Points saillants
- Le ralentissement de l’inflation permet aux banques centrales de faire une pause dans les hausses de taux d’intérêt.
- Cependant, tant que l’activité économique ne s’apaisera pas, les décideurs ne seront pas convaincus que le ralentissement de l’inflation est durable, et ils se tiennent prêts à relever les taux au besoin.
- À notre avis, le scénario le plus probable pour le Canada et les États-Unis reste celui d’un atterrissage tumultueux. À ce jour, il y a davantage de signes d’essoufflement économique au Canada malgré l’accroissement de la population.
- Bien que les données économiques poursuivent sur leur trajectoire positive, un ralentissement est attendu, avec un déclin du PIB à partir du troisième trimestre au Canada et à partir du quatrième trimestre aux États-Unis cette année.
Les données économiques de juillet ont donné une lueur d’espoir. Dans l’ensemble, les indices boursiers mondiaux ont gagné du terrain alors que les craintes de récession s’apaisaient.
Pourtant, les banques américaines continuent de signaler des normes de crédit plus strictes et un ralentissement de la demande de prêts commerciaux et industriels – signe que les sociétés sont de plus en plus prudentes. Début août, Fitch a dégradé les cotes de solvabilité aux États-Unis. Cette action a jeté un froid sur les marchés, bien que les prix du pétrole se soient redressés – dans la perspective que le déficit de l’approvisionnement en énergie s’aggrave en 2024 à l’échelle mondiale.
La bonne nouvelle est que l’inflation a affiché de nouveaux signes de ralentissement, à des degrés divers selon les régions. Par conséquent, il est moins urgent pour les banques de faire monter les taux d’intérêt, même si la croissance économique continue de se montrer plus solide que prévu. En effet, malgré le regain de confiance sur les marchés, les courbes de rendement demeurent fortement inversées en raison des baisses de taux attendues en 2024 et au-delà.
Le ralentissement de l’inflation est en partie lié au déclin des prix de l’énergie, mais cette tendance pourrait être de courte durée. Les prix du pétrole ont déjà affiché une hausse au cours des dernières semaines, et ils pourraient poursuivre sur cette lancée. Cependant, les tensions inflationnistes plus générales ont montré des signes d’apaisement, particulièrement aux États-Unis et au Canada. Les tendances inflationnistes se sont montrées tenaces au Royaume-Uni, bien que les dernières données de juin aient apporté un peu de répit.
Orientation des banques centrales
Banque centrale
Taux directeur actuel(Dernier changement)
Prochain changement
BdC
5.00 %
+25 pb en juill. 2023
+0 bps
en sept, 2023
Fed
5,25-5,50%
+25 pb en juill. 2023
+0 bps
en sept. 2023
BdA
5,25%
+25 pb en août 2023
+25 bps
en sept. 2023
BCE
3,75%
+25 pb en juill. 2023
+0 pb
en sept. 2023
BRA
4,10%
+0 pb en août 2023
+0 bp
en sept. 2023
L’apaisement des tendances inflationnistes dans le monde permet aux banques centrales de faire une pause
La question est de savoir combien de temps durera cette inflation plus modérée, alors que la conjoncture macroéconomique demeure résiliente. Même si les banques centrales préfèrent éviter d’augmenter les taux d’intérêt, elles sont clairement disposées à le faire si cela est nécessaire pour juguler l’inflation de manière complète et durable.
La Fed des États-Unis, la Banque du Canada et la Banque centrale européenne ont agi de concert en juillet, augmentant les taux directeurs de 25 points de base. Cependant, les trois banques ont signalé que toute décision ultérieure dépendrait des données. Les taux d’intérêt se trouvent déjà à des niveaux que la plupart des banques centrales jugeraient comme « restrictifs » (c.-à-d. suffisants pour ralentir l’économie et les tensions inflationnistes à l’avenir). Et les taux actuellement élevés continuent de se répercuter sur la croissance économique et les marchés du travail, avec un effet à retardement. Nous prévoyons ainsi que la croissance du PIB ralentira davantage. Au Canada et aux États-Unis, le ralentissement devrait commencer au deuxième semestre de cette année (à partir du troisième trimestre au Canada et du quatrième trimestre aux États-Unis, selon les projections actuelles). Dans ce contexte, la plupart des banques centrales font une pause « optimiste » dans l’actuel cycle de hausse des taux.
À moins que les pressions sur les prix reprennent de la vigueur, nous prévoyons que la Banque du Canada, la Fed et la BCE laisseront leurs taux directeurs inchangés pour le reste de 2023. Nous attendons une nouvelle hausse de 25 points de base du taux d’escompte de la Banque d’Angleterre. Et nous ne prévoyons pas de revirement baissier avant le deuxième trimestre de 2024 pour la Fed, ou le deuxième semestre de l’an prochain pour la Banque du Canada. La Banque d’Angleterre et la BCE maintiendront probablement les taux inchangés jusqu’à l’an prochain.
L’économie canadienne ralentit malgré une croissance démographique record
L’accroissement de la population n’aide pas à évaluer la santé de l’économie canadienne. Au premier trimestre, le Canada a gagné près de 230 000 nouveaux consommateurs de 15 ans et plus à sa population, et dans l’ensemble, la demande des consommateurs demeure forte. Mais si nous regardons la demande par personne, nous constatons un ralentissement. Et il y a des signes que la hausse des taux d’intérêt a un impact négatif plus important sur le pouvoir d’achat et les dépenses des ménages. Bien que le PIB ait légèrement augmenté au deuxième trimestre (selon les estimations préliminaires), il a reculé en juin (-0,2 %).
Entre-temps, les premiers signes de ralentissement sur les marchés du travail augurent d’une nouvelle tendance baissière. Certes, la croissance de l’emploi a augmenté au deuxième trimestre, mais elle a aussi reculé pendant deux des trois derniers mois. Et le tassement de la demande de main-d’œuvre (offres d’emploi) conjuguée à la hausse de l’offre de main-d’œuvre (rapide croissance de la population) a commencé à pousser le taux de chômage vers le haut. Les données sur le marché du travail canadien sont particulièrement volatiles. Cependant, la hausse de 0,5 point de pourcentage du taux de chômage au cours des trois derniers mois jusqu’en juillet représente la plus forte hausse (en dehors de la pandémie) observée depuis le début de la récession de 2008-2009.
Les dépenses en services discrétionnaires demeurent soutenues. Toutefois, la croissance réelle (excluant l’effet des prix) s’est stabilisée dans les secteurs les plus touchés par la demande accumulée pendant la pandémie, par exemple les dépenses de restauration. Les dépenses en biens voient également un déclin. Les volumes des ventes au détail du deuxième trimestre sont inférieurs de 2 % (sur une base annualisée) aux volumes du premier trimestre. Les ventes d’automobiles ont fléchi au début de l’été malgré l’amélioration de l’offre. Et les importations de biens de consommation sont inférieures de 10 % de ce qu’elles étaient là leur niveau de l’automne dernier.
Le pouvoir d’achat des ménages est déjà limité par la hausse des prix et du coût de la dette. Jusqu’à présent, la robustesse des marchés du travail a atténué l’impact de cette hausse sur les dépenses de consommation et l’économie dans son ensemble. Toutefois, le fort endettement des ménages implique que les Canadiens sont vulnérables à un éventuel ralentissement du marché du travail. Or, ce ralentissement est attendu de longue date. Il semble que cet affaiblissement soit déjà amorcé.
Aux États-Unis, un atterrissage tumultueux demeure plus probable qu’un atterrissage en douceur
Les États-Unis voient leurs tensions inflationnistes s’apaiser, de façon générale, bien que la consommation et le marché du travail demeurent résilients. Cela a renforcé l’idée d’un possible « atterrissage en douceur » pour l’économie, c’est-à-dire un repli de l’inflation vers la cible de 2 % de la Fed sans pour autant voir augmenter le chômage de façon significative.
Nous continuons de penser que ce scénario est improbable. Les prévisions d’une inflation persistante à long terme ont probablement davantage pesé dans la modération initiale de l’IPC que ce qui est généralement admis. Toutefois, la Fed est probablement consciente du fait que le ralentissement de l’inflation ne peut pas se maintenir sans un affaiblissement de la demande des consommateurs et des marchés du travail.
Par ailleurs, il y a encore des signes de ralentissement dans l’économie américaine, malgré la résilience de l’activité en 2023. La croissance de l’emploi aux États-Unis s’est montrée solide, mais le nombre d’heures travaillées n’a pratiquement pas changé au deuxième trimestre et a même reculé en juillet. Les offres d’emploi continuent de baisser. Depuis le premier trimestre de 2022, les actifs liquides des ménages, y compris les soldes en espèces et les dépôts à terme, ont régulièrement chuté d’un trimestre à l’autre. L’épuisement de l’épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie signifie que les réserves financières seront beaucoup moins importantes à l’avenir. De plus, certains fardeaux comme la reprise des remboursements des prêts étudiants pèsent encore sur de nombreux ménages. Les taux d’intérêt élevés rendent de plus en plus inaccessibles les emprunts destinés aux dépenses courantes. La croissance s’est avérée plus vigoureuse que prévu et le PIB du troisième trimestre devrait afficher une nouvelle hausse. Cependant, de premiers signes laissent entrevoir un ralentissement de l’activité économique pour bientôt. Nous estimons que la croissance du PIB plongera en territoire négatif plus tard cette année.
Nous prévoyons que la croissance économique restera positive au Royaume-Uni et dans la zone euro. Cela dit, cette croissance ne sera pas assez forte pour éviter la montée des taux de chômage. Et dans les deux régions, le repli de l’indice PMI au cours de l’été a fait ressortir le risque d’une baisse de la croissance du PIB.
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