Point clé : Le secteur du tourisme au Canada n’est toujours pas revenu à son niveau prépandémique et souffre des incertitudes géopolitiques qui planent à l’échelle mondiale. Toutefois, l’amélioration de la conjoncture économique devrait favoriser sa reprise plus tard cette année et en 2025.
- Les résidents canadiens voyagent davantage qu’avant la pandémie, mais le nombre de touristes qui visitent le Canada demeure inférieur à ce qu’il était avant la pandémie, en partie en raison des perturbations du transport aérien en provenance de l’Asie causées par des facteurs géopolitiques.
- L’inflation galopante a aussi fait en sorte que les voyageurs déboursent plus pour obtenir moins. En 2023, la demande touristique au Canada (en dollars constants) était encore inférieure d’environ 10 % aux niveaux antérieurs à la pandémie.
- À moyen terme, les tendances générales de l’économie – notamment la baisse des taux d’intérêt, le ralentissement de l’inflation et l’augmentation rapide de la population – devraient favoriser la reprise de l’industrie canadienne du tourisme.
Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à s’aventurer plus loin
Il n’a pas fallu longtemps aux Canadiens pour qu’ils raniment leur passion du voyage après le début de la pandémie. La demande de tourisme intérieur s’est rapidement redressée en 2021 lorsque les restrictions ont commencé à s’assouplir. Vers la fin de 2022, lorsque la frontière avec les États-Unis a rouvert, les Canadiens ont fait davantage de voyages aux États-Unis. Enfin, à mesure que les préoccupations en matière de santé liées à la pandémie se dissipaient, les voyages outremer ont aussi recommencé progressivement avant de reprendre complètement en 2023.
Dans l’ensemble, les données de Statistique Canada indiquent que les Canadiens ont effectué 319 millions de voyages en 2023, soit 1 % de plus que le nombre de voyages effectués en moyenne au cours des années 2018 et 2019, avant la pandémie. Les voyages à l’étranger, à l’extérieur des États-Unis, ont augmenté le plus rapidement, passant de 30 % sous les niveaux d’avant la pandémie au début de 2023 à 5 % au-dessus de ceux-ci à la fin de l’année.
L’industrie du tourisme au Canada peine à récupérer complètement
Malgré la reprise vigoureuse des voyages chez les Canadiens, les dépenses touristiques réelles globales au Canada sont encore à la traîne. Cela s’explique en partie par l’inflation galopante des dernières années. Dans l’ensemble, le coût des dépenses pour faire du tourisme au Canada (hôtels, restaurants, billets d’avion, etc.) en 2023 était de 19 % supérieur à ce qu’il était en 2019, avant la pandémie. De plus, malgré le prix plus élevé de nombreuses activités, les touristes en obtiennent moins pour leur argent.
Un autre facteur expliquant le retard du tourisme canadien est le manque de demande étrangère. Au quatrième trimestre 2023, le nombre de voyages d’étrangers vers le Canada était encore assez faible – 12 % de moins qu’avant la pandémie. La demande est particulièrement faible du côté des visiteurs d’Asie de l’Est. Les dépenses de voyageurs en provenance de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud à la fin de 2023 étaient toujours inférieures de 30 % à 50 % à ce qu’elles étaient à la fin de 2019. Cela dit, l’augmentation des dépenses des visiteurs d’autres pays, dont l’Inde, le Mexique et les États-Unis, a largement compensé ce manque à gagner.
Les tendances économiques soutiendront la demande de voyages au Canada
La lenteur du retour des voyageurs étrangers au Canada s’explique en partie par l’aggravation des tensions géopolitiques mondiales. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a, par exemple, gravement perturbé les trajectoires de vol normales entre le Canada et l’Asie de l’Est. La hausse de la durée et des coûts des déplacements aériens a entraîné une baisse de la demande pour les trajets empruntant ces itinéraires. Le nombre de voyageurs internationaux au Canada restera probablement limité dans un avenir prévisible, car rien n’indique que ces conflits et ces perturbations se résoudront bientôt.
Cependant, il y a encore lieu d’être optimiste. La demande intérieure se taille la part du lion dans les dépenses touristiques canadiennes. C’était déjà le cas dans les années précédant la pandémie. Les dépenses des Canadiens en tourisme au Canada se sont rapidement redressées en 2021, mais sont restées à la traîne depuis. Cela s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt depuis le printemps 2022, qui a entraîné une augmentation des coûts du service de la dette pour les ménages canadiens, réduisant ainsi les dépenses réelles en biens et services par habitant, y compris les voyages.
Toutefois, le ralentissement de la demande a également eu des effets bénéfiques sur l’inflation. La majeure partie de la hausse de 19 % de l’indice des prix à la consommation (IPC) touristique entre 2019 et 2023 a été concentrée en 2022, où les prix ont augmenté de 12 %. La croissance de l’IPC touristique s’est ralentie pour atteindre 4 % en 2023 et pourrait même ralentir encore cette année, les prix de la location de voitures et des billets d’avion ayant baissé par rapport à l’année dernière. L’atténuation générale des tensions inflationnistes a également permis à la Banque du Canada de procéder à une première baisse des taux d’intérêt en juin, et nous prévoyons que d’autres suivront au cours des prochains trimestres pour amener le taux du financement à un jour à 4 % (un taux toujours restrictif) d’ici la fin de l’année.
Alors que ces tendances cycliques se poursuivent, l’économie a connu d’autres changements structurels qui auront également un impact sur la demande touristique. Les niveaux records de croissance démographique — la population du Canada a augmenté de 9 % entre 2019 et 2023 — devraient donner un solide coup de pouce à la demande de voyages, à mesure que les nouveaux arrivants s’installent et commencent à explorer leur province d’accueil, entre autres. Cette situation, associée à la baisse des taux d’intérêt et au ralentissement de l’inflation, devrait permettre aux conditions macroéconomiques générales de favoriser la poursuite de la reprise du tourisme canadien cette année et les suivantes, en dépit d’un déficit de la demande étrangère.
Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, à l’emploi et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
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