- La dernière mise à jour sur le Règlement sur l’électricité propre (REP) du gouvernement fédéral démontre qu’il assouplit sa position sur la réduction drastique des émissions des centrales électriques alimentées au gaz naturel d’ici 2035.
- Le gouvernement fédéral montre qu’il est réceptif aux préoccupations des provinces et des services publics quant à leur capacité à atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 2035.
- Nous estimons que cela représente une victoire majeure pour l’Ontario, et cette position donne également à l’Alberta et à la Saskatchewan plus de latitude dans la façon dont elles gèrent leur transition vers des sources plus propres.
- Les changements proposés ne devraient pas compromettre l’objectif de carboneutralité à l’horizon 2035 fixé pour le secteur de l’électricité si les dispositions relatives aux crédits compensatoires sont incluses.
- Des difficultés surgiront dans les menus détails, car le livre blanc ne fournit aucune information sur ce à quoi ressemblera le règlement une fois qu’il aura été arrêté de manière définitive.
- En ce qui concerne les prochaines étapes, les commentaires sur les modifications potentielles du REP doivent être soumis d’ici le 15 mars et on s’attend à ce que la version finale du REP soit publiée d’ici l’été.
Depuis sa publication en août 2023, le projet de Règlement sur l’électricité propre d’Ottawa a suscité d’importants débats parmi les provinces. Diverses parties prenantes, dont les provinces, l’industrie et les services publics, ont fait part de leurs inquiétudes quant à la stricte approche retenue dans le projet à l’égard de l’élimination progressive du gaz naturel du réseau. La plupart des provinces craignent qu’il soit difficile d’atteindre, à l’échelle nationale, l’objectif fédéral d’un réseau électrique carboneutre d’ici 2035, tout en préservant la fiabilité et en garantissant l’accessibilité financière du système. L’Alberta et la Saskatchewan qui délaissent actuellement progressivement le charbon au profit de sources moins émettrices comme le gaz naturel ont réagi particulièrement vivement.
Le gouvernement fédéral a répondu vendredi dernier en publiant un document intitulé « Mise à jour publique : Ce que nous avons entendu lors des consultations et les orientations envisagées pour le règlement final ». La publication de ce document survient plusieurs mois après la clôture de la période de consultation sur le projet de REP.
Les commentaires reçus par le gouvernement fédéral dans le cadre de la consultation ont soulevé des préoccupations en ce qui concerne l’efficacité de la capture et de la séquestration du carbone, le fonctionnement potentiel de groupes inefficaces, le peu de temps alloué pour la fin de vie réglementaire, les défis pour les installations de cogénération existantes, les dispositions relatives aux crédits compensatoires de gaz à effet de serre (GES), et un examen a posteriori des exemptions d’urgence. Ces préoccupations pourraient avoir une incidence sur les groupes en cours de développement et sur la façon dont les groupes existants sont exploités.
Dans la mise à jour de la semaine dernière, le gouvernement fédéral a proposé des changements majeurs à son projet en vue de réduire les émissions de carbone du secteur électrique canadien d’ici 2035. Les nouvelles options de conception témoignent d’un plus grand pragmatisme dans l’approche du gouvernement fédéral, indiquant en cela qu’il adoucit sa position à l’égard de la réduction drastique des émissions des centrales électriques au gaz d’ici 2035.
Que retrouve-t-on dans la mise à jour ?
Les options de conception actualisées associées au règlement offriraient aux opérateurs de réseaux électriques plus de flexibilité pour continuer à exploiter leurs centrales électriques au gaz naturel au-delà de 2035. À ce titre, on prévoit notamment la fixation de limites d’émission annuelles plutôt que de normes de performance, permettant ainsi aux centrales de fonctionner plus longtemps sans contraintes et l’autorisation de l’achat de crédits compensatoires dans les situations où les émissions provenant de la production de gaz naturel dépassent ces limites.
Les améliorations touchant le règlement actuellement envisagées constituent une victoire importante pour les provinces qui devront toujours compter sur la production de gaz naturel au-delà de 2035. Les exploitants de réseaux électriques provinciaux pourront ainsi continuer à fournir une électricité fiable et abordable tout en maintenant la capacité du Canada à atteindre son objectif en matière de réduction des émissions.
Flexibilité pour les provinces
Le gouvernement fédéral envisage plusieurs options pour offrir plus de flexibilité aux provinces, aux services publics et aux autres organismes de réglementation et fournisseurs d’électricité, tout en garantissant des réductions significatives des émissions. L’une de ces options consiste à délaisser l’approche axée sur une norme de performance, qui est une norme d’intensité d’émission fixe, au profit d’une limite d’émission possible. Cette limite serait adaptée à la capacité de chaque groupe, remplaçant ainsi l’approche actuelle fondée sur une « norme de performance ».
Cette nouvelle approche pourrait favoriser des améliorations d’efficacité et offrir de la flexibilité. Toutefois, elle supprimerait également l’approche relative aux « dispositions pour la production de pointe » qui était incluse dans le projet de REP.
Nous considérons cela comme une victoire majeure pour l’Ontario. Cela donne également à l’Alberta et à la Saskatchewan plus de latitude dans la façon dont elles gèrent leur transition vers des sources plus propres.
De plus, le règlement pourrait permettre à un groupe de dépasser sa limite annuelle d’émissions dans une mesure limitée, à condition qu’il remette des crédits compensatoires de GES pour les émissions excédentaires. Dans ce scénario, le gouvernement fédéral serait confronté à la nécessité d’assurer un approvisionnement fiable en crédits compensatoires de GES de haute qualité. De plus, il devrait établir des mécanismes de marché efficaces pour gérer la demande potentielle accrue en matière de crédits compensatoires au Canada.
Parmi les autres changements à l’étude figurent le prolongement de la « fin de vie réglementaire » au-delà du seuil proposé actuel de 20 ans et la possibilité pour les parties responsables, comme les services publics et les sociétés d’État, de combiner les limites d’émission de leurs multiples groupes existants dans la même juridiction.
Le traitement réglementaire de la cogénération est également à l’étude, et pourrait évoluer vers une limite d’émission. L’approche envisagée opérerait également une distinction entre les émissions provenant de l’électricité utilisée « dans les limites de l’installation » et les émissions associées à l’électricité fournie au réseau.
Le gouvernement fédéral prévoit continuer à collaborer avec les parties intéressées, notamment les provinces et les services publics, avant de finaliser le REP plus tard cette année. Ottawa a déclaré qu’une collaboration continue sera essentielle pour garantir que le règlement puisse permettre des réductions significatives des émissions tout en préservant la fiabilité et en garantissant l’accessibilité financière du système électrique. Les commentaires sur les modifications potentielles du REP doivent être soumis par les parties intéressées d’ici le 15 mars.
Keigan Buck est responsable principal, Politique énergétique, Institut d’action climatique RBC
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