Il y a cinq ans, le New York Times déclarait 2012 l'année des cours en ligne ouverts à tous (CLOT). La formation sur le Web avait la cote, contrairement à celle offerte sur les campus.
Certaines révolutions sont néanmoins annoncées de façon trop hâtive.
La multiplication des CLOT (en anglais, Massive Open Online Courses, ou MOOC) semblait à l’époque sonner le glas de l’enseignement traditionnel. Pourtant, ce type de formation a peiné à s’installer après ses balbutiements, tandis que la demande pour les collèges et universités n’a jamais été aussi grande.
Maintenant accoutumés à l’idée du caractère prolongé de l’innovation en matière de formation, les pédagogues découvrent que la technologie et l’enseignement vont de pair. Aux États-Unis, les fournisseurs de CLOT, dont Coursera et Udacity sont les fers de lance, se tournent vers des services payants, resserrent leurs normes et améliorent leurs liens avec les établissements d’enseignement reconnus. De leur côté, les établissements postsecondaires offrent maintenant aux étudiants et aux enseignants de puissants outils technologiques pour personnaliser et accélérer l’apprentissage, et amasser suffisamment de données pour faire avancer l’éducation à plus grands pas encore.
La dernière séance #LesInnovateursRBC présente John Baker, pionnier des technologies de l’éducation, et Rhonda Lenton, rectrice de l’Université York. On leur a demandé si le modèle d’enseignement postsecondaire actuel est dépassé. Leur réponse : sous certains aspects, oui, mais il peut être modernisé.
M. Baker, directeur général et fondateur de la plateforme d’apprentissage numérique D2L, est convaincu que de nouvelles méthodes d’enseignement pourraient améliorer radicalement le modèle actuel. Mme Lenton, à la tête de l’Université York depuis cet été, ne qualifie pas le modèle actuel d’obsolète, mais estime qu’il doit évoluer. La transition a selon elle déjà commencé.
« On assiste à des ajustements, mais pas encore à des changements fondamentaux », précise-t-elle.
Voici certains enjeux auxquels ils s’attellent.
Quand la technologie se substitue à l’enseignant
Comme dans presque tous les secteurs, la technologie est de plus en plus présente dans les salles de classe, offrant de meilleurs moyens de capter l’intérêt des étudiants et de faciliter l’apprentissage.
M. Baker souligne qu’il est très difficile pour un enseignant à l’avant de la classe de s’ajuster aux besoins individuels (adaptation des leçons, commentaires en temps réel, etc.).
Celui qui a fondé la plateforme D2L pendant sa troisième année d’études à l’Université de Waterloo note également que la technologie rend l’apprentissage accessible aux personnes aveugles, sourdes ou ayant une déficience visuelle, leur permettant même de suivre le rythme de leurs collègues de classe. La technologie permet également de reconnaître très tôt les signes annonciateurs d’abandon par un étudiant, et d’effectuer une intervention personnalisée grâce à l’intelligence artificielle.
L’expérience source d’apprentissage
Mme Lenton souligne que le terme « éducation expérientielle » ne doit pas être défini de façon trop étroite. Ce mode d’enseignement suppose un partenariat nouveau genre entre les établissements d’enseignement et les autres secteurs, y compris le secteur public et les organismes sans but lucratif.
« L’université n’est plus une tour d’ivoire », soutient-elle. Selon elle, la collaboration entre les établissements et les autres secteurs pour façonner les programmes d’enseignement sera de plus en plus fluide.
« En fait, l’Université York s’est engagée à intégrer un volet d’éducation expérientielle à chacun ses programmes d’ici cinq ans », précise-t-elle.
Pédagogie inversée
Selon cette méthode pédagogique, le temps de classe n’est plus exclusivement consacré à la présentation de contenu par un enseignant. Les étudiants accèdent à la documentation en ligne et se retrouvent lors des cours pour travailler en équipes et appliquer leurs nouvelles connaissances. Cela signifie moins de cours magistraux et plus de collaboration.
Le temps étant notre ressource la plus précieuse, M. Baker estime que cette approche, qui accorde moins de place à la théorie en classe, représente une énorme amélioration par rapport au modèle traditionnel.
Les campus de demain
Les deux intervenants s’entendent sur le fait que l’existence d’un espace physique sera toujours importante pour l’expérience d’apprentissage.
« Les étudiants tiennent à avoir l’occasion de travailler ensemble en personne », précise Mme Lenton.
De son côté, M. Baker prévoit que, d’ici cinq ans, la moitié de l’enseignement sera donné en ligne et que les universités pourront accueillir de nouveaux étudiants par milliers sans devoir construire d’édifices. « C’est une occasion de croissance pour les universités », soutient-il.
L’importance de l’éducation
Issue d’une famille de cinq enfants dont les parents n’avaient pas de formation postsecondaire, Mme Lenton a toujours su que l’accès à l’enseignement supérieur est une chance unique de se frotter au monde de la recherche et de réaliser son plein potentiel.
« Les diplômés universitaires tirent très bien leur épingle du jeu », rappelle-t-elle, soulignant que 91 % d’entre eux se trouvent un emploi dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme et que 86 % des étudiants ont un travail lié à leur choix de carrière.
En ce qui concerne le revenu, Mme Lenton ajoute que les diplômés universitaires gagneront au cours de leur vie environ 1 million de dollars de plus que leurs collègues ayant une formation collégiale et environ 1,5 million de dollars de plus que les diplômés du secondaire.
L’accent sur les compétences
M. Baker est convaincu que l’adoption d’un modèle d’apprentissage fondé sur les résultats serait le changement le plus prometteur dans le monde de l’éducation. Il s’agirait de cesser de mesurer le temps passé en classe et d’abandonner les évaluations basées sur des critères de réussite ou d’échec au profit d’un modèle mettant beaucoup plus l’accent sur les compétences.
« Pour se présenter, les diplômés ne mentionneraient plus les cours suivis dans le cadre de tel ou tel programme, mais mettraient de l’avant leurs aptitudes, leur pensée critique, leurs compétences en recherche et leur portfolio. C’est de cette façon qu’ils seront appelés à se faire valoir plus tard dans leur vie. »
Mme Lenton ajoute que la raison d’être des universités est de fournir aux étudiants des compétences transférables qui leur permettront de s’adapter à des carrières en constante évolution.
Des bouleversements opportuns
« Bouleverser les règles n’est pas du tout négatif. Au contraire, cela ouvre des possibilités », ajoute Mme Lenton.
M. Baker abonde : « Le chambardement de l’ordre établi est parfois éprouvant, mais représente probablement une chance inouïe pour les établissements d’enseignement. Accueillir cette transformation est à mon sens la meilleure des occasions à saisir. »
John Stackhouse est un auteur à succès et l’un des grands spécialistes en matière d’innovation et de perturbations économiques au Canada. À titre de premier vice-président, Bureau du chef de la direction, il dirige la recherche et exerce un leadership avisé concernant les changements économiques, technologiques et sociaux. Auparavant, il a été rédacteur en chef du Globe and Mail et éditeur du cahier « Report on Business. » Il est agrégé supérieur de l’institut C.D. Howe et de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto, en plus de siéger aux conseils d’administration de l’Université Queen’s, de la Fondation Aga Khan Canada et de la Literary Review of Canada. Dans son dernier livre, « Planet Canada: How Our Expats Are Shaping the Future », il aborde la ressource inexploitée que représentent les millions de Canadiens qui ne vivent pas ici, mais qui exercent leur influence depuis l’étranger.
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