Principales conclusions

Les étudiants étrangers constituent un pilier de la stratégie d’immigration du Canada dans un contexte de resserrement démographique structurel. Environ 17 % des nouveaux résidents permanents et 40 % des immigrants économiques, sur une base annuelle, ont auparavant fait des études au Canada1.

Ils représentent un vivier de talents internationaux hautement qualifiés. Par rapport aux étudiants canadiens, les étudiants étrangers sont 30 % plus nombreux à faire des études d’ingénieurs, et au moins deux fois plus nombreux à étudier les mathématiques et les sciences informatiques – c’est-à-dire deux des principaux domaines dans lesquels des pénuries de main-d’œuvre sont attendues.

Le Canada est l’un des trois principaux exportateurs mondiaux de services éducatifs. Les étudiants étrangers sont également devenus une importante source de financement pour les établissements d’enseignement postsecondaire du Canada, qui jouent un rôle important dans la sélection des candidats étrangers. Bien qu’ils représentent moins d’un cinquième des inscriptions universitaires, les étudiants étrangers représentent un tiers des droits de scolarité versés.

La distribution des étudiants étrangers évolue, ce qui pourrait avoir une incidence sur le marché du travail du futur et entraîner une concentration des pays d’origine. Les inscriptions d’étudiants étrangers dans les collèges publics et privés ont augmenté presque deux fois plus vite que les inscriptions dans les universités. Mais de nombreux étudiants ne sont peut-être pas prêts à entrer sur le marché du travail, et ils ont devant eux un chemin long et tortueux pour accéder à la résidence permanente – si tant est qu’ils y parviennent un jour.

Les décalages sur le marché du travail et la complexité du système d’immigration pourraient réduire notre capacité à conserver les talents internationaux. Les étudiants étrangers sont sous-représentés dans les soins de santé et les métiers, et peu ont la possibilité d’acquérir le niveau d’expérience professionnelle initiale dont bénéficient les étudiants nationaux.

La concurrence internationale s’intensifie pour gagner la faveur des étudiants étrangers de haut niveau, alors que les pays comparables au Canada, ainsi que de nouveaux concurrents affûtent leurs politiques d’immigration afin de soutenir leurs employeurs avides de talents.


Le processus pour passer du statut d’étudiant à la citoyenneté canadienne doit être revu de toute urgence

Chaque année, des milliers d’étudiants étrangers sortent des universités et des collèges canadiens, dotés de compétences essentielles pour réussir dans la nouvelle économie. À présent, les droits de scolarité non subventionnés versés par les étudiants étrangers sont une source de revenus lucratifs pour nos établissements d’enseignement postsecondaire, ce qui rehausse l’image du Canada comme l’un des pays ayant le système éducatif le plus performant au monde.

Les étudiants étrangers sont également considérés comme des candidats idéaux pour la résidence permanente, afin de remplacer une main-d’œuvre vieillissante. Le système d’immigration canadien s’est penché sur la question, en donnant la priorité aux résidents permanents de la catégorie des immigrants économiques (c.-à-d. les nouveaux immigrants) ayant des compétences recherchées sur le marché du travail. Les étudiants étrangers constituent aujourd’hui un important bassin de talents qui compte près de 40 % des nouveaux immigrants de la catégorie des immigrants économiques.

Mais à mesure que la lutte pour les talents s’intensifie dans le monde, le Canada doit affiner ses politiques pour conserver son avantage. Les pénuries de personnel récemment observées dans le secteur des soins de santé sont un signal d’alarme indiquant que le Canada doit adopter une approche plus stratégique pour exploiter et élargir son bassin d’étudiants étrangers. Des pénuries se profilent déjà à l’horizon en ce qui concerne les STIM, les métiers et les compétences nécessaires à la nouvelle économie verte. Pouvons-nous synthétiser notre stratégie internationale d’éducation et d’immigration afin d’établir une voie plus claire pour les étudiants étrangers désireux de s’implanter au Canada ?

Les différentes parties prenantes (gouvernements, établissements d’enseignement, employeurs) doivent travailler de concert pour élaborer des stratégies visant à ce que les talents les plus prometteurs ne nous glissent pas entre les doigts.

La valeur économique des immigrants issus du système éducatif est considérable, et elle se répercute sur l’ensemble de l’économie. Parmi les immigrants admis en 2018, les titulaires de permis d’études et de travail ont obtenu un salaire médian de 44 600 $ en l’espace d’une année, comparativement à 25 700 $ pour les immigrants n’ayant pas d’expérience de travail ou d’études au Canada.2 De plus, cet avantage sur le plan des salaires a pris de l’ampleur au fil du temps.3

Dans un contexte de resserrement des marchés du travail, d’autres pays ont redoublé d’efforts pour retenir les étudiants dotés des compétences recherchées. Étant donné que les effectifs d’étudiants étrangers devraient dépasser 7 millions par an dans le monde d’ici 2030, contre près de 5 millions aujourd’hui, les économies avancées et émergentes cherchent des façons d’attirer et de retenir les meilleurs talents dans leur système éducatif.4

Le Canada risque de perdre de son éclat, car d’autres pays cherchent à séduire les étudiants étrangers de haut niveau inscrits dans des programmes de STIM et autres disciplines telles que les soins de santé et les métiers. Étant donné que les meilleurs talents deviennent plus difficiles à saisir, la pression pour les attirer et les retenir va s’intensifier.


Le Canada, superpuissance de l’éducation

Reconnu pour ses programmes d’éducation internationale, le Canada a récemment dépassé le Royaume-Uni pour devenir la troisième destination des étudiants étrangers après les États-Unis et l’Australie. Sur la base des données par habitant, nous ne sommes devancés que par l’Australie dans le palmarès des pays fournisseurs de services éducatifs.

Cela représente une valeur économique importante. L’éducation des étudiants étrangers au Canada représente une exportation de services. Le Canada est l’un des 3 plus grands exportateurs mondiaux de services éducatifs, le secteur représentant environ 12 % des exportations de services du Canada en 2019. Les étudiants étrangers ont aussi apporté plus de 22 milliards de dollars à l’économie canadienne et assumé plus de 218 000 emplois en 2018.5

« Je songeais à faire des études supérieures au Royaume-Uni et en Australie, mais j’ai fini par choisir le Canada, car c’était le pays « le plus facile pour obtenir la résidence »

Kumara, étudiant internationale de Sri Lanka

Les inscriptions d’étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement postsecondaire canadiens sont passées de 7,2 % des effectifs en 2010 à près de 20 % en 2020. Depuis 2016, la croissance des inscriptions dans les établissements d’enseignement postsecondaire est entièrement attribuable aux étudiants étrangers.6

Comment en sommes-nous arrivés là ? D’abord, en 2016, la décision d’Ottawa d’accroître la part de l’éducation canadienne dans le système de points pour les résidents permanents a rehaussé le profil du pays en tant que carrefour mondial de l’immigration par la voie de l’éducation. Dans un récent sondage international mené auprès d’étudiants désireux d’étudier à l’étranger, 39 % des répondants ont indiqué que le Canada était leur premier choix, ce qui représente le score le plus élevé entre tous les pays.

« Le recrutement d’immigrants par l’entremise des parcours d’éducation est un moyen très efficace d’intégrer de nouveaux Canadiens et de les préparer à bien vivre dans ce pays. »

Matt Hebb, vice-président, Government and Global Relations, Université Dalhousie


Deuxièmement, au Canada, les droits de scolarité non subventionnés des étudiants étrangers sont devenus une source de revenus vitale pour les établissements d’enseignement désignés, c’est-à-dire les écoles qui peuvent accueillir des étudiants étrangers. Alors que les droits de scolarité nationaux stagnent et que le financement public par étudiant diminue dans de nombreuses provinces, les établissements d’enseignement désignés exploitent le riche bassin d’étudiants étrangers désireux d’étudier au Canada. Les étudiants étrangers représentaient environ un cinquième de l’effectif des étudiants, mais plus du tiers des droits de scolarité perçus par les universités canadiennes en 2018-2019, avec des droits en moyenne trois fois supérieurs à ceux des étudiants canadiens.

La distribution évolue

Les changements de politique et les mesures incitatives ont entraîné une évolution dans la distribution des étudiants étrangers au Canada. Ces changements sont un signe que le Canada se penche sur l’un de ses objectifs d’immigration – être un carrefour mondial de l’éducation, mais ils pourraient aussi nuire à son objectif principal, qui consiste à attirer et retenir les talents internationaux.

D’autre part, l’augmentation du recrutement d’étudiants étrangers issus de collèges pourrait laisser entrevoir un bassin d’étudiants pratiquement prêts à entrer sur le marché du travail, et pour lesquels le processus d’immigration sera plus rapide. Depuis 2016, les programmes postsecondaires de courte durée – plutôt proposés dans les collèges publics ou privés, parfois sur un cycle de huit mois à peine – ont vu leurs inscriptions augmenter deux fois plus vite que les inscriptions dans les autres programmes, et la hausse de la demande internationale a constitué une nouvelle source de croissance pour les collèges. En 2016, 1 étudiant sur 9 inscrit à un programme canadien de courte durée était né à l’étranger, contre un rapport de 1 sur 4 en 2020.7

« Les collèges et les instituts élaborent des programmes en collaboration avec des comités consultatifs des programmes, lesquels sont composés de personnes de la collectivité. Cela signifie que tout ce qui est enseigné dans les collèges et les instituts est en accord avec les besoins des marchés régionaux. »

Denise Amyot, Présidente et chef de la direction, Collèges et instituts Canada

Le revers de la médaille

Quelques collèges privés sans scrupules ont récemment été accusés de méthodes douteuses pour recruter des étudiants étrangers. Bien que ce phénomène soit rare, il met en avant l’importance de préserver l’intégrité du système éducatif du Canada.

Par ailleurs, il est possible que de nombreux étudiants étrangers ne comprennent pas les défis liés au coût de la vie, au marché du travail ou à la complexité du système de permis de travail au Canada. Ce décalage entre les attentes et la réalité pourrait nuire à la réputation internationale du Canada. Certains collèges privés d’enseignement professionnel ont été montrés du doigt pour ces problèmes, notamment de la part du Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario qui leur a reproché d’avoir manqué à la protection des étudiants.

Le Canada a besoin d’étudiants diplômés de collèges pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie. Cependant, certains étudiants inscrits dans les programmes de courte durée ont un chemin plus long à parcourir pour accéder au marché du travail et à la résidence permanente, et parfois aucune possibilité. Étant donné que les collèges accueillent maintenant 40 % des étudiants étrangers de postsecondaire au Canada, contre 24 % en 2010, leurs politiques d’admission sont cruciales pour le réservoir de talents étrangers du Canada.

Pour combler les lacunes en matière de compétences, bon nombre de collèges et d’universités collaborent avec les sociétés, municipalités et gouvernements provinciaux afin de créer des programmes de formation et de transition plus adaptés aux besoins du marché du travail. Mais pour réduire les écarts, il faudrait un changement politique plus concerté.

La force de la diversification

Le Canada a aussi connu un changement en ce qui concerne les pays d’origine de ses étudiants. À l’issue de la crise financière mondiale, le nombre d’étudiants indiens inscrits dans des établissements canadiens a commencé à augmenter, et cette tendance s’est intensifiée à partir de 2016. En 2017, l’Inde a surpassé la Chine en tant que pays d’origine pour les étudiants étrangers inscrits au Canada, avec près de 34 % des étudiants étrangers venant de l’Inde. Le nombre de permis d’études délivrés à des étudiants originaires de l’Inde a bondi de 270 % entre 2015 et 2020, contre un recul de 0,76 % pour les étudiants chinois.8

Aujourd’hui, environ 56 % des étudiants étrangers du Canada sont originaires de l’Inde ou de la Chine. La faible diversification du Canada en matière de pays d’origine de ses étudiants fait planer un risque géopolitique et de marché sur son réservoir de talents et ses exportations de services (comme lorsque l’Arabie saoudite a rapatrié ses étudiants en 2018 à la suite d’un différend diplomatique avec le Canada). En réponse à ce problème, les pouvoirs publics ont mis en place le Volet direct pour les études en 2018. Ce processus permet aux étudiants de 14 pays, dont le Pakistan, les Philippines et le Vietnam, d’obtenir un permis d’études plus rapidement, et il encourage les établissements d’enseignement désignés à élargir leur base d’étudiants. Il est encore trop tôt pour savoir si le Volet direct pour les études a modifié la distribution des étudiants accueillis par le Canada.

« Ce sont principalement les établissements qui sélectionnent les personnes. Et les programmes d’immigration fédéraux et provinciaux, de leur côté, se demandent : comment convaincre certaines de ces personnes de rester ? »

Iain Reeve, Directeur général associé, Immigration Research, Conference Board du Canada


Après l’école: le chemin de l’immigration

Une guerre mondiale est engagée pour attirer les talents.

Les pays comparables au Canada affûtent leurs politiques. Les États-Unis restent un aimant pour les étudiants étrangers, grâce à leurs universités de l’Ivy League et leurs possibilités d’emploi. De plus, le projet de réforme de la loi sur l’immigration aux États-Unis prévoit de faciliter l’entrée et le séjour des étudiants en STIM. Le Royaume-Uni a lancé une campagne pour attirer les étudiants étrangers de haut niveau. En 2021, l’Australie a également mis en œuvre une stratégie sur 10 ans afin d’ajuster son offre d’enseignement international en fonction des possibilités d’emploi, avec une diversification des pays d’origine.

Partout dans le monde, les compétences dans des domaines aussi variés que les STIM, les soins de santé, l’éducation, les emplois verts et l’industrie de pointe sont prisées comme jamais auparavant. L’Inde, la Chine, la Malaisie et Singapour font partie des pays de plus en plus nombreux qui cherchent à attirer, former et retenir les travailleurs du savoir.

Faire entrer les étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement est la première étape du processus d’immigration, dans la mesure où cela leur permet d’acquérir des aptitudes, une culture, des compétences linguistiques et des réseaux qui augmentent leurs chances de rester dans le pays. Néanmoins, les convaincre de rester dépend souvent de ce qui se passe à la fin de leurs études, lorsqu’ils évaluent leurs possibilités de carrière et de résidence permanente.

« Nous avons besoin d’une approche d’« Équipe Canada » pour commercialiser le pays en tant que destination pour l’éducation – pas seulement en termes de dollars, mais en s’engageant auprès des entreprises canadiennes et des organisations de la société civile profondément enracinées dans les pays et les régions que nous ciblons. »

Paul Davidson, Président-directeur générale, Universités Canada

L’importance des parcours

Le Canada a été le premier pays à créer un parcours plus clair vers la résidence permanente pour de nombreux étudiants étrangers. Plusieurs programmes, parmi lesquels le Programme de permis de travail postdiplôme (PPTPD), ont permis aux étudiants étrangers d’acquérir plus facilement une expérience professionnelle dans le pays et de commencer à travailler sans attendre la délivrance d’un permis de travail (un processus souvent long). Ce programme a été conçu pour retenir les étudiants étrangers au Canada et accélérer leur entrée sur le marché du travail, en les aidant à acquérir l’expérience qui pourrait appuyer leur demande de résidence permanente.

Depuis, le PPTPD est devenu un élément clé des parcours d’immigration pour les étudiants. Plus de 157 000 anciens étudiants sont devenus résidents permanents en 2021, et plus de 88 000 d’entre eux sont passés par un PPTPD.9 Un sondage de RBC mené auprès d’étudiants étrangers a révélé que 39 % d’entre eux avaient déjà soumis une demande de permis de travail postdiplôme, et que 55 % d’entre eux avaient l’intention de soumettre cette demande.

Mais le PPTPD ne s’applique pas à tout le monde – les étudiants de nombreux programmes de collèges privés ne sont pas admissibles. Il est également limité dans le temps, selon la durée des études. Si un étudiant souhaite gagner suffisamment de points pour obtenir la résidence permanente, il doit mettre bout à bout ou combiner plusieurs permis d’études et de travail. Pourtant, certains d’entre eux peuvent obtenir la résidence permanente directement à partir d’un PPTPD ou d’un visa de visiteur pour étudiant – il existe de nombreux parcours spécifiques.

Une fois qu’ils ont terminé leurs études, des milliers d’étudiants étrangers se sentent perdus dans ce labyrinthe qui est la voie vers la résidence permanente. Même pour les étudiants qui ont d’excellents dossiers, il peut être décourageant de naviguer entre les permis de travail, les permis d’études et les prolongations, ou de décider du type de résidence permanente à demander, à cause de l’absence d’orientation et de la réticence de leur futur employeur à se plonger dans le système d’immigration. Certains étudiants ont recours à des avocats ou des conseillers en immigration. Bon nombre d’établissements d’enseignement postsecondaire offrent des services visant à combler ces lacunes, mais leur capacité est limitée.

La difficulté à naviguer dans un système complexe ajoute au stress des étudiants et pourrait dissuader bon nombre d’entre eux de poursuivre leur rêve canadien. La perception d’un système d’immigration complexe et bureaucratique peut jouer sur leur décision de rester au Canada.10 Ces lacunes sont coûteuses pour le Canada, qui a constamment besoin d’un bassin de citoyens qualifiés pour assurer sa prospérité.

« Les parcours sont complexes, dynamiques et en constante évolution, ce qui est merveilleux. Mais tenter de suivre les changements de façon à pouvoir les exploiter peut être exténuant. »

Larissa Bezo, Chef de la direction, Bureau canadien de l’éducation internationale


Du campus à la vie en entreprise: les étudiants dans le milieu de travail

L’obtention d’un permis de travail est une étape importante dans le processus d’immigration, mais une expérience pertinente sur le marché du travail est un facteur déterminant pour obtenir la résidence permanente.

Le taux de conversion des étudiants étrangers en résidents permanents est de 33 % sur 10 ans au Canada, sur la base des groupes arrivés en 2010. Dans le cadre du PPTPD, le taux comparatif est de 73%11. L’utilisation du PPTPD a augmenté depuis 2008, ce qui devrait améliorer le taux de rétention global du Canada lorsque de nouvelles statistiques sur 10 ans deviendront disponibles. Néanmoins, une question importante est de savoir si le Canada est suffisamment efficace pour recruter et retenir les étudiants étrangers qui répondent aux besoins de notre marché du travail.

Les étudiants étrangers qui suivent des programmes d’études coûteux, mais prisés, peuvent avoir accès à des emplois bien rémunérés au Canada, mais bon nombre d’étudiants ont du mal à exploiter leur plein potentiel économique. La migration au Canada par le biais des études est également plus coûteuse que les autres canaux d’immigration. Les droits de scolarité moyens en université sont de 33 000 $ par année pour les étudiants étrangers, alors que le coût total s’élève à 15 500 $ pour les personnes qui migrent au Canada par d’autres canaux d’immigration. Pour bien des personnes, étudier au Canada peut ne pas produire le rendement désiré par rapport aux fonds investis.

Étudiants stressés

Bien qu’elle vive avec son frère, Suong, 19 ans, se sent « totalement isolée » et a du mal à s’adapter à son environnement. Cette étudiante en gestion des ressources humaines affirme également que le manque de relations avec l’ensemble de la société canadienne a ajouté à sa solitude.

D’autres pressions peuvent amplifier ce sentiment. Bien que les coûts du logement, du transport, et de la vie au Canada ne soient pas propres aux étudiants étrangers, des sondages indiquent que ces derniers sont particulièrement stressés en raison de leurs ressources et possibilités de travail limitées. La dépression est fréquente chez les étudiants étrangers, et souvent exacerbée par un manque d’assurance maladie adéquate.

Déconnexion par rapport au marché du travail

La déconnexion des étudiants étrangers par rapport au marché du travail est apparue comme une faiblesse dans le processus de conversion des étudiants en résidents permanents. D’une part, il y a un décalage entre les programmes d’études suivis par les étudiants étrangers et les besoins du marché du travail.

Les étudiants étrangers soient bien représentés dans les STIM et l’administration des affaires. Bien qu’ils sont 30 % plus nombreux à faire des études d’ingénieurs, et au moins deux fois plus nombreux à étudier les mathématiques et les sciences informatiques, leurs effectifs doivent augmenter dans les soins de santé, dans certains métiers et services, et dans l’enseignement pour répondre aux besoins futurs du marché du travail canadien. Selon un rapport de RBC publié l’an dernier, jusqu’à 400 000 emplois en environnement seraient nécessaires pour assurer la transition de l’économie canadienne d’ici 2050.

« Le marché du travail et l’enseignement international ne sont pas encore bien connectés et nous ne bénéficions pas pleinement du pouvoir réel des étudiants internationaux. Avec quelques ajustements pour créer l’alignement, le Canada peut vraiment en bénéficier à grande échelle. »

Martin Basiri, cofondateur et chef de la direction, ApplyBoard

Les demandes de visas spécialisés, plus rapides à obtenir, ont augmenté pendant la pandémie. Cette tendance peut refléter des domaines d’études prioritaires pour les étudiants étrangers potentiels, mais indique aussi qu’un processus plus délibéré pourrait être nécessaire pour s’assurer que les étudiants étrangers sont représentés dans les domaines offrant des perspectives sur le marché du travail.

Le manque d’expérience professionnelle pendant les études a été cité comme un obstacle majeur à la recherche d’emploi pour les étudiants étrangers après l’obtention de leur diplôme.12 Bien que cette difficulté concerne de nombreux étudiants, les étudiants étrangers font face à des obstacles évidents pour acquérir une expérience de travail. Les permis d’études limitent leurs titulaires à 20 heures de travail par semaine à l’extérieur du campus (le nombre d’heures de travail sur le campus n’est pas plafonné). Cette règle vise à assurer que les titulaires d’un permis d’études font de l’éducation leur priorité, et à protéger les systèmes d’éducation et d’immigration du Canada contre les abus potentiels.

Compte tenu des tensions sur les marchés du travail, une certaine souplesse permettrait aux étudiants étrangers d’acquérir une expérience professionnelle enrichissante dans leur domaine d’études, tout en résorbant la pénurie de compétences dont souffre le Canada. Des études révèlent que les minorités visibles qui participent à des programmes coopératifs obtiennent de meilleurs rendements que leurs pairs blancs masculins, et se sentent mieux connectées à leur communauté.13 Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a recommandé de mettre en place des exemptions de permis de travail pour les étudiants étrangers dotés de qualifications académiques et ayant besoin d’un soutien financier.14

Les étudiants étrangers ne sont pas non plus admissibles au Programme d’apprentissage intégré au travail ou aux autres programmes financés par le gouvernement. La Table ronde des affaires + de l’enseignement supérieur (TRAES) a incité les employeurs à ouvrir un plus large éventail de possibilités pour les étudiants canadiens, pour lesquels les employeurs peuvent recevoir des subventions salariales. Par ailleurs, le gouvernement fédéral accorde près de 1,4 milliard de dollars de financement pour créer 350 000 emplois destinés aux étudiants canadiens sur cinq ans.

Les étudiants étrangers, quel que soit leur domaine d’études, ne sont pas admissibles à ces programmes, même s’ils participent à un programme coopératif pour obtenir des crédits d’études. C’est un obstacle important, car les entreprises sont réticentes à embaucher des étudiants étrangers en l’absence de processus officiel simple. Selon un sondage du Conseil canadien des affaires, un quart des entreprises estiment que les difficultés pour naviguer dans le système d’immigration constituent un obstacle au recrutement et au maintien en poste des talents internationaux.15


Étape suivante: une stratégie pour la prochaine décennie

L’importance des étudiants étrangers pour atteindre les objectifs d’immigration et relever les défis économiques du Canada n’est plus à prouver. De plus, les étudiants étrangers apportent un soutien précieux aux établissements d’enseignement postsecondaire canadiens de calibre mondial.

Toutefois, la collaboration et la cohérence font défaut du côté des politiques. Cela entraîne un risque de concentration élevé en matière de pays d’origine des étudiants étrangers, une menace pour la crédibilité du système lorsque les étudiants ne comprennent pas la voie à suivre pour accéder au marché du travail ou les défis liés à la vie au Canada, un manque de soutien pour naviguer dans un système d’immigration complexe qui pourrait décourager les étudiants, des décalages par rapport au marché du travail, ou des expériences professionnelles insuffisantes. Ces lacunes remettent en cause l’intégration du marché du travail à laquelle aspirent les politiques canadiennes.

Le Canada a besoin d’une approche ciblée pour assurer une croissance durable de son secteur de l’éducation, et pour faire en sorte que ses effectifs d’étudiants étrangers deviennent une source de main-d’œuvre et de résidents permanents dans le futur. En mettant l’accent sur les domaines d’études les plus recherchés, en améliorant la transparence dans le processus de délivrance de permis, en simplifiant les parcours et en offrant un soutien plus solide des secteurs public et privé, le Canada éviterait de perdre les avantages associés aux immigrants titulaires de diplômes canadiens.

RECOMMENDATIONS

Ottawa devrait envisager d’établir des objectifs triennaux en matière d’effectifs d’étudiants étrangers, et fournir une orientation quant aux programmes d’études et de travail adaptés aux compétences requises par les gouvernements provinciaux et les employeurs.

Les provinces devraient élaborer un cadre de financement sur 10 ans pour les établissements d’enseignement postsecondaire, afin qu’ils puissent se concentrer sur une structure éducative à la fois sensible au marché, attrayante pour les étudiants étrangers, mais pas trop tributaire de ces derniers.

Il conviendrait d’accroître la proportion d’immigrants ayant suivi des études au Canada, dans la catégorie des immigrants économiques, en mettant particulièrement l’accent sur les STIM, les soins de santé et les métiers essentiels à la transition énergétique. Ottawa pourrait investir environ 50 millions de dollars dans un programme pilote de subventions salariales destinées à 7 000 étudiants étrangers dans les domaines à forte demande.

Les gouvernements et les établissements d’enseignement postsecondaire devraient travailler ensemble pour élargir les services de soutien en matière de carrière, de santé et d’implantation, afin d’assurer le bien-être des étudiants et augmenter leurs chances de réussite.

Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec d’autres parties pour créer un portail qui expose de façon transparente les politiques, les parcours et les conditions d’admissibilité pour étudier, travailler et séjourner au Canada.

Les établissements d’enseignement postsecondaire pourraient s’engager à diversifier les pays d’origine, en prenant soin de fixer des objectifs larges en ce qui concerne le Volet direct pour les études. Collèges et instituts Canada et Universités Canada peuvent aider à identifier de nouveaux pays d’origine. Le Canada devrait aussi faire appel à ses partenaires de l’accord de libre-échange.

Toutes les organisations, y compris les employeurs, devraient offrir aux étudiants étrangers davantage d’occasions d’apprentissage intégré au travail. Plus précisément, le gouvernement fédéral pourrait exempter les étudiants de demander un permis de travail supplémentaire pour les stages et les programmes coopératifs. De plus, la TRAES et les autres organisations pourraient élaborer des programmes permettant de mieux intégrer les étudiants aux occasions d’apprentissage intégré au travail.

CONTRIBUTEURS

Ben Richardson, associé, Recherche, Services économiques RBC et Leadership avisé
Yadullah Hussain, directeur de rédaction, Climat et énergie, Services économiques et leadership avisé
Cynthia Leach, première directrice, Services économiques et leadership avisé
Darren Chow, premier directeur, Médias numériques, Services économiques et leadership avisé
Zeba Khan, directrice des publications, Services économiques et leadership avisé
Aidan Smith-Edgell, associé, Recherche, Services économiques et leadership avisé

1. Statistics Canada, 2021; IRCC, 2022
2. Statistics Canada, 2021, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/211206/dq211206b-eng.htm
3. Statistics Canada, 2022, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/36-28-0001/2022002/article/00004-eng.htm
4. Export Development Canada (EDC), 2022. https://www.edc.ca/en/weekly-commentary/canada-competitive-business-environment.html
5. https://www.cicnews.com/2020/02/642000-international-students-canada-now-ranks-3rd-globally-in-foreign-student-attraction-0213763.html#gs.73dw88
6. Statistics Canada, Postsecondary enrolments by student status (ISCED), 2021
7. Statistics Canada, Postsecondary enrolments by ISCED, 2021
8. IRCC, Study permit holders by country of citizenship, 2022
9. IRCC, 2022, https://www.canada.ca/en/immigration-refugees-citizenship/news/2022/04/new-measures-to-address-canadas-labour-shortage.html
10. Nieterman et al. “Should I Stay of Should I Go? International Students’ Decision-Making About Staying in Canada. 2021. https://link.springer.com/article/10.1007/s12134-021-00825-1
11. Statistics Canada; Choi, Y., E. Crossman, and F. Hou. 2021. “International students as a source of labour supply: Transition to permanent residence.” Economic and Social Reports
12. Canadian Bureau of International Education, 2022. https://cbie.ca/wp-content/uploads/2022/06/CBIE-2021-International-Student-Survey-National-Report-FINAL.pdf
13. C.D. Howe, 2020. https://www.cdhowe.org/public-policy-research/work-ready-graduates-role-co-op-programs-labour-market-success
14. Standing Committee on Citizenship and Immigration, 2022. https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/441/CIMM/Reports/RP11800727/cimmrp08/cimmrp08-e.pdf
15. Business Council of Canada, 2022. https://thebusinesscouncil.ca/report/empowering-people-for-recovery-and-growth/

Remerciements

En complément des noms déjà cités dans le présent rapport, nous remercions les personnes et les organismes suivants pour leurs contributions:

  • Kyle Budge, président, Sheridan Students Union
  • Rupa Banerjee, titulaire de la Chaire de recherche du Canada et professeure agrégée, Département de la gestion des ressources humaines et comportement organisationnel à l’École de gestion Ted Rogers, Université métropolitaine de Toronto
  • Peter Scott, président, Université d’Athabasca
  • Cynthia Ralickas, directrice, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • Matt McKean, chef de la R-D, Table ronde des affaires + de l’enseignement supérieur
  • Louis Arsenault, vice-principal, Communications et relations externes, Université McGill

 

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.