La découverte de tombes anonymes d’enfants autochtones sur les terrains d’anciens pensionnats canadiens est un rappel douloureux de notre histoire et souligne bien la nécessité de continuer à mettre l’accent sur la vérité et la réconciliation. L’oppression systémique exercée durant des siècles a toujours des répercussions sur la vie des peuples autochtones. Ce rapport se tourne vers la prochaine décennie et présente certaines mesures favorables à la réussite de la nouvelle génération d’Autochtones dans le contexte économique en constante évolution.

Principaux résultats

  1. Depuis que la Commission royale sur les peuples autochtones a demandé un nouveau partenariat entre les peuples autochtones et les autres Canadiens, il y a 25 ans, la population autochtone a augmenté de 750 000 personnes.
  2. La cohorte des jeunes Autochtones est celle qui croît le plus rapidement au Canada. Plus précisément, elle grandit quatre fois plus vite que la population non autochtone. À ce rythme, elle représentera 45 % de la population autochtone d’ici 2030.
  3. La cohorte des jeunes Autochtones compte pour 7 % des jeunes dans tout le Canada, mais elle avoisine le tiers au Yukon, au Manitoba et en Saskatchewan, les 60 % dans les Territoires du Nord-Ouest et 95 % au Nunavut.
  4. Si le taux d’obtention de diplôme d’études secondaires s’améliore chez les Autochtones, seulement 45 % des Canadiens autochtones de 24 à 35 ans ont une attestation d’études postsecondaires, par rapport à 71 % des Canadiens non autochtones.
  5. Presque deux emplois sur trois occupés par des travailleurs autochtones sont menacés par un remaniement des compétences : les données, la robotique et les technologies de pointe sont en train de transformer des secteurs dont dépendent de nombreuses collectivités, par exemple les métiers spécialisés.
  6. D’après un sondage d’Objectif avenir RBC, les jeunes Autochtones ont moins confiance en leur savoir-faire numérique que les jeunes non autochtones, même s’ils utilisent fréquemment des appareils numériques. L’écart entre les deux est de 13 points de pourcentage.
  7. L’expansion rapide d’Internet haute vitesse à large bande et un accès élargi aux outils numériques seront essentiels pour que les jeunes Autochtones puissent profiter de l’économie décentralisée post-pandémie et saisir les occasions qui naîtront dans les services de santé et d’éducation en ligne, le commerce électronique, et l’exploitation minière, la foresterie et l’agriculture adaptées au numérique.

 

Les grands enjeux d’un avenir où tout va plus vite

Au cours des dix prochaines années, ce sont 750 000 jeunes Autochtones qui termineront leurs études et commenceront leur carrière. De quoi auront-ils besoin pour réussir dans l’économie canadienne des années 2020 ? Les technologies de pointe transforment le pays, secteur par secteur. De l’exploitation minière à la foresterie, en passant par le commerce de détail et le divertissement, la demande d’aptitudes numériques s’accélère, venant perturber les méthodes et les emplois traditionnels. Le capital financier avait l’habitude d’être considéré comme le principal moteur de développement économique. Mais on sait aujourd’hui qu’il faut allier les capitaux avec la technologie et les compétences. Nous tentons continuellement de comprendre les défis auxquels sont confrontés tous les jeunes Canadiens en matière de compétences. Dans le présent rapport, nous examinons le capital humain et les aptitudes nécessaires pour que les jeunes Autochtones puissent réussir dans une économie hautement technologique.

Dans les 18 derniers mois, les groupes Services économiques et Leadership avisé de RBC se sont entretenus avec des jeunes, des enseignants, des employeurs et des dirigeants de collectivités autochtones pour évaluer les occasions et les obstacles à venir. Est-ce que cette nouvelle génération sera prête à tirer parti de la quatrième révolution industrielle ? Notons que ces entretiens ont commencé en personne, puis se sont poursuivis en ligne à cause de la pandémie de COVID-19. D’ailleurs, la crise nous a amenés à réorienter nos conversations. Des jeunes Autochtones de partout au Canada nous ont raconté comment ils se sont adaptés à l’apprentissage en ligne, ont amélioré leurs compétences techniques, et ont tenté de trouver leur place dans l’avenir numérique qui se dessine tout autour d’eux : un monde où les télécapteurs, les véhicules automatisés et l’intelligence artificielle sont légion. Leur vision d’eux-mêmes est celle d’un pont permettant d’amener aptitudes numériques, occasions économiques et prospérité à leurs familles, à leurs pairs et à leurs collectivités.

« Je pense qu’il faut absolument en savoir plus sur les ordinateurs, les logiciels et l’intelligence artificielle pour décrocher un bon emploi parce que tout est en train de devenir numérique. »

-Shanialyn Suggashie, 23 ans, Première nation de Pikangikum, Ontario


Pour savoir ce que l’avenir peut offrir, il faut tenir compte du chemin déjà parcouru. Les générations de jeunes Autochtones ont été confrontées à des obstacles uniques les empêchant d’avoir accès à des occasions et, souvent, elles ont été repoussées vers la périphérie de la vie économique. Dans nombre d’endroits, des besoins urgents (eau potable, logement convenable et éducation comparable) attendent toujours d’être comblés. RBC tient à ce que la réconciliation se poursuive ; depuis plus de 25 ans, elle fait équipe avec des peuples et des collectivités autochtones dans le cadre d’initiatives visant à entraîner de réels changements. Et ce n’est pas terminé. Dans le présent rapport, nous nous sommes concentrés sur l’orientation de l’économie en général et sur les changements qui, selon nous, devront s’opérer pour que les jeunes Autochtones puissent profiter des occasions que les années 2020 auront à offrir.

La réussite de ces jeunes sera déterminante pour le succès du Canada, de même que pour la poursuite de la réconciliation jusque dans les années 2030.

Un dialogue continu dans tout le pays

Voilà plus de 25 ans que le public réclame un meilleur accès à l’éducation et à la formation pour les peuples autochtones. La Commission royale sur les peuples autochtones (1996) a recommandé une meilleure intégration études-travail par des programmes adaptés à la réalité de ces collectivités ; l’Accord de Kelowna (2005) a visé à investir 1,8 milliard de dollars pour accroître le taux d’obtention de diplôme d’études secondaires ; et la Commission de vérité et de réconciliation (2015) a réclamé que l’écart de scolarisation soit complètement résorbé en une génération.



 

Le score

Avantage : les jeunes

  • De 2006 à 2016, la population autochtone du Canada a augmenté de 42,5 %.
  • L’âge médian des Canadiens autochtones est de 29 ans, contre 41 ans pour l’ensemble des Canadiens.
  • Pour ce qui est du taux d’obtention de diplôme d’études secondaires, l’écart entre Canadiens autochtones et non autochtones est de presque 15 points de pourcentage.
  • Quelque 45 % des Canadiens autochtones de 24 à 35 ans ont une attestation d’études postsecondaires, comparativement à 71 % des Canadiens non autochtones.

La participation à l’économie s’améliore

  • Au Canada, on compte 25 ententes sur l’autonomie gouvernementale auxquelles participent 43 collectivités autochtones, et d’autres ententes sont en cours de négociation.
  • L’écart entre le revenu médian des Canadiens autochtones et celui des Canadiens non autochtones a diminué, passant de 33 % à 25 % de 2005 à 2016.
  • Les peuples autochtones créent de nouvelles entreprises neuf fois plus vite que la moyenne canadienne.
  • En 2016, plus de la moitié des Autochtones du Canada vivaient en milieu urbain.
  • L’économie autochtone contribue au PIB du Canada à hauteur de 33 milliards de dollars. Cette contribution pourrait atteindre 100 milliards de dollars si elle correspondait au niveau global par habitant.

Besoin de plus de connectivité

  • Dans les collectivités autochtones, seulement 24 % des ménages ont accès à une connexion Internet haute vitesse de qualité.
  • L’objectif d’Ottawa est de brancher 98 % des Canadiens à Internet haute vitesse d’ici 2026, et 100 % des Canadiens d’ici 2030.
  • On s’attend à ce que les deux tiers des emplois détenus par des travailleurs autochtones exigent une tout autre combinaison de compétences dans l’avenir.
  • La demande d’aptitudes dans les technologies émergentes (apprentissage automatique, robotique, réalité augmentée et virtuelle, chaînes de blocs, Internet des objets) a augmenté de 36 % en 2019.

 

La grande réorientation des compétences

Si vous allez à Meadow Lake, en Saskatchewan, vous verrez des travailleurs en train de préparer le terrain et d’installer des canalisations et des câbles, dans le cadre d’un projet de bioénergie mené par des Autochtones qui, un jour, fournira de l’énergie propre au réseau de SaskPower. À Yellowknife, la joaillière Tania Larsson crée de nouveaux bijoux pour ses 17 300 abonnés Instagram. Plus à l’est, à l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, la Première Nation de Membertou exploite sans relâche un centre de données de renommée mondiale qui offre des services de stockage et de récupération.

La quatrième révolution industrielle avait déjà commencé à changer nos façons de travailler et de vivre. L’essor des activités en ligne est venu perturber les entreprises et les secteurs établis et nous a forcés à repenser l’éducation et la formation. La pandémie n’a fait qu’accélérer ce virage. Bien sûr, ce ne sont pas tous les jeunes Canadiens qui deviendront programmeurs ou spécialistes de l’apprentissage automatique. C’est plutôt le signe que les connaissances de base nécessaires pour avoir un emploi comprennent désormais les aptitudes requises pour travailler avec des outils numériques et d’autres technologies de pointe comme les drones, la robotique et l’Internet des objets. Et les attentes vont croissant. Ces changements nous concernent tous. Or, ils représentent des défis uniques pour les peuples autochtones, des défis susceptibles d’influer sur leurs progrès socioéconomiques, leurs occasions et leur chance de participer davantage à l’économie canadienne au cours des prochaines années.

Dans notre rapport de 2018 intitulé Humains recherchés, nous avions dressé la liste des aptitudes qui prépareraient les jeunes Canadiens à réussir dans les milieux de travail de demain. Nous avions conclu que cette réussite dépendait de deux choses : les aptitudes requises pour travailler avec les autres (ce que nous avons appelé les aptitudes fondamentales) et les aptitudes nécessaires pour travailler avec la technologie (ou aptitudes numériques). Si les aptitudes fondamentales comme la réflexion critique et la communication ont toujours été importantes, ce sont les aptitudes numériques qui permettront aux jeunes de travailler avec la technologie, au lieu de rivaliser contre elle tandis qu’elle envahit le marché du travail.



Dans ce plus récent volet de l’aventure Humains recherchés étalée sur trois ans, nous avons concentré notre recherche sur les jeunes Autochtones. Ces jeunes sont moins nombreux que les personnes non autochtones à occuper un emploi qui exige des aptitudes axées sur l’avenir telles que la réflexion critique et la compréhension de lecture. De plus, près de deux emplois sur trois détenus par des travailleurs autochtones exigeront une tout autre combinaison de compétences dans l’avenir. Les sociétés minières auront besoin de moins de camionneurs, mais de plus de personnes pour contrôler à distance des camions sans conducteur ou pour les programmer, les entretenir et les réparer. Les infirmières des collectivités éloignées devront utiliser des outils numériques pour communiquer avec des médecins qui se trouveront à des centaines de kilomètres de distance.

Le virage numérique bouleverse des secteurs où les peuples autochtones se sont bâti des carrières, dont les métiers spécialisés, les ressources naturelles et l’agriculture, et la vente et le service (consultants, réparateurs, etc.). D’un autre côté, il fait naître des occasions d’emploi importantes, mais où l’avancement professionnel est lent, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

On s’attend à ce que l’automatisation et l’humanité revêtent une plus grande importance dans les années à venir, et à une nouvelle ère créative jetant un pont entre elles. Les jeunes Autochtones sont-ils prêts ?

Commençons par la bonne nouvelle. Les jeunes Autochtones ont confiance en leurs aptitudes fondamentales. C’est ce qu’ont révélé des sondages d’Objectif avenir RBC menés en ligne de 2019 à 2021 auprès de milliers de participants au programme, dont 2 000 jeunes Autochtones de 15 à 29 ans, que l’on a interrogés sur le perfectionnement de leurs compétences. Les répondants qui ont donné une note d’au moins 7 sur 10 à leurs aptitudes sont considérés comme étant « confiants ».

De la pensée critique à la communication et à la collaboration, les jeunes Autochtones et non autochtones ont attribué des notes comparables à leurs aptitudes.



C’est toutefois sur le plan des aptitudes numériques qu’il y a un fossé. En effet, le sondage a révélé un écart de 13 points de pourcentage entre jeunes Autochtones et non autochtones en matière de littératie numérique. L’écart est surtout prononcé chez les répondants qui sont toujours à l’école et il diminue à mesure que les jeunes gagnent de l’expérience de travail.


Le manque de confiance concerne surtout la littératie numérique : les jeunes Autochtones ont l’impression qu’ils ne possèdent pas vraiment les compétences de base en technologie lorsqu’ils arrivent en milieu de travail

Pourcentage de répondants ayant évalué leurs compétences à plus de 7 sur 10

Source: Sondage Objectif avenir RBC


« J’ai confiance en mes habiletés numériques. Mais je pense que le fait de vivre dans une région plutôt rurale pourrait me limiter dans mes perspectives de carrière, car les gens sous-estiment mes compétences. »

-— Shelby Anderson, 22 ans, Gift Lake Metis Settlement, Alberta


Pour combler les écarts, il faut commencer par le commencement. Le fait est qu’une grande partie du Canada rural et du Nord canadien n’a pas encore accès à Internet haute vitesse, ce qui limite les activités en ligne de nombreux Autochtones. En 2017, le CRTC a découvert que, dans les collectivités des Premières Nations, environ 24 % des ménages avaient accès à Internet haute vitesse, contre 97 % des ménages en milieu urbain et 37 % des ménages en milieu rural. Chez les Autochtones âgés de 15 ans et plus, 76,4 % utilisent quotidiennement Internet ; dans l’ensemble de la population canadienne de la même tranche d’âge, ce taux s’élève à 91 %.

« Dans ma communauté, environ deux personnes sur dix ont accès à Internet haute vitesse… Beaucoup de gens utilisent leurs données téléphoniques pour se connecter à Internet. Mais sans Internet haute vitesse, c’est long et difficile d’accéder aux sites Web et de participer à des appels Zoom. »

-Jaden Harper, 17 ans, Premières Nations de Garden Hill, Manitoba


Combler l’écart permettrait aux jeunes Autochtones d’accroître leur maîtrise de la technologie et leur potentiel de revenu à long terme : il a été démontré que l’amélioration des habiletés numériques est liée à une augmentation de la rémunération pouvant atteindre 36 % pour les travailleurs autochtones. Par ailleurs, l’inaction coûte cher : les travailleurs autochtones sont sous-représentés dans les secteurs de technologie de pointe. Seul 1,2 % des employés de ces secteurs s’identifient comme Autochtones. En juin 2020, d’éminents représentants des secteurs de la technologie, de l’innovation et de l’industrie de pointe ont créé la Coalition of Innovation Leaders Against Racism (CILAR). Cette coalition se donne pour mission d’aider les personnes noires, autochtones et de couleur à intégrer le secteur de l’innovation en privilégiant cinq grands axes : le perfectionnement des compétences des jeunes, les occasions d’emploi, le capital de risque et le soutien à la création d’entreprises, l’investissement et le financement, et le leadership communautaire.

Le risque est de voir les jeunes Autochtones globalement sous-représentés, car le numérique fait aujourd’hui partie intégrante de tous les secteurs d’activité. Comme l’ont révélé nos tables rondes et nos entrevues, de nombreux jeunes sont conscients que des connaissances de base comme l’utilisation du courriel et du traitement de texte ne suffisent pas à trouver un bon emploi, et ils sont frustrés par l’absence de possibilités d’apprentissage.

« J’ai appris l’informatique par moi-même. »

-Selynn Gibeault-Plain, 17 ans, London, Ontario


Laissés à eux-mêmes, beaucoup de jeunes se forment seuls à l’utilisation des outils numériques et perfectionnent leurs compétences par des moyens créatifs et non traditionnels. Sur TikTok, Shina Novalinga (@shinanova), une étudiante collégiale inuite, partage de courtes vidéos de ses chants de gorge avec ses 2,3 millions d’abonnés. Theland Kicknosway, défenseur de la jeunesse et danseur de cerceaux autochtone, a fait appel à ses abonnés Instagram (@the_landk) pour recueillir de l’argent pour les femmes, jeunes filles et personnes bispirituelles disparues ou assassinées.

Ces exemples montrent que les jeunes Autochtones joueront un rôle de trait d’union essentiel entre leurs collectivités et l’ère numérique. Imaginez tout ce qu’ils pourraient faire de plus avec les bons outils… En août 2020, alors que l’apprentissage en ligne était devenu la norme en raison de la pandémie de COVID-19, le groupe De Beers a fait don de 117 ordinateurs portables neufs à des écoles de sept collectivités autochtones des Territoires-du-Nord-Ouest et de 10 ordinateurs remis à neuf à la Yellowknife Public Library (bibliothèque municipale de Yellowknife). D’autre part, dans le cadre de l’acquisition de Shaw, Rogers s’est engagée à investir un milliard $ dans le Fonds Rogers pour la connectivité rurale et autochtone et a déclaré que l’entreprise consulterait les collectivités dans le but de créer des fournisseurs de services Internet autochtones.



L’optimisme à l’égard de l’avenir est l’une des principales caractéristiques des tables rondes et du sondage, et près de 40 % des personnes interrogées ont dit être optimistes quant à l’atteinte de leurs objectifs. De nombreux jeunes envisagent de déménager dans une nouvelle ville et de fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire pour développer leurs habiletés et créer des conditions propices à une carrière professionnelle réussie.

« Une des décisions les plus difficiles que j’ai prises a été d’aller vivre en ville et de poursuivre mes études. »

-Logan Mason, 18 ans, Winnipeg


Dans le cadre de cette transition, les jeunes sont à la recherche de mentors. Leur tâche est compliquée par le fait que beaucoup de jeunes ne voient pas les Autochtones dans les rôles auxquels ils aspirent compte tenu de l’évolution rapide de l’économie – mais lorsque ces mentors existent, ils peuvent jouer un rôle crucial dans le développement personnel et spirituel des jeunes Autochtones et aider la nouvelle génération à atteindre ses objectifs.

« Ce qui m’aiderait à bien terminer mes études et à amorcer ma carrière, c’est un meilleur accès à Internet, un mentor, ou une personne qui serait là pour moi. »

-Gwendolyn Grimoldby, 17 ans, Ingersoll, Ontario


Les expériences professionnelles positives en début de carrière renforcent la confiance des jeunes Autochtones : le sondage Future Launch révèle que les jeunes employés autochtones sont encore plus confiants en leurs capacités de communication, de collaboration et de réflexion critique que leurs homologues non autochtones. On notera plus particulièrement que les jeunes employés autochtones se considèrent plus persévérants (ou capables de bien gérer le stress) que les jeunes non autochtones, avec un taux de 76 %, contre 69 % pour ces derniers.


Les habiletés de base ne peuvent être négligées

La littératie et la numératie – les grands facteurs d’égalisation en termes de revenu – sont moins présentes dans les collectivités autochtones.

Nos rencontres avec des employeurs autochtones ont mis en exergue l’importance de travailler pour les jeunes Autochtones, non seulement pour qu’ils puissent acquérir et perfectionner leurs compétences professionnelles, mais aussi – et surtout – ces compétences de base. Leona Baptiste, directrice du service des Ressources humaines de l’Osoyoos Indian Band Development Corporation, indique que leurs difficultés de lecture empêchent de nombreux jeunes de décrocher un premier emploi et de gravir les échelons.

Les employeurs peuvent jouer un rôle clé en ce qui concerne l’apprentissage des compétences de base et des habiletés fondamentales durant la transition des jeunes vers le monde du travail. Ils peuvent aussi reconnaître tous les types d’apprentissage de cette génération émergente de jeunes Autochtones – formations en milieu de travail, certificats en ligne et connaissances acquises sur le terrain – pour les aider à combler l’écart en matière de rendement.


Tirer parti du potentiel des métiers spécialisés

Les revenus et la représentation des travailleurs autochtones de tous âges se sont accrus dans les métiers spécialisés et du transport. Ce phénomène s’explique par leur relation étroite avec le secteur canadien des ressources naturelles. Les jeunes Autochtones et non Autochtones suivent des formations menant à des métiers « Sceau rouge » dans des proportions quasi identiques. Toutefois, les apprenants situés dans des réserves n’ont pas accès aux formations au même rythme que les jeunes situés hors des réserves et n’ont souvent pas accès aux cours en salle de classe, où les compétences émergentes sont abordées. Les métiers spécialisés sont de plus en plus influencés par le numérique et il est essentiel de rester à jour dans ce domaine. Les plans imprimés sont chose du passé et les schémas de projet sont le plus souvent partagés sur des tablettes. Les engins de construction routière sont guidés par GPS. Et les lunettes intelligentes permettent de former les futurs électriciens et soudeurs à l’aide d’instructions visuelles et de mesures instantanées.


 

L’innovation technologique autochtone au fil des décennies

L’innovation technologique autochtone au fil des décennies

 

Les chefs de file du numérique de demain

Nous avons évoqué les défis et les perspectives qui s’offrent aux jeunes Autochtones qui cherchent à faire carrière dans un monde de plus en plus numérique, et nous avons souligné la nécessité de modèles inspirants pour cette jeunesse. Voici quatre catégories émergentes de leaders numériques qui indiquent la voie à suivre.

Les premiers utilisateurs

Ce sont d’abord les visages connus de la communauté que sont les enseignants, les bibliothécaires et les membres du conseil, qui prônent l’acquisition de compétences numériques à l’échelle locale. Lorsqu’ils ont accès à des formations accélérées et à des ressources, ils deviennent ensuite des transmetteurs de connaissance au sein de la communauté. Ils créent de nouvelles occasions d’apprentissage pour les jeunes, par exemple en formant des équipes spécialisées en robotique et des marathons de programmation, et leurs compétences seront recherchées dans l’ensemble du système d’éducation et de la fonction publique locale.

...

Blaire Gould, 36 ans

Première Nation Eskasoni, Nouvelle-Écosse
Directrice générale : Mi’kmaw Kina’matnewey

« Je suis une passionnée de technologie, je m’y intéresse vraiment. Lorsque les enseignants se sentent plus à l’aise avec la technologie, celle-ci devient un complément qui peut alléger leur travail et donner de meilleures chances aux enfants. »

Blaire a grandi pendant le boom technologique des années 1990, et la technologie a toujours fait partie de sa vie. Qu’il s’agisse de cours de dactylographie suivis à l’école intermédiaire, de l’acquisition de son premier téléphone cellulaire ou de ses études dans une école secondaire locale spécialisée en haute technologie, la jeunesse de Blaire a été façonnée par le virage vers les activités en ligne. Dans le cadre d’un concours national de démarrage d’entreprise à son école secondaire, le dossier de son groupe comprenait la création d’un site Web ; encore une fois, l’éducation et la technologie étaient indissociables. Blaire a poursuivi ses études à l’Université du Cap-Breton et à l’Université St. Francis Xavier, avant d’entreprendre une carrière axée sur le partage avec la prochaine génération de son amour de la langue, à l’aide de la technologie, bien sûr. Même un de ses premiers projets, la traduction des livres de Robert Munsch en mi’kmaq, tirait parti de la technologie : les livres traduits comprenaient un CD pour écouter les lectures en mi’kmaq.

Aujourd’hui, en tant que directrice générale de Mi’kmaw Kina’matnewey (MK), Blaire conçoit et développe des ressources qui ajoutent un volet technologique aux programmes d’études habituellement offerts dans les communautés mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse. (En 1998, une entente conclue avec le gouvernement fédéral et les autorités locales de la Nouvelle-Écosse a autorisé le transfert du contrôle local de l’éducation à 12 des 13 bandes mi’kmaq — une y a renoncé.) Blaire a aussi cocréé 40 applications linguistiques, a fourni des écrans verts pour que les élèves puissent faire leurs propres vidéos, et a récemment déployé des imprimantes 3D (et prévu de la formation) dans chaque école sous la supervision de MK. Ces outils numériques rendent l’apprentissage amusant et (les résultats le montrent) l’enseignement plus efficace. Lorsque Blaire a commencé ses études au début des années 1990, 20 % seulement des étudiants mi’kmaq terminaient leurs études secondaires en Nouvelle-Écosse. Aujourd’hui, le taux de diplomation est d’environ 90 %.

Emplois émergents :

Administrateur/administratrice en éducation
Enseignant/enseignante en technologie
Formateur/formatrice en milieu de travail
Technicien/technicienne de bibliothèque

Compétences requises :

Gestion des ressources
Persuasion
Résolution de problèmes
Communication verbale

Chefs de file :

Indigenous Teacher Education Program (Colombie-Britannique)

Préparer les élèves autochtones à devenir des éducateurs efficaces pour les écoles publiques, les écoles de bande et les écoles indépendantes de la Colombie-Britannique, en mettant l’accent sur l’identité et le patrimoine culturel.

Indigenous Leadership Development Institute (Manitoba)

Accroître la capacité de leadership des Autochtones grâce à une formation spécifique incluant un programme d’apprentissage en ligne.

Centre for Indigenous Innovation and Technology (Ontario)

Offre de la formation en technologie, accroît la présence des Autochtones dans l’industrie de la technologie au Canada, et promeut la résolution de problèmes à l’aide d’outils technologiques en tenant compte des réalités autochtones.



Les transmetteurs de connaissance

Ce sont les spécialistes et les créateurs qui font rayonner la culture autochtone et les sources de connaissance dans l’économie du savoir. Ils savent comment naviguer entre les savoirs traditionnels et numériques, élever les idées et développer de nouveaux marchés. Les transmetteurs de connaissance sont liés à la terre, à la langue et aux aînés, tout en étant branchés sur les technologies de pointe. Ils trouvent des occasions non seulement dans le secteur de la technologie en concevant des produits ou en créant des animations, mais aussi dans celui des sciences, en utilisant le savoir traditionnel pour relever des défis contemporains.

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Mick Appaqaq, 29 ans

Sanikiluaq, Nunavut
Technicien : Application mobile SIKU

« L’avenir de l’Arctique est incertain, mais nous avons maintenant une foule d’outils que nous pouvons utiliser. Nous pouvons transférer des connaissances de notre collectivité aux collectivités avoisinantes en les affichant dans l’appli. »

Mick avait cinq ans lorsqu’il a commencé à aller chasser et pêcher sur les nombreuses îles de la baie d’Hudson. Il n’y avait pas de téléphones cellulaires ni d’applications ; seulement son père, qui lui transmettait des connaissances traditionnelles. Lorsqu’il était enfant, Mick était peu exposé à la technologie. Ce n’est qu’à l’école secondaire qu’il a suivi un cours d’informatique et qu’il a découvert des logiciels comme Excel. Il a poursuivi des études supérieures à Ottawa, à l’établissement d’enseignement Nunavut Sivuniksavut, dans le cadre desquelles il a terminé un programme de deux ans en études avancées inuites, et continué d’acquérir des compétences en informatique à la bibliothèque.

Lorsqu’il est revenu chez lui, Mick a découvert des occasions permettant de combiner ses connaissances traditionnelles avec la technologie. La connectivité au réseau Internet s’est améliorée dans le territoire. Mick a occupé un poste d’adjoint de circonscription auprès d’un législateur territorial du Nunavut, qui lui demandait de joindre par courriel les collectivités du vaste territoire du Nord. Mick travaille maintenant comme technicien à SIKU, un réseau social dirigé par les Inuits qui a développé une application pour aider les chasseurs à partager en temps réel les conditions de la glace et les comportements des animaux. Pour Mick, qui souhaite promouvoir le bien-être des Inuits, le but de cette application est essentiel : l’échange d’information sur les conditions de la glace de la mer contribue à assurer la sécurité des chasseurs à court terme, et sert un objectif à plus long terme, soit celui de recueillir et de stocker des données sur les changements climatiques. Mick a grandi en surveillant l’état de la glace de mer avec un harpon. La surveiller aujourd’hui sur une application s’inscrit simplement dans la longue marche du progrès technologique : la génération précédente, comme le souligne le défenseur des intérêts inuits Piita Irniq, est passée des igloos aux micro-ondes.

Emplois émergents :

Artiste/animateur/animatrice numérique
Spécialiste du climat
Documentariste
Concepteur/conceptrice d’expérience d’utilisateur (EU)

Compétences requises :

Mathématiques
Compétences en recherche
Connaissance du terrain
Langue autochtone

Chefs de file :

Aabijijiwan New Media Lab (Manitoba)

Offre aux étudiants autochtones un accès à des studios interactifs avec son, projection, réalité virtuelle, vidéo, animation et plus encore pour l’apprentissage, la formation professionnelle et le perfectionnement.

First Nations University (Saskatchewan)

Offre un programme de connaissances et sciences autochtones dans le cadre duquel l’apprentissage des sciences et des mathématiques est complété par des cours en sciences environnementales autochtones.

Aboriginal Territories in Cyberspace (Québec)

Assure la présence des Autochtones en ligne, dans les pages Web, dans les jeux vidéo et dans les mondes virtuels qui composent le cyberespace.



Les facilitateurs du numérique

Il s’agit des professionnels qualifiés, des gestionnaires de projet et des consultants qui construisent l’infrastructure physique soutenant les occasions numériques. Leurs efforts ouvrent la voie à une meilleure connectivité, en plus de favoriser l’évolution des énergies renouvelables et de l’économie verte. Comme ils se spécialisent dans certains métiers et dans les technologies, leurs compétences seront valorisées par divers employeurs, y compris dans le domaine des télécommunications, de la construction et des services énergétiques.

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Joe Wabegijig, 39 ans

London (Ontario)
Chef de la direction : Phoenix Smart Infrastructure Inc.

« J’espère bénéficier d’une plus grande présence dans ce secteur en tant que chef d’entreprise autochtone. J’aimerais aussi qu’un plus grand nombre de collectivités adoptent des pratiques exemplaires en matière d’infrastructure intelligentes, ce qui améliorerait le bien-être des collectivités partout au Canada. »

Joe avait la vingtaine lorsqu’il a entendu parler pour la première fois de la profession d’ingénieur. Ayant grandi dans la Première Nation Wikwemikong de l’île Manitoulin, il affirme que les options de carrière y étaient limitées. Il avait cependant hérité d’un certain don de son grand-père permettant de repérer les occasions d’avenir et de les saisir en premier. C’est ainsi que Joe explique sa décision, après le secondaire, de s’inscrire au Fleming College de l’Ontario pour y étudier l’automatisation résidentielle et immobilière, un secteur relativement nouveau à l’époque. Pour Joe, ce programme représentait une courbe d’apprentissage intense, car il n’avait pas d’expérience en électronique, mais il avait néanmoins de solides aptitudes en mathématiques. Il a ainsi obtenu son diplôme qui lui a fourni les compétences nécessaires pour installer des systèmes audiovisuels et de sécurité. En travaillant à des projets de grande envergure à Ottawa, y compris à la Chambre des communes, il a rencontré des ingénieurs civils et le déclic s’est produit : l’ingénierie lui permettrait d’aider les communautés autochtones à relever les défis liés au logement et à l’eau.

Joe est retourné à l’école pour étudier en génie civil et a ensuite travaillé au sein de plusieurs communautés autochtones, avant d’obtenir un poste de conseiller du ministre des Services aux Autochtones en matière d’infrastructure, y compris en ce qui concerne l’eau potable. Une fois de plus, Joe a constaté comment la technologie changeait la donne, et il a décidé de lancer sa propre société de conseil centrée sur la prochaine génération d’infrastructures. À titre de chef de la direction de Phoenix Smart Infrastructure, Joe explore les possibilités qu’offrent les technologies de pointe aux communautés autochtones. Il considère par exemple que les chaînes de blocs et l’Internet des objets constituent un moyen de combler les retards des collectivités et de développer des infrastructures plus intelligentes et plus durables afin d’améliorer le bien-être des collectivités pour les décennies à venir.

Emplois émergents :

Électricien/électricienne
Administrateur/administratrice réseau
Installateur/installatrice – télécommunications
Spécialiste des appareils de l’Internet des objets

Compétences requises :

Lecture
Gestion de projet
Conception de logiciels
Installation

Chefs de file :

Building Environmental Aboriginal Human Resources (Alberta)

Offre aux membres des communautés autochtones des programmes de formation sur les emplois en environnement afin de favoriser l’acquisition de compétences environnementales à l’échelle locale et de créer des occasions de carrière dans le domaine de l’environnement.

Diggin’ Digital Professional Development (Saskatchewan)

o Offre aux enseignants dans les réserves et hors des réserves les ressources, le matériel et les occasions de perfectionnement professionnel nécessaires pour intégrer les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) ainsi que les technologies de l’information et des communications (TIC) dans les plans de cours destinés aux jeunes Autochtones, de façon appropriée et adaptée à leur culture.

Trade Winds to Success (Alberta)

Préparer les jeunes Autochtones à faire carrière dans les métiers spécialisés en leur offrant du soutien en lecture et en écriture, et en les préparant aux examens d’entrée des formations d’apprenti.



Le fournisseur de service

Ce sont les adeptes du commerce électronique, les fournisseurs de services de télésanté et les enseignants en ligne qui parviennent à résoudre les problèmes de la distance et de l’intégration au sein de l’économie. En faisant tomber des obstacles tenaces, ils améliorent l’accès à des services indispensables pour les entreprises et les collectivités autochtones, et font découvrir à ces deux parties de nouvelles possibilités dans les secteurs du commerce de détail, de l’éducation et des soins de santé. Ils auront besoin d’un accès stable aux plus récentes technologies, formations et ressources afin de renforcer ces nouveaux liens, tant au sein qu’à l’extérieur de leurs collectivités.

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Mallory Yawnghwe, 35 ans

Saddle Lake Cree Nation, Alberta
Fondatrice d’Indigenous Box

« J’aimerais que ma communauté prospère. Quand je trouve de nouveaux clients pour les entrepreneurs et les entreprises autochtones, je sais que je fais mon travail. Nous sommes là pour les aider à percer sur ces nouveaux marchés. »

Mallory n’aurait jamais pensé lancer une entreprise en ligne. Plus jeune, elle était bonne en mathématiques et en résolution de problèmes, mais son école secondaire n’offrait pas de cours sur les technologies numériques. Elle n’a pas eu d’ordinateur à la maison avant ses 16 ans – et il était relié à Internet par une ligne commutée. Après quelque temps hors du système éducatif, Mallory a déménagé à Edmonton, où elle a repris ses études et perfectionné ses compétences numériques à la bibliothèque, puis obtenu un diplôme en gestion des affaires de la MacEwan University. C’est là qu’elle a entendu parler d’entrepreneuriat social, un secteur qui a immédiatement intéressé Mallory, elle qui a toujours souhaité faire progresser la cause des peuples autochtones.

Lorsque la pandémie a frappé et qu’un grand nombre de commerces ont intensifié leurs activités en ligne, Mallory a commencé à concevoir des sites Web simples pour des petites entreprises à l’aide d’interfaces comme Squarespace. Cette expérience lui a donné l’idée de créer Indigenous Box, un service de création de boîtes par abonnement conçu pour présenter les produits d’entrepreneurs autochtones partout au Canada. Mallory a conçu et réalisé le site Web d’Indigenous Box et, maintenant qu’elle a suivi un cours de codage, elle gère elle-même son entreprise en pleine croissance depuis son sous-sol – du moins pour l’instant… Mallory se donne pour objectif de créer une entreprise durable et rentable qui tire parti des outils modernes pour combler le fossé entre le monde occidental et le monde traditionnel dans lequel elle vit.

Emplois émergents :

Infirmier(ère) en télésanté
Spécialiste en chaîne logistique
Service à la clientèle pour le commerce électronique
Accompagnateur éducationnel

Compétences requises :

Collaboration
Rédaction commerciale
Service à la clientèle
Gestion de données

Chefs de file :

Shopify Indigenous (National)

Offre une formation dirigée par des spécialistes autochtones afin de vous aider à vendre en ligne les produits de votre entreprise.

Keewaytinook Okimakanak (KO) eHealth Telemedicine (Ontario)

Donne accès à des séances de formation, d’information et de soutien destinées au personnel de santé et aux travailleurs communautaires de première ligne dans les collectivités éloignées du nord-ouest de l’Ontario.

Connected North (National)

Élimine les obstacles à l’apprentissage des élèves en permettant aux écoles partenaires autochtones de l’ensemble du Canada de faire des excursions virtuelles et d’obtenir des services de mentorat à distance.


 

Trajectoires d’avenir

Nous avons réfléchi aux mesures à prendre pour que les jeunes Autochtones puissent prospérer dans un environnement numérique plus inclusif, et force est de constater que le leadership et les partenariats seront essentiels pour atteindre cet objectif. Nous examinons ici les diverses contraintes auxquelles sont confrontés les enseignants, les employeurs, les collectivités et le gouvernement, ainsi que les solutions qu’ils trouvent.

Enseignants

Il n’est pas possible d’enseigner les compétences numériques si Internet n’est pas accessible dans une collectivité. Ce message a été au cœur de nos discussions lors de notre table ronde avec des enseignants autochtones, qui doivent relever un certain nombre de défis afin de préparer leurs élèves à évoluer dans un monde où les technologies de pointe prédominent. Ils ont aimé l’idée d’un cours obligatoire sur les compétences numériques, mais ont recommandé que certains éléments de base soient d’abord en place, comme une connexion haut débit, un accès à des appareils et une formation destinée aux enseignants. Cela signifie que l’écart de littératie numérique persistera tant que perdurera un manque de financement. Les enseignants ont également exprimé leur inquiétude quant à la manière d’orienter les élèves vers une carrière adaptée à une économie qui évolue rapidement. Il y a beaucoup d’incertitude entourant les compétences qui seront recherchées pour les emplois de demain. De fait, les enseignants, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves, ont souligné que la crise actuelle de l’emploi chez les jeunes témoigne d’un décalage entre l’information que les élèves reçoivent des conseillers d’orientation et les réalités qui les attendent.

Le premier défi pour les enseignants est de faire en sorte que les élèves terminent leurs études secondaires. Le deuxième est de les aider à entamer des études postsecondaires. Connaître des personnes qui excellent dans leur carrière, avoir une meilleure idée des débouchés qu’offre l’université et avoir les fonds pour pouvoir y étudier sont autant d’éléments essentiels. Les élèves inscrits à la STEAM Academy de l’école Six Nations Polytechnic de Brantford, en Ontario, fréquentent la première école secondaire canadienne dont les études sont centrées sur les sciences, la technologie, le génie, les arts et les mathématiques. Ce programme n’a pas été élaboré en vase clos. En partenariat avec IBM, le programme permet d’obtenir un diplôme d’études secondaires de l’Ontario ainsi qu’un diplôme universitaire d’une durée de deux ans sans frais de scolarité, en plus d’offrir des possibilités d’emploi d’été en cours de route et de garantir une entrevue d’emploi avec IBM au moment de l’obtention du diplôme.

Les programmes nationaux permettent aussi de rejoindre des étudiants qui seraient autrement limités dans leurs options. Indspire aide les étudiants autochtones du Canada à terminer leurs études postsecondaires en leur offrant des bourses d’études et d’excellence. Environ 90 % des récipiendaires de bourses du programme Bâtir un avenir meilleur obtiennent leur diplôme et trouvent un emploi. De plus, les liens étroits de l’organisme avec des employeurs autochtones font en sorte que 70 % d’entre eux travaillent dans des domaines qui soutiennent la communauté autochtone.

Employeurs

Les candidats qui maîtrisent les technologies sont recherchés par les employeurs, mais il est aussi primordial qu’ils possèdent des compétences de base. Au cours de nos tables rondes, nous avons appris que trop de jeunes Autochtones ne sont pas préparés adéquatement pour intégrer le marché du travail. Il est essentiel d’offrir plus de programmes de placement pour combler l’écart entre les programmes scolaires et la vie professionnelle. Les jeunes Autochtones auront ainsi une meilleure connaissance des différents types d’emplois, et découvriront par eux-mêmes les possibilités qui existent. Autre chose qu’ils doivent voir de leurs propres yeux : la diversité. Les jeunes Autochtones doivent se voir à l’œuvre dans le marché du travail. Pour les entreprises qui les embauchent, la mission ne se limite pas au recrutement : l’accompagnement, le mentorat et la supervision des mesures de soutien sont également essentiels.

Les employeurs qui offrent des mesures de soutien complètes ou secondaires réussissent mieux à retenir et à motiver les jeunes travailleurs, reconnaissant qu’un nouvel employé est une personne dans laquelle ils investissent. Bruno Manufacturing Ltd., en Alberta, a conservé 90 % du personnel qu’elle a recruté pour un projet de construction hors réserve de deux ans, en offrant des logements familiaux, du soutien à la santé psychologique et des services de responsabilisation par les pairs. L’Osoyoos Indian Band Development Corporation, en Colombie-Britannique, a une feuille de route impressionnante en matière d’occasions de développement économique. Elle œuvre dans 13 secteurs d’activité différents, dont le tourisme, la construction et le vin, et permet aux membres de la bande de se doter des compétences nécessaires pour occuper de nouveaux emplois. La société adapte ses programmes de formation des gestionnaires à chaque rôle, en mettant l’accent sur le perfectionnement des compétences pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans. Le taux de chômage dans la réserve est inférieur à 3 %, et 20 % des membres de la bande occupent des postes de direction. Pour élargir leur impact, les entreprises nationales doivent reproduire ces modèles et miser sur le développement du potentiel dès le départ. Un bon début : Suncor a lancé un programme de mentorat autochtone dont le nombre de participants a augmenté de 50 % depuis 2018.

Collectivité

Des lacunes de longue date en matière de financement et de ressources ont incité les collectivités et les jeunes Autochtones à compter sur les programmes et les services d’autres instances, comme les organismes à but non lucratif, les artistes et les athlètes. Ces acteurs donnent accès à des activités parascolaires et de perfectionnement des compétences qui ne sont pas accessibles autrement. Qu’il s’agisse de cours de danse ou de clubs de robotique, les jeunes acquièrent des compétences fondamentales, deviennent plus résilients et ont une plus grande confiance en eux. Ce qui fait encore défaut, c’est un moyen de reconnaître les compétences que les élèves ont acquises durant des activités parascolaires, par exemple dans le cadre de microprogrammes, afin qu’ils puissent démontrer plus facilement leurs aptitudes aux futurs employeurs.

Comme de plus en plus de groupes communautaires se spécialisent dans les compétences numériques, nous approchons d’un point de bascule dans l’acquisition de ces savoirs. En Nouvelle-Écosse, Digital Mi’kmaq a pour mission de faire découvrir aux élèves et aux enseignants autochtones les principes fondamentaux de l’économie, comme la programmation, la robotique, les mégadonnées et le développement Web. Ses activités, programmes et ateliers éducatifs enrichis ont permis de rejoindre 14 000 élèves et enseignants canadiens dans la région de l’Atlantique. Dans l’ouest, IndigeSTEAM a créé un club de robotique dans quatre réserves en Alberta. En 2019, elle a envoyé une équipe composée majoritairement d’Autochtones à un concours international de robotique à Dubaï. En Colombie-Britannique, le First Nations Technology Council s’est associé à plus de 150 communautés autochtones de la province pour donner des conseils, proposer des idées et offrir de la formation liée aux technologies. Le rôle des entreprises est également important dans ce domaine, car elles financent des organisations de jeunes comme Actua Canada et Right To Play.

Gouvernement

La dynamique du pouvoir évolue, ce qui crée de nouvelles possibilités. L’autonomie gouvernementale des Autochtones a pris de l’ampleur au Canada dans les années 1990, et les appels à des consultations constructives et à un développement économique durable se sont multipliés à la suite de la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation en 2015. Les effets de la distorsion économique se font encore sentir aujourd’hui, mais le peuplement et les investissements ont grandement contribué à élargir la propriété autochtone et à accroître la capacité d’établir des partenariats privés. Même si davantage de partenariats sont conclus avec le secteur privé, certaines bandes continuent d’apprendre ce qu’elles devraient demander. Les deux parties doivent s’efforcer de parvenir à des accords mutuellement bénéfiques, et donner aux jeunes la possibilité d’apprendre et de développer de nouvelles compétences.

Le leadership peut être un élément décisif en matière de progrès et d’établissement de partenariats. Dans le nord du Manitoba, les réformes économiques menées par l’Onekanew (chef) Christian Sinclair, ont permis à l’aile commerciale de la Nation crie d’Opaskwayak d’être rentable, grâce à des investissements dans les secteurs du cannabis, de l’aérospatiale et du renouvellement des infrastructures. L’accès à Internet favorise cette croissance. De fait, l’achèvement d’un réseau de fibre optique dans le cadre d’un partenariat avec Bell MTS a été le premier du genre au Manitoba.

En Colombie-Britannique, plus de 80 % des revenus de la bande de la Nation Haisla proviennent de sources non gouvernementales. Un projet de gaz naturel liquéfié à proximité fournit un levier économique clé, en plus des ententes concernant les terres et la construction qui génèrent des revenus à long terme, lesquels sont ensuite réinvestis au profit de la nouvelle génération. Chaque salle de classe de la nouvelle école communautaire Haisla est équipée de tableaux intelligents combinant culture, science et technologie.

Il est essentiel de bien gérer les ressources, et le Conseil en éducation des Premières Nations du Québec offre une formation sur la manière d’y parvenir. Il collabore avec 24 écoles réparties dans 24 Premières Nations, et ce partenariat a culminé avec la création, en 2011, de l’Institution Kiuna, le seul établissement d’enseignement postsecondaire conçu pour les Premières Nations au Québec, dont l’objectif est de favoriser l’acquisition de compétences de travail utiles pour les employeurs locaux et d’offrir une éducation centrée sur les réalités autochtones. À l’échelle nationale, la Commission de vérité et réconciliation a poussé le gouvernement fédéral à fournir suffisamment de fonds pour combler l’écart en matière d’éducation entre les élèves autochtones et non autochtones d’ici une génération.


Accès au capital

Pour que la jeunesse autochtone profite des occasions que présente la quatrième révolution industrielle, de nouvelles entreprises et de nouveaux partenariats et services doivent être créés au sein des collectivités autochtones. Des investissements importants seront également nécessaires pour mettre à profit les nombreuses possibilités. Selon l’Indigenomics Institute, le renforcement de la capacité économique de ces collectivités contribuerait à réaliser le potentiel d’une économie autochtone de 100 milliards de dollars.

Hélas, pour de nombreuses entreprises et collectivités autochtones, l’accès au capital demeure un obstacle majeur qui les empêche de prendre pleinement part à l’économie dans son ensemble. En 2017, Waterstone Strategies a estimé que les entreprises appartenant aux Premières Nations et à des Inuits n’utilisaient que 0,2 % du crédit total disponible au Canada et qu’elles avaient accès à environ 9 ou 11 fois moins de capitaux des marchés que la plupart des entreprises canadiennes. Les peuples autochtones continuent de se heurter à de multiples obstacles structurels et systémiques pour assurer leur sécurité financière, allant des restrictions énoncées dans la Loi sur les Indiens relativement à la propriété d’actifs aux préjugés raciaux que peuvent avoir les prêteurs.

Il faut maintenant mettre en place de nouveaux canaux financiers et offrir des services-conseils aux entreprises de façon à créer un pont entre les entrepreneurs et les capitaux. Des organismes comme l’Association nationale des sociétés autochtones de financement ont besoin de soutien pour réaliser leur mission. Cette association regroupe 59 institutions financières autochtones qui veillent à stimuler la croissance économique en accordant 50 000 prêts d’une valeur totale de 3 milliards de dollars à des entreprises autochtones.


 

Recommandations

La responsabilité d’offrir à la nouvelle génération de Canadiens autochtones une éducation, des compétences et des possibilités en vue de l’avenir est partagée. Les gouvernements, les employeurs, les éducateurs et les collectivités jouent tous un rôle clé. Voici quelques mesures qui pourraient aider :

  1. Respecter l’engagement du gouvernement fédéral à assurer à tous les Canadiens d’ici 2030 un accès Internet haute vitesse, y compris le réseau à large bande et l’infrastructure connexe, en donnant la priorité aux communautés autochtones mal desservies.
  2. Accroître l’accès au capital de risque en procurant un appui particulier au nouveau Fonds de croissance autochtone, fruit d’un engagement de 150 millions de dollars du gouvernement du Canada, de la Banque de développement du Canada et d’autres organismes gouvernementaux, ce qui pourrait être de bon augure pour des investissements futurs.
  3. Allouer des fonds supplémentaires pour les cours de technologie et les appareils numériques dans les écoles primaires et secondaires, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, en tirant parti des programmes de paiements de transfert utilisés par Services aux Autochtones Canada et les ministères provinciaux et territoriaux de l’Éducation.
  4. Résoudre les problèmes d’accès à l’apprentissage intégré au travail pour les jeunes Autochtones en consolidant la subvention accordée aux étudiants autochtones dans le cadre du Programme de stages pratiques pour étudiants, en élargissant les options d’apprentissage intégré au travail à distance et en établissant des mécanismes de jumelage entre les employeurs et les candidats.
  5. Élargir les programmes de transition dans les universités et les collèges, et les programmes d’apprentissage qui perfectionnent les compétences fondamentales et numériques des apprenants autochtones et améliorent leurs résultats dans les programmes d’études supérieures.
  6. Combler la grande insuffisance de données sur la participation des Autochtones du Canada au marché du travail en augmentant le financement accordé à la collecte et à la coordination des données dans le cadre du programme fédéral de formation pour les compétences destiné aux Autochtones.
  7. Tirefr parti des récents investissements dans l’éducation en ligne par les commissions scolaires et les établissements d’enseignement postsecondaire pour élargir l’offre de cours STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) aux étudiants autochtones grâce à un programme d’apprentissage à distance et hybride de grande qualité offert dans leurs écoles.
  8. Accroître la représentation de la culture, des langues et du contenu autochtones dans les espaces en ligne en rendant l’adoption d’une approche numérique prioritaire pour les conseils des arts et en augmentant la portée des influenceurs autochtones qui mettent en valeur leur culture dans les médias sociaux.


Le présent rapport de RBC s’inscrit dans son programme de recherche Humains recherchés. Il fait suite à une série de tables rondes et d’entretiens auxquels ont participé des jeunes, des dirigeants, des employeurs et d’autres intervenants autochtones au cours des 18 derniers mois. De plus, il s’appuie sur les résultats des sondages d’Objectif avenir RBC menés auprès des participants au programme, dont 2 000 jeunes Autochtones, et sur des analyses de données sur l’emploi provenant du recensement et d’autres produits de Statistique Canada. Objectif avenir RBC est un engagement sur dix ans visant à aider les jeunes Canadiens à se préparer à l’économie du savoir des années 2020 et au-delà.


Andrew Schrumm a assumé le rôle de chercheur principal au sein de l’équipe Leadership avisé RBC. À ce titre, il a examiné les conditions à créer pour faire du Canada un pays diversifié, innovateur et durable à l’aube des années 2020. Il a dirigé le projet de recherche de RBC sur les aptitudes de l’avenir, qui traitait de la mobilité professionnelle axée sur les aptitudes, de l’apprentissage continu et des possibilités d’automatisation dans l’économie canadienne.

Sonya Bell s’est jointe à l’équipe Leadership avisé et Services économiques RBC en 2018, à titre de première directrice, Diffusion de contenu. Elle a exercé précédemment la fonction de rédactrice principale pour l’ancien premier ministre de l’Ontario. Auparavant, Mme Bell a travaillé dans le domaine du journalisme en tant que productrice à CBC et de journaliste affectée à la politique fédérale pour iPolitics. Entre la colline du Parlement et Queen’s Park, elle a été scénariste de l’émission This Hour Has 22 Minutes durant deux saisons.

Tracee Smith est la fondatrice et la chef de la direction de Outside Looking In, la plus grande œuvre de bienfaisance nationale qui aide les jeunes Autochtones à découvrir la pleine mesure de leur potentiel. Elle est une membre de la Première Nation crie de Missanabie dans le nord de l’Ontario et une spécialise de la stratégie d’entreprise, des finances et des affaires autochtones. Elle a travaillé à la Banque TD, à Valeurs Mobilières TD, à Conseillers T.E., et a conseillé des clients comme Nestlé Waters, Enbridge et Compagnie Pétrolière Impériale. Elle détient une maîtrise en administration des affaires (MBA) avec spécialisation en développement économique communautaire et une maîtrise en finances de l’Université Queens. Elle est également titulaire d’un baccalauréat en danse de l’Université York et a été la première danseuse professionnelle à danser à Rideau Hall. Elle siège actuellement au conseil d’administration du Centre national des Arts, au conseil de la Smilezone Foundation et au conseil de L’Opération boîte à chaussures.

 

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