Zone Notes: Comment les entreprises canadiennes font face aux tensions commerciales

Le secteur agricole du Canada est l’une des premières victimes des guerres commerciales qui opposent le pays à la Chine et aux États-Unis. Monty Reich, chef de la direction de SWT Ltd, société indépendante de céréales et d’intrants agricoles de la Saskatchewan, explique comment les agriculteurs font face aux tensions commerciales.

Des nouveaux éléments d’incertitude et de volatilité quasiment tous les jours

  • Le contexte actuel est difficile, incertain et déroutant. « Nous nous retrouvons chaque jour dans une situation différente », déclare Reich.
  • Les États-Unis avaient commencé à parler de droits de douane en décembre, avant que la Chine n’impose des droits de douane de 100 % sur l’huile et les tourteaux de canola et les pois, et le blé dur figurait déjà sur la liste.
  • SWT a dû absorber le coût financier des droits de douane américains sur le blé dur et a choisi de ne pas le répercuter sur ses agriculteurs-actionnaires. « Nous avons vendu la marchandise sur le marché à terme et intégré les coûts supplémentaires dans nos propres résultats », explique Reich.
  • Les droits de douane américains ont entraîné une hausse des prix des exportations de blé dur. « Nous sommes l’importateur officiel, » indique encore Reich. Autrement dit, SWT doit elle-même payer les droits de douane de 25 %, un prix trop élevé pour continuer à exporter aux États-Unis.

Chute des prix du canola

  • Le choc a été brutal pour les producteurs de canola. Les prix ont plongé de 25 à 30 % depuis l’imposition des droits de douane chinois, passant d’environ 16 $ à 12 $ le boisseau.
  • « En agriculture, les marges sont déjà très étroites », déclare Reich. Une variation des prix, aussi petite soit-elle, peut transformer une saison rentable en une catastrophe financière. Vu l’ampleur de la baisse, les agriculteurs voient leurs revenus disparaître.

Des droits de douane imposés partout

  • Les restrictions imposées par la Chine sur le canola et les pois jaunes ont réduit un marché crucial, et les producteurs ont peu d’autres débouchés. « La Chine représente environ 87 % du marché des pois jaunes, avec les États-Unis et l’Inde », et les agriculteurs doivent donc aujourd’hui faire face à une fermeture quasi totale de leur marché.
  • Les droits de douane qu’applique l’Inde par intermittence sur les légumineuses constituent une incertitude supplémentaire. Les agriculteurs canadiens ne disposent par conséquent de guère d’autres possibilités viables.

Les agriculteurs cherchent d’autres solutions

  • « En ce moment, les producteurs réfléchissent activement pour essayer de trouver ce qui pourra leur apporter le meilleur rendement », dit Reich.
  • Ils pourraient se tourner vers d’autres cultures, mais en fait, ce n’est pas aussi simple. « Ce n’est pas facile de simplement changer de produit », explique Reich.
  • Les agriculteurs « se démènent » pour s’adapter avant la prochaine saison de semis.

Investissements reportés, rentabilité en baisse

  • Des investissements dans des usines de broyage du canola ont déjà été reportés il y a deux ans en raison des difficultés rencontrées sur le marché chinois et des coûts de construction.
  • Les constructions en cours d’installations de production vont se poursuivre et les installations existantes continueront à fonctionner, mais les marges se réduisent de plus en plus.
  • Les agriculteurs se demandent s’ils doivent diminuer leur production, diminuer les coûts ou même diminuer leurs activités.

Crainte de voir les expéditions bloquées

  • Une autre menace vient du fait que la Chine pourrait bientôt imposer des droits antidumping sur les semences de canola.
  • Les exportations vers la Chine deviennent très risquées. Des expéditions de semences de canola peuvent être lancées, mais la Chine « peut décider du jour au lendemain de les taxer ». Cette incertitude suffit à effrayer les exportateurs et à faire baisser les prix.
  • Cette situation est différente du litige qui a opposé le Canada à la Chine en 2019. Il concernait alors uniquement quelques entreprises et portait sur des « questions de droit de bassin » et de qualité.

D’autres routes commerciales

  • La Chine a déjà limité les importations directes par le passé, mais le canola canadien a continué à y entrer, en passant par d’autres marchés.
  • « D’autres pays d’Asie du Sud-Pacifique importeront le produit et le livreront en Chine. » Mais ils essayeront de l’acheter à prix réduit.
  • Par ailleurs, cela prend du temps de nouer des relations commerciales avec de nouveaux marchés. Il ne s’agit pas simplement de passer d’un marché à un autre (par exemple, de la Chine aux Philippines).

D’autres cultures rencontrent également des difficultés

  • Les cultures de légumineuses (comme les lentilles) rencontrent également des difficultés, notamment en raison des droits de douane appliqués par l’Inde. Cela exacerbe les pressions exercées sur la rentabilité de ces cultures, car les agriculteurs doivent constamment s’adapter aux changements de politiques commerciales, en particulier si des droits de douane sont mis en place ou levés de façon imprévisible.

Qui fournira du canola à la place du Canada ?

  • À court terme, d’autres pays, comme l’Australie, peuvent fournir du canola à la place du Canada, mais le produit canadien est généralement considéré comme très fiable et de grande qualité.
  • Avec l’évolution de l’offre et de la demande, d’autres pays pourraient modifier leur rotation des cultures pour répondre aux besoins du marché.
  • Des milliards de dollars ont été investis dans l’ouest du Canada pour la culture canola et les installations de broyage. De grosses sommes d’argent sont en jeu avec le canola, et « on ne peut pas simplement tout abandonner », dit Reich.

Le gouvernement doit s’engager plus fortement

  • Même si les agriculteurs préfèrent souvent que le gouvernement intervienne le moins possible, il est indispensable de parvenir à des accords commerciaux forts pour résoudre la question des droits de douane et des restrictions.
  • Le gouvernement du Canada doit faire en sorte d’entretenir des relations commerciales solides avec ses partenaires essentiels (Chine, États-Unis, Inde) pour abaisser les barrières commerciales, préconise Reich.
  • La Saskatchewan a par exemple ouvert neuf bureaux à l’étranger pour faciliter les relations commerciales et atténuer les tensions.
  • L’agriculture canadienne doit être bien représentée à l’échelle mondiale, pas uniquement avec des accords commerciaux, mais aussi grâce à une présence sur place et un engagement diplomatique continu.
  • Le gouvernement doit investir pour améliorer les infrastructures qui stimuleront les marchés interprovinciaux et permettront de transporter les produits d’ouest en est.

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