Le marché des données ne remplacera pas le pétrole. Il pourrait en revanche bientôt devenir encore plus imposant.
Selon Statistique Canada, la valeur économique des données dépassait 200 milliards de dollars au début de 2020. Leur valeur est donc pratiquement aussi importante que celle des réserves établies de pétrole brut au Canada, qui avoisine les 300 milliards de dollars.
La réglementation entourant cette nouvelle ressource virtuelle promet de soulever autant de controverse au sein de la population que pour les ressources du sol, comme le constatera sans doute sous peu le gouvernement fédéral.
Sam Sebastian, qui est à la tête d’une des plus grandes entreprises de données au pays, craint que les gouvernements interviennent trop rapidement au nom de la protection des renseignements personnels. Un tel empressement pourrait empêcher le Canada de profiter de cette nouvelle ère de croissance au sein de l’économie des actifs soi-disant intangibles, dans laquelle prospèrent les sociétés qui n’hésitent pas à se servir des données pour croître.
L’entreprise de M. Sebastian, Pelmorex Corp., possède The Weather Network au Canada et El Tiempo en Espagne. Elle est de ce fait la troisième plus importante plateforme d’information météo au monde, 60 millions de personnes utilisant chaque mois ses systèmes d’information météorologique.
M. Sebastian, qui a prononcé une allocution dans le cadre la série de conférences Les innovateurs RBC, craint qu’une règlementation excessive freine la prochaine vague d’innovation liée à Internet, notamment en ce qui a trait à l’accès universel et gratuit à l’information, comme les prévisions météorologiques. Environ 70 % du modèle de revenus de Pelmorex reposent sur la publicité, laquelle se fonde sur les données des utilisateurs.
Pour préserver cette circulation des données, M. Sebastian affirme que nous devons adopter une démarche axée sur des principes comme la transparence et la protection des utilisateurs, en faisant attention de ne pas nuire à la compétitivité des petites entreprises.
Il souligne à cet effet l’adoption en Europe du règlement général sur la protection des données (RGPD), qui, selon lui, a eu une incidence non voulue. Ce règlement a été conçu pour protéger les gens, mais il avantage les grandes sociétés, comme Google et Facebook, parce qu’elles disposent des ressources nécessaires pour se conformer à un ensemble de règles complexes. Les petites et moyennes entreprises sont quant à elles plus susceptibles de se voir imposer des amendes et des pénalités.
M. Sebastian ne croit pas que la meilleure solution soit toujours de s’en remettre aux gouvernements.
Le gouvernement Trudeau envisage la plus importante refonte des lois sur la protection des renseignements personnels des vingt dernières années. Alors que de nombreux entrepreneurs et chefs d’entreprise, comme Sam Sebastian, militent en faveur d’une démarche axée sur des principes, les défenseurs de la protection de la vie privée veulent des règles claires et des restrictions, surtout dans les domaines en émergence comme l’intelligence artificielle.
M. Sebastian précise que pour amener The Weather Network au quatrième rang des applications les plus utilisées au pays, Pelmorex a déployé une stratégie de gestion de données axée sur la simplicité et la transparence. Par exemple, la page des conditions d’utilisation de son site Web ne contient que 1 972 mots. La page des conditions d’utilisation d’AccuWeather en compte 4 000, et celle de Facebook, 12 000.
Voici ce qu’il faut faire pour tirer parti de cette nouvelle richesse :
- trouver des moyens d’utiliser les données afin qu’elles deviennent plus pertinentes pour les consommateurs ;
- utiliser les données de manière à renforcer la confiance du public ;
- utiliser les données de manière à accroître l’efficacité du point de vue des actionnaires ;
- améliorer les données de manière à augmenter leur incidence au sein des collectivités et dans le monde.
Expliquez à vos utilisateurs la nature et les raisons de vos activités, et mentionnez à l’avance ce que vous voulez faire, a conseillé M. Sebastian aux personnes qui assistaient à la conférence. Il a aussi insisté sur l’importance de communiquer d’une façon qui soit simple et directe.
Il est essentiel que les sociétés abordent les données d’un point de vue entrepreneurial, et non légaliste. Dotée de 400 employés seulement, Pelmorex est arrivée à franchir le cap des 60 millions d’utilisateurs par mois.
Afin de favoriser la création d’une culture entrepreneuriale concernant la gestion des données, la société a mis sur pied une division distincte des « solutions de données », laquelle a sa propre culture, son propre rythme et ne s’impose pas de cibles de revenus. L’entreprise peut aussi réaliser des acquisitions. Elle a notamment acquis en 2017 Addictive Mobility, la plus importante plateforme de gestion des données et d’achat média mobile au Canada.
Cette acquisition rappelle à M. Sebastian ce qu’il a appris au sujet de la culture de la croissance lors de ses années passées chez Google ; il ne s’agit pas d’offrir des repas gratuits ou de créer une ambiance de travail conviviale, mais plutôt de donner l’impression aux employés, à tous les échelons de l’entreprise, qu’ils sont en mesure de changer le monde grâce leur contribution.
Il sait que la croissance de Pelmorex n’est pas seulement attribuable à la gestion de données. Cinquante météorologistes travaillent chez Pelmorex, qui parvient donc à garder une longueur d’avance par rapport aux analyses météorologiques en surface de Google, fusionnant ainsi l’art et la science de la prévision.
Les conditions météorologiques constituent une variable importante non seulement pour les déplacements quotidiens, mais aussi pour de nombreuses sociétés partout dans le monde. Pelmorex crée de la valeur pour ces autres sociétés en faisant des rapprochements entre leurs résultats de vente et les données météorologiques historiques, les aidant ainsi à mieux se préparer en vue des 14 jours suivants et à prendre des décisions éclairées.
Malgré toute l’attention accordée à la protection des renseignements personnels, M. Sebastian craint que nous ne soyons pas suffisamment centrés sur la question de la sécurité. L’an dernier, les données à caractère personnel de trois Canadiens sur quatre ont été compromises. Nous sommes nombreux à ne pas comprendre comment sont utilisés nos renseignements personnels ou à quel point nous sommes vulnérables à des attaques.
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