Perspectives Macroéconomiques

Les perspectives de l’économie mondiale se sont améliorées au cours du dernier trimestre : d’une part, les gouvernements ont accru leurs mesures de soutien et, d’autre part, le nombre de personnes vaccinées a augmenté, permettant à certains pays d’alléger leurs restrictions. Grâce au recul des cas de COVID-19 et à l’expansion de la couverture vaccinale, l’économie des États-Unis est repartie plus tôt et de façon plus globale que celles d’autres pays industrialisés. La reprise a gagné de la vitesse, comme en témoigne le bond du PIB réel enregistré au premier et au deuxième trimestre de 2021. L’accroissement du soutien budgétaire et le redressement du marché de l’emploi ainsi que l’épargne substantielle des ménages alimenteront une croissance solide au second semestre de l’année. Résultat : au lieu de craindre que la reprise ne soit pas assez vigoureuse, on redoute maintenant qu’elle attise les pressions inflationnistes longtemps mises en veilleuse. L’audacieux plan de dépenses de l’administration Biden stimulera non seulement la croissance, mais aussi la demande, si bien que le Canada et les autres partenaires commerciaux des États-Unis pourraient sortir de la pandémie en position de force.

Les décideurs reconduisent leurs mesures de soutien

Les banques centrales et les gouvernements entendent prolonger leur appui jusqu’au retour à la normale. Les hausses de taux d’intérêt ne sont pas à l’ordre du jour en 2021. Si les banques centrales interviennent, ce sera sans doute uniquement pour ajuster certains programmes mis en place à titre exceptionnel. La Banque du Canada a ouvert le bal en réduisant son programme d’assouplissement quantitatif, mais nous sommes d’avis que la Réserve fédérale américaine (Fed) lui emboîtera le pas dans le courant de l’année. Nous prévoyons que ces deux institutions augmenteront leur taux directeur de 50 points de base en 2022. De leur côté, la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne devraient laisser les taux inchangés jusqu’en 2023. À ce moment-là, les pertes engendrées par la COVID-19 seront effacées et les capacités excédentaires seront en voie d’être résorbées. Les banques centrales se montreront prudentes, surveillant de près tout ce qui pourrait miner la confiance ou déstabiliser les marchés financiers.

Les gouvernements maintiennent l’aide qu’ils ont déployée pour traverser la crise, en vue de soutenir la croissance et de favoriser le retour au plein emploi. Après le plan de 900 milliards de dollars annoncé en décembre 2020, le gouvernement américain a approuvé, à la fin du premier trimestre, des dépenses additionnelles de 1 900 milliards de dollars pour aider directement les ménages et les petites entreprises. L’administration Biden envisage aussi d’adopter un plan pour l’emploi, afin de financer des investissements en infrastructures. Dans son budget d’avril, le gouvernement du Canada a prolongé certains programmes d’aide spéciaux destinés aux travailleurs et aux entreprises ; il a aussi annoncé de nouvelles dépenses de plus de 100 milliards de dollars sur 3 ans. À court terme, ces mesures budgétaires dynamiseront les dépenses de consommation et rejailliront aussi sur les investissements quand la demande repartira.

La reprise suscite un optimisme croissant

La faiblesse des taux d’intérêt, les programmes d’aide gouvernementaux et les progrès rapides de la vaccination permettront de rouvrir les secteurs d’activité qui ont le plus souffert de la pandémie. Cela se traduira par une croissance robuste dans de nombreux pays développés. Selon nos prévisions, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni afficheront un gain de plus de 6 % en 2021, suivi d’une poussée non négligeable de 3 % à 5 % en 2022. Après avoir commencé l’année en douceur et rouvert plus tardivement, l’économie de la zone euro gagnera en vitesse pour enregistrer une hausse du GDP de 4.5 % en 2021 et de 3,6 % en 2022.



Un parcours qui ne se fera pas sans heurts

Les coups de main des décideurs permettront d’aplanir la plupart des difficultés pendant la reprise des activités, mais les séquelles de la pandémie ne disparaîtront pas de sitôt. Les perturbations des chaînes logistiques, la hausse des coûts du transport et les pénuries de matières premières risquent de freiner l’activité du secteur industriel et d’exercer des pressions haussières sur les prix. Par ailleurs, les consommateurs, qui ont amassé une épargne considérable, retournent progressivement au travail et seront disposés à acheter des services qui leur étaient inaccessibles pendant le confinement. Le fléchissement temporaire du secteur industriel se trouvera ainsi compensé, mais les tensions inflationnistes pourraient s’accentuer.

Dans de nombreux pays industrialisés, le taux d’inflation a fortement augmenté sur 12 mois en avril, notamment parce que les prix ont chuté au début de la pandémie. Cet « effet de base » devrait s’avérer temporaire, car les baisses démesurées des premiers temps de la crise n’entreront pas en compte dans le calcul de l’inflation pour l’année. Cela dit, les mesures sous-jacentes de l’inflation ont grimpé et les attentes inflationnistes du marché dépassent les niveaux prépandémiques. Comme certaines entreprises ont indiqué qu’elles augmenteraient leurs prix pour compenser les pertes liées à la pandémie et la hausse des coûts des intrants, il y a fort à parier que l’inflation restera plus élevée qu’avant la crise, même une fois l’effet de base éliminé.

Vers des jours meilleurs au Canada

Le dernier bond des cas de COVID-19 et le resserrement des mesures de confinement ont pesé lourd sur l’économie en avril et en mai. Après avoir inscrit une croissance solide de 5,6 % (taux annualisé) au premier trimestre, l’économie a ralenti en avril, tandis que la production a reculé pour la première fois en un an. Plusieurs provinces ont maintenu les restrictions sanitaires au mois de mai, ce qui a nui à l’activité. Cependant, les progrès de la vaccination et la réouverture de l’économie laissent entrevoir un rebond important à la fin du deuxième trimestre.

Au troisième trimestre, l’économie du Canada effacera facilement les pertes causées par la COVID-19 en avril et en mai. Grâce à l’expansion de la couverture vaccinale qui permettra une réouverture généralisée (et durable cette fois) pendant l’été, nous anticipons un emballement de l’économie au deuxième semestre. Les suppressions d’emplois au cours des mois d’avril et de mai se révéleront de courte durée, puisque les embauches reprendront quand les secteurs les plus malmenés seront en mesure de rouvrir. Soutenue par la reprise du marché de l’emploi, le niveau élevé de l’épargne et le maintien des prestations spéciales d’assurance-emploi, la consommation constituera un important moteur de croissance. Les achats de services, qui au début de 2021 étaient inférieurs de 12 % aux niveaux d’avant la pandémie, devraient augmenter de plus de 10 % durant les trois derniers trimestres de l’année.



Le marché du logement est en pleine effervescence

Le marché canadien du logement a commencé l’année 2021 en lion, les ventes fracassant record sur record de janvier à mars. Malgré un léger ralentissement en avril et en mai, l’activité est restée à un niveau historiquement élevé. Nous prévoyons que l’augmentation progressive des taux d’intérêt à long terme, la baisse de l’accessibilité à la propriété, un resserrement des tests de résistance hypothécaire et la réintégration dans les bureaux tempéreront l’activité au cours de 2021. La flambée des prix pourrait attirer davantage de vendeurs et corriger le déséquilibre exceptionnel qui caractérise le marché depuis des mois, de sorte que les prix augmenteraient moins rapidement pendant le reste de l’année.



Au vu de l’excellent début d’année, les reventes devraient augmenter de 16 % en 2021, mais le rythme mensuel diminuera pendant le reste de 2021 et en 2022, de sorte qu’elles chuteront de 21 % l’année prochaine. Du côté des prix, on table sur un gain de 13 % en 2021, suivi d’une progression plus modeste, de 3,3 %, en 2022.

Les entreprises aperçoivent la lumière au bout du tunnel

Alors que l’investissement résidentiel a eu le vent en poupe, les entreprises ont beaucoup moins dépensé au début de 2021 dans les bâtiments non résidentiels, les projets d’ingénierie et les biens d’équipement qu’avant la crise. Les investissements dans la technologie et le matériel de communications ont regagné tout le terrain perdu, mais les dépenses consacrées au matériel de transport ont chuté. Quarante pour cent des entreprises canadiennes ont indiqué qu’elles avaient l’intention d’accroître leurs investissements en cours d’année, mais elles attendront probablement d’être sûres que les réouvertures sont définitives avant de les réaliser en totalité.

La forte hausse de la demande de marchandises a profité aux exportateurs canadiens ; les volumes pour l’énergie et les produits alimentaires s’approchent des niveaux antérieurs à la pandémie, tandis que la hausse des prix a rejailli sur les revenus. Les exportations de biens ont réduit l’écart par rapport au niveau atteint fin 2019, mais celles de services y sont encore nettement inférieures. Le redémarrage rapide de l’économie et la forte demande de marchandises aux États-Unis sont de bon augure pour les exportations canadiennes de biens, qui poursuivront sur leur lancée. Par contre, les exportations de services commenceront à reprendre de la vigueur à l’ouverture des frontières internationales. Les importations ont elles aussi regagné une partie du terrain perdu pendant la pandémie, car le dynamisme du secteur manufacturier a stimulé les achats de matériel, comme les ordinateurs et les appareils électroniques. Comme les entreprises se heurtent à des capacités limitées et ont de plus en plus besoin d’automatiser leurs procédés, la demande de biens importés devrait s’accélérer.

Emplois et vaccins

Les entreprises prévoient accroître leurs dépenses en machines et en matériel, mais un nombre croissant d’entre elles comptent aussi embaucher du personnel. Au Canada, la reprise du marché de l’emploi masque des disparités importantes : les secteurs à fort contact clientèle ont réduit leur effectif, tandis que d’autres accroissent leur main-d’œuvre. Du côté des services professionnels, de la finance, de l’enseignement et des soins de santé, les emplois sont plus nombreux qu’avant la pandémie. En revanche, dans les secteurs de l’hôtellerie, des loisirs et du commerce de détail, les pertes sont considérables. Grâce à une campagne de vaccination énergique, les affichages de postes ont bondi de 20 % entre la mi-décembre et la fin mai, étant donné que les entreprises préparent le terrain en vue d’une réouverture durable. Il s’agit d’un signe encourageant pour ceux qui sont au chômage depuis longtemps, bien qu’une partie d’entre eux n’aient pas les compétences requises dans le marché actuel. Les entreprises indiquent que la pénurie de main-d’œuvre constitue l’un de leurs principaux défis.

La montée de l’inflation sera-t-elle temporaire ?

L’une des grandes questions que se posent les marchés financiers et les entreprises est de savoir si la forte hausse de l’inflation s’estompera une fois que les effets de base (chute des prix découlant de la pandémie il y a un an) se seront dissipés. En avril, le taux d’inflation globale s’est établi à 3,4 % au Canada, soit le pourcentage le plus élevé depuis près d’une décennie. Les tensions inflationnistes sous-jacentes se sont également accentuées, les prix de 54 % des biens et services faisant partie du panier de l’IPC ayant augmenté de plus de 2 %. Le taux d’inflation diminuera à mesure que certaines des distorsions transitoires s’estomperont. Toutefois, la baisse sera limitée par les contraintes pesant sur les chaînes logistiques, l’envolée des coûts des intrants et la hausse prévue de la demande des ménages après l’assouplissement des mesures visant à contenir la propagation du virus. Habituellement, lorsque les prévisions d’inflation révélées par le comportement des marchés et les sondages s’accroissent, les prix réels et les exigences salariales font de même. Même si nous ne croyons pas que la récente hausse des attentes dépassera de beaucoup l’objectif de 2 % de la Banque du Canada, nous avons relevé nos prévisions et entrevoyons un taux d’inflation globale de 2,6 % en moyenne au quatrième trimestre. La mesure de base qui exclut les prix des aliments et de l’énergie devrait atteindre ce niveau un an plus tard.



L’appréciation de la monnaie fait pression sur les prix des biens importés

La hausse de la demande de marchandises et l’élargissement de l’écart entre les taux d’intérêt à court terme au Canada et aux États-Unis ont contribué au raffermissement du dollar canadien par rapport à son homologue américain. À la mi-avril, le dollar canadien a franchi la barre des 80 cents US pour la première fois depuis le début de 2018, puis a continué de s’apprécier au point de valoir 83 cents US à la fin de mai. L’appréciation de la monnaie a entraîné une réduction des prix à l’importation des biens de consommation de 7 % depuis l’an dernier, ce qui apportera un certain répit sur le plan de l’inflation à court terme.



Nous nous attendons à ce que les récentes hausses des prix des marchandises se maintiennent, bien que le rythme de l’augmentation soit susceptible de ralentir. Les marchés prévoient que la Banque du Canada augmentera le taux directeur avant la Fed. Une telle intervention serait vraisemblablement favorable à la monnaie canadienne à court terme. Tout changement dans le calendrier des hausses de taux envisagées par la Réserve fédérale sera avantageux pour le dollar US comparativement au dollar canadien, dont la valeur devrait, selon les prévisions, reculer à 80 cents US d’ici la fin de l’année et à 77 cents US à la fin de 2022.


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