Quand vous réfléchissez à l’économie de l’Alberta, vous pensez probablement au pétrole, au bœuf… et à la technologie de pointe ? C’est une réalité incontournable. Orientés vers l’énergie propre, les technologies de l’information, la biotechnologie et la nanotechnologie, les secteurs axés sur l’innovation en Alberta ont généré, au total, 16 milliards de dollars US l’an dernier, devancés uniquement par le secteur de l’énergie traditionnelle.

Afin d’explorer l’économie de l’innovation en croissance de l’Alberta, nous avons transporté notre série de conférences mensuelles #LesInnovateursRBC à Calgary cette semaine, et avons réuni à cette occasion trois entrepreneurs locaux qui ont présenté leurs activités. Notre panel était composé d’Arlene Dickinson, ancienne vedette de l’émission Dragon’s Den, version anglaise de Dans l’œil du dragon, qui constitue un fonds de capital de risque accélérateur d’entreprises visant à financer les entreprises en démarrage du secteur de l’alimentation et du bien-être ; de Kip Fyfe, chef de la direction de 4iiii Innovations, seconde entreprise de l’entrepreneur axée sur l’informatique vestimentaire ; et de Trent Johnsen, fondateur de Hookflash, société de communications en temps réel à laquelle font notamment appel Google et Microsoft.

La conjoncture n’est pas favorable. La débâcle du secteur pétrolier dure depuis deux ans, le taux de chômage provincial frôle les 10 %, et les gens qui quittent Calgary sont plus nombreux que ceux qui s’y établissent. De plus, la province obtient une maigre part des investissements de capital de risque, soit seulement 3 % des sommes totales investies à l’échelle nationale.

Vu la faiblesse des prix de l’énergie, les investisseurs ont toutefois senti qu’il était temps de faire preuve d’ingéniosité pour relancer l’économie de l’Alberta. Voici, d’après les participants, ce qu’il faudra faire :

1. Reconnaître ses forces — et les assumer

L’Alberta doit faire des choix. L’énergie propre est un choix évident, compte tenu des talents de la province en ingénierie et des grandes connaissances que l’on y retrouve dans le domaine de l’énergie. L’agriculture va également de soi, surtout si on l’associe à un mode de vie sain. Au chapitre des exportations, les produits alimentaires et les boissons ont d’ailleurs dépassé les produits énergétiques raffinés l’an dernier. Pour Arlene Dickinson, les produits alimentaires et de bien-être albertains devraient être considérés comme la nouvelle norme de qualité à l’échelle mondiale. « C’est exactement ce dont le monde a besoin », déclare-t-elle. Elle soutient que le pétrole et le gaz de l’Alberta devraient aussi bénéficier d’une telle notoriété. Tout cela signifie que la province devra miser sur la transformation à valeur ajoutée, ainsi que sur une meilleure commercialisation à l’étranger.

2. Utiliser l’argent du pétrole pour pousser la réflexion

La richesse privée est abondante en Alberta, et il y a beaucoup de talents entrepreneuriaux. C’est exactement ce qu’il faut à chaque jeune entreprise. Mais il n’est pas facile d’amener des entrepreneurs prospères et des dirigeants d’entreprise qui ont fait fortune dans le pétrole et le gaz à se tourner vers d’autres secteurs. Ils sont souvent réticents à se lancer dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas. À mesure que le prix du pétrole remontera, les perspectives qu’ouvre cette richesse pétrolière en Alberta se multiplieront. Le gouvernement provincial l’a reconnu cette année et a annoncé un nouveau crédit d’impôt de 30 % pour les investissements dans les autres secteurs d’activité, comme l’informatique, les technologies propres et les technologies de la santé. Il serait possible d’en faire encore plus. Par exemple, des investisseurs providentiels pourraient être jumelés à des entrepreneurs, et leurs investissements seraient complétés par des capitaux équivalents provenant du gouvernement et des banques, comme cela se fait au Québec.

3. Profiter des difficultés économiques pour miser sur le talent

C’est un thème en vogue dans tout le pays : on se dispute les talents. L’Alberta, autrefois championne au chapitre de l’obtention des meilleurs talents, est maintenant du côté des perdants alors que se poursuit l’exode des travailleurs du secteur pétrolier. Une partie de la migration de la main-d’œuvre est inévitable. Même en période de prospérité, des programmeurs talentueux et des entrepreneurs ambitieux partaient pour Vancouver ou San Francisco, où se démarrent de nombreuses entreprises dans le secteur du logiciel. Un exemple : Garrett Camp, ingénieur originaire de Calgary, est parti pour la Silicon Valley, a été l’un des fondateurs de Uber, a programmé une grande partie de l’application et est en train de développer une nouvelle entreprise, Expa, à San Francisco et à Vancouver. Calgary ne pourra peut-être pas le récupérer, mais pourra profiter du ralentissement pour attirer de nombreux autres talents. Le logement est enfin abordable, les bureaux vides ne manquent pas et la qualité de vie, avec les montagnes, les rivières et les grands espaces, rivalisent avec tout ce que Portland, Seattle ou Austin ont à offrir. Et il ne faut pas oublier l’immigration. Le gouvernement fédéral intensifie le programme d’immigration économique du Canada, et l’Alberta a la possibilité d’attirer les meilleurs et les plus brillants talents mondiaux. La province compte des universités de calibre mondial, des impôts peu élevés, des villes où il fait bon vivre et des collectivités de plus en plus diversifiées, offrant ainsi un mode de vie coûtant 40 % moins cher qu’à Vancouver ou à Toronto.

4. Propager l’esprit entrepreneurial de l’Alberta aux universités de la province

L’un des reproches que font les trois participants porte sur l’incapacité relative des universités de l’Alberta de commercialiser leurs recherches. Tous vont jusqu’à affirmer qu’ils s’adresseraient ailleurs pour leur R-D. C’est peut-être un peu injuste pour ces universités, mais pas complètement. Prenons l’Université de l’Alberta. Elle a tranquillement acquis une expertise de très haut calibre dans le domaine de l’intelligence artificielle, et les entrepreneurs du campus devraient pouvoir en faire des perspectives d’affaires gigantesques en utilisant l’apprentissage machine pour réduire les émissions de carbone des sables bitumineux ou pour améliorer l’efficacité des hôpitaux de la province. Mais pour cela, il faudra à ces campus une véritable culture de la propriété intellectuelle qui encourage les professeurs et leurs étudiants à transformer les idées théoriques en occasions d’affaires très rentables.

5. Faire de Calgary une porte d’entrée internationale

Avec les Rocheuses à l’ouest, les Prairies à l’est, l’Arctique au nord et les badlands au sud, l’Alberta peut sembler bien loin de l’univers des entreprises en démarrage. Il n’en est rien. Trent Johnsen bâtit son entreprise avec des partenaires du monde entier qui misent sur la source libre, et il ne doit que rarement sortir de chez lui. Sa connexion est impeccable et les fuseaux horaires jouent en sa faveur. Kip Fyfe travaille à partir de la petite ville de Cochrane, où il préfère conserver les membres de son équipe pour les avoir à portée de main, mais il ne s’est jamais senti éloigné ni des États-Unis ni du reste du monde. Il affirme que ses deux entreprises réalisent la quasi-totalité de leurs ventes à l’étranger. Et s’il a besoin d’accéder à des marchés clés pour ses vêtements de sport, il n’est qu’à 45 minutes de l’aéroport et le trajet jusqu’à la côte ouest est très court. Et les choses vont encore s’améliorer. Une nouvelle aile, qui a coûté deux milliards de dollars, vient d’ouvrir cette semaine à l’aéroport international de Calgary, qui n’hésite pas à parler du « terminal aéroportuaire le plus avancé au Canada ». L’innovation donc, dès l’atterrissage.

John Stackhouse est un auteur à succès et l’un des grands spécialistes en matière d’innovation et de perturbations économiques au Canada. À titre de premier vice-président, Bureau du chef de la direction, il dirige la recherche et exerce un leadership avisé concernant les changements économiques, technologiques et sociaux. Auparavant, il a été rédacteur en chef du Globe and Mail et éditeur du cahier « Report on Business. » Il est agrégé supérieur de l’institut C.D. Howe et de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto, en plus de siéger aux conseils d’administration de l’Université Queen’s, de la Fondation Aga Khan Canada et de la Literary Review of Canada. Dans son dernier livre, « Planet Canada: How Our Expats Are Shaping the Future », il aborde la ressource inexploitée que représentent les millions de Canadiens qui ne vivent pas ici, mais qui exercent leur influence depuis l’étranger.

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