Point clé : On n’a jamais autant construit de logements locatifs en une génération au Canada. Vu l’offre anémique observée partout au pays, c’est encourageant, mais il faut ouvrir encore plus de chantiers, car la demande va continuer de grimper au cours des prochaines années.

  • En 2022 et en 2023, il y a eu plus de 80 000 mises en chantier par an, soit près du double de la moyenne enregistrée avant la pandémie (de 2015 à 2019).
  • Malgré des taux d’intérêt élevés, l’accélération de la demande de logements et une série de mesures gouvernementales ont soutenu l’activité dans le secteur de la construction.
  • Selon toutes probabilités, la demande demeurera toutefois élevée, car les nouvelles unités d’habitation trouveront vite preneurs.

Il y a indéniablement une crise du logement au Canada, mais la construction d’habitations n’en va pas moins bon train. En 2023, 240 000 unités ont été mises en chantier, ce qui aurait constitué un record en 36 ans sans le pic éphémère observé plus tôt pendant la pandémie.

L’année 2024 va également être très active. Par rapport à 2023, on compte déjà 11 % de mises en chantier de plus. La tendance devrait se renforcer, puisque des baisses de taux d’intérêt supplémentaires sont en vue.

Seulement, l’élan n’est pas le même dans tous les secteurs. Les logements locatifs constituent l’essentiel de l’activité – le nombre de projets a presque doublé en six ans. Du côté des maisons individuelles, par contre, les mises en chantier ne représentent que 75 % du niveau d’activité observé en 2017.

Des projets stimulés par la croissance de la demande et l’intervention de l’État

Avec 80 000 nouvelles unités en construction chaque année, les mises en chantier de logements locatifs ont atteint en 2022 et 2023 leur plus haut niveau en plusieurs décennies. Ce seuil risque d’être dépassé en 2024 : malgré l’inflation persistante et la pénurie de main-d’œuvre, les constructeurs ont le vent en poupe, grâce à la hausse en flèche de la demande et aux mesures gouvernementales.

Au chapitre de la demande, la croissance démographique et le coût d’achat des maisons expliquent la popularité grandissante des logements à louer. D’après le dernier recensement, la proportion de Canadiens propriétaires aurait baissé de 2,5 points de pourcentage, après avoir atteint un sommet (69 %) en 2011.

Cependant, les logements locatifs, de plus en plus recherchés, deviennent à leur tour moins abordables. Le marché étant particulièrement déséquilibré, la pression sur les loyers en a entraîné une hausse annuelle record en 2023 (+8 %), bien plus forte que l’inflation (+3,9 %) et la hausse des salaires (+2,8 %).

La pénurie de logements et la hausse des loyers n’ont pas échappé aux constructeurs et aux décideurs politiques. Les gouvernements ont prévu de multiples changements des règles et des mesures incitatives en faveur de la densification urbaine et de la construction de logements locatifs.

Depuis 2017, tous les ordres de gouvernement canadiens ont fait en sorte d’accroître le nombre de logements à louer. Le gouvernement fédéral a lancé sa Stratégie nationale sur le logement et, plus récemment, le Plan du Canada sur le logement. Tous deux comprennent des programmes visant à stimuler la construction d’immeubles locatifs. L’Ontario et la Colombie-Britannique ont pris des mesures similaires.

Sur le plan municipal, Vancouver et Toronto augmentent peu à peu le nombre de logements sociaux offerts sur leur territoire. Elles ont aussi assoupli les règles de zonage et les exigences entourant les places de stationnement ou la surface utile des habitations, en plus de moduler les taxes locales d’équipement en faveur de la construction de logements locatifs.

La forte demande et les mesures gouvernementales ont contribué à la hausse des mises en chantier de logements à louer. La plupart des autres types de projets sont au point mort. On peut s’attendre à ce que cette conjoncture se maintienne, compte tenu des mesures prévues dans la dernière mouture du Plan du Canada sur le logement.

Il en faudra davantage pour rétablir l’équilibre

Le déficit en logements locatifs est énorme. L’année dernière, le taux d’inoccupation de ce type d’habitation a atteint un plancher historique (1,5 %) à l’échelle nationale. Dans la plupart des régions métropolitaines de recensement (RMR), il est bien inférieur au point d’équilibre (3 %).

De 2017 à 2023, la demande de logements locatifs a cru plus de trois fois plus vite que le nombre de logements existants construits expressément pour la location. Les autres types d’unités locatives (appartements en copropriété ou accessoires) ont permis de combler en partie le déficit, mais eux aussi deviennent rares. Le taux d’inoccupation des condos est même inférieur à celui des appartements construits expressément pour la location – l’an dernier, la moyenne nationale a chuté à 0,9 %.

L’augmentation des mises en chantier de logements locatifs est encourageante. Avec le temps, elle devrait contribuer à rééquilibrer le marché. Encore faudra-t-il proposer des unités que les Canadiens aient les moyens de louer dans les régions concernées. Qu’il s’agisse des coûts de développement et de construction ou des règles de zonage, qui doivent encore s’assouplir, des obstacles de taille limitent encore la croissance de l’offre de logements abordables.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.

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