Perspectives Macroéconomiques

La progression du variant Delta et la lenteur de la vaccination dans de nombreux pays émergents ont semé de nouvelles embûches sur la voie de la reprise de l’économie mondiale. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre continuent de peser sur la capacité des fabricants à livrer les produits. Les fournisseurs de services ont du mal à trouver des travailleurs, et la propagation du virus menace de limiter la reprise dans le secteur de l’hôtellerie. Bien que ces contraintes risquent de freiner la croissance mondiale, l’effet combiné des mesures de relance des gouvernements, des faibles taux d’intérêt et de la vaccination d’une forte proportion de la population dans les pays développés devrait permettre à ces derniers de maintenir le cap pour le reste de 2021.

Le Fonds monétaire international (FMI) a mis à jour ses prévisions relatives à l’économie mondiale en juillet. Cependant, la recrudescence des infections qui a eu lieu par la suite vient assombrir les perspectives bonifiées concernant les économies avancées. On anticipait une augmentation de 6 % du PIB mondial en 2021, puis de 4,9 % en 2022.



Les États-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro ont affiché des gains impressionnants au deuxième trimestre de 2021. Le PIB des États-Unis a remonté à son niveau d’avant la pandémie, tandis qu’au Royaume-Uni et dans zone euro, il a rattrapé une partie du terrain perdu. Le Canada fait exception à la règle. Comme les confinements y ont été plus longs et étendus, le PIB y a reculé au deuxième trimestre, éloignant l’économie de sa position pré-COVID. L’avancée du variant Delta génère un certain risque de détérioration des perspectives à court terme. Toutefois, étant donné les taux élevés de vaccination au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro, nous nous attendons à ce que moins de restrictions soient mises en œuvre. L’impact sur l’économie devrait donc être beaucoup moins important que lors des vagues précédentes.



Pas de changement de cap

Les dépenses publiques considérables et les taux d’intérêt extraordinairement bas continueront de soutenir la reprise. Certaines mesures gouvernementales arrivent à échéance, et l’aide accordée aux chômeurs diminue progressivement. Dans l’ensemble, toutefois, la politique budgétaire demeure favorable. La politique monétaire reste aussi très accommodante. La Banque du Canada a été la première à réduire ses achats d’actifs et elle cessera probablement d’augmenter les avoirs figurant à son bilan d’ici la fin de l’exercice. Nous nous attendons à ce que la Fed emboîte le pas plus tard cette année. Cependant, aucune des deux banques centrales ne devrait relever son taux directeur avant la fin de 2022, ce qui limitera la hausse des taux par rapport aux creux récents.

Il est à supposer que la dépendance à l’égard des mesures de soutien diminuera au fil du redémarrage des économies. L’accroissement de la consommation de biens qui a alimenté la phase initiale de la reprise sera remplacé par la consommation de services, ainsi que l’augmentation des investissements des entreprises. En effet, sur fond de relance du commerce international, celles-ci reconstituent leur capacité et recommencent à exporter. À court terme, les goulets d’étranglement des chaînes logistiques et les pénuries de main-d’œuvre pourraient nuire à l’expansion et pousser les prix à la hausse. Au fur et à mesure que les entreprises augmenteront leur capacité et que les employés reviendront sur le marché du travail, ces obstacles à la croissance s’atténueront. De même, les pressions actuellement fortes sur les prix sont susceptibles de diminuer quand les effets temporaires associés à la pandémie et aux réouvertures s’estomperont. Cela dit, les taux d’inflation devraient rester supérieurs aux niveaux d’avant la COVID-19 pour le reste de l’année et en 2022.



L’économie canadienne ralentit

L’économie s’est contractée à un taux annualisé de 1 % au deuxième trimestre, les mesures de confinement strictes au début de la période ayant freiné les dépenses en matière de services et entraîné des suppressions d’emplois. Les pénuries ont affecté la disponibilité de certains produits et des détaillants ont été forcés de restreindre l’achalandage en magasin dans certaines régions du pays, ce qui a fait en sorte que les dépenses de consommation pour les biens ont chuté. Le refroidissement du marché immobilier a également joué un rôle, l’investissement résidentiel ayant décliné pour la première fois depuis un an. C’est néanmoins le recul marqué des exportations, principalement attribuable à la baisse des ventes d’automobiles et de pièces, qui a été le facteur le plus déterminant. À l’inverse, les dépenses des entreprises ont augmenté. Effectivement, les sociétés ont travaillé à accroître leur capacité en investissant dans la machinerie et l’équipement. Tout compte fait, au deuxième trimestre, le PIB s’est retrouvé 2 % en dessous de son niveau d’avant la crise.



Démarrage en douceur pour le troisième trimestre

Les premiers chiffres sur la production de juillet révèlent que l’économie a encore fléchi. Par contre, notre analyse laisse croire que cette faiblesse sera de courte durée. Selon nos données, les dépenses de consommation ont augmenté au début du troisième trimestre, le secteur de l’hôtellerie ayant connu une forte hausse à la suite de l’assouplissement des mesures de lutte contre le virus. Et même si l’activité dans le secteur des biens a été freinée par les perturbations importantes des chaînes d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre, les exportations de produits manufacturés ont progressé. Bien que le trimestre ait démarré mollement, nous prévoyons de fortes hausses en août et en septembre, compte tenu de l’atténuation des restrictions et de la réouverture des écoles. Un autre solide gain au quatrième trimestre se traduira par une croissance de l’économie canadienne de 5,1 % en 2021, ce qui est plus lent que nos prévisions précédentes. Nous avons relevé nos prévisions pour 2022 à 4,3 %.

Marché du travail : rétablissement en cours et aggravation des pénuries

Les emplois perdus pendant la vague printanière d’infections et de restrictions ont été entièrement récupérés en juin et en juillet. Une autre forte hausse en août a laissé le déficit lié à la pandémie à 156 000, ce qui signifie que 95 % des pertes ont été recouvrées. Les employeurs font face à un défi de taille pour recruter des travailleurs, avec un nombre record de 800 000 postes vacants à la fin de juin. Étant donné la réouverture presque complète du secteur des services et la hausse du taux de vaccination, un plus grand nombre de travailleurs devraient pourvoir des postes. Cependant, l’inadéquation des compétences et l’hésitation à réintégrer la population active en raison du variant Delta risquent d’allonger ce processus et pourraient, à court terme, forcer les entreprises à fonctionner à capacité réduite.



La propagation du virus pousse les consommateurs à conserver leur épargne

Ainsi, les ménages disposent d’un énorme pouvoir d’achat pour alimenter la reprise, mais comme le montrent les faibles résultats du deuxième trimestre, les craintes d’une nouvelle vague et la peur de sortir peuvent bloquer cet élan. Notre hypothèse de base est la suivante : les progrès en matière de vaccination limiteront l’incidence des vagues futures sur l’économie. Par conséquent, les dépenses des ménages pour les services devraient augmenter plus rapidement au cours du deuxième semestre de 2021 et en 2022.



Le marché immobilier en transition

Les reventes de maisons continuent de se rapprocher de la normale après avoir atteint des niveaux extrêmes, et manifestement non viables, plus tôt cette année. Un certain nombre de facteurs, dont les possibilités pour les ménages de dépenser pour d’autres biens et services au moment de la réouverture de l’économie, ont contribué à l’assouplissement de l’activité de vente au cours des derniers mois. Si la détérioration de l’accessibilité et le resserrement des paramètres du test de résistance hypothécaire ont aussi contribué à cet affaiblissement, c’est l’offre insuffisante qui est et continuera d’être le principal motif. Les nouvelles inscriptions ont chuté de plus de 20 % par rapport au point culminant de mars, ce qui a créé des conditions d’offre et de demande exceptionnellement serrées et une forte pression à la hausse sur les prix.

Nous prévoyons que la demande continuera de se refroidir, mais il faudra davantage d’offre pour rééquilibrer le marché et stabiliser les prix. À ce propos, il est probable que davantage de vendeurs émergeront à mesure que les perturbations liées à la pandémie se dissiperont et qu’une partie du nombre record d’unités en construction seront achevées. Même si nous prévoyons que les ventes baisseront de 20 % l’an prochain, la cadence demeurera au-dessus de la moyenne sur 10 ans et les prix, qui ont augmenté à un rythme supérieur à 10 % cette année, devraient progresser plus modestement en 2022.

L’optimisme des entreprises stimule l’investissement

À mesure que les taux de vaccination ont augmenté et que l’économie a redémarré, les entreprises ont gagné en confiance. Ainsi, l’indice de confiance de la Banque du Canada a atteint un sommet historique au deuxième trimestre. Plutôt que de s’inquiéter de la demande, les entreprises ont de plus en plus fait état de préoccupations concernant la disponibilité de la main-d’œuvre et des intrants. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, l’augmentation des coûts des intrants et la rareté des travailleurs les laissent incertaines quant à la capacité de répondre à la demande. Au deuxième trimestre, elles ont investi dans la machinerie et l’équipement et ont reconstitué les stocks qui avaient été réduits pendant les quatre trimestres précédents. On s’attend à ce que les entreprises continuent d’investir davantage dans la technologie, alors qu’elles se tournent vers l’augmentation de leur présence en ligne ou la gestion de leur main-d’œuvre.



Le raffermissement de la demande pourrait compromettre la correction de l’inflation

Les distorsions associées à la pandémie ont contribué à la forte hausse du taux d’inflation au Canada au cours des derniers mois. À mesure que ces facteurs transitoires s’affaibliront, le taux d’inflation fera de même. Toutefois, l’assouplissement des tensions inflationnistes sera mis à l’épreuve par l’augmentation de la demande. En juillet, le taux d’inflation de base, qui exclut les prix des aliments et de l’énergie, a enregistré le plus gros bond en près de deux décennies, et 65 % des biens et services du panier de l’IPC ont vu leurs prix augmenter plus rapidement que la cible de 2 % fixée par la Banque du Canada sur un an. Comme la demande des ménages, en particulier pour les services, devrait se raffermir de nouveau au cours du deuxième semestre de l’année et qu’il subsiste des contraintes relatives aux chaînes logistiques, le taux d’inflation devrait demeurer élevé. Selon nous, quand la capacité augmentera et que les chaînes d’approvisionnement se normaliseront, les pressions sur les prix s’atténueront, mais il faudra du temps. Les données sur l’inflation globale et de base devraient converger à 2,5 % d’ici la fin de 2022.


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