Près d’un demi-million de Canadiennes ayant perdu leur emploi pendant la pandémie n’étaient pas retournées au travail en janvier. Plus de 200 000 d’entre elles avaient grossi les rangs des chômeurs de longue durée, soit trois fois plus que l’an dernier.

Avant la crise, ces femmes occupaient des emplois de diverses natures qui avaient toutefois un point commun. Plusieurs exerçaient, moyennant un salaire modeste, des emplois peu qualifiés dans les secteurs des services qui favorisaient le maintien de la progression de l’ensemble de l’économie canadienne. Elles n’avaient peut-être pas autant d’influence sur l’économie que d’autres travailleurs canadiens, mais elles étaient présentes en grand nombre dans les aires de restauration, les salons et les bistrots ainsi que dans d’autres endroits où il s’est révélé impossible de maintenir une distanciation physique sécuritaire lorsque la pandémie a frappé. Comme les femmes représentaient la majorité des employés dans les secteurs les plus touchés par les mesures de confinement, elles ont été les premières victimes des pertes d’emploi.

La vaccination de masse ramènera de nombreux emplois dans les secteurs des services. Cela dit, des entreprises se sont réorganisées afin de réduire leurs besoins de main-d’œuvre. De plus, la pandémie qui s’est amorcée il y a un an a peut-être créé de nouvelles habitudes de consommation durables en matière d’achat en ligne et d’entraînement à domicile et d’autres activités en cette ère numérique.

Ce faisant, la pandémie a accéléré les changements structurels de l’économie amorcés avant la crise de la COVID-19. Les Canadiennes étaient déjà plus susceptibles d’être touchées par les bouleversements technologiques, car elles occupaient plus de la moitié des 35 % d’emplois automatisables au Canada. La crise de la COVID-19 a encore augmenté leur vulnérabilité, en forçant de nombreuses entreprises à adopter des technologies numériques, notamment les technologies sans contact, bien plus tôt que prévu.

Pour ces Canadiennes, les perspectives d’emploi après la pandémie de COVID-19 semblent incertaines. Cette situation représente un défi pour les décideurs et les dirigeants d’entreprises du Canada : former les travailleurs les plus touchés aux nouvelles méthodes de travail dans les secteurs en évolution rapide ou les aider à se recycler dans d’autres secteurs. Cette solution ne profitera pas seulement à ces travailleurs, puisque la santé globale de l’économie canadienne dépend au bout du compte de l’existence d’une reprise généralisée.

Le chômage de longue durée accroît le risque d’érosion des compétences

L’emploi chez les femmes qui gagnent moins de 800 $ par semaine a reculé de près de 30 % au Canada. Chez les hommes se situant dans la même tranche salariale, la baisse est de 24 %.



Les femmes représentaient plus de la moitié des employés dans les secteurs qui ont été particulièrement éprouvés, soit ceux du tourisme d’accueil et de la vente au détail, par les mesures de confinement. Elles occupaient 65 % des emplois qui ont été perdus dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, le plus touché parmi tous les secteurs. Les hommes ont également connu des pertes d’emploi au début de la pandémie dans des secteurs à faible proximité physique, comme la fabrication et la construction, mais ils sont rapidement retournés au travail.

Il reste à savoir quand les personnes employées dans des secteurs à forte proximité physique pourront pleinement, si tel est le cas, retourner au travail, situation qui touche les femmes de façon disproportionnée. Des entreprises ont fermé. D’autres ne rappelleront pas leurs employés tant que les mesures de confinement et les restrictions de voyage n’auront pas été entièrement levées. D’autres encore ont opté pour des modes de services sans contact, ce qui exige moins de personnel.

Ces faits nouveaux vouent de nombreux Canadiens, surtout des femmes, à une période prolongée de chômage. Près de 100 000 femmes de 20 ans ou plus ont complètement quitté le marché du travail, alors que moins de 10 000 hommes ont fait de même.



Plus la durée de l’absence de ces femmes est longue, plus le risque d’érosion de leurs compétences est grand, ce qui risque de nuire à leur capacité de se faire réembaucher ou de se réorienter vers d’autres postes à.



Les programmes de formation et de recyclage seront essentiels à une reprise économique inclusive

Les mesures d’urgence, dont les programmes de soutien du revenu et de subventions salariales pour les entreprises, ont permis aux travailleurs mis à pied à cause de la pandémie de tenir le coup. Or, ces programmes prendront fin à un moment donné, et il faudra alors trouver rapidement des moyens d’aider ceux qui demeureront sans emploi.

Une proportion notable de Canadiennes sont exposées au risque d’érosion des compétences lié au chômage de longue durée. Que peut-on faire pour améliorer la situation sur le marché du travail des femmes faiblement rémunérées, des immigrantes et des autres catégories de travailleurs dont il est ici question ?

Le gouvernement fédéral a accordé 1,5 milliard de dollars aux provinces pour assurer le financement de programmes de formation et de recyclage. Des provinces ont déjà mis sur pied des programmes à l’intention des travailleurs des secteurs les plus touchés. Le Centre des Compétences futures, financé par le gouvernement fédéral, élabore également avec les employeurs des initiatives sectorielles de développement des compétences pour les travailleurs touchés. Il faudra créer des programmes de formation accessibles et ciblés pour que ces travailleurs puissent réintégrer le marché du travail.

La pandémie a bien montré la valeur des compétences numériques dans tous les secteurs. Il va de soi que même ceux qui ne travaillent pas dans des entreprises de technologie, comme les employés de restaurants et de boutiques de vêtements, devront posséder les compétences nécessaires pour s’occuper des réservations à distance et des ventes numériques. Il faut s’attendre à ce que la période de perfectionnement des femmes qui occupent des emplois peu qualifiés dans les secteurs des services soit plus longue et plus ardue. Il sera essentiel de veiller à ce que chaque jeune diplômé du secondaire possède des connaissances numériques. Les administrations publiques et les employeurs devront aider les personnes déjà actives sur le marché du travail à se recycler.

Par ailleurs, l’élargissement de l’accès à des services de garde abordables favoriserait aussi le retour au travail de nombreuses mères à faible revenu, quoique la mesure serait inefficace en l’absence de possibilités d’emploi.

Pour reprendre les propos prononcés par le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en février, nous avons tous un rôle à jouer pour permettre à un plus grand nombre de Canadiens de retourner au travail et gérer l’incidence des forces que sont la numérisation et l’automatisation. Plus le nombre de personnes qui participent à la reprise au Canada sera élevé, plus notre économie sera forte au sortir de la crise.


Annexe : Données sous-jacentes

Quelles femmes ont été particulièrement éprouvées ? Les jeunes femmes, les femmes appartenant à une minorité visible, les nouvelles arrivantes… et de nombreuses mères



  • Les femmes de la génération Z constituent 2,5 % de la population active canadienne. Toutefois, le recul de l’emploi enregistré chez ces femmes représente 17 % de la diminution totale de l’emploi durant la pandémie.
  • En janvier, le taux de chômage des femmes de 20 à 24 ans était supérieur de plus de six points de pourcentage au sommet observé pendant la récession de 2008-2009.



  • La tâche des femmes s’est alourdie lorsqu’elles ont hérité de l’enseignement à la maison pendant la pandémie. Environ 60 % des femmes ayant des enfants de moins de 12 ans gagnent moins de 1 200 $ par semaine, et la totalité des pertes d’emploi chez les mères d’âge intermédiaire a été observée dans cette catégorie.
  • Au cours de la dernière année, 12 fois plus de mères que de pères ont quitté leur emploi pour s’occuper d’enfants en bas âge ou d’âge scolaire.


  • Par ailleurs, les femmes appartenant à une minorité visible connaissent des taux de chômage supérieurs. En effet, plusieurs d’entre elles doivent composer avec des taux de chômage de plus de 10 %, alors que ce taux est de 9,7 % parmi l’ensemble des femmes.


  • Il y a eu proportionnellement plus de pertes d’emploi chez les femmes arrivées au Canada au cours de la dernière décennie, et 8,6 % d’entre elles demeurent sans emploi.
  • La baisse de l’emploi chez les femmes immigrantes ayant des enfants de 12 ans ou moins a été deux fois plus forte (en pourcentage) que celle des mères nées au Canada.


  • Les hommes et les femmes qui n’ont pas fait d’études postsecondaires ont subi des pertes d’emploi similaires, soit respectivement de 10,5 % et de 10,3 %. En revanche, la diminution de l’emploi a été moins importante chez les hommes ayant fait des études collégiales. De plus, l’emploi a davantage augmenté chez les hommes titulaires d’un baccalauréat que chez leurs égales.
  • Même la possession d’un diplôme universitaire n’a pas protégé les immigrantes dans la même mesure que les femmes nées au Canada. L’emploi chez les immigrantes résidant au Canada depuis moins de dix ans et titulaires d’un baccalauréat a globalement reculé, tandis qu’il a augmenté chez les personnes nées au Canada.

 

Les travailleurs à risque doivent faire l’inventaire de leurs compétences en vue de se réorienter

Environ 89 000 femmes travaillaient dans le secteur canadien des services de restauration et des débits de boissons au quatrième trimestre de 2020, en baisse de 33 % par rapport au premier trimestre. Même avant la COVID-19, on s’attendait à ce que les forces de l’automatisation aient une incidence sur ces postes. Cependant, les travailleurs du secteur possèdent de nombreuses compétences très utiles dans l’exercice d’autres fonctions, en particulier dans les domaines de l’éducation et des soins de santé. Les serveurs d’aliments et de boissons qui décideront de se réorienter posséderont plusieurs compétences recherchées chez les éducateurs de la petite enfance, qui feront probablement l’objet d’une forte demande. Ces deux emplois font appel à l’écoute active, à la coordination, à l’orientation service, à la perspicacité sociale et à l’expression orale. Bien entendu, qui dit réorientation professionnelle dit formation d’appoint ; en général, les éducateurs de la petite enfance doivent détenir au minimum un diplôme d’un programme d’études collégiales d’une durée de deux ou trois ans selon les provinces.


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