sont perçues entre aussi en ligne de compte. Par rapport aux économies plus productives, le Canada perçoit davantage d’impôt sur le revenu et moins de taxes sur la consommation comme la TPS/TVH. Les taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises (y compris les impôts sur les dividendes) sont également élevés.
Par ailleurs, le régime fiscal est exagérément complexe, avec de longues listes d’exceptions, de déductions, de crédits, etc. Ces dispositions augmentent le coût de la conformité, souvent sans résultat apparent pour ce qui est de l’équité fiscale dans la distribution des revenus. Les responsables politiques devraient faire en sorte que les règles fiscales soient plus compréhensibles, afin d’encourager la conformité, en particulier pour les personnes qui ont le plus besoin des avantages visés, c’est-à-dire les nouvelles entreprises et les ménages à faible revenu. Le gouvernement devrait aussi offrir une assistance disponible et accessible à tous, par le biais de la numérisation, pour remplir les déclarations et rassembler les documents requis.
Une meilleure harmonisation des règles fiscales, des assiettes fiscales et des définitions entre le gouvernement fédéral et les provinces pourrait également accroître l’efficacité. Le Canada pourrait aussi envisager la création d’un organisme ou d’un mécanisme indépendant et impartial, responsable de réviser les politiques fiscales et de réduire leur complexité. Le dernier examen approfondi du régime fiscal canadien remonte à 1967.
Investissement dans les nouvelles technologies
Des investissements « plus intelligents », par exemple dans l’IA, peuvent contribuer à améliorer la productivité. Cependant, le taux d’adoption des nouvelles technologies est assez faible au Canada. De plus, les technologies innovatrices ne se traduisent pas toujours par des gains de productivité. Par exemple, les gains de productivité ont été plus lents pendant les décennies suivant l’adoption généralisée de l’Internet que dans les années 1990. Toutefois, le fait de prendre du retard par rapport aux tendances émergentes peut avoir des conséquences importantes, et les investissements des entreprises canadiennes dans les nouvelles technologies sont insuffisants.
Le Canada est un chef de file dans la production de nouvelles idées, mais il est plus lent pour adopter les nouvelles technologies à l’échelle des entreprises. Le Canada se classe au cinquième rang de l’OCDE en matière de recherche et de développement dans les universités, et seulement au 22e rang en ce qui concerne ces mêmes investissements dans les entreprises.
Apparemment, le problème n’est pas lié à une pénurie de capitaux. Le marché canadien du capital-risque est beaucoup plus petit que celui des États-Unis, mais il est le deuxième en importance dans le G7.
Il serait important d’améliorer le cadre concurrentiel général et la prévisibilité de l’environnement politique. Selon l’OCDE, le Canada se classe relativement bien en ce qui concerne les subventions à la R-D pour les petites et moyennes entreprises, mais beaucoup moins bien pour les grandes entreprises. Cela dit, les incitatifs fiscaux en faveur de la R-D ne peuvent fonctionner que dans un environnement politique prévisible, et les projets se déroulent souvent sur de longs horizons temporels. Par conséquent, l’amélioration de l’efficience et de la prévisibilité du système canadien d’approbation des projets et la simplification du régime fiscal profiteraient à ces investissements.
L’OCDE a également constaté que les régimes de faillite moins sévères à l’égard des débiteurs peuvent stimuler les investissements et la croissance de la productivité. Le Canada se classe bien selon les mesures de la production d’idées et des occasions perçues, mais les entrepreneurs ont une grande peur de l’échec.
Miser sur les forces du Canada
Le Canada est particulièrement bien placé pour tirer parti de la transition mondiale vers une économie plus axée sur les services. L’automatisation réduit la part de la main-d’œuvre nécessaire pour produire des biens à l’échelle mondiale, ce qui implique que le secteur des services est en croissance.
La main-d’œuvre hautement qualifiée du Canada devrait bénéficier de cette transition – le pays a la proportion de diplômés universitaires et collégiaux la plus élevée du G7. Certains des freins naturels à la croissance de la productivité dans la production de biens, comme la dispersion géographique de la population, sont moins problématiques dans le secteur des services où des produits d’une valeur plus élevée peuvent être échangés par voie électronique tout autour du monde et presque instantanément.
En effet, la taille et les effets d’échelle représentent depuis longtemps des défis pour une population canadienne dispersée, avec une plus grande proportion d’entreprises plus petites et moins productives qu’aux États-Unis. Ces défis sont toutefois moins prononcés dans le secteur des services où les niveaux de productivité sont moins liés à la taille des entreprises. Le secteur des services professionnels a connu l’une des croissances les plus rapides des dernières années. Il s’agit d’un secteur productif à salaires élevés, qui repose davantage sur le capital humain que sur les investissements en machines et équipements, et qui est moins dépendant des économies d’échelle. En 2019, l’entreprise moyenne de services professionnels comptait 6 travailleurs au Canada comparativement à 29 dans le secteur manufacturier.
Au Canada, le défi consiste depuis longtemps à convertir le niveau d’éducation en revenus accrus. Nous soutenons depuis longtemps que le fait d’accorder une plus grande importance aux compétences qu’aux diplômes, de mettre l’accent sur l’élaboration du plan de carrière dans les programmes de la maternelle à la 12e année, et de mieux utiliser l’apprentissage intégré au travail (programmes coopératifs et stages) aiderait à mettre en phase le perfectionnement des compétences avec les besoins actuels et futurs du marché du travail.
La productivité ne s’améliorera pas toute seule
Les problèmes de productivité du Canada pourraient prendre des années, voire des décennies, pour se résorber. Mais si aucune mesure n’est prise pour expliquer pourquoi les personnes travaillent plus et produisent moins, ce qui se traduit par des salaires moins élevés, alors le mécontentement croissant des travailleurs et des entreprises pourrait faire reculer l’économie à un niveau encore plus bas qu’aujourd’hui.
La flambée du coût de la vie a fait ressortir les écarts de productivité, car les salaires plus bas prennent une importance particulière dans la crise de l’accessibilité. Le défi pour le Canada est de savoir comment l’économie peut renverser des décennies d’investissement insuffisant de la part des entreprises et de retard dans l’adoption des nouvelles technologies, tout en éliminant les complexités de la réglementation et de la fiscalité. Il faudrait aussi déterminer les outils et les mesures nécessaires pour que la main-d’œuvre hautement qualifiée utilise pleinement ses compétences.
Les importants gains de productivité observés dans le secteur agricole au cours du dernier siècle montrent que le Canada a la capacité de renverser la situation, aussi perturbantes que soient les solutions. Les gouvernements, les entreprises et les groupes sectoriels ont un rôle à jouer pour mettre en œuvre et soutenir la transition vers une plus grande efficacité. Après tout, si nous n’améliorons pas la productivité au Canada, le niveau de vie ne s’améliorera pas.
Lecture connexe
Pour en savoir plus, allez à rbc.com/climat.
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Contributors:
Nathan Janzen, Directeur principal, Recherche économique
Rajeshni Naidu-Ghelani, Rédacteur en chef
Aidan Smith-Edgell, Chargé de recherches associé
Darren Chow, Directeur général, Contenu stratégique, création et production
Caprice Biasoni, Graphic Design Specialist
- Droits de douane fédéraux perçus sur la valeur totale des marchandises importées au Canada
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.