• Le gouvernement fédéral annonce de nouvelles mesures stratégiques nettes de 20,8 milliards de dollars sur six ans, prises depuis le budget de 2023, et 30 % d’entre elles (6,3 milliards de dollars) seront consacrées à des initiatives liées aux logements abordables.
  • Les dépenses à court terme sont limitées, puisque l’essentiel des nouvelles mesures n’est pas prévu avant l’exercice 2025-2026.
  • Le déficit attendu pour l’exercice 2023-2024 s’établit à 40 milliards de dollars, soit un peu moins que les projections du budget de 2023 (40,1 milliards de dollars).
  • Toutefois, les nouvelles dépenses reportées feront grimper le déficit dans les années à venir du plan budgétaire par comparaison avec les projections du budget de 2023.
  • Le déficit moins élevé que prévu de l’exercice 2022-2023 a permis d’améliorer le profil à court terme du ratio de la dette au produit intérieur brut du gouvernement par rapport au budget de référence de 2023.

L’Énoncé économique de l’automne du gouvernement fédéral est dévoilé alors que les difficultés à se loger à un coût abordable sont à l’avant-plan du discours public. En amont de cette mise à jour, la ministre des Finances Chrystia Freeland a dû composer avec des demandes contradictoires, soit celles exigeant plus de dépenses pour atténuer les pressions liées à l’accessibilité et celles réclamant une certaine rigueur budgétaire pour réduire les tensions inflationnistes et ainsi améliorer les finances publiques. En définitive, elle a accordé la priorité aux mesures visant à régler la crise du logement abordable au Canada, mais elle les a reportées de quelques années de manière à ne pas aggraver le déficit prévu pour l’exercice en cours.

Belle surprise, le déficit fédéral de 40 milliards de dollars est demeuré identique aux prévisions gouvernementales du budget de 2023. Il en sera ainsi malgré la faiblesse du contexte économique qui réduit les recettes prévues de 600 millions de dollars, ainsi que la hausse des frais de la dette publique et les pertes actuarielles nettes plus élevées que prévu. Une légère croissance des dépenses de programmes (0,8 %) fera contrepoids à cette situation.

La limitation des dépenses ne durera toutefois pas longtemps. En effet, les dépenses de programmes devraient recommencer à croître respectivement de 5,6 % et de 3,9 % au cours des deux prochains exercices. Cette reprise de la croissance des dépenses entraînera une hausse des déficits de l’ordre de 36 milliards de dollars pour les quatre prochains exercices par rapport au budget de 2023.

D’ici l’exercice 2028-2029, les recettes cumulatives devraient dépasser de 68,5 milliards de dollars les projections du budget de 2023. Cette hausse des recettes est attribuable aux produits du régime de tarification de la pollution et à l’augmentation des revenus d’intérêt provenant des sociétés d’État, sur les dettes fiscales et sur les avoirs nets des comptes d’opérations de change. Étant donné que les attentes en matière de croissance économique sont largement conformes aux nôtres, ces projections ne nous semblent pas trop optimistes. Ces recettes inattendues seront néanmoins plus que contrebalancées par une autre accentuation des dépenses de programmes au cours des prochaines années.

Les mesures d’accessibilité à la propriété à l’avant-scène

Dans le but de limiter les dépenses de programmes à court terme, seulement 30 % des nouvelles mesures stratégiques nettes de 20,8 milliards de dollars (prises depuis le budget de 2023) à venir eront inscrites au budget avant l’exercice 2025-2026.

La question des logements abordables est devenue le thème prédominant de l’annonce d’aujourd’hui. En tout, 6,3 milliards de dollars de nouvelles dépenses, engagées depuis le budget de 2023 pour les six exercices menant à celui de 2028-2029, ont été consacrés aux initiatives liées au logement (ce qui comprend l’exemption de taxe sur les produits et services [TPS], annoncée précédemment, pour les logements locatifs à but spécifique).

Les nouvelles mesures les plus importantes sont les suivantes :

  • l’ajout d’un financement de prêts à faible coût de 15 milliards de dollars pour les appartements locatifs. À compter de l’exercice 2025-2026, le Programme de prêts pour la construction d’appartements locatifs (auparavant appelé l’initiative «Financement de la construction de logements locatifs ») appuiera la construction de plus de 30 000 nouveaux logements à l’échelle du Canada ;
  • un financement supplémentaire de 1 milliard de dollars sur trois ans pour soutenir les logements sans but lucratif, de coopératives et publics. À partir de l’exercice 2025-2026, le Fonds pour le logement abordable (appelé auparavant « Fonds national de co-investissement pour le logement ») sera prêt à soutenir la construction de plus de 7 000 nouvelles maisons d’ici 2028 ;
  • un nouveau financement de 309 millions de dollars pour le programme de développement de coopératives d’habitation, dont le lancement est prévu au début de 2024 ;
  • le découragement de la location à court terme non conforme. Le gouvernement entend refuser les déductions fiscales aux exploitants dans des provinces ou des municipalités où la location à court terme est interdite. Il versera également 50 millions de dollars sur trois ans aux municipalités pour les aider à faire appliquer les restrictions ;
  • suite à l’exemption de la TPS dévoilée précédemment pour les logements locatifs à but spécifique, l’Énoncé économique de l’automne 2023 a annoncé l’intention d’étendre le remboursement de la TPS aux coopératives d’habitation. Le remboursement ne s’appliquerait toutefois pas aux rénovations majeures d’immeubles résidentiels existants ;
  • une nouvelle charte hypothécaire. Cette charte fournira d’autres orientations et attentes pour indiquer aux institutions financières fédérales qu’elles « doivent collaborer avec les Canadiens afin de leur offrir un allégement sur mesure et de garantir que les paiements sont raisonnables pour les emprunteurs ».

Ces mesures suivent de près un flot constant d’annonces dévoilées au cours des derniers mois et comprenant le versement d’incitatifs financiers provenant du Fonds pour accélérer la construction de logements de 4 milliards de dollars (présenté pour la première fois dans le budget de 2022) à diverses municipalités dans le but d’accélérer la construction de nouveaux logements.

Nous sommes heureux de voir la série d’initiatives du côté de l’offre dans l’Énoncé économique de l’automne 2023 et nous croyons que les nouvelles initiatives du gouvernement fédéral contribueront à régler la crise du logement abordable au Canada. Nous pensons que la concentration des efforts sur l’augmentation de l’offre de maisons abordables pour les Canadiens constitue la meilleure façon d’améliorer la situation de manière durable. Il ne s’agit toutefois pas de solutions rapides. La construction du nombre de maisons requises nécessite un long travail, et cette tâche exige des investissements, une amélioration de l’efficacité du processus de construction et du temps.

Dans l’ensemble, le gouvernement fédéral a choisi d’accorder ses dépenses budgétaires aux objectifs de la politique monétaire, en offrant peu de mesures (168 millions de dollars sur six ans) pour lutter contre l’augmentation du coût de la vie des ménages (à l’exclusion du logement).

Les investissements respectueux de l’environnement figurent parmi les thèmes importants de l’Énoncé économique de l’automne 2023. Les nouvelles mesures importantes de cette initiative sont notamment les suivantes :

  • des crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres et dans l’électricité de 850 millions de dollars sur cinq ans à compter de l’exercice 2024-2025. L’initiative vise à soutenir l’utilisation des déchets de biomasse pour la production d’électricité et le chauffage ;
  • bien qu’il ne s’agisse pas d’un investissement classique, le gouvernement fédéral a également dévoilé ses plans pour un programme de garantie de prêts pour les Autochtones. Cette initiative, longtemps attendue, vise à réduire les obstacles à la participation financière de ces derniers aux grands projets dans le secteur des ressources naturelles.

Amélioration du bilan du gouvernement fédéral pour l’année en cours et croissance prévue des déficits plus tard

La flambée de l’inflation et la solide relance économique depuis les fermetures liées à la pandémie ont aidé à améliorer les mesures de l’endettement du gouvernement (par rapport à l’ampleur à la taille de l’économie en valeur nominale) au cours des deux dernières années. Le ratio de la dette fédérale au PIB devrait grimper à 42,4 %, alors qu’il était de 41,7 % au cours de l’exercice 2022-2023. D’ici la fin de l’horizon de planification financière, le ratio de la dette au PIB du Canada devrait reculer à 39,1 %, conformément à la cible budgétaire du gouvernement, engagement qu’il a pris afin de réduire la dette fédérale au PIB à moyen terme.

L’augmentation des frais de la dette publique a entraîné une hausse de 2,6 milliards de dollars des dépenses du Canada pour l’exercice 2023-2024, ajoutant ainsi une somme cumulative de 32,9 milliards de dollars d’ici à l’exercice 2027-2028 par rapport au budget de 2023. Les frais de la dette publique devraient grimper de 73 % au cours des six prochains exercices. D’ici l’exercice 2028-2029, le gouvernement fédéral dépensera presque autant pour les frais de la dette (61 milliards de dollars) que pour les transferts en santé (63 milliards de dollars).

Le gouvernement s’est également engagé à acheter des obligations hypothécaires du Canada (OHC) jusqu’à concurrence de 30 millions de dollars par année, et ce, dès février 2024. L’achat de ces OHC ne devrait toutefois pas alourdir les frais de la dette du Canada sur l’horizon de planification budgétaire. Les recettes engendrées par cette approche hybride du programme devraient suffire à compenser les frais de la dette, et le financement des logements abordables s’avère avantageux pour le gouvernement fédéral et les investisseurs.

Nous sommes heureux de constater que le déficit de l’exercice 2023-2024 est demeuré identique aux projections du budget de 2023, mais l’aggravation des déficits dans les années à venir du plan budgétaire contredit le plan budgétaire « allégé » annoncé par le gouvernement fédéral. Des mécanismes de contrôle budgétaire plus stricts permettraient d’accroître la souplesse budgétaire si la reprise de la croissance économique s’avère plus lente que prévu au Canada.

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