Assurer le financement climatique

C’était la journée de la finance à la #COP28, et la question de l’argent était sur toutes les lèvres.

C’est un sujet auquel on peut s’attendre à Dubaï, avec son étalage ostentatoire de richesse et d’ambition à chaque coin de rue. Mais à la grande conférence sur le climat des Nations Unies qui se tient ici, on a entendu de nombreuses questions sur la provenance de cet argent et à quoi il devrait être affecté.

Conclusion : nous devons mobiliser 100 000 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années, et même pour Dubaï, amasser cette somme nécessite une certaine imagination.

Commençons par les gros montants. L’hôte de la conférence de cette année, les Émirats arabes unis, fait partie des nombreux pays qui souhaitent investir dans cette nouvelle ère de développement sans émissions. La COP (pour la Conférence des Parties qui ont signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) de Dubaï a déjà recueilli 57 milliards de dollars des États membres, selon les organisateurs. En outre, les Émirats arabes unis se sont engagés à verser 270 milliards de dollars d’ici 2030. Le pays hôte, dont la fortune repose sur le pétrole, est également en train d’élaborer une proposition pour un fonds d’investissement climatique de 50 milliards de dollars, qu’il financerait avec BlackRock et TPG.

Une grande partie de cet argent est nécessaire dans les pays à faibles revenus, où l’industrie n’est pas en mesure de financer une transition vers des systèmes énergétiques non polluants, et les grands investisseurs montrent ce qui peut être fait, notamment grâce à des parcs solaires et à la production d’hydrogène.

Pour les petits montants, c’est plus compliqué. Cela relève des marchés du carbone, qui permettent aux pollueurs de payer des gens et des entreprises dans le monde entier pour poser des gestes respectueux du climat, comme la plantation d’arbres ou les semis directs pour absorber une partie des gaz à effet de serre qu’ils émettent. Ces marchés connaissent une croissance lente, mais régulière, qui devrait amener à transférer des milliards de dollars et à encourager une meilleure gestion des émissions.

Mais au cours de l’année dernière, une série de scandales, comme une fausse plantation d’arbres, a ralenti leur expansion.

À l’occasion de la journée de la finance, j’ai écouté certains des plus grands investisseurs du monde discuter de leurs préoccupations au sujet de ces difficultés croissantes pour les marchés du carbone. Ils craignent que les « puristes » du climat n’empêchent la maturation de ce marché relativement nouveau. Ils n’ont qu’à regarder à l’entrée une affiche officielle de la COP qui invite à assurer le financement climatique.

Le débat se poursuit sur la question de savoir si les choses vont avancer assez rapidement, en particulier lorsque le monde de la finance parle encore de milliards alors que des milliers de milliards pourraient être nécessaires.


Également à l’occasion de la journée de la finance, le Canada est monté sur la scène mondiale pour parler de participation autochtone. Chana Martineau (à droite, ci-dessus), cheffe de la direction de l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation (AIOC), a pris la parole aux côtés de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith (à gauche), pour expliquer comment la garantie de prêts de 3 milliards de dollars octroyée par la province a aidé les communautés autochtones à obtenir une voix au chapitre du développement économique. En seulement quatre ans, l’AIOC a contribué à la création de milliers d’emplois, à des revenus annuels de 27 millions de dollars pour les communautés et à l’établissement d’une source de 1,5 milliard de dollars de bénéfices sur les 30 prochaines années.

Pensez à ce que le Canada pourrait faire avec un Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, comme celui qui a été annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne. Un grand moment pour la réconcili-action.


Au-delà des combustibles fossiles

C’est la journée de l’énergie à la COP28 de Dubaï, et étant donné le lieu où se déroule la grande conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, vous pourriez penser qu’elle porte sur le pétrole et le gaz. Détrompez-vous.

Les combustibles fossiles sont, bien sûr, au cœur de la COP, mais l’accent est mis également sur les énergies renouvelables et le nucléaire. Cette région devient rapidement un centre d’énergie solaire et éolienne. C’est aussi l’une des nombreuses régions qui enregistre une croissance du secteur nucléaire, qu’elle veut aider à promouvoir. La COP28 a déjà obtenu l’accord de 50 pays pour tripler la production nucléaire d’ici 2050 ; l’un d’eux, la Chine, construit 22 centrales nucléaires (bien qu’elle ait 5 000 projets de centrales électriques alimentées au charbon). Et en Europe, l’Allemagne se rapproche des 50 % d’énergie renouvelable.

Pour de nombreux participants, la journée de l’énergie a été moins axée sur l’approvisionnement énergétique que sur la sécurité énergétique – au niveau national et des ménages. Les pays de tous les continents continuent de décrier les séquelles de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a provoqué une flambée des prix. Ils semblent généralement adhérer à la nouvelle doctrine américaine selon laquelle sécurité énergétique égale sécurité nationale.

Les dirigeants africains, en particulier, ont passé la journée à exprimer leurs inquiétudes concernant leur propre vulnérabilité aux pénuries d’énergie et aux chocs énergétiques. Bon nombre de ces pays dépendent encore de la biomasse pour le chauffage et la cuisine et pourraient profiter d’un meilleur accès au gaz naturel avant de passer entièrement aux énergies renouvelables.

Dans l’intervalle se trouvent les nouvelles technologies énergétiques comme l’hydrogène et la fusion, ainsi que les technologies de réduction des émissions comme le captage du carbone et la fusion nucléaire. John Kerry, l’envoyé spécial des États-Unis sur les changements climatiques, a déclaré qu’il était enfin convaincu que nous n’étions plus à 30 ans de l’utilisation de la fusion. Et si c’est le cas, cela pourrait transformer la façon dont le monde produit de l’énergie.

L’Europe continue à promouvoir l’hydrogène, mais les données économiques pourraient freiner ses ambitions.

M. Kerry s’est montré direct en déclarant que la demande d’énergie continuera d’augmenter avec la croissance de la population et de l’économie et qu’il faut, par conséquent, répondre à la demande.

Il a exhorté la conférence des Nations unies à établir deux priorités. L’une consiste à s’assurer que la production totale diminue, c’est-à-dire que les producteurs captent les émissions rejetées par une usine, une raffinerie ou un puits. Deuxièmement, il faut se concentrer sur la réduction du méthane, où le secteur réalise d’énormes progrès. Plus de 50 sociétés, sous le mot-clic #COP, ont signé l’engagement mondial sur le méthane.

La COP28 s’achève dans une semaine et les dirigeants de Dubaï estiment que le secteur peut se forger un avenir et tiennent à maintenir cette orientation. Dans les jours à venir, ils tenteront de faire valoir qu’à long terme, la sécurité climatique passera par la sécurité énergétique.


Le verre et l’acier confrontés à l’anxiété climatique

C’était la journée des bâtiments à la COP28, et Dubaï est l’endroit idéal pour discuter de l’impact climatique des tours de bureaux et de l’étalement urbain.

Comme de nombreuses villes des marchés émergents, la silhouette étincelante de la métropole incarnait auparavant la quête humaine de progrès et de prospérité. Mais désormais, l’anxiété climatique domine parmi tout ce verre et cet acier.

La construction contribue à 40 % des émissions mondiales, envoyant 38 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère chaque année, en grande partie à cause de la chaleur intense nécessaire à la production de l’acier et du béton. Si les taux de croissance actuels se maintiennent, les émissions pourraient doubler au cours des 25 prochaines années, du fait que des centaines de millions de personnes s’installent dans les villes. Et l’impact sur le climat serait majeur. Pensez à toute la chaleur nécessaire pour produire tout cet acier et ce verre.

J’ai participé à un groupe de discussion composé de cimentiers et d’ingénieurs qui expliquaient ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Nous avons convenu que le secteur de la construction doit trouver de nouvelles façons de proposer des immeubles respectueux de l’environnement, pour les investisseurs et les locataires, et offrir certains éléments de ces immeubles aux investisseurs qui pourraient vouloir en acquérir une partie, comme un toit à panneaux solaires, par exemple.

Les gouvernements peuvent aussi faire plus sur le plan de l’approvisionnement, en exigeant des promoteurs que les nouvelles écoles, les nouveaux hôpitaux et les nouveaux espaces publics soient aussi proches que possible de la carboneutralité.
La société de services-conseils McKinsey & Co. estime que 11 % de toutes les émissions d’un immeuble pourraient être réduites avec de meilleures pratiques de gestion, qui n’augmentent pas les coûts de construction. Ces économies pourraient atteindre 22 % d’ici 2030, et 40 % si certains coûts étaient absorbés.

Une ville comme Dubaï pourrait probablement financer cela, en utilisant les revenus actuels du pétrole et du gaz, mais elle pourrait aussi avoir besoin de soutien pour investir davantage.

À l’avenir, de nouvelles approches, comme la construction hors site, l’électrification du matériel sur les sites et l’acier recyclé, pourraient aider. Il existe aussi de nouvelles technologies, comme les thermopompes, qui peuvent changer radicalement les systèmes énergétiques locaux.
Dubaï – et d’autres villes qui connaissent une croissance rapide – pourrait avoir valeur de test. Le centre de conférence où se rassemblent les Nations Unies a plutôt des allures de campus formé d’immeubles bas et ouverts, chacun reconverti cette semaine pour la conférence sur les changements climatiques. De tels immeubles discrets pourraient servir de modèle à un nouveau type d’urbanisme – si les pays en développement rapide sont prêts à renoncer aux gratte-ciel.

Diane Hoskins, une architecte de premier plan et cocheffe de la direction de Gensler, a déclaré lors de notre réunion de la COP que les architectes et les ingénieurs doivent être plus flexibles, tout comme les gouvernements locaux. Ils doivent s’assurer que les immeubles contribuent à la lutte contre les changements climatiques, tout en étant résistants face à leurs impacts majeurs, y compris la chaleur.

Des modèles d’affaires prospères pourraient avoir une grande incidence, puisque l’argument du profit devient un facteur toujours plus déterminant de l’action climatique.

On en trouve un bon exemple à Hong Kong, où MPD Energy a aidé l’industrie de la construction à abandonner les combustibles fossiles en déployant des batteries portables pour alimenter le matériel. Il y a seulement trois ans, la construction à Hong Kong dépendait intégralement des combustibles fossiles. Aujourd’hui, elle ne l’est qu’à 40 %, grâce à des batteries qui peuvent produire jusqu’à 500 kW d’électricité et ont déjà aidé l’industrie à réduire ses émissions de 40 %.


Le débat sur la réduction des GES

Il faudra s’habituer à entendre l’expression « sans dispositif d’atténuation ». Elle occupe une place centrale à la conférence sur les changements climatiques des Nations Unies à Dubaï. Les principales puissances économiques et les plus gros producteurs de pétrole du monde, dont les Émirats arabes unis, le pays hôte, veulent que la COP28 réclame la réduction de la production de combustibles fossiles « sans dispositif d’atténuation », c’est-à-dire de tout ce qui ne capte pas les émissions de gaz à effet de serre à la source.

Les opposants à cette demande craignent que cela ne donne carte blanche aux producteurs de pétrole et de gaz pour produire autant qu’ils le veulent, tant qu’ils utilisent des technologies de captage du carbone. Ils redoutent que l’enthousiasme suscité par ces mesures d’atténuation fasse oublier les émissions causées par les combustibles fossiles lorsque les gens conduisent leur voiture ou chauffent leur maison. En outre, ils s’inquiètent qu’il n’y ait pas assez de preuves que les technologies de réduction sont aussi efficaces qu’il le faudrait.

Ce débat sur la réduction des émissions va probablement définir la COP28, qui porte bien son surnom de « COP du pétrole et du gaz ». Il n’est donc pas surprenant que la conférence ait attiré d’importantes délégations de pays producteurs de pétrole, ainsi que des équipes de direction de plusieurs des plus grandes sociétés pétrolières et gazières du monde.

Ils font valoir que le monde compte beaucoup sur les combustibles fossiles et qu’il ne réduira pas cette dépendance de sitôt, quel que soit le rythme de croissance des énergies renouvelables. Le dirigeant d’une société pétrolière des Émirats arabes unis a rapporté aujourd’hui un fait étonnant : lors du premier sommet mondial sur le climat, en 1992, environ 82 % de l’énergie mondiale provenait du pétrole, du gaz et du charbon ; actuellement, à l’heure de la COP28, cette part est de 80 %. Curieusement, plus du quart de l’énergie mondiale provient encore du charbon.

De nombreux activistes de la lutte contre les changements climatiques demandent des solutions plus radicales pour forcer une transition complète vers les énergies renouvelables. Ils nagent toutefois contre le puissant courant de l’offre et de la demande. Les États-Unis, qui sont maintenant le plus grand producteur de pétrole au monde, sont sur le point de produire un nombre record de barils cette année et pourraient envisager d’accroître de nouveau la production l’an prochain – une année électorale – afin de maintenir le prix de l’essence à un bas niveau. Cela alimente les rumeurs selon lesquelles l’Arabie saoudite augmentera sa propre production pour faire baisser davantage les prix et évincer les producteurs américains du marché.

Le potentiel d’une nouvelle guerre du pétrole a attiré cette semaine un visiteur inattendu aux Émirats arabes unis, Vladimir Poutine. Le président russe n’a pas assisté à la COP, mais il a rencontré des dirigeants émiratis, avant de se rendre en Arabie saoudite pour discuter de production pétrolière. Les Émirats arabes unis sont le huitième producteur de pétrole au monde et ils comptent accroître leur offre de 40 % au cours de cette décennie.

Peut-on réduire toute cette production ? C’est une question à laquelle la COP28 ne peut probablement pas répondre. Mais elle tentera d’inciter le monde à relever le défi.

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