Point clé : Les secteurs à bas salaires au Canada, qui comptent davantage de jeunes travailleurs, ont été touchés de manière disproportionnée par la récente diminution de la demande de main-d’œuvre, tandis que les secteurs où les salaires sont plus élevés sont sortis manifestement gagnants d’un marché de l’emploi redéfini par la pandémie.

L’un des aspects positifs du marché du travail canadien après les confinements liés à la pandémie a été la forte demande d’employés des services professionnels, scientifiques et techniques. De nombreux travailleurs bien formés et probablement sous-exploités du secteur de l’hébergement ont ainsi pu accéder à des emplois mieux rémunérés.

Les emplois dans le secteur des services professionnels s’accompagnent d’une rémunération dépassant de plus d’un tiers la moyenne canadienne et sont plus susceptibles d’être exercés à distance. Ces emplois se trouvent dans des secteurs comme les services juridiques, la comptabilité, l’ingénierie, la conception, la publicité, et la recherche et le développement scientifiques.

L’embauche dans le secteur de l’hébergement a nettement tiré de l’arrière, car il n’y avait tout simplement pas assez de travailleurs disponibles pour pourvoir les postes. La forte hausse de la demande dans les secteurs où les salaires sont plus élevés a eu pour effet de réduire le nombre de travailleurs disponibles pour les emplois moins bien rémunérés.

Cependant, la toile de fond a changé. Les secteurs à bas salaires, tels que l’hébergement et la restauration, sont encore en deçà des secteurs à haut salaire. Cet écart ne s’explique pas par une pénurie de main-d’œuvre, mais par la baisse prononcée de la demande de travailleurs.

La faiblesse des dépenses de consommation entraîne des pertes d’emplois dans les secteurs connexes

Au cours des deux dernières années, la hausse des taux d’intérêt a considérablement réduit le pouvoir d’achat des ménages et fait diminuer la demande des consommateurs. D’après nos estimations, les dépenses réelles dans le commerce de détail, les restaurants et les bars se sont contractées d’environ 2 % (respectivement) par personne et par an au cours des deux dernières années.

L’embauche dans les sociétés a donc considérablement ralenti et les offres d’emploi sont tombées en dessous des niveaux d’avant la pandémie. Les secteurs du commerce de détail, de l’hébergement et de la restauration ont perdu plus de 100 000 emplois depuis l’été 2023. Par conséquent, l’emploi dans ces secteurs en octobre était inférieur de 6 % aux niveaux d’avant la pandémie.

Dans le même temps, l’emploi dans les services professionnels, scientifiques et techniques a continué de croître : il est maintenant supérieur de 23 % au niveau du début de 2020.

Le repli plus important de l’emploi dans les secteurs du commerce de détail, de l’hébergement et de la restauration signifie qu’une grande partie du ralentissement du marché du travail a touché des travailleurs qui ont tendance à gagner des salaires moindres et sont souvent jeunes.

Les travailleurs les plus jeunes sont les plus touchés

Selon nos estimations, environ 30 % des travailleurs du commerce de détail et 40 % des travailleurs du secteur de l’hébergement et de la restauration sont âgés de 15 à 24 ans. Ces secteurs représentent la part la plus élevée de l’emploi des jeunes, soit un pourcentage nettement supérieur à 13 % pour l’ensemble des secteurs.

C’est pourquoi une part disproportionnée du taux de chômage au Canada, qui constitue près de 40 % de l’augmentation de ce dernier depuis le creux postérieur à la pandémie, est attribuable à des travailleurs âgés de 15 à 24 ans. L’un des principaux facteurs de cette situation est l’incapacité des jeunes diplômés à trouver du travail.

Heureusement pour eux, la Banque du Canada a entamé un cycle de réduction des taux d’intérêt. Nous estimons que, dans l’ensemble, la demande des consommateurs commencera à s’améliorer. Malheureusement, la politique monétaire a un effet à retardement. Cela signifie que la reprise de la demande de travailleurs se fera lentement. À court terme, il faudra peut-être encore plus de temps aux jeunes pour trouver un équilibre sur le marché du travail.


Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, à l’emploi et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.

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