Exception faite de l’énergie, le Canada a un déficit commercial avec les États-Unis. C’est le message principal qu’Ottawa a envoyé à Washington dans un document déposé en réponse à la demande de commentaires du représentant américain au Commerce, tandis qu’il évalue les pratiques « injustes » de leurs partenaires commerciaux.
Le président américain Donald Trump a dénoncé l’excédent commercial dont jouit le Canada contre les États-Unis, qu’il qualifie « essentiellement de subvention ». Toutefois, le document de huit pages d’Ottawa fait remarquer que l’excédent est principalement attribuable à la préférence des raffineurs américains pour les carburants canadiens abordables et fiables sur lesquels les Américains comptent pour alimenter l’économie américaine.
À l’exception de l’énergie, les États-Unis ont un excédent commercial des marchandises avec le Canada depuis 2007, qui s’est établi à 34,3 milliards de dollars en 2024. Parallèlement, l’excédent commercial des services des États-Unis par rapport au Canada s’est établi à 34,9 milliards de dollars.
Le document déposé prépare le terrain pour une réponse canadienne et tente d’anticiper plusieurs points délicats qui seront vraisemblablement soulevés lors de toute négociation future sur l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Voici quelques-uns des principaux thèmes et chiffres – et griefs – qui sont ressortis du document du Canada :
Nous sommes votre plus grand client : Le Canada achète plus de biens américains que la Chine, le Japon et l’Allemagne réunis. En 2024, le Canada a été la plus importante destination des exportations de 32 États américains et achète de nombreux produits finis de grande valeur, comme de l’équipement, des véhicules, des produits agricoles et une grande variété de biens de consommation. Quelque huit millions d’emplois aux États-Unis sont liés au commerce avec le Canada.
Le Canada partage les préoccupations des États-Unis au sujet des pratiques commerciales déloyales : Ottawa a imposé des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois et de 25 % sur les produits d’acier et d’aluminium chinois, en plus d’autres droits sur les minéraux critiques chinois, l’équipement renouvelable, etc. – tous ces droits du Canada s’alignent sur plusieurs mesures américaines visant à limiter les produits chinois. Ottawa surveille également les chaînes logistiques d’importation d’acier et a modifié sa Loi sur l’investissement Canada l’an dernier pour tenir compte des risques à la sécurité nationale et continentale.
Il est essentiel de noter que le Canada envisage d’autres mesures pour s’attaquer aux risques à la sécurité économique et aux chaînes logistiques du Canada et de l’Amérique du Nord, pour renforcer les mesures contre les minéraux critiques provenant de territoires qui soulèvent des préoccupations.
Tout aussi important, le Canada a souligné qu’il ne s’agit ni d’un risque de transbordement ni d’une porte dérobée vers le marché américain pour des pratiques commerciales qui pourraient nuire à la sécurité économique collective du continent.
Il ne devrait y avoir aucun différend concernant les produits laitiers : Les exportations américaines de produits laitiers vers le Canada ont grimpé à 1,14 milliard de dollars, comparativement à 728 millions de dollars à l’entrée en vigueur de l’AEUCM. Les États-Unis ont un excédent commercial des produits laitiers avec le Canada, qui a connu une croissance de 45 % depuis 2020. Monsieur Trump a déclaré que les droits de douane de 200 % imposés par le Canada sur les produits laitiers américains sont un « irritant pour le commerce », mais il a omis de dire qu’ils ne s’appliquent que si les contingents tarifaires convenus sur les importations de produits laitiers américains en vertu de l’AEUCM sont atteints ou dépassés. Les négociateurs américains étaient intéressés par l’accès au commerce de détail des produits laitiers pendant les négociations initiales sur l’AEUCM, ce qui pourrait de nouveau être soulevé pendant le processus de renégociation. C’est cependant le système des contingents qui est perçu comme un irritant pour le commerce, ce qui pourrait nécessiter certains compromis de la part du Canada.
La taxe canadienne sur les services numériques n’instaure aucune discrimination : La taxe ne vise pas uniquement les entreprises américaines, mais s’applique également aux entités canadiennes. L’automne dernier, le Canada a engagé un dialogue constructif et substantiel avec ses homologues américains du Commerce dans le cadre du processus de consultation sur le règlement des différends de l’AEUCM. La taxe sur les services numériques a toutefois été un irritant constamment soulevé par les entreprises et le gouvernement des États-Unis, et il est peu probable que cette lettre le règle.
Le point sur la TVA : Un important sujet de discorde soulevé par le président Trump a été la TPS du Canada – une taxe sur la consommation qu’il considère comme un droit de douane. Le mémoire canadien rétablit les faits – il ne s’agit pas d’un droit de douane et elle ne nuit pas indûment aux entreprises américaines.
Mise sur pied d’un forum trilatéral sur la réglementation financière : La première administration Trump avait proposé la création d’un forum Canada-Mexique-États-Unis sur la réglementation financière pour alimenter le dialogue sur l’évolution et la réglementation du secteur financier. Le forum n’a jamais vu le jour, mais le Canada a dit qu’il se réjouissait de l’occasion qui lui était donnée de lancer l’initiative.
Nous avons besoin l’un de l’autre au chapitre de l’acier et de l’aluminium : Le Canada a acheté 37 % des exportations d’acier des États-Unis, soit 5,5 milliards de dollars, et a toujours été une destination d’exportation de premier plan pour l’acier américain depuis les cinquante dernières années. Parallèlement, les fabricants américains qui se fient à l’acier canadien sont intégrés verticalement aux entreprises situées au nord de la frontière pour maintenir leur concurrentialité.
Le secteur américain est également très dépendant des rebus d’aluminium – et plus particulièrement des rebus d’aluminium brut dont le Canada est la principale source.
Le Canada a pris des mesures pour protéger les deux secteurs contre les pratiques commerciales déloyales en imposant des droits de douane sur les importations chinoises et en renforçant son mécanisme de recours commerciaux pour lutter contre le commerce déloyal et le contournement.
Le message global était qu’Ottawa demeure déterminé à promouvoir le commerce équitable et à contrer les pratiques commerciales déloyales et non réciproques d’autres pays afin d’assurer la concurrentialité et la sécurité de l’Amérique du Nord.
Le mémoire indique que la capacité du Canada à prendre des mesures pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales d’autres pays est toutefois limitée lorsqu’il est confronté à des mesures commerciales injustes et injustifiées de la part des États-Unis.
Ottawa a indiqué qu’il entend tirer parti de sa présidence du G7 cette année et insister sur la question des pratiques commerciales déloyales avec les pays adhérant aux mêmes idées. Plus près de chez nous dans Charlevoix, les ministres des Affaires étrangères du G7 qui s’y étaient réunis ont publié une déclaration mentionnant les politiques et pratiques non commerciales de la Chine qui entraînent une surcapacité préjudiciable et des distorsions du marché, mais plus circonspecte sur la situation des droits de la personne par rapport aux déclarations antérieures du G7.
Cette année, le G7 sera un forum important sur les questions du commerce, de la sécurité économique et de l’énergie. Le premier ministre Mark Carney invitera le président Zelensky, avec lequel le président Trump est en voie de signer un accord de cessez-le-feu qui pourrait conduire l’Ukraine à céder certains de ses minéraux critiques. Il est utile de rappeler que le Canada figure parmi les nombreux pays qui profitent des mesures de politique économique des États-Unis.
Lisez la réponse complète d’Ottawa ici (en anglais seulement).
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