Points saillants :
- La hausse des taux directeurs et le resserrement des conditions financières pèsent toujours sur les dépenses de consommation au Canada, dans la zone euro et au Royaume-Uni.
- Nous n’entrevoyons pas de nouvelles hausses des taux du côté de la Banque du Canada, de BCE ou de la Banque d’Angleterre. Les taux d’inflation de ces régions demeurent au-dessus de leurs cibles, mais ils devraient se modérer à mesure que la demande excédentaire se dissipera dans l’économie.
- La Réserve fédérale américaine pourrait également mettre un terme à son cycle de resserrement, malgré l’accélération de la croissance du PIB observée au troisième trimestre. En effet, l’apaisement des tensions inflationnistes et l’accalmie sur les marchés du travail lui donnent un peu de répit.
- Il est de plus en plus évident que l’activité économique s’affaiblit et que l’inflation continuera de ralentir. El les banques centrales sont prêtes à revenir sur le devant de la scène au cas où l’inflation devrait être maîtrisée. Cependant, la probabilité de voir de nouvelles hausses de taux s’éloigne de plus en plus, en particulier au Canada où des indicateurs importants comme le PIB par habitant et le taux de chômage sont déjà proches des niveaux enregistrés lors des premières phases des récessions passées.
Dans une économie en surchauffe, même les données positives peuvent être préoccupantes. Les bonnes surprises se sont multipliées sur le front de l’économie américaine, avec une croissance record du PIB au troisième trimestre qui a conforté l’idée qu’une prolongation de la politique monétaire restrictive serait nécessaire pour maîtriser durablement l’inflation aux États-Unis – ce qui retarderait le ralentissement de l’économie, mais ne l’empêcherait pas de se produire. Les taux d’intérêt sur obligations d’État américaines ont grimpé au cours du mois d’octobre, parallèlement à une augmentation des primes de terme et à une accentuation de la courbe de rendement.
Cette tendance a été observée jusqu’à la semaine dernière, lorsque la décision de la Fed de maintenir les taux à un niveau inchangé pour une deuxième fois consécutive a provoqué une envolée des marchés. Les gains ont poursuivi sur leur lancée, soutenus par un rapport sur l’emploi plus faible que prévu publié plus tard dans la semaine. Le taux des obligations du Trésor à 10 ans a nettement chuté et la courbe de rendement s’est aplatie durant la semaine, ce qui a partiellement renversé l’accentuation enregistrée plus tôt à l’automne.
Les perspectives sont plus sombres dans le reste du monde. Dans la zone euro, la croissance du PIB s’est légèrement contractée au troisième trimestre, tandis que le Royaume-Uni est en passe de subir un déclin comparable pour le même trimestre. Il y a de plus en plus de signes indiquant que l’économie canadienne croule sous le poids des taux d’intérêt et des prix plus élevés. Le dollar américain a généralement maintenu sa vigueur au cours du dernier mois, tandis que le dollar canadien a tiré de l’arrière en raison d’un affaiblissement de la conjoncture économique du pays par rapport à ses pairs.
Les taux d’inflation demeurent élevés au Canada, dans la zone euro et au Royaume-Uni, mais ils sont sur la voie de la modération. Les banques centrales demeureront excessivement prudentes avant de lâcher le frein qui retient l’économie. Toutefois, si la croissance économique ralentit aujourd’hui, cela signifie que l’inflation reculera demain. Autrement dit, les banques centrales ont peut-être terminé d’augmenter les taux d’intérêt pour ce cycle. Selon nous, la plupart des banques centrales (à l’exception notable de la Banque de réserve d’Australie) maintiendront leurs taux inchangés avant de réaliser des baisses graduelles, à commencer par la Fed au deuxième trimestre de 2024.
Banque centrale
Taux directeur actuel
(dernier changement)
Prochain changement
BoC
5,00 %
+0 pb en oct. 2023
0 bps
en déc. 2023
Fed
5,25-5,50 %
+0 pb en nov. 2023
0 bps
en déc. 2023
BoE
5,25 %
+0 pb en nov. 2023
0 bps
en déc. 2023
ECB
4,00%
+25 pb en oct. 2023
0 bps
en déc. 2023
Banque de réserve d’Australie
4,35%
+25 pb en nov. 2023
0 bps
en déc. 2023
La demande excédentaire se dissipe au Canada à mesure que les dépenses ralentissent
Il est de plus en plus évident que l’économie canadienne est en perte de vitesse. Selon les premières estimations de Statistique Canada, le PIB du troisième trimestre a légèrement décliné (pour la deuxième fois consécutive), entraîné par un repli des secteurs sensibles à la consommation comme les ventes au détail et les ventes de restaurants ainsi qu’une baisse de la production manufacturière. Compte tenu de l’accélération de la croissance démographique, le PIB par habitant est en voie de reculer de façon comparable au troisième trimestre, alors que la chute annualisée de 3,5 % au deuxième trimestre marque une cinquième baisse trimestrielle consécutive.
L’emploi a continué d’augmenter, mais pas assez rapidement pour éviter une hausse significative de 0,7 point de pourcentage du taux de chômage, lequel est passé de 5,0 % en avril à 5,7 % en octobre. La croissance des salaires ne montre toujours pas de modération durable. Les sociétés prévoient cependant un ralentissement des augmentations de salaire au cours de l’année à venir, selon l’Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada pour le troisième trimestre.
En effet, la Banque du Canada estime que l’écart de production à l’échelle de l’économie (l’écart entre le niveau actuel du PIB et le niveau qui serait compatible avec le taux d’inflation cible de 2 %) s’est déjà beaucoup rapproché de zéro. Les données d’inflation restent supérieures à la cible, mais elles ralentiront à mesure que la conjoncture économique s’apaisera. Notre propre indice de diffusion de l’IPC montre que l’ampleur des pressions sur les prix reste importante, mais des améliorations apparaissent – une part croissante du panier des consommateurs enregistre des taux d’inflation moyens (3 % à 5 %), et non plus très élevés (5 % ou plus) comme auparavant. Par ailleurs, près de 20 % du panier reflète un déclin des prix sur trois mois en base annualisée.
Tant que l’inflation ne remonte pas en flèche et que la croissance du PIB reste au-dessous de son rythme « potentiel », il nous semble peu probable que la Banque du Canada relève le taux du financement à un jour, et nous pensons qu’elle commencera à abaisser les taux dans la seconde moitié de l’année prochaine.
Revers de la médaille : les ménages canadiens sont vulnérables face à un ralentissement du marché du travail
Les principaux indicateurs macroéconomiques laissent entendre que l’économie canadienne a amorcé une « légère » contraction. Pour l’heure, l’augmentation du taux de chômage est liée à un ralentissement de l’embauche plutôt qu’à des licenciements. Cependant, c’est généralement ainsi que commence un ralentissement du marché du travail – les heures travaillées moyennes déclinent avant les effectifs. Le PIB du Canada par habitant et le taux de chômage sont également sur une trajectoire qui rappelle le début des contractions économiques passées, mais dans une mesure modérée.
Néanmoins, il existe encore un risque que les conditions se détériorent. Les dépenses des ménages se sont montrées résilientes, malgré les fortes hausses de taux d’intérêt et la flambée d’inflation subies depuis plus d’un an. Néanmoins, les coûts du service de la dette sont déjà à un niveau record pour les ménages. L’épargne qui subsiste à la suite de la pandémie est plutôt concentrée dans le haut de la distribution des revenus, et ces sommes ont été placées dans des dépôts à terme moins susceptibles d’être dépensés à court terme. À ce jour, l’incidence des hausses de taux d’intérêt n’est pas entièrement répercutée sur le remboursement effectif de la dette des ménages. Le risque qu’un « léger » ralentissement économique se transforme en quelque chose de pire ne peut que renforcer l’idée que la Banque du Canada a terminé de relever les taux d’intérêt pour ce cycle.
La croissance demeure vigoureuse aux États-Unis, mais cet élan pourrait ne pas persister
La résilience de l’économie américaine pendant l’été n’a pas vraiment été prise en compte. En novembre, pour la deuxième fois de suite, la Réserve fédérale a décidé de maintenir la fourchette cible des fonds fédéraux à 5,25 %-5 % (sur les quatre dernières réunions, c’est la troisième fois que la banque centrale renonce à une hausse).
Les dépenses de consommation ont été incroyablement résilientes, avec une accélération au troisième trimestre malgré la hausse des taux d’intérêt et les prix toujours élevés. Cela dit, cette vague de consommation s’explique en partie par le fait que les ménages dépensent une plus grande part de leur revenu actuel, et qu’ils accumulent moins d’épargne qu’auparavant. Cette tendance ne devrait pas perdurer, d’autant plus que les perspectives de croissance des revenus s’assombrissent à mesure que les conditions du marché du travail se détériorent. La croissance de l’emploi est restée relativement ferme. Cependant, la croissance des salaires n’a cessé de ralentir. L’augmentation du taux de chômage américain de 0,4 point de pourcentage en seulement trois mois est également un phénomène inhabituel. De manière générale, cela ne se produit qu’au début d’un ralentissement du marché du travail.
Les responsables de la Fed demeurent préoccupés par l’inflation. Les perspectives moroses pour l’économie et le marché du travail devraient modérer les hausses de prix et équilibrer les risques d’assouplissement des conditions financières, et la courbe de rendement pourrait quelque peu se replier par rapport à sa forte accentuation des derniers mois. Nous pensons que la Fed n’augmentera pas davantage ses taux cette année, et qu’elle abaissera progressivement ses taux directeurs à partir du deuxième trimestre de 2024.
Le ralentissement des activités de services maintient la BCE et la Banque d’Angleterre sur la touche
Dans la zone euro et au Royaume-Uni, les tendances à la baisse persistent pour ce qui est de la croissance économique. Le PIB s’est légèrement contracté au troisième trimestre dans la zone euro et nous attendons une baisse de la production d’une ampleur comparable au Royaume-Uni pour le même trimestre (-0,2 %). Les données préalables de l’indice PMI pour le mois d’octobre indiquent que le ralentissement a été reporté au quatrième trimestre. En effet, le refroidissement de la demande de biens exerce une pression à la baisse sur les activités manufacturières de ces régions depuis le milieu de 2022.
L’activité s’est montrée plus résiliente dans le secteur des services. Cet élan a toutefois commencé à s’essouffler au cours des derniers mois, alors que le sous-indice des services du PMI a plongé sous la barre des 50 – laquelle indique « pas de changement ». Le ralentissement de l’activité dans l’ensemble des secteurs commence aussi à entraîner un ralentissement sur le marché du travail. Le taux de chômage a commencé à grimper au Royaume-Uni et il devrait très bientôt faire de même dans la zone euro, au vu de la diminution de la demande d’embauche.
La bonne nouvelle est que le ralentissement de la demande devrait aider l’inflation à ralentir, tout en allégeant la pression sur les banques centrales pour relever les taux d’intérêt. La BCE aussi bien que la Banque d’Angleterre ont maintenu les taux d’intérêt à un niveau stable lors de leurs réunions des deux dernières semaines. À l’instar du Canada, la détérioration de la conjoncture macroéconomique et les signes de ralentissement sur le marché du travail suggèrent que l’inflation continuera de ralentir dans ces régions, plutôt qu’accélérer. Nous prévoyons que la BCE et la Banque d’Angleterre maintiendront leurs taux à un niveau élevé en 2024, après quoi elles pourraient mettre en place des baisses progressives.
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