Uber veut faire de Toronto une plaque tournante de la recherche mondiale sur les véhicules autonomes. General Motors croit que c'est chose faite.
Dans la banlieue torontoise de Markham, GM Canada a une équipe de 750 ingénieurs logiciels qui travaillent sur ce que l’entreprise appelle « le futur de la mobilité ». Elle a aussi le projet ambitieux d’ouvrir, dans l’est de la ville, un centre expérimental où les consommateurs pourront essayer des voitures autonomes, des vélos électriques et d’autres innovations sur roues.
Pour le géant de l’automobile, le pôle d’innovation de Toronto permettra d’aller à la rencontre des consommateurs et de mieux comprendre comment ils s’adaptent aux technologies automobiles inédites – et comment l’innovation peut contribuer à la vie des gens, à la sécurité routière et à la création d’un nouveau modèle d’affaires en matière de mobilité.
« Nous nous réinventons sur le plan de la mobilité, par opposition aux voitures, aux camions et aux véhicules multisegments », estime Steve Carlisle, président de GM Canada.
GM s’est lancée avec Uber, Alphabet, Tesla et d’autres entreprises du secteur automobile dans une course au développement de voitures autonomes sûres, fiables et à prix abordable. Plus tôt cette semaine, Uber Technologies a annoncé la création d’une nouvelle équipe de recherche dirigée par Raquel Urtasun, professeure à l’Université de Toronto, laquelle aura le mandat de « transformer le transport ».
Pour GM et Uber, Toronto a tout ce qu’il faut : d’excellentes universités, un riche écosystème d’entreprises en démarrage, cinq millions d’habitants, des embouteillages monstres et quatre saisons qui mettront à rude épreuve tous les instruments d’une voiture.
« Nous sommes gâtés côté mauvais temps, ajoute M. Carlisle, donc aussi bien en profiter et jouer un rôle à l’échelle mondiale. »
M. Carlisle était sur la scène du Roy Thomson Hall pour Les innovateurs RBC, une série de conférences mensuelles sur l’innovation et les grands bouleversements.
N’étant plus que l’ombre d’elle-même au sortir de la grande récession, GM s’est dotée de quatre grands axes d’innovation : les véhicules autonomes, les véhicules électriques, les véhicules connectés et les véhicules partagés.
M. Carlisle affirme que son entreprise entend se préoccuper des données et des kilomètres parcourus, au lieu de se concentrer uniquement sur les ventes de véhicules neufs.
« Nous devons penser à vendre non seulement des véhicules, mais aussi des kilomètres et des gigaoctets… L’idée est d’aller au-delà des parts de marchés et des ventes pour s’intéresser aux kilomètres parcourus et aux données utilisées. »
Il entrevoit un avenir où les voitures se vendront moins, mais seront plus utilisées grâce à l’autopartage ou aux services de commande de véhicules autonomes. La voiture moyenne est utilisée environ 4 % du temps.
Même si les ventes de véhicules sont appelées à diminuer pour GM, M. Carlisle pense que cette baisse sera compensée par les réparations et la vente de pièces, car la grande utilisation des véhicules en accélérera l’usure. Il y aura aussi de nouveaux modèles d’affaires, comme le paiement selon la distance.
L’entreprise a déjà son service de covoiturage, Maven, qui l’aide à mesurer à quel rythme les consommateurs sont prêts à changer leurs habitudes.
GM tire déjà des recettes de nouveaux modèles de données. Par exemple, elle propose aux utilisateurs du service OnStar des offres spéciales dans des restaurants et des boutiques situés près d’une autoroute, en partie en fonction de leurs habitudes de conduite. Elle touche normalement un pourcentage des ventes aux conducteurs, si ces derniers ont choisi de transmettre leurs données.
De nos jours, un véhicule peut compter jusqu’à deux millions de codes informatiques. Les véhicules de demain seront encore plus connectés qu’un véhicule spatial, ce qui permettra à GM de s’associer à une foule de fournisseurs de services désireux de rejoindre les clients dans leur voiture.
Même s’il faudra attendre quelques années avant de voir les premières voitures autonomes – et les changements qu’elles entraîneront dans nos villes –, M. Carlisle pense qu’elles arriveront plus vite que ne le pensent la plupart des gens.
Le plus gros obstacle vient du marché. Prenons les voitures électriques. Bien qu’elles soient sur le marché depuis plus de dix ans, elles ne représentent que 0,5 % des ventes totales. On risque d’observer la même réticence pour les voitures qui se conduisent toutes seules.
« Nous voulons tous réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais en même temps, nous sommes tous des consommateurs, explique-t-il. À quel moment décide-t-on de faire partie de la solution au lieu de préserver le statu quo ? »
Même si la voiture autonome gagne du terrain, M. Carlisle doute que l’amour que portent bon nombre de propriétaires à leur voiture ne s’éteigne. Ils seront nombreux à s’acheter une deuxième voiture pour le plaisir de conduire et à utiliser leur véhicule autonome ou partagé pour leurs déplacements courants. « Tout le monde aime conduire, fait-il remarquer. Personne n’aime les allers-retours quotidiens. »
John Stackhouse est un auteur à succès et l’un des grands spécialistes en matière d’innovation et de perturbations économiques au Canada. À titre de premier vice-président, Bureau du chef de la direction, il dirige la recherche et exerce un leadership avisé concernant les changements économiques, technologiques et sociaux. Auparavant, il a été rédacteur en chef du Globe and Mail et éditeur du cahier « Report on Business. » Il est agrégé supérieur de l’institut C.D. Howe et de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto, en plus de siéger aux conseils d’administration de l’Université Queen’s, de la Fondation Aga Khan Canada et de la Literary Review of Canada. Dans son dernier livre, « Planet Canada: How Our Expats Are Shaping the Future », il aborde la ressource inexploitée que représentent les millions de Canadiens qui ne vivent pas ici, mais qui exercent leur influence depuis l’étranger.
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