Nous connaissons les conséquences des changements climatiques. Nous en connaissons aussi les causes. Nous savons même ce qu’il faut faire pour s’attaquer au problème. Ce que nous ne savons pas, c’est comment passer à la vitesse supérieure pour y parvenir à temps. C’est pourquoi Services économiques RBC et Leadership avisé se sont engagés dans un projet de recherche d’un an en vue de définir les stratégies qui mèneraient le Canada à zéro émission nette. C’est l’état d’équilibre en vertu duquel la quantité de dioxyde de carbone, de méthane et d’autres gaz à effet de serre que nous éliminons de l’air est égale ou supérieure aux gaz à effet de serre que nous y ajoutons. Nous devons atteindre cet équilibre d’ici 2050 pour éviter les conséquences irréversibles des changements climatiques.

À RBC, nous nous sommes engagés en faveur de l’objectif zéro émission nette dans nos propres opérations et activités de prêt. Nous collaborons avec les gouvernements, les organismes de réglementation, les clients, les groupes environnementaux et le secteur financier mondial afin de comprendre ce qui est attendu de chacun de nous – et transmettre les renseignements obtenus aussi largement que possible. Cette recherche a pour objectif de documenter et de compléter les conversations en question. Nous vous invitons à y participer par l’entremise de notre nouvel Espace climat RBC. Plus nombreuses sont les occasions d’écouter, d’apprendre et de communiquer les mêmes faits, plus grandes sont nos chances de résoudre ce qui constitue le plus grand défi de notre temps pour arriver ensemble à zéro émission nette.

 


Le Canada est confronté à un problème mathématique.

En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, les Canadiens représentent une part relativement importante de ce qui est produit dans le monde. Bien que nous nous soyons engagés, au cours des décennies, à réduire ces émissions, nous n’avons pas vraiment atteint cet objectif. Nous continuons de consommer du pétrole pour traverser notre vaste territoire, de brûler du gaz pour chauffer nos maisons et de déverser du méthane dans l’atmosphère pour nous alimenter et alimenter une grande partie de la planète.

Tout compte fait, nous polluons autant l’atmosphère qu’il y a une génération. Nous n’avons pas le luxe d’attendre une génération de plus pour changer de vitesse si nous voulons éviter les pires conséquences du réchauffement climatique, notamment les sécheresses prolongées dans les Prairies, les violentes tempêtes sur nos côtes et la fonte des glaces dans le nord du pays. Et bien que le temps presse, le Canada a d’autres priorités après la pandémie, parmi lesquelles prendre soin d’une population vieillissante, faire face aux perturbations technologiques et promouvoir une croissance économique plus inclusive.

Donc, quel est le problème mathématique ? Le Canada émet près de 730 millions de tonnes de dioxyde de carbone et de gaz à effet de serre équivalents chaque année, ce qui fait de nous le 10e émetteur mondial. Ce chiffre peut sembler minime par rapport aux quelque 50 milliards de tonnes produites dans le monde, notamment aux États-Unis et en Chine. Il dépasse toutefois largement les 602 millions de tonnes que nous avons générées en 1990, juste avant le premier Sommet de la Terre.


Malgré nos meilleures intentions, les émissions ont augmenté

Émissions de gaz à effet de serre, millions de tonnes de CO2, équivalent

Source: Environnement et Changement climatique Canada, Services économiques RBC


Afin de s’engager plus résolument sur la voie zéro émission nette, le gouvernement fédéral a promis de ramener le Canada à 500 millions de tonnes d’ici la fin de la décennie. Le pays ambitionne aussi d’éliminer ou de compenser le reste d’ici 2050 grâce à de nouvelles technologies telles que les véhicules électriques, de nouvelles sources de chauffage pour les maisons et de nouveaux processus pour capter et stocker une partie des émissions que nous continuerons de produire pour alimenter notre planète en énergie.

Le présent rapport vise à exposer certaines de ces voies et leurs coûts, d’après une série de modèles sur les émissions des principaux secteurs, ainsi que l’effet futur des technologies novatrices, des changements comportementaux et des améliorations dans les processus industriels et agricoles.

Le coût pourrait être énorme : environ deux billions de dollars au cours des trois prochaines décennies. D’après nos estimations, les gouvernements, les entreprises et les collectivités devraient dépenser au moins 60 milliards de dollars par an pour réduire les émissions du Canada de 75 % par rapport aux niveaux actuels – dans la mesure où les technologies actuelles le permettent. Par exemple, les Ontariens consacrent à eux seuls près de 70 milliards de dollars par an aux soins de santé, priorité nationale tout aussi importante.

La nature peut aider, mais seulement un peu. Les prévisions les plus optimistes en matière de plantation d’arbres à grande échelle et de gestion des forêts ne parviennent qu’à 50 millions de tonnes, soit un dixième de ce qui sera nécessaire pour atteindre zéro émission nette. Les technologies artificielles destinées à éliminer le carbone de l’air ne sont pas encore déployées à grande échelle. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème, l’objectif de zéro émission nette exigera que les émissions brutes soient aussi proches de zéro que possible.

Vient ensuite la technologie. Il serait énormément utile que le pays adopte les véhicules électriques, les maisons à énergie solaire et les avions à hydrogène, mais cette conversion ne mènerait le Canada qu’aux deux tiers de son parcours vers zéro émission nette. Nous aurons besoin de beaucoup plus de technologies pour renouveler des industries et modes de vie conçus pour un autre âge.



Tout d’abord, nous devrons à peu près doubler notre production d’électricité si nous souhaitons alimenter une nouvelle flotte de véhicules électriques et chauffer et rafraîchir nos maisons, nos bureaux et nos écoles. Le Canada a une longueur d’avance grâce à un « réseau vert » alimenté par l’énergie hydroélectrique, nucléaire, éolienne et solaire. Une plus grande capacité sera nécessaire à tous égards et elle devra être combinée à des investissements sans précédent dans les lignes de transport d’électricité et une nouvelle façon d’envisager la mainmise des provinces dans ce secteur.

Un réseau vert national peut aider à alimenter en énergie certains des plus grands pollueurs du pays de façon plus propre et moins coûteuse. Le Canada devra aussi réinventer ses industries du pétrole, du gaz et du charbon et ses autres secteurs intensifs en carbone. Il pourra ainsi assurer une transition progressive des émissions nettes et atteindre zéro émission nette sans causer de difficultés économiques ou de perturbations sociales de grande ampleur. Un engagement à long terme en matière de tarification du carbone, assorti d’augmentations régulières et prévisibles, permettra aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux exploitants de répartir le capital de façon efficace et efficiente. Une telle approche de tarification du carbone pourrait façonner une nouvelle pensée économique en Amérique du Nord. À cet égard, le Canada et les États-Unis pourraient travailler en collaboration sur les chaînes d’approvisionnement continentales en ce qui concerne les produits verts comme les véhicules électriques. Ces deux pays pourraient aussi adopter une politique commerciale visant à mieux évaluer le coût des produits à forte intensité d’émissions tels que l’acier.

Nous aurons besoin de nouvelles approches de finance durable pour générer une grande partie des deux billions de dollars nécessaires à la transition. Dans l’ensemble, le capital ne manque pas. Ce qui est avant tout nécessaire, c’est un remaniement de la réglementation industrielle et de la politique fiscale, ainsi qu’un plus grand soutien gouvernemental pour compenser le risque inhérent aux technologies propres, aux infrastructures durables et aux nouveaux produits de consommation.

Nous aurons également besoin d’une foule de personnes pour mettre en œuvre les compétences nécessaires à la transition, installer des réseaux solaires dans les voisinages, entretenir de nouvelles flottes de véhicules électriques et réformer les pratiques agricoles afin de veiller à ce que le vaste sol du Canada devienne un puits de carbone actif. Nous estimons que le Canada devra recycler 100 000 travailleurs pour qu’ils acquièrent de nouvelles compétences vertes, et augmenter la population active de 200 000 travailleurs présentant ce même profil avant 2030.

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Le coût de l’inaction

Bien que la réduction des émissions soit coûteuse, l’inaction a aussi un coût qui continuera de grimper tant que nous tarderons à agir.

Si les émissions se poursuivent au rythme actuel, nous devrons économiser 40 milliards de dollars par an pour assumer le coût des catastrophes futures, aggravées par les changements climatiques. De plus, il faut tenir compte de l’incertitude quant à la façon dont le climat évoluera. La fonte du pergélisol, la destruction de la forêt tropicale et les autres catastrophes pourraient encore alourdir la facture. En réduisant les émissions dès aujourd’hui, nous pourrions éviter une facture encore plus colossale à l’avenir. Pour compliquer les choses, réagir impulsivement n’est pas une solution. Dans le même temps, des mesures extrêmes amenant une forte baisse de la production pétrolière et gazière causeraient de véritables dommages économiques. Dans l’un des scénarios, le secteur pétrolier et gazier recule de près de 8 % du PIB à seulement 1 %, nous perdons près des trois quarts des emplois dans le secteur, et les recettes publiques chutent de 8 milliards de dollars chaque année. De telles conséquences pourraient ens de tonnes [itraver, et non favoriser, la transition.

 

Pour atteindre zéro émission nette, nous devons adopter aussi rapidement que possible des technologies qui remplacent les combustibles fossiles par l’électricité. Cependant, certaines activités économiques ne sont pas en mesure d’être électrifiées à grande échelle, du moins à court terme : par exemple le transport aérien et la fabrication du ciment, pour n’en nommer que deux. Nous continuerons de brûler des combustibles fossiles pour fabriquer du plastique et produire de l’électricité afin d’alimenter toutes ces technologies plus vertes.

Nous avons déterminé six voies vers l’objectif zéro émission nette. Elles n’englobent pas tout, mais elles figurent parmi les options les plus réalistes pour le pays aujourd’hui. Quatre d’entre elles, explorées plus loin dans cette partie, décrivent les moyens de réduire les émissions provenant des bâtiments, des transports, de l’industrie et de l’agriculture. Mais même si nous conduisons tous des voitures électriques et vivons dans des maisons à énergie solaire, repensons la gestion du bétail et captons plus de carbone issu des cheminées, les émissions se poursuivront. C’est pourquoi la décarbonisation du secteur de l’électricité et celle du secteur du pétrole et du gaz constituent deux voies essentielles pour réaliser nos ambitions zéro émission nette. Nous commencerons par là.


Des éoliennes du Cap-Breton aux barrages de la baie James, en passant par les panneaux solaires étincelants sur les toits de Vancouver, tout le Canada porte l’empreinte d’un grand producteur d’électricité. Nous jouissons sans doute de la meilleure combinaison énergétique du monde, et avons la chance de compter sur des sources sûres d’électricité. Les entreprises à l’origine de ces réserves d’énergie ont participé à l’histoire du Canada, et elles contribueront à tracer notre avenir.

Pour alimenter une armée nationale de véhicules électriques et de barbecues électriques, chauffer nos écoles quand il fait -30 °C et rafraîchir nos bureaux pendant des vagues de chaleur prolongées, nous devrons doubler l’approvisionnement en électricité verte, soit essentiellement l’énergie hydroélectrique, nucléaire, éolienne et solaire. Cette tâche ne sera pas facile dans les régions à forte densité de population, lesquelles peuvent encore compter sur du pétrole et du gaz relativement bon marché, surtout pour répondre à une demande en hausse. L’énergie éolienne et l’énergie solaire sont les options les moins chères, mais elles sont souvent difficiles à mettre en place. En effet, les grands projets d’énergie renouvelable ne peuvent être menés que là où les conditions naturelles le permettent, par exemple, où le vent souffle le plus fort (comme dans le nord de l’Ontario, au Québec et à Terre-Neuve) et dans les régions où le soleil brille le plus longtemps (comme dans le sud des Prairies).

Un avenir à l’hydrogène est une sorte de rêve. Gaz le plus léger, l’hydrogène produit une forte chaleur au moment de sa combustion. Il peut être utilisé à la place des combustibles fossiles dans les camions et les trains, ainsi que dans les chaudières industrielles. Cependant, la façon dont nous fabriquons actuellement l’hydrogène est un cauchemar pour le climat : l’utilisation de vapeur pour décomposer le méthane en hydrogène et en carbone génère neuf kilogrammes de CO2 par kilogramme d’hydrogène produit. Le captage du carbone issu de cette transformation donne un produit plus propre appelé hydrogène « bleu », mais ne résout pas le problème des fuites de méthane au cours du processus. Le Saint Graal, soit l’hydrogène « vert », est produit en cassant les molécules d’eau au moyen d’un courant électrique sans carbone, mais ce processus revient très cher. Une réduction de son coût serait un bon début. Il faudrait cependant construire l’infrastructure nécessaire à un déploiement de l’hydrogène vert à grande échelle, et commercialiser des camions et autres véhicules alimentés par des piles à combustible.

Le Canada part d’une position enviable. En 2019, 80 % du réseau national était sans carbone. En comparaison avec le Royaume-Uni, notre réseau produit moins de la moitié de GES par unité d’électricité, et un quart de moins si nous comparons avec les États-Unis.

Les efforts de la dernière décennie pour éliminer progressivement le charbon, qui devraient s’achever d’ici 2030, ont permis au Canada de réduire ses émissions de dioxyde de carbone issues de la production d’électricité. Notre utilisation continue de l’énergie nucléaire nous aide dans cette démarche, tout comme les nouvelles installations d’énergie éolienne et solaire. Depuis 2010, la quasi-totalité de la nouvelle capacité installée est liée à l’énergie renouvelable. Cette tendance a pris de la vitesse parce que le coût de nombreuses sources d’électricité zéro carbone a baissé : pour les nouvelles centrales électriques, la production d’énergie éolienne et solaire est souvent 30 % moins coûteuse que la production au gaz naturel.

À court terme, la meilleure option du Canada est d’investir dans l’énergie renouvelable à plus grande échelle. Mais comme dans tous les secteurs, n’importe quel plan oblige à faire des choix sociaux et politiques. Nous devrons déterminer quelle somme nous sommes prêts à payer, à titre collectif et individuel, pour nous défaire plus rapidement du gaz naturel et du charbon, et à quelle vitesse nous sommes prêts à fermer les centrales au gaz qui sont encore bonnes pour plusieurs années.


La baisse des coûts rend l’énergie éolienne et l’énergie solaire concurrentielles, mais pas les batteries

Coût de l’électricité ou du stockage uniformisé, $ US/MWh

Source: Lazard, Services économiques RBC


Gestion des pointes de consommation

Les sources d’énergie renouvelable présentent un autre grand inconvénient : contrairement à l’énergie au gaz ou au charbon, elles ne peuvent pas être allumées à un instant donné pour répondre à une demande, et ne produisent pas d’électricité de façon constante lorsqu’elles sont en marche. Des études ont révélé que la production d’énergie solaire peut chuter d’un tiers en hiver et en automne, et que les parcs éoliens sont plus productifs au printemps et en hiver. De plus, ces statistiques ne tiennent pas compte des variations climatiques entre les régions.

En raison de cette « intermittence », les experts sont d’avis que nous aurons probablement besoin d’une part d’énergie au gaz pour faire face aux moments de forte demande en électricité, par exemple à l’heure du souper. La question clé est de savoir s’il est moins coûteux de stocker de l’électricité à partir de sources renouvelables, de réduire les pointes de demande grâce à une meilleure efficacité énergétique, ou de construire de nouvelles centrales au gaz plus simples, assorties d’une technologie de captage du carbone, étant donné que bon nombre des centrales au gaz existantes ne peuvent pas répondre à la demande aussi rapidement.

Une autre façon de renforcer le système est de mieux connecter les réseaux provinciaux. En ce moment, notre réseau est un enchevêtrement de systèmes indépendants, éparpillés dans tout le pays. Des connexions plus efficaces pourraient réduire le besoin de stockage coûteux en déplaçant l’énergie de l’endroit où elle est produite vers l’endroit où elle est demandée.

Pour se débarrasser des centrales au gaz naturel, il faudra trouver de meilleures façons de stocker l’énergie en prévision de temps difficiles. Les batteries de grande capacité sont coûteuses à utiliser, mais une analyse récente de Lazard laisse entendre que plus la technologie s’améliore, plus les coûts de certains projets se rapprochent de ceux des centrales au gaz naturel. Il serait également logique de pomper l’eau abondante du Canada pendant les heures creuses pour la stocker dans un réservoir, mais cette opération fonctionne surtout dans les régions montagneuses. Les technologies énergétiques du futur, comme les petits réacteurs nucléaires et l’hydrogène vert, pourraient offrir de nouvelles solutions de stockage, mais elles sont loin d’être commercialisables. Le stockage de l’électricité en prévision des besoins futurs deviendra le plus grand enjeu énergétique mondial à mesure que nous nous éloignerons des combustibles fossiles.

Quel sera le prix à payer ?

Le coût de la décarbonisation du réseau canadien existant pourrait s’élever à 5,4 milliards de dollars par an. Notre capacité à y parvenir sera d’abord limitée par le coût lié à la construction et au déploiement de batteries de grande capacité en quantités suffisantes pour stocker toute l’énergie renouvelable dont nous aurons besoin. Néanmoins, les prix du stockage devraient baisser à mesure que la technologie s’améliorera.

Il importe aussi de savoir à quel point une nouvelle capacité électrique sera nécessaire. La population du Canada devrait augmenter d’environ 30 % pour atteindre 50 millions de personnes en 2050. Bon nombre de technologies que nous utiliserons pour réduire les émissions demandent de l’électricité. La plupart des estimations indiquent que la charge du système augmentera au moins 100 % d’ici 2050.



General Fusion développe la première centrale à fusion nucléaire commercialement viable au monde. Cette centrale produira de l’électricité propre à la demande, en complément des sources renouvelables intermittentes. (La fusion nucléaire consiste à combiner deux noyaux atomiques légers pour libérer de grandes quantités d’énergie, quatre fois plus en fait que la fission nucléaire.) Cette société de Burnaby, en Colombie-Britannique, a entrepris la construction d’une centrale de démonstration au Royaume-Uni, qui fonctionnera à 70 % de sa pleine échelle et devrait être terminée en 2025. General Fusion a séduit des investisseurs de premier plan, parmi lesquels le gouvernement du Royaume-Uni et Jeff Bezos. Ce soutien pourrait aider la société dans sa course contre les jeunes entreprises des États-Unis également créées dans le but de déployer la technologie de fusion nucléaire, et qui sont dotées de solides moyens financiers.


La plateforme Opus One Solutions permet aux sociétés de services publics de mieux gérer et planifier la distribution d’électricité, étant donné que les réseaux d’exploitation deviennent plus complexes du fait de l’expansion des énergies renouvelables. La société publique de distribution d’électricité de Singapour, SP Group, a engagé Richmond Hill, une société de l’Ontario, pour l’aider à optimiser sa distribution et à intégrer davantage d’énergies renouvelables à son réseau. Opus One assiste également des sociétés de services publics du Royaume-Uni et de l’Australie dans la création de marchés énergétiques plus efficients et plus flexibles. Cette solution toute canadienne fera face à des géants comme ABB, IBM et Siemens dans l’environnement concurrentiel des réseaux intelligents.


 

 

Les sables bitumineux de l’Alberta symbolisent à la fois les forces et les défis du Canada en tant que puissance énergétique. Les réserves prouvées de l’Alberta, qui s’établissent à 165 milliards de barils, se classent au quatrième rang mondial après le Venezuela, l’Arabie saoudite et l’Iran. La croissance de cette industrie s’est appuyée sur une innovation régionale, qui a permis aux entreprises d’accroître considérablement l’extraction souterraine de brut lourd. Le secteur de l’énergie est un moteur important de croissance économique pour la province, car il génère des emplois, des investissements et près d’un cinquième des exportations totales.

Cependant, les sables bitumineux n’ont pas seulement suscité la fierté du pays, mais aussi des inquiétudes. Ils représentent la plus grande source de GES du Canada, soit près de 10 % du total national, et un tiers des 191 millions de tonnes de GES produites par le secteur pétrolier et gazier en 2019. Est-ce que ce niveau d’émissions peut être maintenu alors que le Canada migre vers zéro émission nette ?

Il s’agit de la variable la plus importante dans l’équation du carbone au Canada, et l’opération ne sera pas facile à équilibrer. Les émissions du secteur de l’énergie ont augmenté rapidement depuis que l’exploitation souterraine, appelée production in situ, a commencé. Environ 80 % des émissions liées aux sables bitumineux proviennent des combustibles fossiles brûlés pour produire de la vapeur, laquelle est utilisée pour faire remonter le bitume à la surface. L’utilisation d’hydrogène pour transformer le bitume en brut synthétique représente une autre grande source d’émissions. À l’heure actuelle, il n’existe pas de solution de rechange écologique et économique à ces processus.

Les sables bitumineux ne sont pas la seule source d’émissions dans le secteur. En raison de la géographie du Canada, une grande quantité d’énergie est nécessaire pour extraire l’énergie du sous-sol et l’acheminer par pipelines vers le marché. Dans la production conventionnelle de pétrole et de gaz, les deux tiers des émissions proviennent des fuites de méthane (intentionnelles ou non), ainsi que du CO2 qui s’échappe naturellement des puits de pétrole. Le méthane est la partie la plus troublante de l’équation. Ce gaz, qui est la principale composante du gaz naturel, a un pouvoir de réchauffement plus de 80 fois supérieur à celui du CO2 à court terme.

Il serait prudent d’aborder la décarbonisation étape par étape, étant donné que nous aurons besoin de combustibles fossiles pendant la transition zéro émission nette. Il est probable que la demande de pétrole, de gaz et de plastique en provenance du Canada ne diminuera pas avant un certain temps. Elle pourrait même augmenter provisoirement, tant que la demande des États-Unis restera soutenue. Il faudra des années pour nous défaire des moteurs à combustion et des fours au gaz naturel, et trouver des solutions de remplacement pour le kérosène. Nous avons également besoin de pétrole afin de fabriquer des produits pétrochimiques et des plastiques pour l’avenir proche. L’arrêt de la production pétrolière du Canada risque de nous faire perdre nos avantages en matière d’ingénierie si la demande demeure forte pendant un certain temps. Les progrès réalisés dans d’autres innovations énergétiques (hydrogène vert, réacteurs nucléaires, stockage d’électricité, voire dans le monde des combustibles fossiles) nous éclaireront peut-être quant à la meilleure voie à suivre.

Une autre technologie prometteuse, à savoir le captage direct dans l’air, consiste à éliminer directement le carbone de l’air ambiant. Si ce processus se généralisait, il pourrait contribuer à neutraliser les émissions dues à la combustion du pétrole et du gaz. Cependant, nous ne pouvons pas crier victoire tant que cette technologie n’a pas été testée à grande échelle. En attendant de pouvoir éliminer les combustibles fossiles, nous avons besoin d’une production de pétrole plus propre.



Le maintien de la production de pétrole brut et de gaz présente des avantages économiques pour le Canada, mais seulement si nous agissons rapidement pour réduire l’intensité carbonique de la production du pays et éliminer progressivement les processus à forte intensité de carbone. Les progrès technologiques ont déjà rendu la production d’énergie un peu plus propre. Dans le domaine des sables bitumineux, les émissions par baril ont chuté de 36 % depuis 2000. Il est essentiel de renforcer l’efficacité du secteur énergétique canadien pour rendre nos produits plus attrayants à un moment où le reste du monde est engagé dans cette même transition.

En pratique, nous devrons redoubler d’efforts pour utiliser les systèmes de captage du carbone. Ces projets ne peuvent pas être déployés de façon généralisée. L’effort porte en priorité sur l’équipement stationnaire dans les installations de production de sables bitumineux, et sur les unités de reformage du méthane qui produisent de l’hydrogène pour améliorer les bitumes. Bien que le captage du carbone ne soit pas la panacée, cette technologie bien connue peut empêcher une grande partie des GES de s’échapper dans l’atmosphère.

Les systèmes de captage du carbone piègent le CO2 avant qu’il ne pénètre dans l’atmosphère. Ce processus permet à certaines usines de continuer à brûler des combustibles fossiles à titre provisoire pendant la transition zéro émission nette. Il existe plusieurs méthodes, mais toutes finissent par compresser le gaz piégé dans un liquide et l’expédier, habituellement par pipeline, à une installation de stockage. Ce processus est généralement efficace à 90 %, mais il a ses limites. Les systèmes de captage du carbone peuvent être si coûteux que certaines applications ne sont pas réalisables d’un point de vue économique. Il est aussi difficile de trouver des endroits appropriés pour enterrer ou piéger le carbone, et d’éviter qu’il ne se répande de nouveau dans l’air. Un troisième problème est le transport des gaz liquéfiés depuis l’unité de captage du carbone vers l’endroit où ils seront stockés. Pour ce faire, il faut des pipelines spécialisés, parfois très longs, qui augmentent encore le coût et la complexité de l’effort.

Le captage du carbone peut également contribuer à réduire les émissions dans les parties hors réseau de la production de gaz naturel. Dans la mesure du possible, nous pouvons électrifier les parties du processus qui fonctionnent actuellement à partir de combustibles fossiles. Il en va de même pour la production de pétrole conventionnelle et le raffinage du pétrole.

Dans toutes les parties du système énergétique, la réduction des émissions de méthane devrait être une priorité absolue, à la fois parce que les fuites provoquent un réchauffement important, et parce que ces réductions sont parmi les moins coûteuses à réaliser par tonne.

Le gouvernement fédéral prévoit que les émissions de gaz et de pétrole auront chuté de 53 mégatonnes d’ici 2030. La perspective est beaucoup plus floue après 2030, car il est difficile de prédire à quelle vitesse les technologies actuelles seront adoptées ou commercialisées. D’après nos connaissances actuelles, si l’industrie et le gouvernement investissaient chaque année 14 milliards de dollars dans des initiatives écologiques, 92 mégatonnes supplémentaires pourraient être éliminées dans le secteur pétrolier et gazier.

Carbon Engineering, société établie à Squamish, en Colombie-Britannique, est un chef de file de la capture directe dans l’air. Cette technologie vise à extraire le dioxyde de carbone directement de l’atmosphère, avant de le séquestrer ou le réutiliser. Ses usines, l’une au Texas et l’autre en Écosse, devraient entrer en service en 2024 et 2025, respectivement. Il est estimé que chacune éliminera 1 million de tonnes métriques de CO2 par année, ce qui équivaut à l’action de 40 millions d’arbres, et les deux unités fonctionneront à l’énergie renouvelable. (À ce jour, la plus grande usine mondiale de capture directe dans l’air se trouve en Islande. Elle est exploitée par Climeworks, et extrait 4 000 tonnes métriques de CO2 par an.) La capture directe dans l’air est un élément modeste, mais important, de l’action climatique. Son développement à plus grande échelle nécessite d’autres avancées technologiques, ainsi qu’une plus grande capacité de stockage du carbone.


Le procédé chimique exclusif de Carbonova consiste à utiliser du dioxyde de carbone et du méthane pour fabriquer des nanofibres de carbone – un matériau innovant qui a de nombreuses applications industrielles, car il est à la fois plus résistant et plus léger que l’acier. Les partisans des nanofibres de carbone affirment qu’elles pourraient être utilisées pour augmenter la capacité de stockage des batteries lithium-ion, accroître la résistance des peintures et des revêtements et améliorer les pneus des véhicules, entre autres utilisations. Cette société de Calgary a reçu le soutien d’investisseurs influents liés au secteur pétrolier de l’Alberta. Elle est en train de construire un réacteur semi-commercial, ce qui représente une première étape dans l’augmentation de sa production.


 

 

Les bâtiments sont la troisième source de gaz à effet de serre au Canada. Le chauffage des espaces est de loin le plus grand problème du secteur sur le plan du carbone, puisqu’il représente environ 75 % des émissions dans les propriétés résidentielles et 85 % dans les propriétés commerciales. Le reste des émissions provient en général du chauffage de l’eau. Les appareils électroménagers et l’éclairage ne causent qu’une petite partie. Par ailleurs, la climatisation est un facteur marginal, car la plupart des unités d’air climatisé sont exploitées dans les provinces où les réseaux électriques sont relativement propres.


Le chauffage des bâtiments est le défi du Canada face à un climat froid

Émissions de gaz à effet de serre (2020), Mt de CO2e

Sources : Ressources nationales Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Services économiques RBC


L’un des grands problèmes est la perte d’une grande partie de l’énergie que nous utilisons pour régler les températures à la maison et au bureau à cause d’une mauvaise isolation, de fissures et crevasses dans les murs et de fenêtres et portes obsolètes.

Les efforts visant à encourager les rénovations ont été vains à cause des coûts élevés à engager, de la pénurie de travailleurs qualifiés et des longues périodes de remboursement pour les gros travaux. Même lorsque les programmes de rénovation sont justifiés sur le plan financier, ils peuvent rencontrer une résistance parce qu’en général, le travail est salissant, entraîne des désagréments et fait perdre du temps. Par ailleurs, les propriétaires ne bénéficient pas toujours des économies d’énergie liées aux rénovations. Celles-ci profitent surtout aux locataires.

Heureusement, les technologies actuelles permettent de réaliser une décarbonisation totale. En effet, les efforts visant à réduire l’empreinte carbone des bâtiments canadiens s’accélèrent. Les émissions par mètre carré ont diminué grâce à des appareils ménagers plus efficaces, des rénovations et de meilleures normes de construction. Depuis 2000, les immeubles résidentiels ont fait plus de progrès que les immeubles commerciaux, soit environ 25 % contre 7 %.

L’élimination progressive des systèmes basés sur les combustibles fossiles en faveur de l’énergie électrique sera un facteur essentiel. De nombreuses régions du Canada utilisent déjà des systèmes de chauffage et d’eau chaude électriques. Ceux-ci peuvent toutefois revenir chers, notamment pour les propriétaires qui les adoptent sans avoir au préalable rénové leurs bâtiments.

Une solution prometteuse est la pompe à chaleur, technologie relativement nouvelle qui déplace la chaleur de l’air extérieur, de l’eau ou du sol pour la transférer à l’intérieur. Ce processus peut également s’exécuter dans l’autre sens. Les pompes à chaleur transforment l’électricité en chaleur beaucoup plus efficacement que les fourneaux ou les chaudières. Grâce aux améliorations technologiques, les services publics devraient devenir moins chers dans les bâtiments dotés d’un solide plan de rénovation.

L’adoption des pompes à chaleur a pâti des coûts élevés et de la méconnaissance de nombreux propriétaires en ce qui concerne cette option. Un autre problème, du moins pour l’instant, est la perte d’efficacité des pompes à chaleur existantes lorsque les températures descendent en dessous de -15 °C. Les habitations des régions les plus froides du pays auront donc besoin de sources de chaleur de secours pour les périodes les plus froides.

Les changements climatiques ont fait ressortir l’avantage des solutions de rechange communautaires, qui pourraient se substituer aux systèmes traditionnels de chauffage et de climatisation sur place. Souvent appelés systèmes d’énergie de quartier, ils distribuent de la chaleur ou de l’air froid à plusieurs endroits à partir d’une source unique. Au centre-ville de Toronto, plus de 180 bâtiments sont reliés à un réseau de climatisation partagé qui exploite les températures glaciales des eaux profondes du lac Ontario. Les systèmes d’énergie de quartier permettent des économies d’échelle, libèrent de l’espace dans les bâtiments reliés et réduisent les émissions. Autrement dit, ils répartissent le coût élevé des systèmes à faible teneur en carbone entre de nombreux utilisateurs, ce qui les rend réalisables pour plus de bâtiments. Ces systèmes sont plus difficiles à intégrer dans les communautés existantes, mais ils pourraient convenir à des endroits qui connaissent une forte croissance démographique.

Coûts pour atteindre l’objectif de 2050

Il revient moins cher d’installer des matériaux d’isolation et des systèmes électriques plus efficaces pendant la phase de construction que pendant la rénovation de maisons existantes. Par exemple, le coût des pompes à chaleur, en l’absence d’autres rénovations, est presque deux fois plus élevé pour les maisons anciennes que pour les nouvelles constructions.

Selon une étude menée conjointement par le Conseil du bâtiment durable du Canada et WSP, les coûts initiaux liés à un plan national d’aménagement zéro émission nette ajouteraient 8 % à la facture de construction moyenne. Cependant, les rénovations se rembourseraient d’elles-mêmes grâce aux économies d’énergie réalisées pendant la durée de vie des bâtiments. L’adoption du programme pourrait s’accélérer si les investissements se rentabilisaient plus rapidement ou si les coûts étaient répartis sur toute la durée de vie de l’équipement (par exemple, en diminuant les tarifs d’électricité pour ceux qui réduisent les émissions).

Le coût annuel supplémentaire pour mener les immeubles résidentiels et commerciaux à zéro émission nette pourrait s’élever à 5,4 milliards de dollars par an.

BrainBox AI s’appuie sur des techniques d’apprentissage profond et des algorithmes pour optimiser les systèmes de climatisation et réduire les déchets énergétiques dans les bâtiments commerciaux. Contrairement aux systèmes de climatisation actuels, qui sont réactifs, sa technologie utilise des données pour prédire les états de température et agir en conséquence. L’entreprise montréalaise s’est taillé une place au palmarès des « meilleures inventions de 2020 » du magazine Time. Sa technologie, dont le cœur est une boîte d’un pied carré, est déjà installée dans des immeubles représentant une superficie de 100 millions de pieds carrés. Le logiciel de BrainBox est unique, mais il a de puissants rivaux dans le domaine des capteurs et de l’automatisation pour le bâtiment, y compris des géants comme Amazon et Google.


Le système de refroidissement par eaux lacustres profondes d’Enwave est le plus grand système de refroidissement géothermique au monde. Il exploite les eaux froides du lac Ontario pour refroidir des bureaux, hôpitaux et autres bâtiments du centre-ville de Toronto. Ce système est également actif en hiver, où il récupère la chaleur non utilisée par les bâtiments pour en faire une chaleur bas carbone. Le système d’Enwave réduit la consommation d’électricité de 90 % par rapport aux sources conventionnelles. Une fois que l’eau a servi au refroidissement, elle est acheminée vers des unités de traitement pour ensuite desservir les robinets et les douches. Enwave devrait bénéficier de la popularité croissante des systèmes d’énergie de quartier. Mais les systèmes de refroidissement comme celui d’Enwave ne sont pas toujours possibles à mettre en place. Ils nécessitent de grandes quantités d’eau puisée en profondeur, et leur construction est coûteuse en capital et en main-d’œuvre.


 

 

Pour les Canadiens, le défi zéro émission nette est essentiellement lié aux voitures, aux camions et aux avions dont nous dépendons pour traverser notre vaste pays. Or, nos propres préférences peuvent être aussi puissantes que n’importe quelle technologie. Au cours des dix dernières années, les VUS ont représenté 40 % des immatriculations de véhicules neufs, et les camionnettes, 20 %.

Le transport est le plus grand émetteur de GES au Canada après le secteur pétrolier et gazier. À lui seul, ce secteur a relâché 186 millions de tonnes de GES dans l’atmosphère en 2019. Le transport de passagers génère un peu plus de la moitié de ces émissions, mais selon nos estimations, le pourcentage attribuable au transport de marchandises a augmenté trois fois plus vite depuis 2005.



Même si les Canadiens conduisent davantage et achètent de plus grands véhicules, les émissions liées au transport sont sur une pente descendante. Cette tendance découle en partie de l’augmentation des normes d’efficacité énergétique, et de l’apparition de véhicules électriques et de voitures partiellement électriques appelées hybrides. Les ventes de véhicules électriques représentent une part modeste, mais croissante, du marché. Elles sont principalement stimulées par les subventions gouvernementales et l’enthousiasme des premiers acheteurs.

Nous devons nous efforcer de généraliser les véhicules électriques de tourisme. Les véhicules hybrides et électriques n’ont représenté que 3,5 % des nouvelles immatriculations de véhicules légers l’an dernier. À titre de comparaison, ces mêmes véhicules ont suscité 75 % des nouvelles ventes en Norvège, où ils sont exonérés de droits d’immatriculation, mais aussi des taxes sur la valeur ajoutée et des droits d’importation qui représentent des sommes beaucoup plus élevées. Les décisions politiques, y compris les propositions du gouvernement fédéral visant à interdire les véhicules de tourisme à essence d’ici 2035, encourageront l’adoption de ces véhicules à l’échelle nationale. Pendant ce temps, le Canada devrait bénéficier des importants investissements réalisés par les constructeurs automobiles pour offrir des véhicules électriques plus variés au cours de la prochaine décennie.

Les moteurs électriques alimentés par batterie sont la solution à faible teneur en carbone la plus pratique pour remplacer les moteurs à combustion interne. Cependant, ils fonctionnent mieux dans les véhicules légers qui parcourent de courtes distances et n’ont pas besoin de se recharger fréquemment. Ils sont lourds et inefficaces pour les gros véhicules, et actuellement inenvisageables pour les avions. Les batteries sont un peu plus pratiques pour les gros navires comme les traversiers, mais elles limitent le poids qu’un navire est autorisé à transporter.

Le climat du Canada pose aussi des défis particuliers. Les batteries ont un rendement plus faible dans le froid. Donc pendant les hivers prolongés, les véhicules électriques doivent se recharger plus fréquemment. Le problème ne se pose pas trop pour les déplacements quotidiens, mais plutôt pour les longs voyages et le transport de marchandises sur de longues distances. En fin de compte, nous aurons besoin d’une nouvelle infrastructure et d’un changement de comportement, ainsi que d’une nouvelle chimie dans les batteries.

Les carburants de remplacement, solution provisoire

Selon BloombergNEF, la technologie des batteries continue de progresser et les prix se sont effondrés de 80 % depuis 2013. Pour l’instant, les camions lourds, les navires et les avions devront compter sur les biocarburants pour réduire leurs émissions. Ces carburants, généralement fabriqués à partir de matières végétales et animales appelées biomasse, ont un profil d’émissions qui peut être inférieur de 80 % à celui des combustibles fossiles traditionnels. La plupart des biocarburants ne peuvent remplacer entièrement les combustibles fossiles dans les moteurs existants : ils doivent être mélangés avec certaines quantités de carburant traditionnel pour éviter d’endommager les moteurs. Il existe un type de carburant appelé « carburant d’aviation durable », qui résulte généralement d’un mélange à 50-50 avec du kérosène ordinaire.

Des biocarburants plus avancés sont produits de la même façon que le diesel ordinaire, et peuvent servir de substituts complets. Leur utilisation est encore très limitée, et leur production peut être restreinte puisque ces carburants sont parfois fabriqués à partir d’huiles alimentaires usagées et de résidus de cultures qui ne sont pas toujours disponibles. Si nous faisons pousser un plus grand nombre de plantes pour produire des biocarburants, nous pourrions nous retrouver avec moins de terres pour cultiver de la nourriture. Et selon l’endroit où se trouvent les nouvelles cultures, nous risquons de détruire des puits de carbone stables comme les forêts.

Les piles à combustible à hydrogène, qui alimentent les moteurs électriques grâce à l’énergie transportée dans l’hydrogène liquide, pourraient être utiles au transport lourd dans le futur. Beaucoup espèrent que cette technologie pourra un jour transformer le secteur des transports. Pour le moment, il existe peu d’infrastructure soutenant la technologie en question, les camions ne sont pas encore construits à l’échelle avec ces moteurs, et il reste des problèmes techniques à résoudre.

Quels sont les coûts ?

Le Canada a la capacité de réduire fortement les émissions dans les secteurs où l’électrification est viable, par exemple en accordant des subventions et en investissant dans l’infrastructure pour encourager l’utilisation des véhicules électriques. Ce plan pourrait coûter cher. D’après les modèles de véhicules électriques actuels et la durée moyenne pendant laquelle les Canadiens détiennent des voitures neuves, le gouvernement devrait accorder des subventions d’au moins 300 $ par tonne de GES économisée pour rendre les véhicules électriques aussi abordables que les voitures à essence. Il lui en coûterait environ 20 milliards de dollars annuellement. Les progrès technologiques attendus dans le domaine des batteries, qui représentent près d’un tiers du coût d’un véhicule électrique, contribueront grandement à réduire ce coût. De meilleures infrastructures pourraient aider les gens à transporter des batteries plus petites et moins chères.

Là où l’électrification des transports n’est pas encore viable, les biocarburants pourraient combler l’écart. Toutefois, de nombreuses applications restent coûteuses : le carburant d’aviation durable coûte environ cinq fois plus cher que le kérosène, et son prix pourrait s’élever à 500 $ la tonne. Même si nous pouvions produire suffisamment de carburant d’aviation durable pour chaque vol, les coûts augmenteraient de 50 % pour les compagnies aériennes.

Le gouvernement estime que les efforts actuels feront baisser les émissions liées au transport d’environ 35 mégatonnes. Si les Canadiens investissaient 25 milliards de dollars de plus par an dans les technologies actuelles, 93 mégatonnes supplémentaires pourraient être éliminées des émissions prévues dans les transports en 2030, ce qui nous rapprocherait de l’objectif zéro émission nette Toutefois, nous devrons intensifier nos efforts de recherche et de développement pour trouver de meilleures solutions aux autres problèmes causés par les émissions.

Les camions lourds dépendent des biocarburants pour réduire leurs émissions, car les batteries sont trop lourdes. Grâce à la technologie de charge ultra rapide mise au point par Gbatteries, à Ottawa, les camions pourraient transporter moins de batteries, puisqu’ils rechargeraient leurs batteries aussi vite qu’ils remplissent un réservoir d’essence. De plus, la société affirme que sa technologie évite un problème fréquent lié à la charge rapide : la dégradation de la batterie. Plusieurs entreprises en démarrage, d’Israël à l’Australie, cherchent aussi à introduire des solutions de charge rapide sur le marché. Alors que les concurrents se concentrent sur les nouveaux matériaux et la fabrication de batteries lithium-ion, GBatteries s’appuie sur un algorithme breveté pour la charge rapide.


Li-Cycle de Mississauga, en Ontario, est devenue la plus grande entreprise de recyclage de batteries lithium-ion en Amérique du Nord en seulement cinq ans. La société affirme que son processus de recyclage exclusif permet de récupérer 95 % des métaux essentiels à la fabrication de batteries – ce qui est bien plus que les technologies rivales –, afin d’éviter que ces métaux finissent dans une décharge. Les matériaux peuvent ensuite être réutilisés dans de nouvelles batteries. De plus, le procédé de Li-Cycle ne produit pas d’eaux usées et émet moins de carbone que les méthodes de recyclage conventionnelles. L’un de ses plus grands défis est de se préparer à une adoption généralisée des véhicules électriques.


 

 

Les producteurs de pétrole et de gaz ne sont pas les seuls grands émetteurs du Canada. Les moteurs de l’économie (l’exploitation minière et la production de ciment, pour n’en nommer que deux) nécessitent d’énormes quantités de chaleur et d’énergie. Par conséquent, ils émettent beaucoup de dioxyde de carbone. Leur production est essentielle à la vie quotidienne et au bien-être économique du Canada, puisque ces secteurs ont généré 16 % des exportations des cinq dernières années. Certaines parties de ce secteur ont fait d’énormes progrès depuis les années 1990, en partie grâce à des processus de fabrication plus propres. Mais compte tenu de l’accroissement de la demande mondiale de matières à faible teneur en carbone, il sera crucial que ces producteurs réduisent encore plus leurs émissions.

Au cours des dernières années, la stratégie du Canada visant à réduire les émissions de l’industrie lourde s’est concentrée sur divers prélèvements fiscaux comme la taxe carbone, et les augmentations graduelles plutôt que les mesures brutales ont été privilégiées. Les progrès sont lents. L’une des raisons est l’utilisation, par la plupart des entreprises, de combustibles fossiles relativement peu coûteux. Par exemple, il faut environ 900 tonnes d’acier pour fabriquer une éolienne de 5 MW, et la production d’une telle quantité d’acier génère près de 2 400 tonnes d’émissions de CO2. La technologie permettant d’utiliser de l’électricité ou un combustible de substitution dans ce processus serait beaucoup plus coûteuse, voire non viable sur le plan commercial.

De plus, de nombreuses industries génèrent des émissions qui font partie intégrante de la production. Par exemple, la fabrication de l’ammoniac utilisé dans les engrais azotés exige beaucoup d’énergie et génère des gaz à effet de serre lorsque l’hydrogène est extrait du gaz naturel pour être intégré au processus. Dans le cas du ciment, la décomposition du calcaire repose sur une réaction chimique entraînant l’émission de CO2. Ces émissions « inhérentes » au processus sont la raison pour laquelle le captage du carbone sera probablement nécessaire dans certaines circonstances.

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Fabrication d’acier vert

L’aciérie traditionnelle consiste à fondre du charbon de haut rang avec du minerai de fer à très haute température dans des fourneaux alimentés aux combustibles fossiles, ce qui génère une grande quantité d’émissions.

Grand défi : comment fabriquer tout l’acier dont nous avons besoin pour les panneaux solaires et les autres technologies vertes en générant le moins d’émissions possible. La course est engagée pour résoudre ce problème dans des pays comme la Suède, où le premier chargement d’acier « vert » a été reçu cet été. Ce projet pilote, de même que d’autres qui se trouvent à différents stades de développement, intègre un processus qui remplace le charbon par de l’hydrogène pendant la première étape de la fabrication de l’acier. Le pouvoir de transformation de l’aciérie verte dépendra en grande partie des prix de l’hydrogène et de l’électricité à faible teneur en carbone dans les décennies à venir.

Selon le gouvernement fédéral, une lente hausse de la tarification des émissions industrielles, accompagnée de subventions en faveur de processus plus propres pendant la prochaine décennie, incitera les entreprises à éliminer seulement 16 mégatonnes de gaz à effet de serre. Or, 77 mégatonnes ont été produites en 2019. Des changements politiques plus marqués et de plus grands investissements seraient nécessaires pour accélérer l’adoption des technologies existantes. Les pompes à chaleur industrielles, par exemple, voire le chauffage électrique régulier, peuvent remplacer les combustibles fossiles dans certaines applications à basse et moyenne température, par exemple dans une partie de la production de papier. Le captage du carbone fonctionne bien pour les gaz d’échappement concentrés, notamment ceux qui émanent des usines d’engrais. Malgré son prix élevé, cette technique peut être appliquée à des processus plus coûteux comme ceux des cimenteries.

Si l’industrie et le gouvernement investissaient 4,4 milliards de dollars de plus par an dans les technologies actuelles, 35 mégatonnes supplémentaires pourraient être éliminées des émissions prévues dans l’industrie lourde en 2030, ce qui nous rapprocherait de l’objectif zéro émission nette.

CarbonCure de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, injecte au béton du CO2 capturé afin d’obtenir un produit plus vert. Sa technologie pourrait aider le secteur du bâtiment, un émetteur important, à atteindre plus rapidement zéro émission nette. La quantité de béton produite selon cette méthode double chaque année. C’est pourquoi CarbonCure a reçu des financements de la part du fonds d’investissement Breakthrough Energy Ventures de Bill Gates, d’Amazon et d’autres investisseurs importants. Les gouvernements et les municipalités sont les principaux acheteurs de béton. La croissance de l’entreprise bénéficierait donc de politiques d’approvisionnement favorables au béton bas carbone.


MineSense Technologies de Vancouver aide les sociétés minières à trouver l’équilibre entre durabilité et la recherche de minerais à haute teneur. Sa technologie ShovelSense, adaptable aux équipements miniers existants, est basée sur des capteurs et un algorithme exclusif qui servent à évaluer le minerai au moment de son extraction, améliorer sa récupération et réduire les déchets. La technologie de MineSense est utilisée dans des mines au Canada, au Chili et au Pérou. La COVID-19 a restreint son accès aux sites miniers des clients, ce qui l’a obligée à se tourner vers les installations technologiques à distance.


 

 

Le Canada est un géant agricole qui exporte du blé, de l’orge, des légumineuses et d’autres produits alimentaires dans le monde. Le secteur a généré 2 % du PIB total du Canada et environ 5 % de ses exportations au cours de la dernière décennie, et il emploie plus de 300 000 Canadiens. Il est également responsable de près de 10 % des GES du Canada, soit l’équivalent de 73 mégatonnes. Il ne sera pas facile de les réduire. Les vaches, les porcs et les autres ruminants produisent du méthane lors de leur digestion, de sorte que les gaz qu’ils émettent sont difficiles à capter. Les engrais azotés, largement utilisés, sont nécessaires pour améliorer les rendements, mais représentent une source majeure d’émissions d’oxyde nitreux. Tout comme le méthane, l’oxyde nitreux a un plus grand pouvoir de réchauffement que le CO2.

Alors que la quantité d’énergie utilisée pour produire de la nourriture a chuté par dollar de production, l’augmentation de la production a éclipsé les gains d’efficacité. La quantité d’énergie utilisée dans l’agriculture a augmenté de 30 % entre 2008 et 2018, principalement sous forme de diesel pour la machinerie lourde.



Il est réjouissant de savoir que le Canada soutient la comparaison en ce qui concerne les émissions agricoles. Par exemple, dans le secteur de l’élevage, le pays se classe parmi ceux qui ont la plus faible intensité carbonique, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques.

L’inégalité des progrès dans l’agriculture est en partie due au fait que les émissions provenant des animaux et des terres (y compris celles qui sont générées après l’application d’engrais) ne sont pas assujetties à la tarification du carbone. De plus, les agriculteurs sont exemptés de la taxe fédérale sur le diesel utilisé pour alimenter l’équipement. Les exemptions existent avant tout parce que les efforts d’atténuation du carbone feront probablement grimper les prix des aliments. Ainsi, les exportateurs canadiens seront désavantagés par rapport aux partenaires commerciaux mondiaux qui n’appliquent pas une réglementation aussi stricte à l’égard de leurs agriculteurs.

Il pourrait être bon de changer la façon dont nous cultivons, par exemple en utilisant moins d’engrais. Les agriculteurs pourraient être encouragés à planter davantage de cultures de couverture, lesquelles sont semées après la récolte des cultures commerciales pour atténuer le tassement du sol et prévenir l’érosion. Les cultures de couverture peuvent aussi capturer plus de carbone dans le sol et empêcher les résidus d’azote de s’épandre dans l’atmosphère.

La refonte de la production animale et de la gestion du fumier pourrait entraîner les plus grandes réductions. Les installations intérieures pourraient être modifiées en vue de capter du méthane pour le transformer en biogaz. Cette solution pourrait s’appliquer à l’entreposage du fumier, autre source de méthane provenant du bétail. Elle est d’ailleurs déjà employée à petite échelle. De plus, une reproduction plus sélective et des changements dans l’alimentation du bétail pourraient amoindrir quelque peu la quantité de méthane générée par les ruminants.

L’abandon des combustibles fossiles sera également utile. De même que dans les autres bâtiments, les sources de carburant pour chauffer ou rafraîchir les installations agricoles peuvent être remplacées par des pompes à chaleur électriques. L’équipement agricole n’a pas encore été électrifié de manière généralisée, mais les progrès de la technologie des batteries pourraient faire avancer les choses. Les tracteurs électriques font leur entrée sur le marché, mais ce n’est pas encore le cas pour les moissonneuses-batteuses. Dans certains cas, comme pour les séchoirs à grains, l’électricité est plus difficile et plus chère à obtenir avec la technologie actuelle, mais cela reste faisable.

Il est important de se rappeler que tout comme les arbres, les plantes et les sols ont la capacité de stocker le CO2. Si elle est bien gérée, la prolifération des cultures alimentaires en milieu rural (ou urbain) offre donc la possibilité de séquestrer le carbone.

Une meilleure gestion de notre monde naturel pourrait influer sur les changements climatiques de manière tout aussi spectaculaire que le nettoyage des industries utilisant beaucoup de carbone. Une étude récente de Nature United, financée en partie par Techno nature RBC, a révélé qu’une meilleure protection des terres agricoles, forêts, zones humides et prairies du Canada pourrait aider à capturer 78 millions de tonnes de GES par année d’ici 2030, soit environ 10 % des émissions globales actuelles. Une grande partie de l’approche consiste à changer les façons de travailler dans les exploitations agricoles. L’agriculture régénératrice est un ensemble de pratiques agricoles, telles que la plantation de cultures de couverture pour améliorer la qualité des sols, qui tirent parti de la nature pour lutter contre les changements climatiques. Ces techniques visent à accroître la séquestration du carbone dans les sols, et elles présentent des avantages comme une plus grande résistance des exploitations agricoles à la sécheresse. D’autres pratiques, comme la plantation d’arbres entre les cultures et dans les pâturages, sont également prometteuses. Nature United estime que ces efforts pourraient aider à capturer jusqu’à sept mégatonnes d’ici 2030, même s’ils se limitent aux zones où les grandes machines ne sont pas utilisées.

Bien que certaines de ces réductions de GES puissent être réalisées moyennant des coûts relativement faibles, la plupart seront coûteuses et nécessiteront de nouveaux processus et dépenses en immobilisations. Par exemple, le modèle exhaustif des cultures de couverture montre que la moitié de cette réduction coûtera plus de 50 $ la tonne, ce qui dépasse le prix actuel du carbone. Nous estimons que la réduction des émissions du secteur à 43 mégatonnes, comparativement à 73 mégatonnes en 2019, coûtera jusqu’à 2,5 milliards de dollars par année.

SemiosBio Technologies, établie à Vancouver, offre un service d’agriculture de précision. Son réseau sans fil exclusif utilise l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle pour proposer aux agriculteurs une solution de gestion des cultures fondée sur les données. Son réseau d’Internet des objets est le plus important du secteur agricole, avec plus de 120 millions d’acres sous gestion, des États-Unis à l’Australie, en passant par l’Afrique du Sud. La société compte des centaines de concurrents, mais la plupart sont plus petits et se consacrent à un seul aspect de l’agriculture.


Une autre société de Vancouver, Terramera, est en train de mettre au point des outils agronomiques numériques pour appuyer et élargir la transition vers des pratiques agricoles régénératrices. Elle explore également une technologie de télédétection capable de mesurer la teneur en carbone du sol de façon fiable et peu coûteuse. Cette initiative pourrait jeter les bases d’un marché de crédits carbone dans le secteur de l’agriculture. La société a développé une technologie chimique exclusive, Actigate, qui vise à améliorer le rendement des intrants biologiques dans l’agriculture et à réduire l’utilisation des substances synthétiques.

 

 

On a exhorté les ménages à passer des voitures à essence et des chaudières au gaz aux véhicules électriques et aux pompes à chaleur. Mais beaucoup n’ont pas les moyens de faire de tels changements. Cependant, ils doivent savoir que les changements comportementaux peuvent aussi avoir un effet substantiel. Par exemple, si les déchets provenant des fruits, des légumes et des restes de nourriture étaient ramenés à des niveaux comparables à ceux de la viande et des produits laitiers, alors les émissions du Canada pourraient baisser de 4 millions de tonnes. En changeant notre façon de nous déplacer et de chauffer ou rafraîchir les espaces, et en utilisant avec parcimonie le ciment et les autres matériaux à forte intensité de carbone, nous réduirions les émissions de 1,7 milliard de tonnes dans le monde d’ici 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie. Le total représente plus de 10 % des réductions que nous avons besoin de réaliser pendant cette période.

Le défi est d’amener les gens à changer. Un mode de vie bas carbone est plus coûteux, plus compliqué et moins confortable que le statu quo. Il peut paraître ardu d’amener 40 millions de Canadiens à accepter une vie quotidienne moins confortable. Pourtant, c’est avant tout une question de conception et d’innovation. Les jeunes d’aujourd’hui éclateraient de rire à l’idée de cesser de regarder YouTube parce que leurs parents doivent passer un coup de téléphone. Et télétravailler plusieurs fois par semaine était inconcevable pour les professionnels il y a à peine deux ans. Dans 10 ans, les amateurs de cuisine pourraient convoiter les plaques de cuisson à induction comme ils apprécient actuellement les cuisinières à gaz.

Chaque secteur a un rôle à jouer pour aider les consommateurs à prendre des décisions plus éclairées et plus propres. Voici comment, d’après nous, vous pouvez commencer.

  • Les entreprises devraient informer les consommateurs de l’incidence de leurs choix sur les émissions. Indiquer les émissions attribuables aux différentes options d’expédition, ou le coût environnemental de l’emballage pourrait influencer les choix des consommateurs.
  • Étiquetage obligatoire pour les décisions générant de fortes émissions. Pour les transactions immobilières, on pourrait exiger que les vendeurs divulguent les cotes d’efficacité énergétique et les émissions annuelles des habitations, afin que les acheteurs puissent comparer ces dernières en fonction des émissions et des coûts.
  • Financement moins cher pour les options plus vertes. Le secteur financier innove depuis longtemps de façon à favoriser le changement. La titrisation des prêts ou des prêts hypothécaires destinés à la rénovation de maisons et bureaux afin de les rendre plus écologiques pourrait tirer parti des marchés ESG afin de réduire les coûts, comme cela a été fait pour les prêts hypothécaires à plus grande échelle.
  • Rendre le transport vert plus agréable. Les métros sombres, les trains bondés et l’absence de pistes cyclables n’encouragent guère les citadins à se départir de leurs voitures. L’ajout de services dans les gares et les véhicules (Wi-Fi et magasinage, par exemple) pourrait accroître le nombre d’usagers. Il en va de même pour la construction d’infrastructures plus sûres : les pistes cyclables de Toronto, en particulier celles qui sécurisent l’accès aux lieux de travail, ont fait attirer beaucoup plus de cyclistes. L’obligation d’offrir un stationnement sécurisé pour les vélos et des bornes de recharge de vélos électriques dans les entreprises et les nouveaux immeubles d’habitation pourrait également être efficace.
  • Revoir la tarification de l’électricité. Inciter les consommateurs à utiliser moins d’électricité au moment où le coût de production est le plus élevé est la logique qui sous-tend la tarification selon l’heure de consommation dans certaines provinces. Élargir cette pratique à l’échelle nationale serait un bon début. Payer l’industrie pour qu’elle réduise la demande aux heures de pointe pourrait même être plus efficace.

 


Pendant des décennies, nous avons suivi une approche fragmentaire en matière de réglementation environnementale et de protection du climat. Résultat : les émissions ont augmenté de toute façon. Pour atteindre l’objectif zéro émission nette, nous aurons besoin d’un plan plus audacieux exigeant des changements pour les décennies à venir.

Dans les pages précédentes, nous avons décrit les voies que ce plan pourrait emprunter. Il faudra que tout le monde – propriétaires de maison, exploitants d’entreprises, scientifiques, personnes de métier qualifiées, enseignants, urbanistes – se penche sur la question. Mais en conclusion, nous aimerions nous concentrer sur le rôle que peuvent jouer les politiques publiques, avec huit idées pour amorcer le changement :

Une politique nationale d’électrification

Des incitatifs du gouvernement fédéral seront nécessaires pour améliorer les liaisons entre les réseaux provinciaux, harmoniser les réglementations et parvenir à une tarification cohérente. L’objectif est de doubler la production au cours des 30 prochaines années. Produire plus d’électricité propre demandera des choix difficiles, même avec une hausse du prix du carbone. Il nous faudra peut-être beaucoup plus d’énergie hydroélectrique et de lignes de transport pour l’acheminer vers les grands centres. Les solutions basées sur le nucléaire doivent rester sur la table. Et nous aurons besoin de capturer le carbone émis par les centrales au gaz, même si les solutions renouvelables et les batteries sont produites à une échelle commerciale. Ce qui sera essentiel : une plus grande coopération interprovinciale.

Une stratégie nationale pour les compétences vertes

L’innovation propre est vouée à l’échec si nous manquons d’ingénieurs pour déployer des systèmes de capture du carbone, ou d’entrepreneurs pour installer des pompes à chaleur. L’objectif est d’inculquer des compétences en écologie à 200 000 nouveaux travailleurs et de recycler 100 000 travailleurs actuels d’ici 2030. Une subvention fédérale pour emplois verts faciliterait le recyclage des employés actuels et les programmes provinciaux pourraient favoriser les changements de carrière. Les enseignants auront besoin de contenus de cours sur les technologies climatiques et sur les nouvelles compétences « vertes » destinées à la main-d’œuvre de demain. Et les agriculteurs devront améliorer leur capacité à mesurer la capacité des sols à stocker le carbone provenant de l’atmosphère.

Engagement à long terme en faveur de la tarification du carbone

Le gouvernement fédéral, les provinces et les grandes entreprises devraient réaffirmer l’intention du Canada d’augmenter le prix national du carbone d’ici 2030, afin de montrer au monde que cette question est aussi une priorité pour les Canadiens. Ottawa devrait également allouer une part importante (et clairement définie) des recettes publiques au développement et à l’adoption de technologies, et étudier l’incidence économique et la suffisance du prix à mesure qu’il augmente à 170 $ la tonne. Les groupes commerciaux et environnementaux doivent aider les gouvernements à aller de l’avant d’une manière qui profite à toutes les régions.

S’appuyer sur l’action climatique pour renforcer le commerce avec les États-Unis

Le Canada devrait engager des discussions bilatérales avec les États-Unis sur la politique climatique, en mettant l’accent sur les chaînes d’approvisionnement stratégiques, les produits énergétiques et les technologies de réduction des émissions. Les deux gouvernements devraient étudier la possibilité d’ajustements à la frontière pour le carbone qui seraient appliqués aux marchandises faisant l’objet de nombreux échanges commerciaux. Ils s’assureraient ainsi que les produits nord-américains ne sont pas désavantagés par les prix explicites ou implicites du carbone. D’une importance particulière : sécuriser la place du Canada dans la chaîne d’approvisionnement en VE, qui connaît une rapide croissance, en mettant l’accent sur la technologie des batteries et les minéraux essentiels. Une collaboration avec les États-Unis dans le domaine de la recherche peut aussi aider.

Une stratégie industrielle pour la capture, l’utilisation et le stockage du carbone

Le gouvernement fédéral et les principales provinces responsables des émissions industrielles devraient convenir d’un nouveau cadre pour le CUSC – essentiellement des technologies destinées à capturer les émissions pour les stocker dans le sol ou dans de nouveaux produits – comprenant des subventions à la recherche, des crédits d’impôt à long terme pour le stockage de carbone, et de nouvelles approches d’investissement public-privé. Problèmes critiques : droits clairs en matière de stockage géologique, permis pour les pipelines de CO2 et règlements souples, assortis d’échéances. Fait important, les communautés autochtones doivent jouer un rôle de premier plan dans ce prochain chapitre de l’énergie canadienne.

Plan d’action national en matière d’agriculture durable

Les émissions agricoles sont inhérentes à notre système alimentaire. Nous aurons besoin d’engrais azotés tant que nous cultiverons, et nous produirons du méthane tant que nous élèverons des bovins et des porcins. Il existe des moyens de réduire les émissions par rapport aux niveaux actuels sans pour autant faire baisser la production alimentaire. Cependant, fixer un prix pour les émissions agricoles peut entraîner une hausse inacceptable des coûts alimentaires. Une meilleure option : permettre la séquestration naturelle dans les exploitations agricoles – à partir de cultures de couverture et d’arbres, par exemple – afin de produire des crédits de carbone commercialisables. Pour y parvenir, les agriculteurs ont besoin d’un plus grand nombre d’équipements de surveillance des sols, de systèmes de données et de formations.

Priorité aux véhicules électriques (VE)

Les VE seront des gagnants évidents dans la transition, mais à moins que les coûts ne diminuent rapidement, leur adoption pourrait ne pas être assez rapide pour marquer une grande différence. Les avantages des véhicules électriques sont actuellement contrebalancés par l’anxiété liée à l’autonomie, le manque de bornes de recharge et les risques associés à un climat froid. Il sera utile de développer l’infrastructure et de prendre des engagements en faveur des véhicules électriques, ce qui comprend la proposition d’Ottawa de permettre uniquement la vente de véhicules à zéro émission d’ici 2035. Du côté de la production, le Canada peut faire davantage pour soutenir les chaînes d’approvisionnement nord-américaines en batteries, par exemple en investissant dans la capacité de raffinage et dans la fabrication de batteries au pays.

Une adaptation rapide

Le plan du Canada visant à rénover davantage de maisons doit être accéléré de toute urgence. Un bon début : programmes pour aider les propriétaires à gérer le processus perturbateur de recâblage ou de modernisation de leur maison. Des codes de construction zéro émission nette peuvent éviter d’avoir à rénover des constructions récentes. D’autres politiques, qui incluent le financement, peuvent aider les propriétaires à s’attaquer collectivement à de grands projets. Une stratégie nationale de rénovation pourrait également promouvoir les services d’aménagement collectif et soutenir les communautés qui veulent repenser complètement leur mode de chauffage, en prévoyant par exemple des modèles géothermiques centralisés. Besoin : rénover 4,5 millions de logements d’ici 2030.

Conclusion

Ce rapport fait valoir nos arguments en faveur d’une action climatique accélérée, avec des objectifs clairs et des occasions intéressantes. Malgré les défis, et peut-être un départ tardif, l’objectif zéro émission nette est à portée de main.

Pour y parvenir, nous devrons élargir notre approche en matière de mobilisation de capitaux et de souplesse réglementaire. Nous devrons imaginer de nouvelles façons d’évaluer les occasions, et investir dans ces occasions en exploitant le capital public et privé, en coordonnant les autorités fédérales et provinciales et en veillant à ce que les communautés autochtones jouent un rôle prédominant.

Les Canadiens veulent une réponse plus rapide et plus efficace au défi climatique, et les innovateurs canadiens ont prouvé qu’ils peuvent offrir des


Pour en savoir plus, allez à rbc.com/climat.

Collaborateurs:

John Stackhouse, premier vice-président

Colin Guldimann, économiste

Ben Richardson, associé, Recherche

Steven Frank, consultant en rédaction

Darren Chow, premier directeur, Médias numériques

Carolyn King, première directrice de la rédaction

Farhad Panahov, associé, Recherche

 

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