« Ils ont découvert une nouvelle espèce de papillon, le Colias boothii siaja, nommé ainsi en l’honneur de la jeune fille qui l’a capturé », explique Amélie Grégoire Taillefer, Ph. D., entomologiste et coordonnatrice du programme Les sentinelles du Nunavik. Cette remarquable réalisation scientifique n’a pas été faite par des chercheurs chevronnés, mais par Siaja Parceaud-May, une jeune Inuite de Kuujjuaq, dans les paysages nordiques du Québec. Comme beaucoup d’autres, elle est aux premières loges des changements climatiques et participe à la transformation des sciences du climat, un insecte à la fois.

Les conversations sur les changements climatiques et la protection de la biodiversité prennent de l’ampleur à l’échelle nationale, mais on oublie souvent de parler de certains des plus petits animaux de la nature, les insectes. Ils font pourtant partie des éléments les plus réactifs aux changements environnementaux. Leurs cycles de vie courts et leur sensibilité à la profondeur de la neige, à la température et aux changements de saison en font d’excellents indicateurs de ce qui se passe sur le territoire.

On a longtemps su peu de choses sur les populations d’insectes du Nord du Canada, surtout au‑delà du 52e parallèle. La situation est cependant en train de changer, grâce au nombre croissant de jeunes Cris et Inuits qui combinent leurs connaissances traditionnelles aux sciences occidentales pour mener des recherches entomologiques sur leurs terres natales.

Lancé en 2014, le programme de recherche et d’éducation Les sentinelles du Nunavik est une initiative novatrice qui invite les jeunes du Nunavik, d’Eeyou Istchee (Québec) et du Nunatsiavut (Terre-Neuve-et-Labrador) à découvrir l’entomologie (l’étude des insectes) dans le cadre d’un apprentissage pratique et fondé sur la culture. Le programme vise avant tout à permettre aux jeunes de devenir des observateurs et des protecteurs de la biodiversité de leur territoire, et d’apprendre à communiquer leur savoir.

« L’objectif de ce programme est vraiment d’accompagner, de responsabiliser et de mettre en contact les jeunes dans la découverte et la protection de la biodiversité de leurs territoires ancestraux », explique Mme Grégoire Taillefer. Lancé par Maxim Larrivée, directeur de l’Insectarium de Montréal – Espace pour la vie et Elise Rioux-Paquette de l’Administration régionale Kativik, le programme combine éducation sur le terrain, recherche scientifique et collaboration communautaire.

Chaque année, le programme organise des activités éducatives dans des écoles et des camps en plein air, qui permettent aux jeunes Autochtones de 12 à 30 ans de découvrir le merveilleux monde des insectes. Ils apprennent l’identification, les techniques de collecte, la morphologie des espèces et le rôle écologique important que jouent les différentes espèces. Jusqu’à présent, plus de 1 000 jeunes ont participé à ces activités.

Un groupe de campeurs et de chercheurs au Parc national Kuururjuaq, Québec, 2018  Un groupe de campeurs et de chercheurs au Parc national Kuururjuaq, Québec, 2018

La force du programme Les sentinelles du Nunavik repose sur une intégration profonde du savoir traditionnel autochtone. « Les Aînés et les gardiens transmettent leurs connaissances aux jeunes au moyen de récits et de techniques qu’ils utilisent sur leurs terres. Ils expliquent ce qu’ils savent des insectes et les changements qu’ils ont observés au fil des ans », explique Mme Grégoire Taillefer.

Dans de nombreuses communautés autochtones du Nord, les occasions d’emploi pour les jeunes dans le domaine des sciences sont limitées. Le programme Les sentinelles du Nunavik comble cette lacune en proposant des emplois d’été rémunérés aux jeunes formés pour surveiller les populations d’insectes dans leur région d’origine. On appelle ces jeunes chercheurs « sentinelles », un nom qui décrit bien leur rôle de gardiens vigilants de leur environnement. Depuis la création du programme, 34 jeunes ont été embauchés comme sentinelles dans 10 communautés du Nord. Beaucoup d’entre eux sont devenus mentors et quelques-uns s’apprêtent à devenir chercheurs.

Les données recueillies par les jeunes jouent un rôle essentiel dans la surveillance d’un vaste territoire qui évolue rapidement. Elles permettent d’anticiper les changements environnementaux, de s’y préparer et de s’y adapter. Ces données sont analysées par l’Insectarium de Montréal puis retournées aux communautés, qui pourront les utiliser.

« Plusieurs nouvelles espèces d’insectes ont été découvertes ou recensées, comme des papillons et des coccinelles. Rien de cela n’aurait été possible sans les jeunes, souligne Mme Grégoire Taillefer. Ce programme leur permet de devenir des gardiens de la diversité entomologique de leur région, ce qui les prépare à affronter les effets des changements climatiques. »

La revitalisation de la langue fait également partie intégrante du programme. Dans la mesure du possible, les documents de formation sont proposés en cri ou en inuktitut pour renforcer l’identité culturelle et approfondir les liens avec le territoire.

Une aînée au camp Imalirijiit 2024 consultant le matériel pédagogique sur la flore et la faune locales Une aînée au camp Imalirijiit 2024 consultant le matériel pédagogique sur la flore et la faune locales

En plus d’offrir sa programmation officielle, le programme s’associe à des organisations et des instituts de recherche autochtones, comme le Centre d’accueil et d’interprétation du parc national des Pingualuit à Kangiqsujuaq, le centre de ressources et de recherche de Chisasibi Eeyou, et le programme Imalirijiit dans les parcs de Kangiqsualujjuaq et du Nunavik, créant ainsi une base solide de collaboration et une vision partagée.

Pour RBC, l’appui du programme Les sentinelles du Nunavik allait de soi. “Toutes les valeurs de RBC y sont réunies », souligne Mario Di Bernardo, vice-président régional. « Nous soutenons à la fois les jeunes Autochtones, la biodiversité, le climat et l’éducation. »

RBC est fière de continuer à appuyer ce programme. Elle s’est engagée à verser 750 000 $ au cours des prochaines années pour soutenir sa croissance, ce qui témoigne de son importance pour toutes les parties concernées. Comme le souligne M. Di Bernardo, « le programme est en pleine croissance ; il est maintenant offert dans trois communautés et ce n’est que le début. Cette initiative ne se limite pas à la science. Elle donne aux jeunes les outils nécessaires pour façonner l’avenir de leurs communautés. »

Selon Mme Grégoire Taillefer, le programme permet aux jeunes d’accomplir plusieurs choses : « Ils acquièrent de nouvelles connaissances scientifiques et aptitudes professionnelles, tout en développant une meilleure appréciation des petites bêtes qui mènent le monde, explique‑t-elle. Ils apprennent aussi qu’on ne peut pas vivre sans insectes. »

En cette ère d’incertitude et d’intensification des effets des changements climatiques, en particulier dans les régions nordiques et éloignées, les sentinelles du Nunavik ne se contentent pas d’observer ces changements, elles montrent la voie et répondent aux besoins des communautés et des scientifiques.

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