L’accessibilité à la propriété atteint des niveaux inquiétants - Mars 2022

  • Les coûts d’accession à la propriété explosent en raison de la frénésie du marché: la mesure globale d’accessibilité à la propriété au Canada de RBC a enregistré son pire niveau en 31 ans au quatrième trimestre de 2021. Elle a augmenté de 1,6 % pour atteindre 49,4 %. Au cours de la dernière année, elle a grimpé de 7,2 %. Seule l’année 1990 a été marquée par une hausse supérieure à celle-ci.
  • Toronto, Vancouver et Victoria sont les plus touchées: la flambée des prix nuit gravement à l’accessibilité dans ces marchés, de même que dans d’autres régions du sud de l’Ontario. La tendance baissière est toutefois généralisée : la mesure de RBC a augmenté au cours des douze derniers mois dans tous les marchés que nous suivons.
  • La situation n’est pas aussi critique dans les Prairies et d’autres marchés de la côte Est: les coûts d’accession à la propriété semblent encore supportables pour l’instant dans ces régions, sauf à Halifax, qui est une exception émergente.
  • Des perspectives plutôt sombres en matière d’accessibilité: la montée fulgurante des prix au début de l’année 2022 rend désormais l’achat d’une propriété impossible pour de nombreuses personnes. De plus, comme la Banque du Canada est sur le point de relever considérablement les taux d’intérêt (nous prévoyons une hausse d’au moins 150 points de base d’ici un an), les coûts d’accession à la propriété devraient continuer de grimper. Les pires niveaux d’accessibilité jamais enregistrés pourraient être atteints. Les acheteurs se retrouveront ainsi dans une situation précaire.


Des prix déconnectés de la réalité des acheteurs dans bien des régions

Les prix ont monté en flèche partout au Canada pendant la pandémie. La valeur des propriétés a progressé de plus de 30 % à l’échelle nationale, et beaucoup plus dans plusieurs marchés. Des raisons valables peuvent expliquer cette hausse : l’évolution des besoins en matière d’habitation et la faiblesse historique des taux d’intérêt ont fait exploser la demande, tandis que les obstacles réglementaires et administratifs ont grandement freiné l’offre. Le marché s’en est retrouvé complètement déséquilibré. La participation accrue des investisseurs n’a fait qu’attiser la frénésie d’achat, creusant davantage le fossé entre l’offre et la demande. Il n’en reste pas moins que la hausse des prix a largement dépassé ce que les données fondamentales solides laissaient entendre dans bon nombre de régions au pays. Au quatrième trimestre de 2021, le prix global au Canada était 17 % supérieur à ce qu’il aurait été si les Canadiens avaient consacré la même proportion de leurs revenus aux coûts de propriété (mesure d’accessibilité à la propriété de RBC) qu’avant la pandémie. Autrement dit, ceux-ci ont payé leur propriété 17 % de plus que sa valeur marchande à la fin de 2019, laquelle était déjà très élevée. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé à Halifax (26 %), à Ottawa (24 %) et à Toronto (22 %), et légèrement plus bas, quoique tout de même considérable, à Vancouver (16,7 %), à Montréal (15 %) et à Victoria (13 %). Les prix étant déconnectés de la réalité des acheteurs, les niveaux d’accessibilité s’écartent grandement des normes historiques. Tant que les conditions entre l’offre et la demande demeureront hypertendues et que le marché se montrera optimiste, les évaluations devraient rester élevées. Nous pensons qu’un relèvement considérable (et rapide) des taux d’intérêt entraînera des changements importants, comme un ralentissement de la demande, une atténuation des déséquilibres et possiblement une modération des attentes.

Une plus grande sensibilité aux taux d’intérêt accentuera le stress

Les acheteurs canadiens sont beaucoup plus sensibles aux variations des taux d’intérêt qu’ils ne l’étaient il y a dix ou quinze ans, car, de nos jours, la flambée des prix se traduit par des versements hypothécaires considérablement plus élevés. Pour une maison standard au Canada (d’une valeur de 775 000 $), une hausse de 1 % des taux d’intérêt ferait grimper les versements mensuels de 315 $, soit environ deux fois plus qu’il y a dix ans. Une telle hausse a aujourd’hui un effet environ 66 % plus fort sur le revenu des ménages. Toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de 150 points de base des taux, ce que nous prévoyons pour la Banque du Canada, ferait grimper la mesure composite d’accessibilité au Canada de RBC de 7 % (une hausse dénote une détérioration de l’accessibilité). Bien que la croissance des revenus pourrait atténuer en partie les effets, il est fort possible que la mesure de RBC atteigne des niveaux record au cours de la prochaine année. Un tel bouleversement soumettrait les acheteurs à un stress énorme et exercerait une pression à la baisse considérable sur la demande.

Vancouver, Toronto et Victoria sont plus sensibles aux hausses de taux

Tous les acheteurs au pays souffriront de la hausse de taux, en particulier ceux des marchés les plus chers. Les fluctuations des taux d’intérêt se ressentent plus fortement sur les versements hypothécaires des habitants de Vancouver, de Toronto et de Victoria, où les prêts hypothécaires sont nettement supérieurs à la moyenne nationale. La mesure globale d’accessibilité de RBC pourrait facilement atteindre de nouveaux sommets dans ces trois villes. Les acheteurs à Montréal, à Ottawa et, à un degré un peu moins élevé, à Halifax sont également en proie à une nouvelle dégradation importante de l’accessibilité. En revanche, la majeure partie du Canada atlantique et des Prairies est relativement moins sensible aux hausses. La pression à la baisse sur la demande y sera donc moins forte.

Mécanismes d’adaptation existants

Nous nous attendons à ce que de nombreux acheteurs modifient leurs préférences pour ne pas mettre une croix sur leur rêve d’accession à la propriété dans un contexte de hausse des taux. Certains choisiront une demeure plus modeste ou d’un type différent (par exemple, un appartement en copropriété plutôt qu’une maison unifamiliale), se tourneront vers des quartiers, des villes ou des provinces plus abordables ou opteront pour un type de prêt hypothécaire dont le taux est plus faible (variable plutôt que fixe) ou une période d’amortissement plus longue. D’autres mettront en location une partie de leur propriété pour générer un revenu supplémentaire, envisageront d’acquérir une demeure en copropriété ou tout autre mode d’accession à la propriété, ou bien demanderont à leurs parents un petit cadeau (ou gros cadeau !) en vue d’effectuer une mise de fonds. Ces mécanismes d’adaptation atténueront l’incidence de la hausse des taux sur la demande. Enfin, comme le Canada a décidé d’augmenter davantage ses objectifs d’immigration pour les trois prochaines années, la forte croissance du nombre de nouveaux arrivants pourrait également amortir les effets à un certain degré.

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Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

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