Faits saillants
- Le contexte économique mondial s’assombrit à mesure que la croissance ralentit en Chine, tandis que le Canada, la zone euro et le Royaume-Uni subissent le poids des taux d’intérêt élevés.
- Au Canada, l’inflation reste persistante, mais au vu du ralentissement du marché du travail, la Banque du Canada s’est sentie à l’aise d’interrompre les augmentations de taux d’intérêt (une fois de plus).
- Les consommateurs américains ne semblent aucunement manquer d’argent, mais le ralentissement de l’inflation soulage les pressions pesant sur la Fed.
- On s’attend à ce que la BCE suspende ses tours de vis et à ce que la Banque d’Angleterre les poursuive, étant donné la croissance de l’inflation des services et des salaires.
En août, les taux des obligations américaines ont brièvement atteint des records observés il y a dix ans dans l’expectative d’un maintien prolongé de taux d’intérêt élevés par les banques centrales. Néanmoins, la courbe des taux demeure fortement inversée, les marchés s’attendant à ce que la croissance économique s’atténue et finisse par réduire les tensions inflationnistes. Les banques centrales pourront ainsi faire volte-face en réduisant les taux au lieu de les augmenter, quoique pas avant 2024. Les marchés boursiers demeurent solides, même si l’indice S&P 500 a enregistré son premier recul mensuel depuis le printemps.
L’économie américaine continue de croître, les ménages affichant une vigueur remarquable malgré la politique monétaire très restrictive. Toutefois, les perspectives s’assombrissent ailleurs. Au Canada, le PIB a commencé à chuter alors que la hausse des taux d’intérêt se fait sentir. La croissance de la production a également ralenti dans la zone euro et au Royaume-Uni, les indices des directeurs d’achats (PMI) suivis de près laissant entrevoir d’autres faiblesses à l’approche du troisième trimestre. En Chine, l’économie vacille en raison de la baisse des dépenses de consommation et de l’atonie du secteur immobilier. Le ralentissement attendu depuis longtemps devrait se poursuivre jusqu’à la fin de 2023, car les banques centrales devraient continuer de freiner l’économie jusqu’au début de l’année prochaine aux États-Unis et au Canada, voire plus longtemps en Europe et au Royaume-Uni.
Ce climat a aussi entraîné une appréciation du dollar américain en août. L’énergie a renchéri après l’annonce par les principaux exportateurs de pétrole de réductions prolongées de production. Cela étant dit, les prix des marchandises hors énergie ont continué de fléchir. La récente flambée des prix du pétrole stimulera probablement l’inflation globale à l’échelle mondiale dans les prochains mois. Quoi qu’il en soit, les banques centrales focaliseront plus leur attention sur les pressions sous-jacentes générales sur les prix liées à l’offre et à la demande intérieures. La semaine dernière, la Banque du Canada a décidé de renoncer à une nouvelle augmentation du taux du financement à un jour, et nous prévoyons que la BCE et la Fed lui emboîteront le pas lors des réunions qu’elles tiendront respectivement demain et la semaine prochaine. En revanche, nous prévoyons que la Banque d’Angleterre sera forcée d’augmenter à nouveau son taux d’escompte de 25 points de base la semaine prochaine, étant donné que les tensions inflationnistes sont plus persistantes au Royaume-Uni qu’ailleurs.
Orientation des banques centrales
Banque centrale
Taux directeur actuel
(Dernier changement)
Prochain changement
Banque du Canada
5.00%
+0 pb en sept. 2023
+0 pb
en oct. 2023
Fed
5,25 à 5,50 %
+25 pb en juill. 2023
+0 pb
en sept. 2023
Banque d’Angleterre
5,25 %
+25 pb en août 2023
+25 pb
en sept. 2023
BCE
3,75 %
+25 pb en juill. 2023
+0 pb
en sept. 2023
Banque de réserve d’Australie
4,10 %
+0 pb en sept. 2023
+0 pb
en oct. 2023
La Banque du Canada est intervenue suffisamment pour ralentir l’inflation
Au Canada, les indicateurs de l’inflation de base sont restés bien au-dessus du taux cible de 2 % de la Banque du Canada : ils oscillent dans une fourchette de 3,5 % à 4 % depuis la fin de l’année dernière. Cependant, l’inflation est en retard sur l’économie, et la croissance du PIB ralentit tout comme les marchés du travail. La Banque du Canada n’a qu’un seul mandat : maintenir l’inflation stable à un faible niveau prévisible, soit son taux cible de 2 %. De nouvelles hausses inattendues de l’inflation pourraient donc l’inciter à reprendre ses tours de vis. Cependant, de plus en plus de données tendent à prouver que les taux d’intérêt sont déjà suffisamment élevés pour freiner la croissance des prix. La Banque du Canada a choisi de suspendre son cycle d’augmentation des taux en septembre, en maintenant son taux du financement à un jour à 5 %. Cette décision fait suite à une contraction inopinée du PIB au deuxième trimestre et à une hausse de 0,5 % du taux de chômage entre les mois d’avril et d’août. Il s’agit là de la plus forte hausse, à l’exception de celle de la pandémie, depuis la récession de 2008 et 2009.
Après la peur engendrée par l’inflation au cours des deux dernières années, nous pensons que la Banque du Canada sera beaucoup plus prudente avant d’abaisser ses taux. Qui plus est, les risques pesant sur les taux d’intérêt à court terme sont encore orientés à la hausse. Cela étant dit, si les pertes d’emplois commencent à se multiplier pour les ménages très endettés, le repli économique, à présent léger, risquera de devenir plus douloureux. Dans notre scénario de base, nous ne prévoyons pas de réduction des taux avant le deuxième semestre de 2024, soit lorsque la Banque du Canada sera pleinement convaincue que l’inflation de base revient régulièrement vers son objectif de 2 %.
La vigueur de la consommation aux États-Unis se traduit par un durcissement de la Fed
Aux États-Unis, les dernières données indiquent que les consommateurs dépensent toujours malgré l’augmentation des taux d’intérêt. À l’exception du secteur automobile, les ventes au détail de base ont augmenté de 0,9 % en juillet et ainsi stimulé considérablement la croissance du PIB au troisième trimestre. Par ailleurs, la croissance de l’emploi est demeurée solide durant l’été, malgré une légère hausse du taux de chômage en août.
Les responsables de la Fed — dont le président, Monsieur Powell, lors du symposium annuel de Jackson Hole — continuent de souligner leur volonté d’augmenter les taux et de les maintenir à un haut niveau au besoin pour maîtriser l’inflation. Néanmoins, grâce à un apaisement suffisant des tensions inflationnistes générales, la Fed peut se montrer patiente. En effet, sa propre mesure de la « super inflation de base » affichait une tendance inférieure aux niveaux d’avant la pandémie au cours de l’été, compte tenu de données annualisées sur trois mois. Nous prévoyons que la Fed maintiendra le taux de ses fonds dans une fourchette de 5,25 % à 5,5 %, en attendant que les taux d’intérêt élevés ralentissent la croissance économique et mettent fin à la surchauffe des marchés du travail.
Il y a encore des raisons de s’attendre à un affaiblissement prononcé de l’économie aux États-Unis. Les économies excédentaires accumulées au cours de la pandémie ont maintenant été en grande partie épuisées. Le taux d’épargne des ménages tourne autour de 3,5 %, bien en deçà des niveaux d’avant la pandémie, et le taux de chômage a augmenté de 0,3 %. Jusqu’à présent, la forte réduction de la demande de travailleurs n’a généralement pas causé de dégâts. Les offres d’emploi étaient si élevées par rapport au chômage il y a un an que les réductions en 2023 n’ont pas entraîné d’augmentation persistante du taux de chômage. Toutefois, la courbe Beveridge (qui mesure le rapport entre le taux de postes vacants et le taux de chômage) a maintenant retrouvé des niveaux plus compatibles avec ceux atteints avant la pandémie. Cela signifie que toute nouvelle réduction de la demande de travailleurs est plus susceptible d’entraîner une augmentation du chômage à partir de maintenant.
La Fed n’hésitera pas à augmenter à nouveau les taux d’intérêt si les tensions inflationnistes reviennent. Nous pensons toutefois qu’il y a suffisamment de signes avant-coureurs de ralentissement de l’inflation pour éviter d’autres augmentations de taux d’intérêt. La fourchette du taux des fonds fédéraux devrait rester aux niveaux restrictifs actuels jusqu’au deuxième trimestre de 2024, moment où la persistance d’une faible inflation permettra de changer de cap.
Ailleurs, l’inflation dicte toujours la politique
Dans la zone euro, la croissance du PIB au deuxième trimestre a suivi les prévisions de près. Selon les données d’une enquête récente, les perspectives pour le troisième trimestre se sont toutefois considérablement détériorées. Les activités manufacturières continuent de pâtir du ralentissement de la demande mondiale de biens de consommation. L’instabilité de l’économie chinoise vient aussi s’ajouter à la liste des obstacles économiques. Des signes précurseurs apparus en août montrent que le fléchissement de la demande de biens commence à se répercuter aussi dans les secteurs des services. L’indice PMI des services HCOB a chuté sous la barre des 50 pour la première fois cette année, signe d’une contraction marquée de l’activité. Bien que le taux de chômage officiel soit resté à son niveau le plus bas depuis dix ans en août, le détail des données sur l’indice PMI donne à penser que la croissance de l’emploi est en perte de vitesse dans la région. Au vu de ces perspectives, nous avons revu à la baisse nos prévisions du PIB pour le deuxième semestre de 2023, et nous entrevoyons maintenant une baisse trimestrielle de 0,1 % de la production au troisième trimestre.
Étant donné que l’évolution de l’inflation de base au troisième trimestre semble conforme aux dernières projections de juin de la BCE et que les données publiées ailleurs signalent un ralentissement plus poussé que prévu, nous pensons que la BCE choisira de maintenir le taux de dépôt à son niveau actuel demain. Toutefois, elle maintiendra probablement un ton ferme et fera le nécessaire pour augmenter les taux au besoin.
Au Royaume-Uni, la croissance de la production a atteint 0,2 % au deuxième trimestre. Cette augmentation est légèrement supérieure aux prévisions de la Banque d’Angleterre (hausse de 0,1 %) sans en être trop éloignée. Toutefois, comme pour la zone euro, les indices des directeurs d’achats (PMI) laissent entrevoir un ralentissement de l’activité à l’approche du troisième trimestre, ce qui nous amène à revoir nos prévisions. Nous nous attendons maintenant à une contraction trimestrielle de 0,2 % de la production pour cette période. En juillet, l’inflation globale au Royaume-Uni a fortement chuté en raison d’un plafonnement des prix des services publics pour les ménages, et la situation du marché du travail commence également à se dégrader. En juillet, une perte de 207 000 emplois a été enregistrée sur trois mois. Malgré la détérioration des statistiques des marchés du travail, la Banque d’Angleterre dispose d’une marge de manœuvre réduite à cause de la nouvelle augmentation de deux de ses paramètres clés qui, comme elle l’a mentionné, dictent ses décisions : l’inflation des services et la croissance des salaires du secteur privé. Les pressions continues exercées sur les prix dans le secteur des services laisseront peu d’autres options à la Banque d’Angleterre que d’augmenter son taux d’escompte (à 5,5 %) lors de sa prochaine réunion ce mois-ci.
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