Le président américain Donald Trump a finalement donné le coup de grâce au secteur automobile en imposant des droits de douane sur les importations d’automobiles et de pièces, bouleversant l’industrie automobile mondiale et menaçant de dommages économiques les principaux fournisseurs du marché américain. La taxe générale de 25 % imposée par les États-Unis a dominé les manchettes, mais, comme nous le verrons, un examen détaillé des droits de douane sera nécessaire pour en connaître les véritables coûts. Au moment où des pays comme le Canada, l’Allemagne et le Japon sont secoués par ces annonces, l’industrie est confrontée aux questions suivantes :

1. Comment les droits de douane seront-ils appliqués ?

  • L’annonce donne peu de détails en ce qui concerne les automobiles et les pièces automobiles visées. Les moteurs et les pièces de moteur, les pièces de transmission et du groupe motopropulseur, ainsi que les composants électroniques ont été montrés du doigt lors d’une enquête menée en 2019 sur les répercussions des importations d’automobiles sur la sécurité nationale des États-Unis.
  • Mais cette fois-ci, l’industrie reste plongée dans l’incertitude quant à l’étendue de l’applicabilité des droits de douane. L’annonce permet également au secrétaire américain au Commerce et aux producteurs nationaux d’automobiles ou de pièces automobiles de demander que les pièces qui ne sont pas déjà visées par des droits de douane le soient à l’avenir.
  • En 2024, les États-Unis ont importé pour 83 milliards de dollars américains de pièces et d’accessoires automobiles (excluant les moteurs) ; 41 % d’entre eux (35 G$ US) provenaient du Mexique et 13 % (11 G$ US), du Canada.

2. Comment les droits de douane seront-ils mis en œuvre et comment la conformité sera-t-elle déterminée ?

  • Le coût réel des droits de douane dépendra de la quantité de contenu d’origine américaine que contiendront les véhicules importés, mais les détails restent flous.
  • Selon le décret présidentiel, un droit de douane de 25 % s’appliquera à la valeur du contenu non américain des véhicules importés. Toutefois, les discussions entre les États-Unis et le Canada portent à croire que les importations d’automobiles conformes à l’AEUMC et contenant au moins 50 % de produits américains pourraient être exemptées. Les véhicules dont le contenu en produits américains est inférieur à 50 % seront frappés de droits de douane de 12,5 %.
  • En ce qui concerne les pièces automobiles, des droits de douane de 25 % s’appliqueront à la valeur du contenu non américain, selon un processus déterminé par la U.S. Customs and Border Protection et le secrétaire au Commerce des États-Unis. Ces droits de douane devraient entrer en vigueur d’ici au 3 mai.

3. Quelle sera l’incidence sur les chaînes logistiques ?

    • Le codéveloppement des industries automobiles américaine, canadienne et mexicaine a permis d’accroître l’efficacité de la production et la croissance du marché sur l’ensemble du continent, depuis l’Accord canado-américain sur les produits de l’industrie automobile de 1965 (aussi connu sous le nom de Pacte de l’automobile), jusqu’à l’intégration du Mexique dans le cadre de l’ALENA en 1994, et la renégociation plus récente des valeurs de contenu régional en vertu de l’AEUMC.
    • Au cours des trois dernières décennies, le Mexique a constamment augmenté sa part de la production de véhicules de tourisme en Amérique du Nord par rapport aux États-Unis, celle-ci passant de 10 % avant l’ALENA en 1991 à 30 % de la production de véhicules de tourisme sur le continent en 2023. Au cours de la même période, la part des États-Unis dans la production de véhicules de tourisme a chuté, passant de 75 % à 58 %. En 2008, la part de production du Mexique a dépassé celle du Canada pour l’ensemble du continent.
    • Bien que la part du Canada dans la production de véhicules de tourisme soit passée de 15 % en 1991 à un sommet d’environ 22 % en 2005, elle avait fléchi à 12 % en 2023.

  • Une tendance similaire est apparue dans le segment des pièces de véhicules automobiles. Le Mexique, qui représentait 9 % des importations américaines en 1990, est passé à 41 % des importations de pièces automobiles en 2024, tandis que la part du Canada, qui avait atteint un sommet de 36 % en 1990, a diminué pour s’établir à 13 % en 2024.
  • Selon les données sur l’origine géographique des composants de 315 modèles de voitures offerts au public américain entre 2021 et 2025, les pièces automobiles américaines et canadiennes représentent ensemble jusqu’à 77 % de la valeur totale de certains modèles, tandis que les pièces d’origine mexicaine atteignent jusqu’à 80 % de la valeur d’autres modèles.
  • Un tel niveau d’intégration signifie que les perturbations des chaînes logistiques automobiles imputables aux droits de douane risquent fort de se répercuter dans l’industrie, d’augmenter les coûts et d’exercer des pressions sur les constructeurs, les distributeurs et les consommateurs de toutes les régions.

4. Quelle est la marche à suivre ?

  • La nature précise de l’applicabilité, de la conformité et de l’application des droits de douane reste largement incertaine, de sorte que les fabricants disposent de peu d’options claires en ce qui a trait à la marche à suivre.
  • Ce qui est sûr, c’est que les répercussions se feront sentir des deux côtés de la frontière. En effet, 35 districts américains répartis dans 26 États ont importé des pièces automobiles du Canada en 2024, et le secteur automobile du sud de l’Ontario figurera parmi ceux qui seront les plus durement touchés.
  • L’ampleur des droits de douane de réciprocité déterminera les charges supplémentaires qui pèseront sur les constructeurs automobiles et les fabricants de pièces. La réponse du Canada aux droits de douane américains sur les automobiles déterminera aussi l’avenir des seuils d’exemption des droits de douane fondés sur les valeurs de contenu régional.

Vivan Sorab est premier directeur, Technologie propre, Institut d’action climatique RBC

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